Un mot, donc, sur cette "exposition" "Breguet au Louvre".
Déjà le titre et le sous-titre de cette expo disent tout :
Le titre : "Breguet au Louvre" et pas "Breguet" ou "Breguet, un horloger blabla..." par exemple.
Si demain une expo s'intitule "Goya au Louvre", on comprendra qu'on met ici l'accent sur le fait que le Louvre peut présenter une part important de la production du maitre espagnol.
ici, le but est d'associer Breguet avec "Louvre" (prestige, ancienneté), ce n'est pas le Louvre qui est demandeur de Breguet ; c'est Breguet SA qui s'installe dans le Louvre, pour les besoins de sa communication :
"Nous on est exposé au Louvre, pas comme ces pouilleux de Patek, Czapek ou Adrien Philippe , achetez nos montres, achetez un objet d'art exposé au Louvre, oui oui, le LOUVRE !" )
Le sous-titre ensuite : "Un apogée de l'horlogerie européenne".
Évidemment, si on parlait de "l' apogée", ce serait trop grossier et sujet à discussion, alors on utilise cette formule de "UN" apogée, parmi d'autres, indéterminés, qui n'a pas de sens, mais permet d'accoler Breguet, Louvre, et apogée.
Bref, on est déjà dans le discours de communication commercial classique, à base de formule et de rapprochements hasardeux mais flatteurs.
Une fois franchi la porte de cette (petite) salle qui abrite l'expo, c'est le drame et la rigolade.
La rigolade, c'est juste à côté de l'entrée, cette grande pancarte qui nous indique que, depuis son rachat en 1999 par le SG de Nicolas G. Hayek (oui, Hayek est bien cité, et en "mode US" avec initiale de second prénom, on se serait cru dans un "Nicholas G. Hayek exhibition center" ), Breguet est renommé dans le monde entier (en gros).
Bon, alors, cet "apogée", c'était un truc vraiment très mineur, l'horloger du coin ? Ou bien, être un "apogée" en Europe en 1800, ça n'avait alors pas de signification au niveau "extra européen", en particulier en horlogerie ?
Ou alors, peut-être que ça veut dire qu'il ny 'a pas de lien entre A.L. Breguet, "Apogée", et la société Breguet en 1999, acteur mineur de l'horlogerie ?
Quand l'honnêteté involontaire du swatch group va se nicher dans une mention maladroite à la gloire de Hayek...
La rigolade, c'est aussi la frise chronologique qui répond à la pancarte, frise très indigente sur la vie de Breguet, mais qui "établit" le lien entre ALB et la société Breguet, en passant rapidement sur les épisodes intermédiaires..
Le "drame", c'est que cette exposition n'est pas du tout orientée "objet d'art" (émaillage, guillochage, orfèvrerie pour les boites...) mais technique (Breguet a inventé ceci, cela, déposé ouatmille brevets, blabla...), :
- sans le moindre schéma explicatif, excepté des schéma de Breguet, donc inaccessibles à tout le monde sauf certains horlogers pro...
- avec sur les cartels des termes inconnus ou déroutants même pour ce qui semble trivial (on m'a demandé ce qu'était un "garde temps"...!), et la seule aide d'un "lexique" extrêmement sommaire et peu explicatif (définir en dix mots "échappement" n'indique pas comment ça marche...).
- sans rien autour (outils, pièces, méthodes de fabrication...)
=> bref, des objets exposés à l'admiration alors que les points méritant qu'on s'y intéresse ne sont pas visibles ou pas expliqués, même pas pointés...
=> d'où l'impression : 60 poules qui ont trouvé un couteau, dans un poulailler climatisé de 80 m².
Plus encore, cette "exposition", ou Breguet, montre breguet SA, HAyek, sont omniprésents, ne comporte aucune mise en perspective, avec les horlogers de l'époque, et ceux qui ont précédé, ou suivi, pas de Berthoud, Harrison, Leroy... Arnold doit être cité comme ami de Breguet à un moment, etc... pas d'horlogerie anglaise vue sous un angle général....
Il n'y avait rien avant, pendant, après, Breguet était en apesanteur. Rien non plus sur ses sous-traitants...
Bref, un show room, et basta. Et assez pauvre, puisqu'en gros en cumulant Musée PAtek pour ses pendule, horloges et montre Breguet, et la boutique Place Vendôme, on en voit autant.
Cette exposition n'a rien à faire au Louvre :
- d'abord, elle n'a rien à faire dans un musée de quelque nature, qui aspire à un certain "prestige", lequel implique de ne pas se limiter à présenter des pièces visibles toutes l'année dans une boutique située à 800 m, une reproduction (la marie antoinette), quelques autres pièces dont les équivalents ou mieux, et plus, sont visibles dans un musée à 3H de TGV (Patek) et enfin pour quelques uns aux arts et métiers (genre chrono de marine).
- ensuite, elle n'a rien à faire dans un musée public, car il s'agit d'une manifestation conçue (présentation ; choix des "œuvres" ; textes...) exclusivement à la gloire de l'horloger éponyme de la société qui finance et organise cette expo pour les besoins de sa communication, et à la gloire aussi du patron actuel de cette boite. Tout le reste est ignoré, et la présentation est indigente.
- enfin, il ne s'agit pas d'une exposition d' objets d'arts qui pourraient se rattacher à ce département : il n'est nullement question d'émaillage ou guillochage ou autres dans la façon de présenter les objets, leur choix...Bref, pour un musée national, ça relève plutôt des arts et métiers. Mais voilà, le Louvre, c'est une marque internationale, alors que les les arts et métiers...
Si Swatch group voulait délocaliser un temps son show room ALB et associer son nom au Louvre, il y a un swatch store dans le carrousel, il n'avait qu'à y installer une vitrine d'expo...C'est sûr, "Breguet au swatch store du carrousel du Louvre", ça sonne moins bien...
Enfin, on pourrait trouver des excuses du genre, "oui, mais au moins il y a un intérêt, découverte, etc..."
je n'en vois aucun, au contraire.
1. Les passionnés sont déjà allé chez Breguet, et au Patek, en plus il y a tellement de choses à voir à Genève et notamment au patek, bref aucun intérêt de se presser ici.
2. le grand public qui s'intéresse à Breguet en verra presque autant place Vendôme, avec en plus de l'espace, et pas de confusion possible, on est dans une boutique...
Et surtout, les gens qui ont vu ces montres, sans y connaitre grand chose, ils ont vu quoi ? Des engrenages auxquels ils n'ont rien pigé (ça s'entendait aux remarques et questions), des cadrans dont ils ne comprenaient pas, faut de référentiels proposés, de quoi il s s'inspiraient et à quoi ils réagissaient, riens sur les méthiodes de fabrication, rien de rein, bref, c'est du "parc d'attraction", du spectacle de prestidigitation : :
Plein les yeux, mais surtout pas d'explications, au contraire, ça tuerait le "plaisir" du public.
Cette expo, c'est la foire du trône + le salon de l'auto dans le Louvre (et une opération de com' splendide pour Breguet).
Cette manifestations s'inscrit dans une politique de communication breguet (et plus généralement de l'horlogerie) bien connue, on vend de la pseudo histoire, des pseudo chronologies, traditions inventées, etc... (et ce alors même que les produits se suffisent à eux même, il y a plein de Breguet que j'aime bien) et le Louvre se fait le complice de ça (en échange d'un gras mécénat j'imagine).
J'ai plusieurs fois cité le Musée Patek.
On peut comparer ce qui se fait ici avec la hauteur de vue et la vraie passion, du grand père Stern, cadranier (Stern Frères) passionné de technique, notamment l'émaillage, ayant racheté l'un des ses clients dans l'entre deux guerre, la maison Patek.
Il a accumulé une ahurissante collection de montres et automates genevois du 16ème au 18ème siècle (dont pièces de Droz), des montres de grands horloger comme Berthoud, Arnold, Breguet, des outils, des échappements d'école, etc... de sorte qu'au Patek Museum de Genève, la production de Patek (essentiellement la poche de 1840 à 1940 et le bracelet de 1930 à 1960), leurs archives et outils ne représentent pas la moitié des objets exposés...
(Post initial)
KIHIST20090909
Message édité par bestak le 03-04-2013 à 13:16:46