voila le texte :
La scène se passe dans un salon bourgeois. Un canapé, des fauteuils, un secrétaire à tiroirs, couvert de papiers et
d'objets divers, etc. Au fond, une fenêtre et une porte.
LE PRÉSENTATEUR, devant le rideau fermé.
Un célèbre auteur dramatique du XIX' siècle _ qUe, par respect pour sa mémoIre, nous tenons à ne pas nommer _ a laissé dans ses ?uvres posthumes la
'comédie qui va être jouée devant vous.
Ce grand écrivain avait coutume de dire que, bien souvent, les spectateurs sont conviés à suivre une action théâtrale dont ils ne parviennent pas à com¬
prendre les vrais mobiles, .
Est_ce par suite d'une infirmité propre à l'art drama¬
tique?
Est-ce parce que la vie des autres, à la scène comme
dans la réalité, ne nous livre guère son secret?
Est-ce parce que les personnages _ surtout dans les drames dits « réalistes» _ croient nécessaire de s'oc¬cuper uniquement de leurs propres affaires, et pas du
tout de celles des spectateurs, attitude qui dénote un
manque de courtoisie regrettable?
Serait-ce enfin parce que les auteurs, abusant de leur situation privilégiée, tiennent à nous laisser sur une
pénible impression de mystère ?..
Ce sont là autant de questions que, sans doute, vous
ne manquerez pas de vous poser en écoutaut EUx seuls
le savent et en essayant de comprendre ce qui se passe.
Le Présentateur disparaît. Le rideau s'ou¬
vre.
HectoretSimone sont debout au milieu de
la scène, en proie à une vive discussion. Hector va et vient nerveusement. Simone le
suit dEs yeux avec un regard mauvais.
Les rideaux de la fenêtre sont à demi tirés.
La pièce est dans la pénombre.
HECTOR
On ne m'y reprendra pas de si tôt, je t'en réponds!
SIMONE
C'est bien vite dit !
HECTOR
C'est encore plus vite fait!
SIMONE
Je t'endéfie! _
HECTOR
C'est ce que nous verrons!
SIMONE, haussant les épaules.
A ta place, j'y renoncerais tOut de suite !
HECTOR, bondissant.
y renoncer, moi! Après_ tout ce qui s'est passé! Jamais, entends-tu, jamais !.. Et c'est toi qui me'
donnes ce... conseil!... Ah merci, merci vraiment!
"SIMONE _
Je te préviens une dernière fois: tu fais fausse route.
Et il t'en cuira, oui il t'en cuira, je t'assure!
HECTOR
Et moi je t'assure que l'affaire n'en restera pas là! Ce serait trop simple !... Trop simple, vraiment !... Non,
mais, c'est insensé! On croirait, à t'entendre, que tu y
es pour quelque chose !... Eh bien non, veux-tu que je te
dise: tu n'y es pour rien, rien du tout! Tu n'as donc
qu'un parti à prendre: te taire et me laisser agir!
SIMONE
Non,je ne me tàirai pas! Je sais que j'ai raison et je
veux que tu te rendes à l'évidence. Ne compte pas...
HECTOR, furieux.
Te tairas-tu, à la fin!
SIMONE, continuant.,
Ne compte pas me réduire au silence, J'ai mon rôle à
jouer ici, autant que toi-méme.
HECTOR
C'est faux! Je sais ce que j'ai à faire.
SIMONE
Non, tu ne sais rien! Tandis que moi j'ai le devoir,
entends-tu: le devoir de te renseigner. Je veux que rien
ne reste dans l'ombre!
HECTOR
Je sais ce que je sais.
, SIMONE, haussant les épaules.
Toujours ce mot-là à la bouche! Et en définitive,
pauvre malheureux, qu'est-ce que tu comptes faire, au
point où nous en sommes ?Je te répète que tu ne sais
rien, absolument rien! _
HECTOR
Voilà ce qui te trompe; quand je dis que je sais ce
que je sais, c'est que je sais vraiment ce que je sais 1... Ce
n'est pas comme toi, bien sûr ! Toi, on dirait toujours...
SIMONE, d'une voix sifflante.
Achève, achève donc, je t'en prie!
HECTOR
Non, je ne le dirai pas, c'est trop bète !
SIMONE, ironique.
Ce n'est pas moi qui l'ai dit!
HECTOR, soudain furieux
et prenant une détermination.
Ah, et. puis en voilà assez! Avec toi rien n'est
possible!
SIMONE
En effet, rien n'est possible, de ce qui est impossible!
Cela au moins, j'en ai la certitude, ne t'en déplaise.
(Hector se dirige vers la porte.) Tu ne vas pas « là-bas »,
j'espère?
HECTOR,
la main sur la poignée de la porte.
Je n'ai pas de comptes à te rendre.
SIMONE, l'empêchant de sortir.
Justement si! J'exige une explication. Et tout de
suite 1... Où vas-tu? _
HECTOR
Où il me plaît d'aller!
Il l'écarte d'un geste brusque.
SIMONE
Il me brutalise à présent 1... Goujat! Vaurien! Bour¬
reau! (Hector sort sans un mot et fait claquer la porte
derrière lui. Simone restêe seule, après avoir arpentê la
pièce avec précipitation, se_ calme peu à peu.) Allons! Du
calme, du calme! A quoi bon s'énerver 1... Réfléchis¬sons!... De deux choses l'une: ou i! choisit la première
solution... ou il choisit la seconde. Dans le premier cas,
i! y a des inconvénients graves_.. Dans le second aussi...
Bien entendu, à inconvénients égaux, avantages
égaux... Cependant... je ne sais quoi me dit que... mais
c'est peut-être une pure illusion 1... S'il allait... Mais
non, non, ce n'est pas possible.