nebot Gobbi et nebot : Viva Zelda !! | Alors, après de longs mois d'absence sur le forum (j'avais pommé mon MDP, et mon ordi faisait des siennes).
Suite à un formatage, mon (début de) roman à été perdu...
Ce qui m'a permis de mieux réfléchir sur l'histoire.
Le voici !
PARTIE 1 : LE RETOUR DES ANCIENNES PEURS
Chapitre I : L'uf
Il existait quelque part, entre la plaine et la montagne, entre la forêt et la mer, un petit village d'à peine trente âmes. Ce village s'appelait Fostinant, ce qui signifiait, en une ancienne langue, dit-on, "le croisement des monnaies".
La bâtisse la plus imposante de Fostinant était incontestablement l'auberge dite du "Chat dormant", la seule des environs. Elle était tenue par un jeune homme du nom d'Ynnas.
Ynnas était de taille moyenne, les traits fins et posés de son visage reflétaient parfaitement son caractère.
Malgré l'extrême simplicité dans laquelle il vivait, il faisait preuve d'un grand raffinement autant dans ses actes que ses paroles.
Tous le respectaient pour sa sympathie, mais peu se déclaraient être ses amis, faute de bien le connaître. Il s'était installé à Fostinant cinq ans auparavant, et personne ne sut jamais d'où il venait. Il était juste arrivé, un matin, maigre, affamé, et vêtu de haillons. Les habitants l'avaient recueilli, et l'avaient aidé à s'installer dans le village.
Il passait la majeure partie de son temps libre en compagnie d'Ordan, le forgeron du village. Une gigantesque brute chauve, simplette, prête à la bagarre à n'importe quel moment que ce fut. C'était l'impression qu'il donnait. Mais, derrière cette épaisse carapace, se cachaient un cur tendre, une âme de poète. Ordan avait toujours été, aussi étrange que cela puisse paraître, passionné par les jeunes animaux. Il était même fréquent de le voir émerveillé, le regard embué, face à des oisillons essayant d'apprendre à voler, ou des chiots jouant dans la campagne.
Par une belle après-midi d'été, un vieillard arriva au village. Ce vieillard était bien étrange. Il était vêtu d'un vieux manteau brun, qui le recouvrait presque entièrement, laissant juste voir deux bottes usées. Sa tête et son visage étaient masqués par une grande capuche, seule dépassait une longue barbe blanche. Une ceinture de cuir, à laquelle était attachée une large besace, coupait en deux son corps chétif, et révélait son extrême maigreur. Mais, de tout cela, la chose qui attirait le plus l'il, était, incontestablement, son bâton, car, comme tout vagabond qui se respecte, il était muni d'un bâton l'aidant à marcher. Ce bâton, donc, était d'une talle impressionnante : au moins deux mètres de haut ! Sa structure était, elle aussi, des plus étranges : au sommet, se trouvait un diamant, d'une pureté inégalable, qui brillait d'une lueur blanche, chaleureuse et réconfortante. Le bois n'avait pas été traité, mais il était tout de même lisse, sans la moindre imperfection. La base était totalement à l'opposé du sommet : le bois y était sombre, sale, moisi, et de nombreuses échardes en sortaient. Là aussi se trouvait un diamant, dumoins une pierre, grossièrement taillée, poussiéreuse. Elle était d'un noir profond, impénétrable. Tous ceux qui avaient osé la fixer affirmèrent par la suite qu'elle émettait une faible lueur sombre, qui provoquait chez la plupart une crise d'angoisse inexplicable, parfois accompagnée par un profond sentiment de mal-être.
Ce vieillard, donc, se dirigea droit vers l'auberge, comme s'il connaissait déjà la place. Il semblait avoir du mal à marcher, mais il refusa tout de même de se faire aider par les quelques personnes qui s'étaient proposées. Il demanda une chambre, Ynnas l'y emmena.
Le lendemain, alors que le soleil était déjà haut dans le ciel, le vieux vagabond n'avait donné aucun signe de vie.
Ynnas décida alors d'aller inspecter sa chambre. Le vieil homme était assit sur une chaise. Le lit n'avait pas était défait, la chandelle était restée intacte, tout comme le repas. Le vieillard était resté là certainement toute la nuit.
D'ailleurs, était-ce vraiment un vieillard ? Ce n'était plus cette carcasse, qui, la veille, s'était péniblement traînée jusqu'à l'auberge. Ses traits étaient plus fermes, sa peau moins pâle et ridée, son allure plus robuste, ses yeux plus vifs
Même son bâton avait changé : la zone lisse était maintenant plus grande, au détriment de la zone rugueuse. Le diamant brillait, alors que la pierre était devenue plus petite, moins sombre. Ynnas n'osait pas bouger, de peur de déranger cet étrange vagabond. Après quelques secondes, le regard de ce dernier, qui jusque là fixait un point indéterminé de la salle, se posa sur l'aubergiste.
"Est-ce
est-ce déjà le matin ?
_Heu
oui, oui oui, c'est le matin !
_Très bien !"
L'étrange homme se leva d'un bond, témoignant d'une vitalité qui jusque là semblait lui avoir fait défaut. Ynnas le conduit jusqu'au guichet, n'osant lui poser la moindre question.
"Alors, une chambre simple, pas de feu, pas de repas, lit propre, hem, pas de chandelle
Ce sera, disons, dix fostins !"
Le vagabond plongea sa main dans sa besace. Il en sortit une vieille bourse en cuir, usée et poussiéreuse. Il l'ouvrit d'un geste rapide de la main, examina l'intérieur, puis leva les yeux vers Ynnas, d'un air de chien battu :
"Je
c'est à dire
je n'ai pas assez pour payer
_Ne vous en faites pas, le rassura Ynnas, moins motivé par sa générosité que par l'envie de ne pas s'attirer les foudres de cet étrange personnage. Dix fostins, ce n'est pas énorme
Je vous les offre !
_Non, je tiens à payer ! Je ne veux pas avoir de dettes ! Je sais ! Je vais vous laisser ma besace comme caution ! Si je ne reviens pas, elle vous appartiendra, ainsi que son contenu.
_Mais, vous êtes sûr de vouloir
Enfin, cette besace, c'est tout ce que vous avez !
_Ne vous en faîtes pas ! Je vais juste à Ramiere régler quelques affaires. Si tout va bien, je serais de retour d'ici quelques jours
_Très bien, comme vous voudrez, mais il me faudrait tout de même votre nom
_Bien sûr. Je m'appelle Branian
B-R-A-N-I-A-N. Le temps presse, je dois m'en aller. Adieu
"
Ynnas rangea la besace dans un tiroir. Les jours, puis les années se succédèrent, et le vagabond ne revint pas. L'aubergiste avait fini par l'oublier complètement
Jusqu'à cette nuit d'automne. Il pleuvait depuis trois jours. Au déluge vinrent rapidement s'ajouter grêlons, tempête et tonnerre. Tout cela finit par avoir raison de l'auberge du " Chat dormant", et l'imposante bâtisse s'écroula telle un château de cartes, emportant avec elle toutes les richesses de son propriétaire.
Le lendemain matin, les nuages se dissipèrent, et le soleil, encore faible et pâle vint arroser de ses timides rayons le champ de décombres. Ynnas était encore plus écroulé que son auberge. Il ne parlait à personne, se contentait de ruminer sa colère et de marmonner quelques mots inintelligibles. Tous les habitants du village le regardaient de loin, ne sachant que faire pour l'aider. Ordan tenta tout de même quelques timides paroles :
"Ne t'en fait pas, on va la reconstruire ton auberge ! Encore plus belle que ce qu'elle était avant, même !"
Mais Ynnas ne l'écoutait pas. Il restait debout, immobile, le regard vide. Quand, tout à coup, poussé par une rage aussi violente que subite, il se mit à crier :
"Que me veux-tu ? Jamais tu ne me laisseras tranquille ? J'ai déjà tout donné pour toi ! Et tu réclames encore ? JAMAIS, tu entends, jamais tu n'auras ma peau !"
Ses traits, sous le coup de la colère, s'étaient déformés, il était devenu méconnaissable. Il cria encore longtemps, jusqu'à l'épuisement, puis, alors, il se saisit d'une grosse pierre à ses pieds, et la lança vers le ciel, témoignant d'une force dont peu le croyaient capable. Elle fit une impressionnante trajectoire en l'air, puis retomba quelques secondes plus tard, éventrant largement les restes du guichet. La besace, qui alors était resté dans ce vieux tiroir, tomba sur le sol, reversant son maigre contenu : un petit objet rond, que personne n'avait remarqué, sauf Ordan. Il se précipita au milieu des ruines, se baissa, puis le ramassa.
"Y
Ynnas, tu
tu es riche !"
Ynnas se précipita aux côtés d'Ordan.
"Regarde
Regarde ! Cet uf ! C'est du mithril pur !
_Du... du mithril ? C'est quoi ?
_C'est un métal très rare. Jusqu'aujourd'hui, je pensais même que le mithril n'existait que dans les légendes.
_Tu est sur que ce n'est pas autre chose ? On dirait de l'argent.
_Allons vérifier !"
Sous l'il ébahi de tous les badauds qui entouraient les ruines, Ordan entraîna Ynnas jusqu'à sa forge.
"Mettons-le dans le feu. Le mithril ne devrait pas fondre."
Ordan jeta l'uf dans le brasier. Il resta un moment à le regarder, au milieu des morceaux charbon rougeoyants. Mais celui-ci ne fondit pas. Il se mit juste à trembler et à siffloter. Ordan, perplexe, prit des tenailles et ramassa l'uf. Il le regarda, puis commença à raisonner à basse voix :
"Je n'avais jamais entendu parler de ça. Le mithril ne devrait pas réagir. Etrange
"
Il resta un moment, puis, à haute voix :
"Dis-moi, Ynnas. Où as-tu obtenu cet uf ?
_Heu
Je crois que c'est un client qui me l'avait laissé en caution. Il y a deux ou trois années de cela
J'avais marqué son nom et sa destination quelque part, je ne sais plus où. Allons-voir ! " Chapitre II : Souvenirs
Ryan de tenait en face de son adversaire. C'était un jeune homme, presque un adolescent. Il tremblait
Il avait peur. C'était sûrement son premier combat
Ryan hésitait à le tuer. S'il le voulait vraiment, il l'aurait déjà fait. Mais Ryan ne voulait plus se battre. Du temps où il était général, nombre de ses soldats désertèrent car ils ne comprenaient pas les raisons pour lesquelles il faisait la guerre
Ryan leur pardonnait. De toute façon, ils étaient tous revenus lors de la dernière bataille
Mais Ca, c'était du passé ! Il fallait oublier ! Ce qui gênait Ryan, c'est qu'il savait parfaitement pourquoi il se battait : pour le plaisir d'un peuple barbare, sanguinaire, pour qui la mort n'est qu'un jeu
Il fallait se concentrer sur le combat ! C'est ce qu'il avait toujours appris
Miron avait manqué de concentration
Ca l'avait tué
NON ! Il ne fallait pas penser à Miron ! Pourtant, chaque jour, Rolag était là pour lui rappeler l'ancien temps
Rolag
Il avait maintes fois sauvé la vie de Ryan jusque là
Il avait même renié son peuple, sa religion, pour aider Ryan
Et pourtant, même s'il souffrait de la situation, il ne se plaignait pas
Il était très courageux
Cette vertu, malheureusement, avait manqué à Ryan
Il regrettait les fautes qu'il avait faites par le passé
Il versa une larme
NON ! Il ne fallait pas pleurer
Ca ne faisait pas bonne impression au niveau du public
Et quand le public n'aime pas un des gladiateurs, il le fait savoir
Le jeune homme en face de Ryan avait profité de l'inattention de ce dernier pour venir placer sa lame sous sa gorge
Mais il n'osait pas tuer. Ryan croisa son regard: il avait peur, son visage suintait à grosses gouttes, et il semblait que ce n'étaient pas que des gouttes de sueur
Tout à coup, ses yeux s'agrandirent, sa bouche s'entrouvrit. Il poussa un petit cri, et s'écroula. Derrière lui, se trouvait Rolag. Il fit un petit sourire à Ryan, laissant dépasser ses crocs, puis regarda avec tristesse le cadavre encore chaud du jeune homme
Chapitre III : Rencontres nocturnes La charrette roulait depuis déjà plusieurs heures, tirée par deux vieux bufs. Alors qu'Ynnas tenait les rênes, Ordan, bercé par les multiples cahots de la route, s'endormait peu à peu
Lorsque la charrette s'arrêta, il faisait déjà nuit depuis longtemps. Ynnas, qui depuis les événements de la veille était resté morne et renfrogné, avait ramassé quelques branchages, parmi les rares qui n'étaient pas trop humides, qu'il mis en tas au bord de la route, afin d'en faire un feu. Il resta un long moment assis à écouter le doux crépitement des flammes.
C'est alors qu'Ordan se réveilla, les yeux chargés du long sommeil dont il venait de sortir. Il bailla bruyamment, s'étira, et sauta de la charrette. La lune, pleine, éclairait la route d'une lueur froide. Il s'approcha lentement d'Ynnas, évitant les nombreuses flaques de boue jonchant le sol. Il restait immobile, les yeux vides de toute émotion. Ce ne fut que lorsque son ami prit la parole qu'il le remarqua :
"On est à peu près où ?
_Je pense que l'on a fait un tiers du chemin. On a dépassé Lyarinn alors que le soleil se couchait. Il doit bien être dix ou onze heures
_Tu as mangé ?
_Non, je n'ai pas faim
Je vais certainement me coucher
_Moi j'ai faim ! Je vais voir dans les sous-bois s'il n'y a pas des champignons, je suis sûr que leur odeur t'ouvrira l'appétit !"
Ordan, laissant son ami, s'enfonça dans les fourrés, faisant craquer de nombreuses branchettes que l'automne avait dépourvues de leurs feuilles. Il parcouru quelques dizaines de mètres. Il était maintenant arrivé dans une forêt épaisse rendue lugubre par la nuit. La lumière de la lune ne perçait plus qu'à travers les branches d'arbres qui se tordaient presque douloureusement sur le fond de ciel noir.
Il finit par arriver dans une petite clairière. Deux renardeaux chahutaient près du terrier, sous le regard protecteur de leur mère. Ordan, attendri par la scène, se cacha dans un buisson, et regarda la pittoresque scène. Alors que ses yeux s'humidifiaient sous l'émotion, l'un des deux renardeaux poussa un petit cri plaintif. La renarde bondit, attrapa sa progéniture dans sa gueule, et alla se cacher dans le terrier.
C'est alors qu'un bruit de galops retentit. Un courant d'air glacial se fit sentir. Ordan se terra dans son buisson. Un cavalier noir passa, chevauchant une affreuse bête, une sorte de loup géant, la gueule dégoulinante de sang. Le cavalier s'arrêta au milieu de la clairière. Le loup semblait avoir sentit Ordan. Celui-ci ne bougeait pas, paralysé par la peur. Le cavalier s'approchait lentement. Il regarda fixement Ordan. Son regard était lourd, pesant, mais aussi empli d'une haine et d'une méchanceté pures. Ordan n'osait pas soutenir cet affreux regard, il ferma les yeux. Il entendit le cavalier pousser un juron, présumait-il, dans une langue inconnue, puis les bruits de galop reprirent. Ordan n'osa bouger que de longues minutes plus tard. Il retourna là où se trouvait Ynnas. Il avait complètement oublié sa faim. Ynnas dormait, le feu s'était éteint, ne laissant plus qu'une maigre traînée de fumée noirâtre qui s'élevait lentement vers le ciel. Ordan voulut aller chercher un drap qu'il avait mis dans la charrette. Ce fut alors qu'il remarqua une silhouette se détachant au loin, dans la nuit. Elle semblait humaine. Ordan, apeuré à la perspective d'une nouvelle rencontre avec le cavalier noir, tenta de s'enfuir. Mais il glissa sur une flaque de boue, et s'étala lourdement sur le sol, perdant conscience. Lorsqu'il se réveilla, Ordan vit d'abord le ciel, bleu. Il faisait jour. Il se sentait avancer, il devait être allongé sur la charrette. Il se redressa. Il vit Ynnas, qui le regardait. Un grand sourire illuminait son visage. Ordan se souvenait des événements qui s'étaient déroulés, mais il se sentait réconforté par cette présence. Il était, de plus, heureux de voir son ami sourire. Ynnas se mit à parler :
"Tu vas bien ? Content que tu te sois réveillé ! Cela fait deux jours que tu étais inconscient ! C'est Laryana qui t'a trouvé, conclut-il, en désignant d'un rapide geste de la main une jeune fille qui tenait les rênes du chariot. Celle-ci se retourna, fit un rapide sourire à Ordan. Ynnas reprit : Tu étais étendu dans la boue. Tu as du faire une mauvaise chute."
Ordan voulut raconter ce qui lui était arrivé. Il ouvrit la bouche. A peine eut-il le temps de commencer à parler qu'il fut interrompu par Laryana. Celle-ci avait poussé un cri de joie. Elle montrait l'horizon du doigt. Les premiers bâtiments de Ramiere commençaient à apparaître au loin, et la forêt, qui jusque là avait bordé la route avait laissé place à une large plaine, où les champs cultivés s'étendaient à perte de vue vers l'ouest. De l'est arrivaient les embruns de la mer, emplissant l'air d'une odeur iodée.
Ramiere était une immense ville portuaire, de plus de cent mille habitants. Le quartier le plus important de la ville était celui des quais; chaque jour y circulaient des dizaines de navires commerçants, venant des quatre coins du monde, les cales pleines de marchandises exotiques. De ce quartier partait l'Axe principal, un immense boulevard qui allait droit au centre de la cité, à l'immense place du marché. Celle-ci voyait chaque jour défiler des milliers de marchands, de vendeurs, d'acheteurs, de badauds
La nuit, le marché ne s'arrêtait pas, mais il changeait. Les épices étaient remplacées par des esclaves, les fourrures par des armes, les vendeurs par des trafiquants, les acheteurs par des contrebandiers, les badauds par des voleurs
C'est sur cette place qu'arrivèrent les trois compagnons. Entre temps, leur charrette avait été alourdie par des jeunes enfants qui avaient trouvé là un nouveau moyen de transport aussi amusant que reposant, et ce malgré les brimades de Laryana et d'Ordan. Après une heure à être resté bloqués au milieu du continuel flot de charrettes se dirigeant vers la place, Ynnas proposa de faire demi-tour et d'essayer de trouver une auberge en périphérie de la ville. Face à l'accord assez enthousiaste de ses deux compagnons, qui avaient les bras fatigués à force de repousser des bambins, Ynnas donna un violent coup de rênes à ses bufs. Les vieilles bêtes tournèrent, et traversèrent tant bien que mal le large boulevard, dérangeant au passage les autres voyageurs, et provoquant chez eux une succession de cris de mécontentement.
Parcourant les étroites ruelles de la ville, ils finirent par en sortir et par arriver, alors que le soleil se couchait, devant une petite auberge d'où provenaient des cris de joie et une musique effrénée. Ordan, alléché par l'odeur de bière fraîche qui envahissait l'air ambiant, se précipita à l'intérieur, suivi par Ynnas et Laryana, plus tempérés.
Ils arrivèrent dans une immense salle, éclairée par deux grands lustres solidement attachés au plafond. Les murs étaient recouverts de dizaines de tapisseries, certainement provenant de lointains pays, et de bustes d'animaux à l'air féroce. Au fond de la salle se trouvait une haute estrade, avec dessus trois musiciens. Le premier, le plus maigre des trois, tenait en ses mains un violon, dont il jouait en dansant joyeusement. Le second, plus corpulent, soufflait dans une sorte de grosse cornemuse. Le troisième, de dos à la salle, jouait sur un petit piano de confection certainement artisanale. Le reste de la salle était occupé par cinq longues rangées de tables, ployant sous le poids des victuailles et des bouteilles d'alcools en tous genres. Ordan avait rapidement trouvé une place entre un vieux loup de mer, qui, arborant fièrement une longue barbe rousse, racontait à qui voulait bien l'entendre ses nombreuses pérégrinations sur les océans, et un fermier taciturne, qui mâchait lentement sa nourriture. Laryana alla s'asseoir dans un coin, sur une petite chaise, où elle espérait être tranquille. Ynnas, en connaisseur, s'était dirigé vers les cuisines, afin de discuter avec le propriétaire du lieu sur des sujets tels que la condition d'aubergiste ou la meilleure façon de satisfaire les clients les plus exigeants.
Après le repas, une fois toutes les assiettes débarrassées, la musique se fit de plus en plus entraînante, et beaucoup de clients, dont Ordan, que la bière et la fête avaient rendu frères, se mirent à danser sur les tables, formant une immense chaîne.
L'un d'entre eux, plus maladroit et surtout plus ivre que les autres, renversa une immense carafe d'eau, certainement la seule de l'établissement, sur Laryana. Celle-ci, poussant un cri de mécontentement, se leva et sortit de la salle. Ynnas, voyant là une bonne occasion de se débarrasser de cet aubergiste qui se faisait quelque peu envahissant, la suivit dehors.
Il la trouva adossée contre un grand arbre, en train de regarder les étoiles. Il s'assit à ses côtés, resta un moment silencieux, puis prit la parole :
"Il fait bon, pour cette période de l'année ?"
Laryana semblait plongée dans ses pensées. Elle mit un temps à répondre :
" Regarde cet arbre
C'est l'automne, et il n'a pas encore perdu ses feuilles
_Il finira bien par les perdre un jour ou l'autre
_Non, je ne crois pas
Je l'entends me parler, je me sens bien à ses côtés
_Tu parles aux arbres ?
_Oui, comme tout le monde
Enfin, beaucoup ont les oreilles bouchées par la vantardise que leur cause leur condition d'humain
_Tu penses ?
_Oui
Cet arbre m'a raconté sa longue histoire
Il se rappelle de tout ce qui lui est arrivé, depuis la lointaine époque où il était une jeune pousse, jusqu'à aujourd'hui
_Est-ce possible de se souvenir de tant de choses ?
_Bien sûr, si tu sais te souvenir. On oublie souvent son passé car on pense devenir meilleur avec le temps
Il est inconcevable pour beaucoup, trop, de ne plus être ce que l'on était
Et, lorsque l'on réalise cela, on est souvent trop vieux pour être écouté
_Est-ce différent avec lui ?
_Oui, bien sûr
Essaye de l'écouter
Il te parlera, il me l'assure
Mais il n'est pas sûr que tu puisses l'entendre
_Que va-t-il me dire ?
_Seul lui le sait
"
Ynnas ferma les yeux, posa sa tête contre l'arbre, et attendit un long moment, essayant du mieux possible de faire le vide dans sa tête
C'est alors que Laryana reprit la parole :
"Tu t'y prends mal
_Que dois-je faire ?
_Les arbres communiquent par la pensée. Ils savent tout ce qui se passe dans ton esprit. Il faut que tu leur prouve ta bonne volonté, il faut que tu penses à des choses agréables qui se sont passées dans ta vie, à des sentiments nobles. Il faut que ton esprit se purifie, et, alors tu verras en toi-même, ce sera l'arbre qui t'aura prêté ses yeux pour que tu te juges, tu entendras tes plus secrètes pensées, celles que tu ne réalises même pas, ce sera l'arbre qui t'aura prêté ses oreilles pour que tu t'entendes, tu ne feras plus qu'un avec lui
Et alors, il commencera à te parler. Il parlera dans une langue que tu n'as jamais entendue, mais que tu pourras comprendre, c'est la langue que chaque être vivant garde au plus profond de son âme, cette langue est commune à tout ce qui vit, du plus petite brin d'herbe au plus grand des Géants, du ver de terre rampant sur le sol au majestueux aigle parcourant les cieux
Même les pierres connaissent cette langue, même nous, nous la connaissons
Et alors, tu pourras parler avec l'arbre comme tu parles avec n'importe qui, mais tu parleras non plus avec ta bouche, mais avec ton esprit. Tu ne pourras lui mentir, il ne pourra te mentir
Mais fais bien attention, car ta conversation avec lui devra rester secrète, personne ne devra la connaître
"
Ynnas suivit les conseils de Laryana. Il se sentit alors peu à peu entraîné à l'intérieur de l'esprit de l'arbre, tout en étant plus que jamais lui-même. Il ressentait tout ce que lui avait décrit Laryana. Il se retrouva alors comme seul face à l'arbre. Celui-ci commençait à lui parler. Et Ynnas le comprenait.
"Alors, ainsi, tu es l'arbre.
_Oui, je suis l'arbre, comme tu le dis
_Quel est ton nom ?
_Je n'en ai pas
_Tu n'as pas de nom ? Alors comment font tous les autres arbres pour t'appeler ?
_Ils ne m'appellent plus depuis longtemps
Pendant mon enfance, il y a bien longtemps de cela, je vivais dans une profonde forêt. C'est alors que des hommes sont venus s'installer ici. Il coupèrent mon père, ma mère, mes frères et mes surs, mes amis
Je me suis vite retrouvé seul, le seul à survivre
Pourquoi moi ? Je ne le sais pas
Le destin a voulu que ce soit moi qui survive.
_Et tu as passé toutes ces années seul, sans parler à personne ?
_Si, bien sûr, je communique. Mes pollens volent au gré du vent, et vont porter mes messages un peu partout. Bien sûr, la réponse dépend du vent. Il change tellement de direction, que je ne sais jamais chez qui mon message va parvenir. Puis, parfois, entre mes racines, viennent s'installer des petites plantes, des touffes d'herbe, des ronces, du lichen
Ils sont sympathiques, mais vivent rarement plus d'une ou deux années, quand ils ne sont pas broutés ou piétinés !
_Ta vie semble malheureuse
_Oh, non, ne croit pas cela ! La solitude ne me pèse guère plus, maintenant ! Elle me permet de réfléchir tranquillement sur mon destin
_D'ailleurs, j'ai une question à te poser ! Pourquoi ne perds-tu pas tes feuilles, cet automne ?
_Pour me battre !
_Te battre ?
_Oui, je me bats contre des forces qui montent
Vois-tu, chaque année, se passe la même guerre. En hiver, la Mort gagne, mais, chaque printemps, la Vie renaît, elle devient plus puissante, et l'été, elle domine, jusqu'au prochain automne
Ce cycle se répète sans fin
Mais n'as-tu pas remarqué que les précédents hivers avaient été plus doux que d'habitude ?
_Si, bien sûr
Qu'est-ce que ça signifie ?
_Hé bien la Mort économise ses forces
Et, cette année, si rien n'est fait, il ne devrait pas y avoir de printemps !
_Quoi ?
_Demande à Laryana
_Laryana ?"
C'est à ce moment que Laryana apparut dans les pensées d'Ynnas. Elle aussi, semblait étonnée de ce qui se passait. C'était la première fois que cela lui arrivait. L'arbre regardait les deux humains d'un air bienveillant, s'amusant de leur étonnement. Ce ne fut aussi qu'à ce moment là qu'Ynnas prit le temps de regarder l'endroit où ils se trouvaient. C'était une sorte d'océan de lumière, tantôt verte et heureuse, tantôt rouge et bienveillante, tantôt blanche et pure
L'arbre recommença à parler, toujours dans les pensées d'Ynnas, mais il semblait que Laryana aussi pouvait entendre. En fait, c'est comme si les trois esprits communiaient.
"Vous voilà donc réunis. Ynnas, même si je sais certaines choses à ton sujet, je préférerais ne pas en parler, idem pour toi, Laryana, ceci pourrait gêner notre réunion.
_Quel genre de choses ?
_Des choses
Des choses ! Ce n'est pas le plus important. Venons-en au sujet principal. Donc, comme je disais, cette année, l'hiver risque d'être long, très long. Il risque même de ne jamais se finir.
_Comment est-ce possible ?
_Les forces de la Mort se font de plus en plus puissantes. Elles projettent de passer à l'acte très prochainement. Il faut lutter
_Que pouvons-nous faire ?
_Vous, rien
Il faudra trouver l'Elu, celui qui saura répandre la lumière sous ses pas, celui qui bannira de ce monde la mort, la tristesse, l'ombre
Je vous fait confiance, je lutterais à ma manière. Cet hiver sera certainement mon dernier, garder mes feuilles m'épuisera, me tuera, je ne puis rien faire contre cela
Je ne saurais certainement jamais l'issue de cette bataille, alors je vous fais confiance
_Mais
_Je suis fatigué, laissez-moi, maintenant, je veux me reposer
"
Ynnas et Laryana se retrouvèrent tout à coup "en dehors de l'arbre", assis, comme ils l'étaient avant. Que s'était-il donc passé ? Que voulait-il dire ? Ils ne le savaient pas
Il se faisait tard. De l'auberge, ne parvenait plus qu'une douce berceuse. Les cris de joie s'étaient tus, bon nombre des personnes étaient parties dormir dans leurs chambres, d'autres étaient tout simplement affalés sur les tables, en ronflant lourdement.
Ynnas et Laryana partirent se coucher dans la chambre qu'ils avaient réservée. Ils y trouvèrent Ordan, endormi. Une grande cruche de bière était posée à ses côtés.
Avant de s'endormir, Ynnas repensa aux événements des derniers jours. Tant de choses étranges s'étaient passées, mais il n'était pas étonné, il avait l'habitude
Tout de même, il y avait une chose à laquelle il n'avait pas encore pensé : comment allait-il trouver ce vieil homme, dans une si grande ville ? Il lui faudrait une chance considérable ! Et encore, il avait l'air d'être un grand voyageur, et il était fort probable qu'il eût quitté Ramiere depuis longtemps
Mais Ynnas était confiant, il sentait la présence du vieil homme quelque part dans cette ville, peut-être moins loin qu'il ne le pensait.
Il commençait à avoir les paupières lourdes
Il ferma les yeux, et s'endormit rapidement
Chapitre IV) Le Gardien
Ryan retomba lourdement sur la mince couche de paille humide qui lui servait de lit. Il regardait distraitement une petite faille du plafond, où de l'eau s'accumulait, faisant tomber à un rythme régulier une goutte qui s'écrasait sur le sol, laissant échapper un petit "plic". Tout autour de la faille avait poussé une minuscule forêt de mousse et de champignons.
Ce fut alors qu'un bruit métallique interrompit sa rêverie. On ouvrait la porte du cachot, où Ryan et son unique ami Rolag dormaient tant bien que mal. Deux immenses gardiens, protégés de leurs épaisses armures, traînaient derrière eux la masse inerte que constituait un nouveau prisonnier. Ils le jetèrent violemment au sol, et un troisième garde, qui jusque là était resté en retrait, déclara sur un ton autoritaire et méprisant :
"Ce sera ici ta nouvelle cellule ! Et tâche de te tenir tranquille si tu ne veux pas qu'il t'arrive la même chose ! La prochaine fois, ce ne sera pas ta pauvre classe qui te sauvera
"
Puis il fit demi-tour, en riant d'un rire méchant, presque diabolique
Ensuite, les deux autres gardes partirent, fermant soigneusement la porte rouillée de la cellule.
Ryan s'approcha discrètement du nouveau prisonnier. Son dos, tailladé par de nombreux coups de fouet, saignait abondamment. Il gardait la tête baissée, son visage était caché par de longs cheveux noirs. Il semblait fort, d'ailleurs, il portait les braies rouges, réservées aux Errians, gladiateurs les plus forts et les plus respectés des arènes. Après un petit moment, Ryan prit la parole :
"Hé ben mon gars, il t'on pas raté !"
L'homme mit un moment à répondre. Il semblait plongé dans ses pensée.
"Je sais, prononça-t-il soigneusement d'une voix totalement neutre. J'ai l'habitude
_Qu'as-tu fais ?
_Rien
J'ai juste regardé l'un d'entre eux droit dans les yeux
_C'est vrai qu'ils n'aiment pas ça
_Je trouve pitoyable que beaucoup de personnes aient pris l'habitude de baisser les yeux dès qu'un garde arrive
_Que veux-tu
Ils ont le pouvoir
Nous ne pouvons rien
_Si nous nous allions tous, on pourrait
Rolag leva tout à coup la main. "Nous devrions nous taire, chuchota Ryan. Quelqu'un arrive
"
Rolag avait vu juste. Quelques secondes plus tard, le garde qui était chargé de la nourriture arriva, boitillant, et poussant une large marmite montée sur une plate-forme à laquelle étaient fixées quatre vieilles roues grinçantes. Il regarda dans la cellule, marmonna une petite phrase incompréhensible, puis pris trois petites assiettes en métal. Il les remplit d'une soupe froide et pâteuse, et déposa les assiettes devant un petit trou qui était spécialement conçu pour cette utilisation. Puis il repartit faire sa tournée, de la même façon qu'il était arrivé. Les trois prisonniers se jetèrent sur la nourriture, avant que les nombreux rats ou cafards qui peuplaient le lieu ne fassent de même. Après un instant, le nouveau, désignant Rolag d'un petit geste du menton, demanda :
"Tu as l'air différent
_Il n'est pas humain, répondit Ryan. Il vient d'un lointain pays, où son peuple vénère de sombres forces. Mais lui est différent. Il m'a aidé, alors que j'étais en grand danger. S'il y a une personne digne de confiance dans ce monde, c'est bien lui ! "
Le nouveau tendit une main amicale vers Rolag, et lui dit :
"Heureux de te connaître
Je m'appelle Malkor."
Rolag, de ses trois doigts griffus, serra la main de Malkor.
"Il ne parle pas, précisa Ryan. Mais il n'en pense pas moins
Il suffit de savoir lire son regard
"
Il est vrai que, la seule chose humaine dans Rolag était bien son regard. Son corps était effrayant, monstrueux : sa peau, grise, presque noire, était sèche, tailladée de nombreuses cicatrices. Ses bras, longs et poilus, se terminaient par deux mains, qui étaient chacune composées de trois doigts, fins, noueux, et griffus. Sa bouche, si l'on pouvait appeler comme cela la petite fente sans lèvres au bas de son visage, laissait apparaître de gigantesques crocs, profondément enracinés dans des gencives rouges sang. Il n'avait que très peu de cheveux, mais masquait sa calvitie en portant la plupart du temps un vieux casque en fer rouillé, qui lui avait été légué par un vieil ami à lui. Mais, malgré cette silhouette et ces traits effrayants, il suffisait de le regarder dans les yeux pour savoir qu'il ne pouvait être mauvais. Ses yeux, bleus, semblaient aussi purs que des saphirs. Il avait ce regard, que l'on retrouve chez les personnes bonnes pour l'être, qui ne demandent rien à personne, qui aident, juste pour le plaisir de voir les autres heureux, et qui n'ont jamais, de toute leur vie, commis la moindre action qui pourrait leur rester sur la conscience.
Rolag était très passionné par Humains, qu'il trouvait étranges. Il avait, lors de ses pérégrinations, vu nombre d'entre eux, et ne savait toujours pas ce qu'il devait penser de la race humaine en sa totalité. Il connaissait de très bon exemples d'humains, comme Miron, mais il en connaissait aussi de très mauvais, comme ceux qui chaque jour l'applaudissaient dans cette arène. Il est vrai que son physique inhumain l'avait vite rendu populaire dans les jeux du cirque, et il était de loin le gladiateur préféré des spectateurs. A chacun de ses combats, il était applaudi, clamé, idolâtré ; ce qu'il détestait grandement, lui qui avait passé une grande partie de son existence à défendre la Vie.
Après un moment, Rolag esquissa ce qui devait être un sourire amical, mais son anatomie s'y prêtait mal, et il ne réussit qu'à faire une grimace sadique. C'est alors que Malkor pris la parole :
"Il se fait tard, nous devrions nous coucher
Demain sera une rude journée
"
Puis il s'exécuta, s'allongeant à même le sol. Rolag s'assit dans un coin de la pièce, et baissa la tête pour dormir, comme à s'on habitude.
Ryan, qui n'avait pas très sommeil, décida de se changer les idées, du moins d'essayer, car cela était difficile dans un tel lieu
Il repensa au jeune homme qu'il avait tué dans la journée. Etait-ce le dixième ? le centième ? le millième ? Il était incapable de le dire
Etait-il ici depuis un mois ? une année ? plus ? Il n'en savait rien
Depuis qu'il était entré ici, le temps semblait s'être arrêté
Les jours passaient, se succédaient sans laisser de traces dans sa mémoire
Ryan marcha un moment dans la pièce. Puis il s'approcha de la fenêtre. Celle-ci était protégée par de larges barreaux rouillés. Dehors, la ruelle sur laquelle la vue donnait était vide. Un rat fouillait dans un tas d'ordures. Ryan tira un peu sur l'un des barreaux, sans espoir. Tout à coup, le barreau tomba en miettes. Ryan n'en croyait pas ses yeux. Il tira sur un autre barreau : idem. Il enleva ainsi, un à un, chaque barreau de la fenêtre. Malheureusement, celle-ci était trop petite pour le laisser passer. Il s'attaqua alors aux murs, et, à son grand étonnement, ceux-ci se brisèrent comme du cristal. Il donna un coup de pied dans le bas du mur : les briques volèrent en éclat.
Ryan se tourna alors vers Rolag et Malkor. Le cur emplit de joie, il les réveilla. Ne pouvait exprimer son contentement par des mots, il montra simplement l'immense trou dans le mur. Rolag et Ryan se précipitèrent à l'extérieur, Malkor resta un moment assis, indécis, puis suivit ses nouveaux compagnons. Il coururent pendant une longue partie de la nuit : trop contents de leur liberté récupérée, ils voulaient s'éloigner le plus possible de ce lieu qu'ils avaient tant détesté, de peur d'être rattrapés par les gardes. Ils ne s'arrêtèrent qu'à l'aube, dans un petit bosquet. Là, ils seraient en sécurité. Ils dormirent une bonne partie de la matinée.
Lorsque Ryan se réveilla, il vit Malkor perché sur un arbre, en train de scruter l'horizon. Il s'approcha de lui, marcha sur une brindille qui, en craquant, trahi sa présence. Malkor tourna la tête vers le bas, et, apercevant Ryan, rejoignit le sol d'un seul bond.
"Je pense que je vais vous quitter là, déclara-t-il. Je dois aller vers l'est, régler un vieux compte. Je vous conseille de partir vers le nord. La frontière du royaume n'est pas loin. Après cela, ce sera les terres sauvages, les Terres du Nord. Vous y trouverez un vieil ami à moi, du moins, il vous trouvera : il sait tout ce qui se passe dans ces terres, toute personne qui y entre est vue de lui ou de ses nombreux amis en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Il est facilement reconnaissable : il est toujours accompagné par un ours, un singe, et un loup. N'ayez pas peur de son air sauvage : il ne se bat que quand il ou l'un de ses nombreux protégés est en danger, et n'aime pas tuer. Dites-lui que vous me connaissez, il vous guidera dans les terres sauvages, vous emmènera à n'importe quel endroit, il suffira juste de lui demander. Adieu
"
Puis il se retourna, et partit lentement vers l'est, sans regarder derrière lui. Ryan voulut le retenir, mais il ne put faire le moindre geste. Sa voix semblait éteinte.
Il le suivit des yeux, impuissant, pendant quelques minutes, puis se retourna. Il partit réveiller Rolag, lui annonça le départ, et lui répéta les conseils qui lui avaient été prodigués.
Puis les compagnons se mirent en route. Rolag, qui connaissait très bien les plantes, savait déterrer les meilleures racines, débusquer les champignons les plus goûteux, faire cuire les tiges les plus tendres
Ryan essayait d'attraper des lièvres ou des oiseaux, mais, comme il n'avait pas d'arme digne de ce nom sur lui, ses tentatives échouaient souvent, l'entraînant parfois dans un bosquet de ronces, ou dans un buisson épineux. Ils évitaient le plus possible les routes, et préféraient marcher de nuit. Ce fut au bout d'une vingtaine de jours qu'ils dépassèrent les derniers villages. Les seules traces de présence humaine étaient de lointaines fermes ou de petits chemins boueux.
Environ trois jours après leur départ, ils finirent par arriver dans ce qui était appelé les Terres du Nord, une région infiniment grande, où seuls vivaient des bêtes sauvages et des tribus barbares. Elles étaient connues de tous les enfants du monde, car tous les contes de fées et les récits pour les faire dormir s'y déroulaient. L'on disait aussi qu'il y vivait d'étranges êtres, tantôts magnifiques et insaisissables, tantôt effrayants et cruels
L'on y parlait aussi d'intrigantes montagnes, qui tantôt abritaient de merveilleux lutins, tantôt étaient nues et totalement infertiles
Même si personne n'y croyait, peu se risquaient sur ces terres
Ne sachant plus vraiment où aller, Ryan et Rolag s'installèrent au sommet d'une colline. Ryan observa les alentours : au nord s'étendait une gigantesque chaîne de montagnes, à l'ouest une forêt, à l'est un petit bosquet, entouré par d'immenses plaines couvertes d'herbe. Il préféra ne pas regarder vers le sud, afin de tracer un trait définitif sur son passé. Puis il s'assit. Rolag était parti chercher des brindilles pour faire un feu.
La première nuit fut sans encombres. Lors de la seconde, quelques loups tentèrent de s'approcher du campement de fortune, mais, intimidés par le feu, ils déguerpirent aussi vite qu'ils étaient arrivés, leurs silhouettes s'évanouissant dans les ténèbres insondables de la nuit. Lors de la troisième nuit, ils étaient plus nombreux, mais pas encore assez. Ce fut lors de la quatrième nuit qu'ils décidèrent de passer à l'acte : ils encerclèrent les deux compagnons, resserrant peu à peu l'étau autour de ces proies faciles. Un vieux loup au pelage gris poussa un hurlement macabre. Ryan se réveilla sur le coup : il avait appris à avoir le sommeil léger. Il saisit une branche dans le foyer, et utilisa la flamme qui la dévorait pour repousser ces prédateurs. Il en blessa deux, qui fuirent en gémissant. C'est alors que Rolag se réveilla. Il eut à peine le temps de se relever qu'un loup lui sauta dessus, et mordit profondément dans sa jambe. Mais il se retira vite, comme horrifié par le goût de la chair du blessé. Pendant ce temps-là, Ryan résistait coûte que coûte, mais les loups attaquaient sans relâche. A chaque fois qu'il en blessait ou tuait un, trois autres arrivaient. Le doyen de la meute, qui s'était perché sur un rocher, encourageait les autres chasseurs de ses longs hurlements, et en appelait de nouveaux au combat. Ils devaient maintenant être une centaine. Ryan, submergé par le nombre d'assaillants, s'écroula sur le sol. Rolag, blessé, ne pouvait plus bouger.
C'est alors qu'un cri déchira la nuit. C'était aussi un cri de loup, mais celui-ci était bien plus lointain. Les nombreux coups de crocs qui tailladaient la chair de Ryan s'arrêtèrent. Il ouvrit les yeux : les loups avaient reculé, comme s'ils n'osaient plus approcher. Au loin, des gémissements entrecoupaient le silence de mort qui s'était imposé. C'est alors que tous les loups s'échappèrent, laissant apparaître au loin quelques silhouettes qui s'approchaient.
Ryan rassembla toutes ses forces pour se relever. Il jeta un rapide coup d'il à Rolag : celui-ci n'avait pas été attaqué, sauvé par l'atroce goût que les loups lui trouvaient.
Lorsque les silhouettes étaient enfin assez proches, Ryan put discerner de qui il s'agissait : un homme, grand, large, chauve, accompagné d'un loup blanc et d'un immense ours. Sur son épaule se trouvait une étrange créature : celle-ci ressemblait à un homme, mais elle était plus petite, son corps était recouvert de poils bruns. Ryan présuma qu'il devait s'agir du "singe" dont lui avait parlé Malkor. L'homme prit la parole, d'un ton autoritaire mais accueillant :
"Je suis Ordan, gardien des Terres du Nord !"
Chapitre V ) Troubles au sud
Ce matin-là, Ynnas se sentait invincible, grand, vivant, heureux, puissant. Le printemps, arrivé précocement cette année, l'avait empli d'une énergie et d'une joie qui semblaient rayonner tout autour de lui. Il était sorti de sa chambre, et avait déambulé dans les couloirs du château, sans autre but que de répandre sa joie de vivre un peu partout. Il avait envoyé nombre de ses domestiques personnels se reposer, plus que jamais conscient des épuisantes tâches qu'ils remplissaient pour le satisfaire. Aujourd'hui, quoiqu'il arrive, il serait satisfait.
Il s'arrêta dans les jardins, s'assit au pied d'un vieux chêne, et se laissa dorer au soleil.
Alors qu'il commençait à s'endormir, une voix le réveilla.
"Maître Ynnas, maître Ynnas !"
Il ouvrit un il, regarda qui le réveillait. C'était Madfor, un jeune suivant, fils de Melnoris, majordome du château.
Madfor était assez petit de taille, et, même s'il avait déjà dépassé ses dix-sept ans depuis plusieurs mois, il était souvent pris pour un enfant, ce qui le gênait grandement. Il avait de longs cheveux blonds bouclés, qui retombaient nonchalamment sur ses épaules. Ses yeux bleus brillaient toujours d'une lueur de joie qui ne s'éteignait jamais.
"Maître Ynnas ! votre père le roi vous fait appeler, c'est urgent !"
Ynnas ouvrit les deux yeux, il se leva paresseusement, et, congédiant Madfor, partit vers la salle du trône.
Son père était, à son habitude, assit sur le trône. Une dizaine de gardes étaient en poste, un peu partout dans la salle. Quelques nobles discutaient sur les balcons. Lorsqu'Ynnas arriva dans la salle, son père lui fit signe de s'approcher, puis il commença à parler :
"Ynnas, dit-il, tu es devenu presque adulte. Je me fais vieux, et tu devras bientôt me remplacer sur le trône
Tu as passé de nombreuses années auprès de tes professeurs, à apprendre la philosophie, la diplomatie, l'art de gérer un royaume
"
Le roi continua à parler ainsi pendant de longues minutes. Ynnas, lassé, finit par l'interrompre :
"Père, m'avait vous fait appeler seulement pour cela ? Madfor m'avait dit que c'était urgent...
_Hum, heu
oui
Nos deux alliés, la Confédération Gaélinne et le Royaume Iffin, ont été attaqués par des ennemis aussi affreux que sanguinaires. Le royaume a rapidement été conquit, et la Confédération est en plein combat. Je te demande d'aller leur porter aide, en emportant avec toi une armée constituée des meilleurs soldats du pays.
_Quoi ? Vous me demandez d'aller faire la guerre ?
_Ecoute, Ynnas, la guerre est l'une des nombreuses facettes de ton futur rôle de roi
Il faut dès maintenant apprendre à défendre ton territoire
De plus, une aide armée est absolument nécessaire pour la survie de la Confédération
Si celle-ci tombe aux mains de l'ennemi, la prochaine cible sera très certainement notre royaume
_Mais, nous avons de nombreux généraux prêts à combattre et bien plus performants que moi !
_Ils t'accompagneront et t'apprendront tout ce qu'il y a à apprendre sur le terrain
_Mais
_Ynnas, c'est un ordre
Tu devra être parti demain à l'aube."
Ynnas était abattu
Lui, qui n'avait jamais quitté sa cité natale, qui était rarement sorti des alentours du château, allait devoir voyager dans un lointain pays, guerroyer dans le désert contre des barbares, et tout cela en vertu d'une alliance
si ces ennemis étaient si puissants qu'on le dit, pourquoi ne pas collaborer avec eux ? Cela permettrait de sauver le royaume, et de se pouvoir d'un allié de poids !
Pendant qu'il réfléchissait à cela, il était sorti de la salle du trône, et avait déambulé dans les couloirs du château jusqu'à arriver devant les appartements de Freydor.
Freydor était issu d'une lignée proche de celle de la famille royale. Il avait été envoyé par sa famille en ville afin de recevoir la meilleure éducation possible. Etant du même âge qu'Ynnas, ils avaient été élevés par la même nourrice. Depuis leur plus tendre enfance, ils s'étaient toujours sentis comme frères, et avaient fait les quatre cent coups ensembles. Mais Freydor était pourvu d'une constitution bien plus robuste que celle d'Ynnas, et il était vite devenu le dominant. Ynnas était conscient de cette situation, et il ne s'en plaignait pas : il ne sentait en lui aucune envie de commander, et savait que Freydor n'abuserait pas de sa situation. Ynnas frappa à la porte, et de l'intérieur de la salle jaillit ne voix puissante et joyeuse :
"Entrez !"
Ynnas s'exécuta, appuyant de tout son poids sur la lourde porte de bois afin de la faire coulisser.
Freydor était assit dans son fauteuil, en train de regarder par la fenêtre. Dès qu'il reconnu Ynnas, ses yeux s'illuminèrent d'une étincelle de joie qui se répandit peu à peu sur tout son visage. Ses longues jambes n'eurent que deux pas à faire pour rejoindre son ami, et sa large main lui atterrit violemment dans le dos d'Ynnas, lui coupant la respiration un moment.
Entre deux éclats de rire, Freydor eut le temps de prononcer :
"Alors, vieille branche ! Qu'est-ce que tu viens faire ici ? "
Pendant un moment, Ynnas oublia sa peine, effacée par le ton joyeux de son ami. Puis il se rappela de la raison de sa visite :
"Freydor, c'est certainement la dernière fois que je te vois avant longtemps
Je dois aller à la guerre dès demain
_Quoi ? La guerre ? Où ?
_ La Confédération Gaélinne a besoin d'aide. Mon père a décidé de me confier cette campagne.
_Donc tu vas partir en guerre ?
_Oui
_Donc on ne va plus se voir pendant longtemps ? Peut-être même plus du tout ?
_Oui, conclut Ynnas dans un dernier souffle de désespoir."
Freydor resta un moment sans parler, puis ses yeux brillèrent d'une faible lueur qui signifiait qu'il avait une idée derrière la tête.
"Alors allons boire un dernier coup avant de nous séparer !"
La joie de Freydor déteint quelque peu sur Ynnas, qui se laissa emporter.
Lorsqu'ils pensèrent enfin à renter au château, la nuit était tombée depuis longtemps. C'est alors, qu'à mi-chemin, Freydor s'arrêta, profitant de la vue sur la mer qu'offrait le lieu. Ynnas, qui avait fait quelques pas avant de remarquer que son ami n'était plus à ses côtés, se retourna, et rebroussa chemin.
"Ynnas, appela Freydor.
_Oui ?
_Tu te rappelles quand on était petits ? Quant je m'absentais pendant de longues après-midi ?
_Oui
_Je n'avais jamais voulu te dire où j'allais
Aujourd'hui, je vais te révéler ce secret
"
Freydor marqua un temps, regarda un chat qui dormait paisiblement sur une fenêtre, inspira profondément, puis repartit :
"Vois-tu, j'ai toujours rêvé de voyager au loin
J'allais marcher sur les quais, regarder les marins. Je m'étais acheté une barque, et j'attendais LE jour pour partir. Ce jour est venu. Ynnas, vient avec moi ! nous vivrons au gré du vent, nous serons libres !"
Ynnas, qui voyait là une occasion d'échapper enfin à l'étouffant protocole, acquiesça d'un Large sourire.
C'est alors qu'un vieillard passa à côté d'eux, boitillant, les regarda furtivement, puis repartit aussi vite qu'il était venu.
"Très bien, maintenant, tous sont en place. Je peux commencer. Mais d'abord, débarrassons-nous de ceux qui pourraient être gênants pour la suite.
En premier, celui-ci est trop puissant, et sait beaucoup trop de choses. Et il empêche mon nouvel apprenti de connaître la vraie nature de son pouvoir. Je pense que ça ira pour l'instant."
"C'est bon, il n'y a plus aucun moyen pour lui de fuir son destin. Il est prêt à partir. Plus facile que je ne l'aurais pensé. Cette faiblesse risque de lui attirer des problèmes par la suite
" "Maître, m'avez-vous appelée ?
_Oui, j'ai une mission pour toi. L'heure est venue de se débarrasser des autres. J'ai déjà envoyé une recrue s'occuper Géants. Il a du finir, maintenant. Toi, tu as pour tâche de détruire le chef des lutins. Tu n'as pas le droit à l'erreur.
_Très bien, Maître. Mais je commence à perdre la confiance des autres. Que dois-je faire ?
_Tu n'as plus besoin d'eux." Chapitre VI ) Mort
"Alors comme ça, s'esclaffa Ordan, vous voulez rejoindre la Montagne aux vux! Jamais entendu pareille absurdité ! Et pourtant, j'en ai vu des fous, pendant les décennies que j'ai passé à voyager en ces terres
Je me suis aventuré dans la région de cette montagne, il y a quelques années, et je vous déconseille d'en faire de même
Là-bas se trouvent des centaines, des milliers de licornes. Et elles ne sont pas celles que l'on croit : elles vous éventrent de leur corne, puis vous dévorent les boyaux alors que vous agonisez encore ! Je les ai vues à l'uvre : c'est tout simplement horrible !
_Mais je tiens à y aller, insista Ryan. Je dois le faire pour Miron
_Miron ?
_Oui, Miron était mon frère et mon maître. Il m'a élevé, et m'a tout appris alors que nous avions perdu nos parents
C'était le meilleur soldat du royaume, voire même du monde ! Mais il mourut, lors d'une sanglante guerre qui précéda ma fuite
Il se sacrifia pour moi, conclut Ryan, la larme à l'il, la voix troublée par l'émotion de ces douloureux souvenirs."
Ordan se tut, baissa la tête. Puis il regarda Ryan dans les yeux : "Tu as l'air fou
Mais je te comprends
Je connais quelqu'un qui peux t'aider
Nous ne sommes pas loin de sa demeure. Suivez-moi, nous y seront avant sept jours si nous marchons vite et bien !"
Au bout de trois jours, ils arrivèrent au pied de l'immense chaîne de montagnes qu'avait vue Ryan lors de son arrivée sur ces terres.
Après les premières collines commençaient les immenses pics, aux sommets constamment enneigés. Ordan, qui semblait connaître parfaitement la région, les entraîna par de petits sentiers qui s'égaraient vite dans de profondes forêts de conifères, où ils marchèrent pendant plusieurs jours. Mais ils ne traversèrent pas la chaîne. Dès le premier col, ils virèrent vers l'ouest, et rapidement se retrouvèrent en plaine. Puis ils reprirent vers le nord, longeant une immense falaise parfaitement rectiligne.
Au crépuscule de leur septième jour de marche, ils virent le soleil se coucher dans une entaille qui s'enfonçait profondément dans la falaise. Ordan, d'un signe de la main, ordonna à ses deux compagnons de s'arrêter.
"Voyez cela, expliqua-t-il en montrant de la main l'entaille. Les Friskils l'ont creusée de leurs propres mains, sans outils. Il n'y a même pas trois ans qu'ils se sont installés ici
Alors admirez leur pouvoir !"
Ryan et Rolag fixèrent l'entaille, sans vraiment y croire. Comment tout cela aurait pu-t-il être fait en moins de trois ans, sans outils ? De plus, une luxuriante végétation avait poussé ici, de nombreux arbres aux branches chargées de fruits aux couleurs vives, de fleurs aux parfums envoûtants et de feuilles verdoyantes. "Ils ont planté tout ce que vous voyez là. En plus d'être de merveilleux travailleurs, ils peuvent faire pousser tout ce qu'il veulent, n'importe où. Entrez, les invita finalement Ordan, avec un geste de la main. "
Les trois compagnons suivirent le petit sentier, qui se faisait de plus en plus étroit. C'est alors qu'ils arrivèrent devant une falaise.
"Je présume que ce n'est qu'une illusion, proposa Ryan.
"Non, répondit Ordan ! Il va falloir escalader
_Quoi ? escalader ça ! Mais c'est impossible !
_Ne t'en fais pas
"
Ordan frappa des mains, et le singe quitta son épaule. Il s'enfonça dans la végétation. Après quelques minutes, une liane tomba du haut de la falaise.
"La voie est ouverte !"
Ordan s'agrippa à la liane, et, faisant preuve d'une agilité étonnante, il grimpa rapidement en haut de la falaise. Rolag le suivit, puis enfin Ryan, assez peu rassuré.
Une fois arrivés en haut de la falaise, Ryan regarda vers le bas, d'un air partagé entre le vertige et le soulagement. C'est alors qu'il aperçu que l'ours et le loup étaient restés en bas.
"Et ceux-là, demanda-t-il, comment ils montent ?
_Ne t'en fais pas; rassura Ordan. Nos hôtes vont prendre soin d'eux
"
Tout à coup, Ryan sursauta en voyant à ses pieds une sorte de bonnet dépassant du sol. Il se baissa, et l'observa de plus près. Il resta un moment immobile à l'observer. Il était en tissu, finement brodé.
C'est alors qu'un petit grognement sortit du sol. Une voix aiguë, stridente se fit entendre :
"Qui est là ! On ne peut plus dormir tranquille ?"
Subitement, le bonnet s'éleva, laissant apparaître un minuscule lutin, à peine plus grand qu'une main. Il avait la peau marron, de petits yeux noirs malicieux, et un air puéril, presque amusant. Il portait une courte tunique rouge, avec une ceinture de cuir à laquelle était accrochée une petite gourde. "Ca y est ! Vous m'avez réveillé ! Vous êtes contents ?
_Excuse-nous, Credei, déclara Ordan d'un air amusé. Tu peux nous mener jusque chez toi ?
_Non ! Je ne veux pas ! Vous m'avez vexé !"
Credei tourna le dos, prenant un faux air boudeur.
"Très bien, repris Ordan. Nous y irons tous seuls ! Suivez-moi, confia-t-il à Ryan et Rolag."
Puis ils partirent, en marchant assez lentement.
"Hé ! Attendez moi ! Ne vous en allez pas, supplia le Friskil. Je
je vais m'ennuyer tout seul ! Maintenant que vous m'avez réveillé, vous me prenez en charge !"
Ordan fit semblant de ne pas l'entendre, faisant signe à ses compagnons de le suivre.
"Puis d'abord, vous avez besoin de moi pour ouvrir la porte ! Marchez moins vite, j'ai de petites jambes, moi ! Et dit-à ces deux-là d'éviter de m'écraser avec leurs grands pieds !
_Bon, d'accord, tu nous suis, concéda Ordan. Mais tu ne parles pas
_Merci ! Je serais sage !"
Credei les suivit quelques temps sans parler, lorsqu'il fut repris par sa nature bavarde :
"Hé, dis-moi, Ordan, qu'est-ce tu viens faire par-là ? Et ces deux-là, c'est qui ?
_Ces deux-là, comme tu dis, sont des amis que je dois aider. Le petit, là, c'est Ryan. Le grand, avec l'air féroce, c'est Rolag. Il ne parle pas, mais il est gentil. N'ai pas peur de lui
Ils viennent voir le chef, afin de lui demander un conseil
_Et comment tu sais qu'ils sont gentils ? Peut-être qu'ils nous veulent du mal ?
_Ne t'en fais pas, c'est Malkor qui les envoie.
_Malkor ? Il est ici, tu le savais ?
_Malkor est ici, interrompu Ryan ? depuis combien de temps ?
_Depuis environ une dizaine de jours
_Mais, coupa Ryan, c'est impossible! Il nous a quitté il n'y a pas plus d'une quinzaine de jours !
_Les hommes de mon peuple voyagent vite, expliqua Ordan. Ils connaissent et empruntent des chemins que personne ne connaît. Ils savent voyager jour et nuit sans s'arrêter
_Mais, il était parti vers l'est ! Et nous sommes au nord-ouest de l'endroit où nous nous sommes séparés !
_Ne tente pas de percer nos secrets. Ils représentent une vérité trop dure à réaliser pour quelqu'un qui n'y est pas préparé."
C'est alors qu'Ordan arrêta de marcher. Ils étaient arrivés en face d'un immense fossé.
"La voilà, ton illusion, dit-il d'un ton rieur."
Puis, sans hésiter, il marcha dans le vide. Il était retenu par une sorte de pont invisible. Credei le suivit rapidement, puis passèrent Ryan et Rolag, qui, lui aussi, commençait à être gêné par tous ces systèmes de sécurité hasardeux.
Après le fossé, se trouvait une seconde falaise. Credei passa en tête du groupe. Il posa ses deux mains sur la pierre, puis prononça quelques mots à voix basse. Un grand rire se fit entendre, et, dans un immense grondement, la falaise se fissura, et x'écarta, jusqu'à laisser apparaître un gigantesque portail.
Ryan, impressionné, fit deux pas en arrière, et remarqua ce qu'était réellement cette porte : une colossale tête de Friskil, en tous points identique à celle de Credei, qui ouvrait une bouche béante.
Ordan s'enfonça dans la bouche, y invitant Rolag et Ryan. Credei avait, quant à lui, tout simplement disparu.
Après quelques mètres, le couloir faisait un coude, et les trois compagnons se retrouvèrent dans l'obscurité totale.
"A partir de maintenant, intervint Ordan, suivez-moi, et ne vous arrêtez que si je vous le dit ! En aucun autre cas vous ne devrez le faire."
Puis Ordan avança. Tout le long de la marche, il resta la main contre le mur, et murmurait inintelligiblement. Au bout d'un long moment, il commença à parler plus fort :
"Sept-cent quatre-vingt quinze, quatre-vingt seize, quatre-vingt dix-sept, sept cent quatre-vingt dix-huit ! Nous y sommes ! Pas un pas de plus, ou vous serez broyés en miettes. Les Friskils sont très exigeants sur la sécurité !"
Puis Ordan tapota trois fois sur le mur. Un escalier apparut, ils l'empruntèrent.
Il débouchait sur un vallée verdoyante, encerclée de montagnes. L'on aurait pu penser qu'elle était peuplée par des hommes, en voyant les immenses champs cultivés, les vergers. Mais c'était sans compter sur les centaines de lutins qui s'y promenaient nonchalamment, et sur le village miniature qui s'y trouvait.
"Nous voici certainement dans le plus bel endroit au monde, se réjouit Ordan ! Attendez-moi ici, je vais voir si le chef peut vous recevoir tout de suite."
Ryan, épuisé, s'affala dans l'herbe, alors que Rolag, qui semblait se gaver d'une telle abondance de vie et de joie, alla se promener auprès de la rivière. Quelques heures passèrent, sans qu'aucun des deux ne s'en rende compte. Le soleil semblait n'avoir pas bougé de sa place.
C'est alors qu'Ordan revint, accompagné de Malkor.
"Ryan ! Content de voir que tu t'en est sorti !"
Ryan, coupé dans sa sieste, ouvrit un oeil, et, quant il reconnut le visage de Malkor, se leva subitement.
"Malkor ! Je ne m'attendais pas à te revoir de sitôt !
_Les Gardiens sont toujours plus étonnants que ce que l'on peut penser !
_Bien, interrompit Ordan. Le chef accepte de vous recevoir, Rolag et toi. Vous avez de la chance, car la confiance des Friskils est très dure à obtenir !"
Ordan, Malkor et Ryan partirent à la recherche de Rolag, qu'ils trouvèrent assit auprès de la rivière, adossé à un arbre.
Tous les quatre suivirent alors le cours de la rivière, saluant au passage les nombreux Friskils qu'ils croisaient. C'est alors qu'ils arrivèrent à la source.
Ryan aperçut avec stupeur le loup et l'ours d'Ordan, en train de s'y abreuver, ceux-là mêmes qui étaient restés en bas de la falaise.
"Les Friskils sont plus forts que ce qu'ils n'y paraissent, expliqua Ordan
"
En face de la source, se trouvait la seule maison de taille humaine de la vallée. Ordan et Malkor y entrèrent sans frapper, puis, après un moment, ce dernier ressortit :
"Le chef Dronoris est prêt à vous recevoir."
L'intérieur de la maison était sobre, poussiéreux. Quelques rares meubles de bois bran ---------------
Les épées trancheront, le boucliers pareront, le mal renaîtra, le Héros Vert reviendra, et Hyrule tremblera sous les pas de l'armée, qui, de tous les temps fut la plus grande, et l'histoire deviendra légende. Pour quand ?
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