Siita a écrit :
Nessica était assise sur le bord de son lit et contemplait d'un air mélancolique le portrait d'un jeune homme en uniforme au visage souriant et resplendissant de joie. C'était son frère, Gareth. Le petit portrait avait été fait juste avant qu'il ne parte au Brésil changé de sexe. Six ans auparavant, le jeune homme était parti avec l'espoir de revenir un jour assumant son côté féminin mais c'est avec la mort qu'il avait eu rendez-vous.
Seulement deux semaines après qu'il soit parti, on était venu annoncer à ses parents que leur cher fils avait été écrasé par le bus de ligne 42 alors qu'il sortait de la Gare du Nord..
Après ce jour, rien n'avait plus été pareil pour Nessica et ses parents. Et voilà que six ans après cette tragédie, la jeune fille venait leur annoncer qu'elle voulait elle aussi changer de sexe. Elle voulait integrer la revue de Michou et s'appeler "le Grand Marcel". A cette pensée, elle eut un petit sourire d'amusement. L'expression de ses parents avait été tellement comique que la jeune fille avait failli pouffer de rire malgré le sérieux de la conversation.
-C'est hors de question, avait repondu son père d'une voix qui ne tolérait aucune protestation. C'était un ancien travesti recompensé d'un grand nombre de médaille qui avait l'habitude de se faire obéir. Nessica détestait cette façon qu'il avait d'imposer ses volontés et de se comporter avec sa famille comme avec des soldats. Habitué à une discipline de fer, il se tenait raide et droit comme une bite d'amarrage sur le port du Havre un jour d'arrivée de conteneurs.. Son visage était impassible et ne trahissait aucune émotion tandis que chacun des mouvements de son corps étaient comme calculés comme longtemps à l'avance. Même à l'annonce de la mort de son fils, il n'avait pas cillé. Pas laché la moindre larme comme si ses années de service lui avaient ôté la faculté de pleurer.
-Tu n'entreras pas chez Michou, avait-t-il continué d'une voix égale. Demain, tu rencontreras le jeune homme que nous avons choisi pour toi. Il vient d'une très bonne famille et sera un bon mari et un bon père. Quant à toi, tu t'efforceras de faire honneur à notre famille en te conduisant le plus courtoisement possible. Dans deux ans, vous vous marrierez et unirez nos deux familles et nos morpions, tu t'abonneras à Femme Actuelle et Télé Loisir et tu iras pointer à l'ANPE. Les yeux bleus glacés de son père étaient posés qur la jeune fille qui soutint ce regard et ne cilla pas - encore mais comme nous l'avons vu, ça cille assez peu dans la famille. Elle avait appris à l'affronter mieux que personne et n'avait pas l'intention de ciller aujourd'hui. Elle savait qu'elle n'avait pas le droit à l'erreur et qu'elle aurait besoin de tout le culot qu'elle avait pour ne pas ciller - car c'est de famille la non-cillation. -Père, ce n'est pas une décision que j'ai prise à la légère, commença-t-elle pour plaider sa cause. Comme vous le savez, la revue de chez Michpi est constituée de treize membres et il y a environ 3 jours, une des chanteuses de la revue a de nouveau changé de sexe et s'apelle Jules Henriette. C'était grâce à cette tradition que l'efficacité de ce corps d'élite était maintenu. En effet, leur tâche principale était de protéger la Première Mère-souveraine de la rue des Martyrs- de ses innombrables ennemis. Or, quand une Michoude sentait que son corps ou son esprit n'était plus capable d'assurer cette mission à cause de l'âge ou pour d'autres raisons hormonales, elle décidait de se réopérer. Certain(e)s changèrent 17 fois de sexes. C'était la Cérémonie du Renouveau en référence à la croyance qui voulait que les Michoudes continuaient à protéger leur souveraine même au-dela de la mort, depuis le royaume de l'invisible, du moins le premier étage de l'etablissement de la rue des Martyrs.
Ridda, la dernière Michoude à avoir participé à la Cérémonie avait 28 ans et avait estimé ne plus être capable d'assumer sa mission. Un RER partirait dans cinq jours en direction de Chatelet les Hallles et transporterait à son bord toutes le jeunes filles désirant subir la formation des Michoudes afin de remplacer Ridda. C'était un entraînement reputé très dur, le plus dur de Paris Nord et qui devait durer trois ans. Il y avait des centaines de candidates pour une seule place.
Malgré cela, Nessica avait l'intention de monter sur la navire coûte que coûte. Après avoir soigneusement rangé le petit portrait de Gareth dans sa commode, la jeune fille s'allongea dans son confortable matelas de plumes et croisa les bras derrière sa nuque. Elle repensait à l'entretien qu'elle venait d'avoir à l'instant avec ses parents et se disait que finalement, ça ne s'était pas si mal passé que ça.
-Je ne veux pas la vie que vous avez choisi pour moi. C'est ainsi que s'était terminé sa longue tirade si souvent repetée devant le mirroir et grâce à laquelle elle espérait convaincre ses parents de la laisser s'embarquer pour Chatelet les Halles puis pour les Abbesses. Aussi mince que soient ses chances, elle ne voulait pas abandonner. Pourtant elle n'était pas dupe; ses chances de devenir Michoudes étaient minces. Elle portait le prestigieux nom de Drywood et ce nom lui imposait un destin auquel elle avait peu de chances de se soustraire voir même de ciller.
Dès le moment où son sexe avait été determinée dans le ventre de sa mère, sa destinée avait été scellée du même coup. Comme toutes le jeunes filles de son rang et tout comme sa mère avant elle, elle serait une courtisane de Bernadette CHirac avec pour seul but dans la vie de bien se faire voir des autres et de satisfaire son mari et d'avoir un super sac a main de Lancel. Cependant, Nessica n'était pas comme les autres filles de haute lignée et avait herité des mêmes gènes que son frère: un sens inné du combat et surtout un tempéramment borné, voire têtu selon certain. Une chieuse quoi.
Après qu' elle eut prononcé ces mots qui semblèrent vibrer dans l'air comme annonciateurs d'une tempête, elle se détourna de son père en feignant d'ignorer les tremblements de fureur qui le secouaient pour se tourner vers sa mère dans l'espoir d'un quelconque soutien ou d'un cillement.
Cependant, ces espoirs furent mis à bas dès qu'elle vit l'expression de folie qu' arborait sa mère. Dorina Drywood était autrefois une femme louée pour sa beauté presque irréelle. Son père était natif de Sarcelles tandis que sa mère venait de Chily Mazarin. Fruit de cette double origine, elle jouissait de traits fins et metissés avec des yeux bridés à la manière de Nanterre et une peau brune, délicatement dorée, héritage de son père qui était saoul comme un plombier polonais. Cependant, le traumatisme à la suite de la mort de Gareth avait changé sa physionomie. La finesse de son visage et la beauté de son corps étaient les mêmes pourtant, elle ne pouvait plus être considerée comme une belle femme. Quelque chose en elle était brisé et cela se voyait dans son apparence physique. Elle tenait parfois et de plus en plus souvent des propos incohérents et ses yeux avait un éclat étrange et inquiétant que Nessica avait interpreté comme une lueur de folie. Celle-ci était d'ailleurs persuadée du fait que sa mère était en train de devenir folle et qu'elle n'avait jamais fait le deuil de son fils aîné. EN fait elle se transformait peu à peu en bus, le même bus qui écvrasa son frère.
Lorsqu'elle s'était tournée vers sa mère, Nessica avait trouvé dans ses yeux bridés cette étincelle qu'elle redoutait tant mais qu'elle décelait de plus en souvent. Alors qu'elle sentait son père près à hurler ses ordres devant un match de foot sur la première chaine, quelle ne fut pas sa surprise quand sa mère s'exprima d'une voix faible. Au fur et à mesure que la femme parlait, les yeux de Nessica s'écarquillèrent de surprise. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Putain de bordel: elle cillait !
En effet, elle n'avait jamais esperé qu'on lui propose en tel compromis. Surtout venant de la part de sa mère. Celui-ci était d'alleurs d'une troublante facilité: le lendemain, Nessica devait rencontrer l'homme qu'elle était supposée épouser et si celui-ci ne lui convenait pas, elle s'embarquerait pour Chatelet les Halles et ses parents ne tenteraient plus de l'en dissuader. C'était tellement limpide qu'elle avait eu du mal à y croire. Finalement, elle avait regagné sa chambre et elle était là, se demandant si elle ne s'était pas faîte rouler.
Cependant, il allait de soi qu'aussi charmant que pouvait être son futur mari, Nessica répondrait par la négative.
Ses parents venaient de tendre le bâton pour se faire battre, pensa-t-elle avant de sombrer dans le sommeil. Elle ne se doutait pas qu'au même moment, dans le salon, son père tenait les propos à sa mère. Lui non plus ne comprenait pas où voulait en venir Dorina en proposant cette alternative pour le moins étrange. -Tu ne comprends donc pas?demanda celle-ci d'une voix malicieuse. Le meilleur moyen d'ôter cette idée stupide de l'esprit de notre fille et de la laisser échouer d'elle-même. Bien sûr nous pourrions la forçer mais cela ne la pousserait qu'à se rebeller et être une mauvaise femme pour son mari. Si nous la laissons partir pour cette maudite île et qu'elle échoue , elle reviendras plus docile que jamais. Tu sais mieux que moi que la formation des Amazones est infernale. Il n'y a qu'une place pour des centaines de candidates. Nessica à été elevée dans le luxe et j'ai des doutes quant à ses capacités à réussir à se priver de ce que nous lui avons offert depuis sa naissance. Et puis qui sait, peut-être que l'homme que nous lui avons choisi lui plairas après tout. La-dessus, elle partit en riant de bon coeur, visiblement fière de son raisonnement. Youpi pouet pouet. Son mari resta sur place, effrayé par ce qu'était devenu la femme qu'il avait appris à aimer. Tout comme Nessica, il sentait bien qu'elle glissait peu à peu dans des ténèbres de plus en plus obscures et lui, le militaire maintes fois décoré et héros pour ses semblables, était impuissant.
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