Ce film avait soulever une polémique du temps de sa sortie, sur feu Bla². Elle était d'ailleurs soutenue, en plongeant dans mes souvenirs je crois me rappeler d'une opposition "Cai nul cai mou pas de scenar pas de rythme vive Matrix qui rulez tout" contre "Tas rien compris c pour ceux qui ont un cerveau retourne a tes blockbusters made in us spice de lamerz".... bref un niveau élévé de dialectique Bla²ienne, réunissant autour de ce film les plus grands philosophes-forumeurs de leur temps.
Je n'avais pas vu ce film au cinéma, j'ai acheté le DVD directement (grande confiance en Mamoru Oshii le réalisateur de Ghost in the Shell, adaptation animée du manga de science-fiction culte de Masamune Shirow) et je l'ai regardé @home, tout seul, sur une TV de taille correct, 16/9, et chaine hifi ON.
Je précise que je suis un peu nerdz-roliste, familier de la saga arthurienne, de Tolkien (surtout), et des jeux de rôle massivement online. Vu le thème du film je tiens à le préciser.
Pour la première fois de ma vie ou presque, le simple fait de regarder ce film m'a fait ressentir quelque chose de fort.
J'avais adoré Blade Runner et Matrix, j'avais été ému devant le Tombeau des Lucioles, mais là j'ai découvert l'esthétique d'un film. Un peu comme une scène de combat aux flingues signée John Woo, dans The Killer ou A toute Epreuve : on en redemande car c'est simplement beau (pour ceux qui ne connaissent pas John Woo mais Matrix, la scène de l'entrée dans l'immeuble de Neo et Trinity pour libérer Morpheus est librement et largement inspiré (je ne dirai pas plagier car c'est une forme d'hommage) sur les scènes de John Woo : c'est minuté, chorégraphié, filmé avec un angle parfait, rythmé et orchestré
Ce film possede une dimension contemplative forte. On voit l'être humain, le béton gris, on regarde, on écoute.
Si vous aimez uniquement l'action, si vous êtez trop habitué au rythme des films USA, si votre partie préféré d'Evangelion c'est le début et pas les épisodes 25 et 26, cela va être dur.
Personnellement je suis un spécialiste de la contemplation des bonsaïs
donc j'apprécie assez ce que certains (trop) dénoncent dans les films nonUS : les soi-disant "longueurs". Mais bordel, on est au cinéma pour apprécier, pour s'immerger, pour ressentir.... marre des gens qui ont besoin d'actions toutes les 10mins maximum (bon j'arrête les coups de gueule).
Pour le questionnement dit "philosophique", la question de la réalité physique (perception ou vérité ?) est un classique de la SF, traité ici différement vis à vis de Matrix ou Existenz.
On retrouve en thématique commune la question du choix : faut-il préférer une "fausse réalité" illusoire ou privilégier à tout prix la réalité (celle qui dépasse la fiction comme dirait l'autre)
Mais ici la question est : ne sommes-nous pas en train de rêver béatement dans le monde physique, pendant que nos esprits passent des niveaux dans Avalon, jusqu'à atteindre le dernier niveau, le niveau dit "Classe réelle", où les joueurs deviennent PNJ (personnages non joueurs) et vivent alors (croient vivre) une vie paisible ?
On peut aussi parler du travail sur les rapports humains dans un pays qui n'est qu'une caricature d'un univers post-apocalyptique, rappelant l'Europe de l'Est sous Staline, évoquant surtout 1984 de Orwell (vous savez, Big Brother).
Parmi les vivants : ceux qui restent fixes, des êtres vides, et ceux qui bougent. Paradoxalement ce sont eux qui participent à recréer la guerre dans le monde virtuel, et l'héroine (et d'autres) ne vivent plus dans la vraie vie, ils ne pensent qu'au jeu, au point de ne plus s'alimenter.
Enfin on peut chercher le parallèle avec Arthur et l'île d'Avalon, mais c'est à mon avis juste un nom qui évoque ce lieu où, ayant trouvé le repos et la quiétude, le guerrier oublie sa vie passé (cf joueur de la "Classe Réelle" ?)
Et pour conclure, même si on n'aime pas ce genre de film, je crois que rien que le fait de regarder une telle oeuvre esthétique, c'est déjà quelque chose.
Par les filtres utilisés magistralement pour l'effet sépia noir&blanc (laissant la nourriture-symbole du vivant- et la Classe Réelle coloréés), et par la bande originale de Kenji Kawai (déjà auteur de celle de Ghost in the Shell), absolument envoutante, parfaitement formatée au film, on apprécie ce qu'on voit et entend
D'ailleurs ce film est quelque chose qu'on (enfin disons je) ressent avant le reste, avant la compréhension. On sent avant de penser.
Désolé d'étaler mon avis ainsi (rarement autant écrit moi), mais j'avais envie et pis c'est tout
Anecdotes :
j'ai bien aimé retrouvé le concept de Ghost cher à Oshii, et le chien (tout aussi cher à Oshii
)
Jamais entendu une telle Bande Originale, grand moment d'émotion durant le générique, le générique finale, et la scène "presque" finale de l'opéra.
EDIT : vu en VO (polonais) ST FR, cette superbe mais néanmoins froide langue rajoute encore à l'ambiance
Message édité par Xavier_OM le 16-08-2004 à 10:37:20
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Il y a autant d'atomes d'oxygène dans une molécule d'eau que d'étoiles dans le système solaire.