cguignol c'est toi, satan? | Convoyage : jour 1
Il est 6h58 quand j'ouvre mes yeux. Nickel, mon réveil n'a pas sonné, je l'ai mal réglé du coup on a 15 Minutes dans le nez par rapport à ce que j'avais prévu. Bon pas grave, on s'active et 20 minutes plus tard le moteur est démarré, pas de fuite d'eau, super, en avant TOUTES!!!! Enfin, non. Le moteur coupe. Et on se retrouve comme des merdes avec un moteur qui surchauffe alors qu'on vient de lancer une marche arrière, du coup en catastrophe on s'accroche à un autre ponton. Hervé regarde, on rajoute un peu de liquide de refroidissement et on fait une purge accélérée, y'avait bien le niveau mais il devait y avoir de l'air dans le circuit, génial.
On repart, je serre les dents mais finalement on s'extrait du port. le moteur tourne bien même si le régime manque un poil de régularité, heureusement que Fred avait fait la remise en route avant sinon on aurait été marron... et heureusement que j'ai deux chefs de bord sur le pont!
L'arrivée dans les passes se fait sans heurts, car le Bassin est calme: par contre, merci le GPS et Véver qui connait le coin comme sa poche. On passe entre les déferlantes sans se faire mouiller, pile au bon moment. On se fait même le plaisir de prendre un raccourci avec environ 2m20 de fond, avec 1m70 de tirant d'eau notre barreur joue avec le pied de pilote Après avoir bouffé du chenal tout le long, il est à présent temps de faire cap au large : le vent est Nord Ouest, et notre destination est à... Port Médoc, arrivée initialement prévue dans la soirée. On va devoir louvoyer, et plutôt au large car le thermique va (dixit Véver) faire pivoter le vent en Nord, légèrement Nord-Est.
Hissez la grand-voile!! Déroulez le Génois!! On coupe le moteur, et la magie opère : le bateau gîte, se cale sur son flanc rebondi et fend l'eau dans le bruissement des vagues et du vent. On est à 3,5 noeuds, la mer est belle, et si on n'avait pas cette merde sur la coque, on irait plus vite. L'immense génois se bombe exposant à des kilomètres à la ronde sa belle couleur verdâtre. La houle est orienté Ouest, le vent est Nord, du coup on bouffe du près, avec des conditions tranquilles. J'ai une légère nausée, sans doute le manque d'habitude de la mer, je la compense par ma respiration, mon regard, des litres de flotte et un peu de nourriture par-ci par là.
Ca fraîchit un peu, je prends la barre. Le bateau est un peu plus dur à emmener, on réduit la GV avec une prise de ris, tandis que l'enrouleur sur le Génois mange un peu de toile. Ca va mieux, je bataille moins contre les vagues. Avec mon compas de relèvement, je vérifie mon cap toutes les 5 minutes, 320° sans dévier, je gère mon affaire, la trace GPS est là pour en témoigner. Changement à la barre, je vais claquer une sieste, alors qu'on vient de virer de bord. Ma tentative d'uriner à l'arrière qui a précédé ne m'a pas mis en confiance : se caler avec le tangage est pas simple, surtout que les vagues impriment un léger mouvement de roulis, du coup je pisse par à-coups, c'est super frustrant. Je descend, un coup de gite et je me pète la gueule sur la barre de maintien de la cuisine que j'explose bien net, hell yeah des réparations en plus. Je m'allonge sur la couchette, et m'endors instantanément.
40 minutes plus tard, je me réveille et monte sur le pont. Il fait un peu frais, j'ai ma veste de quart donc ça va. On se fait un peu mouiller la gueule, le bord est moins favorable et ça secoue un peu. A peine 2 minutes sur le pont et il faut que je grimpe contre le mât pour prendre un ris. Le bateau gîte fort, ça tape, j'ai jamais fait ça donc je me merde et je rallonge l'opération. Et puis au réveil, je ne suis pas super en confiance
Une bonne surprise : le hublot à l'avant n'est pas étanche aux paquets de mer qui déferlent à l'avant du pont. Mon duvet, correctement déplié (bin ouais, optimisme toussa ) a pris cher, et deux places pour pioncer sont à présent condamnées.
Les conditions montent, il est déjà 17h. On avait imaginé tout au début arriver à Port Médoc dans la soirée, mais c'est mort. Nous sommes à 30 milles des côtes, le vent monte, je suis trempé, on a pris deux ris et la GV vient de ripper au niveau d'une couture en prenant le deuxième : cela signifie que si le vent réduit, on ne pourra pas renvoyer de la toile. Après une courte discussion avec Véver, je comprends qu'on n'arrivera pas à Port Médoc avant le petit matin. Ce qui signifie qu'il va falloir faire des quarts de nuit, avec des conditions qui deviennent un peu plus sympathiques, une nausée qui reste bien présente, et bien évidemment je suis équipé comme un vacancier. Bin ouais, ils prévoyaient du beau, on devait faire la journée donc moi, j'ai pas de futal, un short, et ça va meuler. En plus j'ai les pieds mouillés, des godasses de merde décathlon en mode touriste à knepps qui dérapent, un vrai bizut, et je ne suis pas le seul. Heureusement que j'ai des rechanges.
Histoire de rajouter un peu de sel à cette lolade qui est en train de monter, il s'avère qu'une partie de l'équipage est inopérante : Lulu, ancien chef de bord UCPA, plutôt à l'aise sur un bateau (du genre aller faire le singe sur le beauprès d'un thonier alors que ça branle sévère) est malade, mais vla bien. La gerboulette, incapable de tenir debout. Mag ne peut même plus servir au rappel, elle est également au fond du seau (du moins la tête), à moins que ce ne soit par-dessus le bord sous le vent du bateau.
Moukette tente d'aller se reposer, mais ne peut pas s'allonger tout de suite. Du coup la gerboulette lui prend, et elle rejoint Mag, la tronche par-dessus les filières pour éjecter ce qui l'incommode. C'est à cet instant précis que Simon, calé dans la descente, prend ce que j'appellerai LE Selfiesdepute avec les deux meufs qui dégueulent en arrière plan. Et je passe sur les virements de bord où Lulu s'est pété la gueule tellement il était à la ruine, ou encore Mag qui restait assise sur sa couchette, hagarde après avoir gerbé, alors qu'on lui disait de se rallonger vite fait si elle ne voulait pas se faire un deuxième round.
On se retrouve donc à 3 et demi : Véver et Simon qui sont frais comme des gardons, Moukette qui est à moitié out et moi qui suit en gestion du malaise tout en tenant debout.
Je mange un peu, mais rien ne passe. Les nerfs, la nausée.
Le soleil commence à se coucher, Véver va se reposer, Moukette suit peu après. On se retrouve à deux sur le pont, à gérer le bateau. C'est bien cool, mais j'ai encore envie de pisser. Vu que la nuit tombe, j'ai encore moins envie de me foutre à l'eau et SURTOUT j'ai envie de vider complètement ma vessie. Je tombe le short, me cale sur le seau comme une gonzesse et me vidange complètement sous les yeux de Simon qui ne cille pas. "Ah! C'est donc ça la sensation de pisser complètement et d'un bloc? Je l'avais oubliée." Vu que ça meule, on se serre à nouveau, parce que ho, y'a du vent hein.
C'est dans ces circonstances que je comprends mieux comment les marins (les vrais et pas les pignoufs dans mon genre) endurent des heures de navigation et du sommeil fractionné : moi qui ait besoin de pioncer pas mal, ça se passe plutôt correctement. Tu bosses sur le pont, tu dors, tu manges un peu, tu te vides de temps en temps. La promiscuité brise les barrières entre les gens ou en élève très rapidement, et les repères de "oh j'ai pas pris ma douche/je me suis pas repoudré le nez/j'ai pas pris une troisième fois des pâtes" disparaissent complètement. Et niveau barrières, y'en a pas : on est là les uns pour les autres, et c'est comme ça que ça doit marcher, c'est comme ça que je conçois cette pratique. Chacun fait ce qu'il a à faire ce qu'il doit être fait. Je poursuivrai ce Laïus sur l'entente et la navigation plus tard, je pense que vous avez déjà expérimenté ça mais bon, j'aime bien faire des pavés.
Vers 23h30, Véver se lève et vient me remplacer. Les conditions sont toujours aussi sympathiques et le tribord amure qu'on se mange depuis tout à l'heure est assez incofortable. Je me cale dans la couchette à l'arrière, mouillé, sur les nerfs, incapable de me mouvoir les yeux ouverts dans le bateau sans prendre l'envie de gerber. Je n'imagine même pas aller à l'avant pour récupérer mes affaires sèches, sinon ça va être la catastrophe et je vais rajouter un seau à vider par-dessus bord . Mon duvet est utilisé par Mag, et si je vire mes chaussures je vais avoir les pieds à l'air et me meuler dix fois plus. Je me cale dans la couchette, capuche sur la tête et me met en boule en m'entourant d'une pauvre serviette, à moins que ce ne soit le taud de la grand-voile.
Niveau état d'esprit, je suis en bad maximal : ce n'était pas le moment pour me coucher donc je ne m'endors pas, le bateau tape, j'entends les déferlantes passer sur l'arrière et les commentaires de deux équipiers juste au-dessus de moi. J'ai froid, j'arrive pas à dormir donc j'ai la nausée, et tout s'accumule. La fatigue, les nerfs, l'inconnu sur les conditions météo et sur quand on arrive me génèrent de l'angoisse qui s'amplifie avec ce que j'ai vécu deux semaines plus tôt. C'est la merde, la merde noire dans ma tête et je peux avouer qu'à ce moment-là, je me suis dit que j'allais crever
Moukette me rejoint dans la couchette pour libérer une place pour Simon qui vient récupérer quelques minutes. Elle a froid, on se retrouve à deux dans une couchette, heureusement sa présence me réchauffe. J'arrive à me rendormir pour un laps de temps indéterminé, en me réveillant souvent. Virement de bord annoncé, on se passe par-dessus au moment propice pour gérer le transfert (sinon je vais écrabouiller ma copine ) et je me rendors le dos contre la coque du bateau, la hanche sur le bord de la couchette. Le grand luxe quoi. Une sensation de pression au niveau de la tête me réveille. "Mon camarade, c'est l'heure de se lever!" Je lève les yeux et vois mon Véver penché sur moi. Un coup d'oeil sur ma montre : 3h20. Je m'extirpe péniblement de ma place, et sort sur le pont. Ca caille, il fait nuit noire. Je prends une serviette pour couvrir les guibolles, Hervé me demande si j'ai froid, je lui dit que ça va passer. 5 minutes plus tard, je suis réchauffé, ne laissant pas l'opportunité au vent de se glisser entre mes vêtements. Simon barre, à priori on est passé entre les orages : effectivement, au loin, la côte est déchirée par des éclairs qui font rougeoyer les nuances : un superbe spectacle. Naviguer de nuit, c'est fantastique . Tout au feeling, on ne voyait même pas le Génois pour savoir s'il fasseyait ou non. Il faut arriver à gérer les rares déferlantes qui déboulent sur babord, tout en conservant un bon cap, je donne toutes les informations nécessaires à Simon en observant la mer, les rares points de repère sur la côte et les quelques étoiles qu'on aperçoit de temps en temps, en lui donnant le cap et en scrutant le GPS pour nous assurer que tout est OK. On est au niveau de Montalivet, mais aucune visibilité sur Cordouan pour le moment.
Le jour se lève, Simon va se coucher juste avant le virement de bord qu'il annonce à l'équipe, et Véver me rejoint. Je tiens la barre et on vire. Je commence à fatiguer et m'endormir sur la barre, j'ai du mal à fixer un point. Moukette pointe le bout de son nez et prend les commandes du navire. Je tient encore un peu, mais mes jambes lâchent et je manque de me vautrer alors que je suis assis tellement je tombe de sommeil . Ma lutte est de courte durée, il est 7h30 et je vais me coucher, vraiment mal. Je m'allonge mais Mag met 20 ans à sortir, et je sens que la nausée que je traîne depuis près de 20h va finir en dégobillage en bonne et dûe forme. Et BAM§§§ A peine allongé, une galette bien brutale dans le seau , précédé d'une phrase bien sèche "soit tu dégages de là et tu sors sur le pont, soit je te gerbe dessus, c'est toi qui choisit, mais fais vite" . Voilà, ça c'est fait. J'ai juste le temps de virer mes chaussures mouillées et de glisser mes pieds dans le duvet qui a séché. Je m'écroule dans les 2 minutes qui suivent dans un sommeil lourd, allongé sur une couchette du carré. ----------------
Et la suite du convoyage, dans un autre post ---------------
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