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Sarkozy-Bolloré, des connivences... africaines
Il est désormais établi que Sarkozy a menti sur labsence de marchés
publics du groupe Bolloré. Mais ce nest que la partie immergée des
intérêts de la multinationale. Sarkozy est une pièce maîtresse dans la
stratégie du groupe car il sera dans quelques jours le chef des armées et
de la diplomatie française, un homme qui, sil suit la longue tradition
française, pourra peser sur les élections en Afrique, au nez et à la barbe
des électeurs (voir «la Françafrique, le plus long scandale de la
République» de Verschave et le récent «Histoire secrète de la Ve
République» de Robert Faligot). Les troupes françaises et les réseaux
françafricains sont toujours présents dans le pré carré africain, là où
précisément les intérêts du groupe Bolloré sont très présents.
Coïncidence?
Quelques exemples. Bolloré gère les ports de Douala et Abidjan. Le bois
fait aussi la fortune du groupe (1 milliard de chiffre daffaires en
2004). Meubles en Okoumé, planchers en Azobé, escaliers et portes en
Sapelli ou Moabi, toutes ces essences menacées de disparition sont
largement utilisées en France, premier importateur européen de bois
africain et grand déforestateur.
De plus, avec ou sans laide de lEtat français, le groupe est loin dêtre
irréprochable : en effet létat-major du groupe Bolloré a été placé en
garde à vue à Lomé en février 2006, inculpé et placé sous contrôle
judiciaire pour « corruption de magistrat » dans une affaire lopposant à
une société espagnole, Progosa. Linstruction se poursuit...
Cette collusion entre intérêts privés et nationaux se trouve parfaitement
incarnée en la personne du vice-président de Bolloré, Michel Roussin. Un
homme au parcours étonnant mais très cohérent quand on connaît le «
cocktail » de la Françafrique, vaste système de prédation des richesses
africaines. Ancien n°2 de la DGSE, directeur de la Générale des Eaux,
directeur du cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris (et à ce titre
mis en cause dans la gigantesque razzia sur les marchés publics
franciliens), ministre de la Coopération en 1993, monsieur Afrique du
MEDEF, administrateur dune compagnie minière au Gabon, membre du conseil
de surveillance de « Sécurité sans frontière ». Services secrets,
industries implantées en France et en Afrique, parti politique,
développement, mercenariat ...
Examinons maintenant les positions de Nicolas Sarkozy. Il a un discours
contradictoire vis-à-vis de lAfrique . On peut déceler ici et là des
éléments de rupture et de continuité avec la politique africaine de la
France. Les textes de référence sont : un discours de Nicolas Sarkozy au
Bénin en mai 2006, un interview donné au magazine Jeune Afrique en
novembre 2006, le discours du meeting UMP de Toulon et un discours sur la
politique internationale en février 2007.
Dun coôté il déclare sa volonté de « se débarrasser des réseaux dun
autre temps, des émissaires officieux qui nont dautre mandat que celui
quils sinventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques
et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait
tant de mal par le passé. » Il souhaite « cesser de traiter
indistinctement avec des démocraties et des dictatures » et critique en ce
sens la politique africaine de Jacques Chirac.
De lautre, il a un discours offensif : « LAmérique et la Chine ont déjà
commencé la conquête de lAfrique. Jusquà quand lEurope attendra-t-elle
pour construire lAfrique de demain ? Pendant que lEurope hésite, les
autres avancent. » Quant à son discours sur le passé colonial : « Le rêve
européen a besoin du rêve méditerranéen. Il sest rétréci quand sest
brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute lEurope sur les
routes de lOrient, le rêve qui attira vers le sud tant dempereurs du
Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de
Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce
rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête quun rêve de civilisation.
Cessons de noircir le passé. LOccident longtemps pécha par arrogance et
par ignorance. Beaucoup de crimes et dinjustices furent commis.
Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud nétaient ni des
monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des
routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup sépuisèrent à
cultiver un bout de terre ingrat que nul avant neux navait cultivé. »
Nicolas Sarkozy a également déclaré lors du meeting de Caen, le 9 mars
2007 : « La vérité, cest quil ny a pas eu beaucoup de puissances
coloniales dans le monde qui aient tant oeuvré pour la civilisation et le
développement et si peu pour lexploitation. On peut condamner le principe
du système colonial et avoir lhonnêteté de reconnaître cela. ». Et dans
lAfrique néocoloniale daujourdhui, tiendrait-il le même discours ?
De plus, on sen doutera, Nicolas Sarkozy soutient les multinationales
françaises : « Il ny a en réalité quun petit nombre de grands groupes
français qui réalisent une part importante de leurs activités en Afrique.
[...] Bouygues, Air France, Bolloré, nont pas besoin de la diplomatie
française pour exister et se développer en Afrique. Sils y sont
dynamiques, cest grâce à lancienneté de leur implantation, ils ont cru à
lAfrique avant beaucoup dautres. Cest au talent de leur management et
de leurs collaborateurs quils le doivent et à eux seuls. »
Pas besoin de la diplomatie française ? A voir... A la lumière de ce qui
sest passé en Côte dIvoire où les grands groupes précités ont,
conjointement à laction diplomatique et militaire de la France, joué un
rôle non négligeable, on peut en douter...
Dernière interrogation ? Quels sont les relations personnelles de Sarkozy
avec les dictateurs africains, principaux partenaires daffaires de gens
comme Bolloré ?
Selon La lettre du continent, une publication essentiellement destinée aux
diplomates et aux industriels opérant en Afrique, Nicolas Sarkozy a
rencontré au moins sept fois Omar Bongo depuis 2004, la plupart du temps
dans lhôtel particulier parisien du dirigeant gabonais. Récemment, dans
le Nouvel Observateur de février 2007, Omar Bongo déclarait : « Avec
Nicolas Sarkozy, il y a une différence parce quon est amis. Si demain il
me renie parce quil est président, je lui dirai : ce nest pas sérieux
Nicolas. [...] Je crois que le fondement même de la Françafrique
restera, quitte à laméliorer. »
Nicolas Sarkozy est un ami de Denis Sassou NGuesso, le chef dEtat du
Congo-Brazzaville. Il soutient la monarchie marocaine de Mohammed VI.
Notons que son bras droit Brice Hortefeux soutient dailleurs la
colonisation marocaine du Sahara occidental. Nicolas Sarkozy est également
proche du président Bouteflika et des milieux militaires algériens. Depuis
2003, il sest rendu une à trois fois par an en Algérie. En juillet 2004,
il a signé un accord économique France/Algérie de 2 milliards deuros,
lun des plus grands accords français avec un pays du Sud, pour développer
des projets industriels algériens, au bénéfice de sociétés françaises.
Cette décision est quelque peu contradictoire avec les grandes
déclarations de Nicolas Sarkozy sur le rôle des multinationales en
Afrique. Ce dernier a récemment affirmé quil souhaitait apporter la
technologie nucléaire en Algérie, en échange daccords sur lexploitation
du gaz algérien par la France.
Nicolas Sarkozy a également critiqué laccession au pouvoir du fils
dEyadéma au Togo. Cependant, en tant que ministre de lIntérieur, il na
pas mis fin à léquipement et lencadrement de la politice togolaise par
la France.
Pour terminer, voici dans le journal La lettre du continent une
information sibylline : pour la campagne présidentielle de Nicolas
Sarkozy, son ami Martin Bouygues « a mis à sa disposition son conseiller
Afrique, Michel Lunven, ancien ambassadeur de France au Gabon et en
Centrafrique et ex-conseiller de Jacques Foccart ». Pourquoi le patron
dune des plus grandes entreprises de BTP met-il à disposition de Nicolas
Sarkozy un ancien conseiller de larchitecte de la Françafrique, pour une
campagne présidentielle ?
Il serait bien naïf de penser que les « amis » fortunés du président
nattendent rien dun président dont ils ont probablement financé la
campagne indirectement via le système des rétrocommissions versées par les
chefs dEtats africains. Rien ne permet de penser aujourdhui que ces
pratiques (mises en lumière lors du procès ELF) ont disparu. Lorsquil a
été convoqué par la juge Eva Joly, lancien PDG dElf Loik Le
Floch-Prigent a affirmé avoir abordé le fond du dossier Elf pour préparer
sa défense avec de nombreuses personnalités, dont Nicolas Sarkozy,
ministre du Budget à lépoque. Que se sont-ils dits ? Pourquoi Loik
LeFloch-Prigent est-il allé rencontrer Nicolas Sarkozy ?
Quels sont les liens de Sarkozy avec les réseaux Pasqua dont il est
lhéritier politique ? Un indice : en mars 2006, Robert Feliciaggi, homme
daffaires à la tête dun empire des jeux de hasard et des casinos en
France et en Afrique, souvent cité dans les ouvrages de François-Xavier
Verschave à propos de blanchiment dargent, a été assassiné en Corse.
Nicolas Sarkozy a demandé au préfet dAjaccio de participer en grande
tenue aux obsèques de Robert Feliciaggi.
Voilà qui nous donne une idée de la « république irréprochable » de notre
ami Nicolas.
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