je suis TT, et en plus j'ai terminé mon stage, donc il n'est plus question de nerdzage devant le PC à longueur de journée.
 
Je veux bien que tu fasses le compte des votes du sujet 4, je pense que tout le monde a voté.
 
Essayer de trouver de bonnes idées pour le sujet 6, on ouvrira les votes pour le 5 dès qu'on a terminé avec les votes du sujet 4.
 
Amusez-vous bien

Morpion Cosmique - Sujet 5
 
   Harvey était seul dans la pièce.  Dans sa détresse, il avait même l’impression d’être seul au monde. La gravité de l’acte qu’il s’apprêtait à commettre pesait sur ses épaules comme une chape de ciment. Ses jambes, comme mues d’une vie propre, tremblaient et faisaient s’entrechoquer ses genoux. L’homme s’efforça de reprendre le contrôle de ses membres inférieurs car il lui fallait impérativement atteindre la fenêtre. Cette fenêtre qu’ « on » lui avait désignée comme la plus sûre pour la réussite de sa mission ; cette fenêtre depuis laquelle il allait dispenser la mort. Presque instinctivement, il serra les mains sur son fusil. Le contact du métal dur et froid avait quelque chose de rassurant. Oui, c’est comme ça qu’il devait être : dur et froid.
 
   Le plancher craquait à chacun de ses pas alors qu’il s’avançait pesamment, le regard vide et le front en sueur.  On aurait dit un condamné à mort avançant vers son inévitable destin. La comparaison s’arrêtait là car, en ce jour funeste, Harvey avait endossé l’habit du bourreau. Une brise rafraîchissante s’engouffra dans la pièce via la fenêtre grande ouverte. L’homme frissonna légèrement lorsqu’elle caressa son corps en sueur. Cette sensation revigorante lui permit de chasser l’étrange torpeur qui avait progressivement envahi son esprit le privant peu à peu de sa lucidité.  Ayant retrouvé ses facultés il put entendre distinctement la clameur qui provenait de la rue cinq étages plus bas. Tel un automate, il prit position, épaula son arme et plaça son œil contre la lunette.
 
   Dehors, une foule bruyante et joyeuse s’était massée aux abords de Elm Street. Il y avait là des femmes et des hommes de tous âges, des enfants qui jouaient et courraient derrière les barrières de sécurité ou qui profitaient d’une vue imprenable, confortablement installés sur les épaules de leurs aînés. Toute cette multitude agitait de petits drapeaux aux couleurs de la bannière étoilée ou brandissaient des banderoles et des pancartes sur lesquelles on pouvait lire pour la plupart: WE LOVE OUR PRESIDENT.
 
   Lee Harvey fut pris d’un étrange malaise à l’idée que dans un instant et par sa faute, tous ces braves citoyens, ces patriotes, allaient être témoins de l’horreur. « Moi aussi j’aime mon pays ! » clama-t-il en son for intérieur afin de chasser cette pensée troublante. Il avait accepté cette mission par patriotisme et c’est pour la défense de la nation qu’il s’apprêtait à abattre un homme de sang froid. Que la cible ait été élue par le peuple ne comptait pas… ne devrait pas compter.
 
   Le tireur connaissait par coeur l’itinéraire du cortège présidentiel car « on » lui en avait fourni une description très détaillée. Arrivée à la hauteur de Dealy Plaza, la parade devait quitter Main Street pour s’engager à droite, puis à gauche, sur Elm Street. Juste après un entrepôt de livres scolaires situé au n°411, les limousines devaient normalement s’engager sous le pont ferroviaire pour prendre l'autoroute de Stemmons, qui conduit au centre commercial. Normalement… car la main armée du destin avait pris ses quartiers au cinquième étage de cet entrepôt et attendait son heure pour frapper.
 
   La foule se mit à pousser des vivats et à applaudir avec enthousiasme, signe que le convoi présidentiel était tout proche.  Lee Harvey resta immobile afin de ne pas gâcher un angle de tir idéal et préféra attendre que la cible entre dans son champ de vision. A peine quelques secondes plus tard, la Lincoln noire tant attendue arrivait à hauteur de l’entrepôt, escortée d’une escouade de policiers à moto. Grâce à la lunette de son fusil, le tireur pouvait détailler le visage de chacun des quatre occupants de la voiture présidentielle. Il ne s’attarda pas sur le chauffeur et passa directement à l’élégante dame qui avait pris place derrière lui. La first lady était rayonnante comme à son habitude. Sa bonté naturelle transparaissait dans chaque sourire, dans chaque signe qu’elle adressait à une foule sous le charme. A ses côtés son époux répondait aux sollicitations du public par des gestes de salut chaleureux et faisait preuve d’un tel enthousiasme qu’on eut dit son tout premier bain de foule.  
 
   Lee Harvey retint son souffle. Même le temps semblait s’être arrêté. La cible à abattre était là, assise juste devant le président. Inconscient du danger qui planait sur lui, le gouverneur Connally distribuait de larges sourires à ses administrés qui étaient venus en masse témoigner leur attachement au séduisant couple présidentiel. Voilà donc le traître qui s’était vendu à l’ennemi communiste. Le félon avait profité de ses entrées au Pentagone et de ses nombreux contacts dans la communauté du renseignement pour acquérir des informations sensibles et les communiquer aux adversaires du monde libre. Lorsqu’ « on » l’avait contacté et qu’ « on » avait étalé devant lui les preuves de la trahison, Lee Harvey n’avait entretenu aucun doute quant à la culpabilité du gouverneur ou quant au châtiment qu’il méritait. L’homme n’en revenait toujours pas d’avoir été choisi pour éliminer cet espion malfaisant mais s’était juré de mener à bien cette mission.
 
   Le tireur se sentit soudain envahi par la panique car il réalisait que Connally se trouvait bien trop près du président. S’il tirait, il risquait d’atteindre ce dernier ou même son épouse. Son doigt trembla sur la gâchette. Cette seconde d’hésitation fut fatale à la mission. La Lincoln s’était éloignée et la cible était à présent en partie masquée par la first lady. Lee Harvey expira bruyamment et souffla pour relâcher la pression. Curieusement il se sentait soulagé de ne pas avoir tiré. Il n’aurait qu’à expliquer qu’il n’avait pas voulu risquer la vie du président et « on » ne pourrait qu’approuver son attitude.
 
   Il s’apprêtait à ranger son arme lorsque soudain retentit un coup de feu provoquant dans la foule une panique indescriptible. Incrédule, il se saisit à nouveau de son fusil et utilisa la lunette pour tenter de voir ce qui se passait. Au même moment deux autres coups de feu très rapprochés se firent entendre. Le sang d’Harvey se glaça d’effroi lorsque son regard trouva la Lincoln. Le corps du président gisait inanimé et ensanglanté à l’arrière de la limousine alors que la first lady tentait désespérément de porter secours à son mari visiblement touché à la tête. Les gens, s’abandonnant à l’hystérie collective, pleuraient, hurlaient et courraient en tout sens. Les policiers durent user de toute leur fermeté pour parvenir à ouvrir un passage dans lequel s’engouffra la Lincoln emmenant au loin le président mortellement touché.
 
   Lee Harvey tentait vainement de contrôler ses émotions et de faire le point de la situation. Quelqu’un avait tiré sur le président ! Tous ses sens étaient en alerte et son instinct l’avertissait d’un danger imminent. Effectivement une douzaine d’agents de sécurité et de policiers convergeaient rapidement vers l’entrepôt. « Pourquoi viennent-ils par ici ? » se demanda Lee Harvey sachant pertinemment que les coups de feu n’avaient pas été tirés depuis sa position.
 
   Il comprit alors avec une effroyable lucidité. Il comprit que Connally n’avait jamais été la cible. Depuis le début c’était le président qui était visé. Il comprit pourquoi « on » avait confié cette mission à un simple opérateur radar de l’armée de l’air alors qu’un tireur d’élite aurait été plus indiqué. Ses qualités de tireur importaient peu puisqu’il n’était là que pour jouer un rôle. Et quel rôle ! Celui de coupable, de pigeon, de bouc émissaire. Il réalisa aussi qu’il en savait beaucoup trop pour qu’on le laisse en vie. Déjà des bruits de pas résonnaient dans l’escalier. Dans un instant la frêle porte de la pièce volerait en éclat. Par le passé Lee Harvey Oswald s’était souvent demandé où et quand viendrait sa dernière heure. A présent il savait : Dallas 22 novembre 1963.