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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°1760973
pascal75
Posté le 31-12-2003 à 14:44:39  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

Phyllo a écrit :

Je ne pense pas que parler du boudhisme soit hors sujet ici
Bah oui, mais ça dépend comment on en parle. Si c'est à chaque fois pour polémiquer sous la forme "la pensée orientale est mieux que l'occidentale" je trouve ça pauvre et ridicule.
Mon avis sur le fond je l'ai déjà donné : la sagesse orientale, à base de méditation, n'est pas à confondre avec la philosophie occidentale, à base de concepts. On pourra toujours me donner des contre-exemples dans lesquels un auteur bouddhiste par exemple, utilisera un concept, ça n'empêche pas que l'atmosphère général du texte, si on y est sensible, et surtout la manière dont les concepts s'enchaînent dans un texte de philo, c'est sensiblement différent d'avec les textes connus du zen (que je connais un peu, ou de l'indhouisme). C'est un peu comme si un amoureux de la poésie bulgare voulait à toutes fins poster dans le topic de gilou sur la science-fiction parce que, quand même, faut pas déconner, la poésie bulgare c'est quand même mieux que la science-fiction...(là, c'est mon posteur éventuel qui parle, le ryan fictif, qui d'ailleurs se ferait rapidement TT par mon Gilou, qui lui ne l'est pas, fictif :o :D).
Ceci dit, on peut envisager des passerelles et, pourquoi pas, si qqun se sent sur le coup, de faire un compte-rendu de quelques livres classiques du bouddhisme.
 
En plus du coup, personne n'à répondu à ma question sur la version web de 'ecce homo' et si ça c'est pas une question pratique de philosophie alors...
Je l'ai pas lu, mais perso je ne suis pas du genre à chercher la petite bête aux traducteurs, il n'y a que rarement de vrais contresens, le plus souvent les différences sont sur la manière dont le traducteur met l'accent sur tel ou tel élément du texte. Ca veut pas dire que toutes les traducs se valent, mais lis la sur le web, quitte à prendre le bouquin à la bibliothèque ensuite :)

mood
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Posté le 31-12-2003 à 14:44:39  profilanswer
 

n°1761011
disconect
Posté le 31-12-2003 à 14:48:23  profilanswer
 

L'intégrale d'Emil Cioran mais plus precisement....hmmm....bah j'arrive pas à en choisir un  [:spamafote]


Message édité par disconect le 31-12-2003 à 14:48:35
n°1761183
Ryan
Foupoudav
Posté le 31-12-2003 à 15:10:56  profilanswer
 

rogr a écrit :

pour prendre un exemple précis, je ne trouve pas que le Manuel d'Epictète se distingue davantage par ses concepts, que tels écrits d'inspiration bouddhiste : si il est autorisé ici [:rogr] de causer d'Epictète, il doit en être de même du bouddhisme.
 
d'ailleurs j'ai dégotté un bouquin tout ce qu'il y a de plus recommandable :
"Pour comprendre le bouddhisme" (Robert Laffont, coll. "Pocket" n° 4794)
ce bouquin est composé de textes écrits par différentes personnes, tels lamas historiques, etc.
extrait remarquable :
 
     "Pensez alors : "Si moi, je n'accepte pas la responsabilité d'engendrer ce qui est favorable à ma propre mère et de supprimer ce qui lui est nuisible, qui l'acceptera ? Si je n'agis pas, qui le fera ?"
     Mais quelle est exactement la source du mal pour elle ? La soufrance et les choses négatives. La souffrance en est la cause immédiate, tandis que les choses négatives en sont les causes indirectes. Pensez : "Voila donc ce dont je devrais la délivrer."
     Méditez ainsi et, en inspirant, visualisez qu'avec votre inspiration vous inhalez toutes ses souffrances présentes et raisons d'insatisfaction, de même que le kharma négatif et les déformations de l'esprit (attachements, aversions, etc.) qui sont les causes de toutes ses souffrances à venir. Celles-là se détachent de son corps et de son esprit pour entrer dans votre coeur sous la forme d'un nuage noir, attiré par votre souffle. Générez la conviction qu'elle est ainsi libérée de la douleur et de ses causes.
     Qu'est-ce qui est positif pour elle ? Le bonheur et la bonté (un kharma positif). Le bonheur est la cause immédiate de son bien-être, la bonté la cause indirecte. Pensez : "Voilà donc ce que je devrais lui donner." Méditez ainsi et, en expirant, visualisez qu'en même temps que votre souffle vous exhalez un nuage blanc de bonheur et de bonté, qui pénètre dans son coeur, la rassasie d'une masse prodigieuse de bonheur, de vertu et de bonté, et l'aide à progresser vers la bouddhéité.
     Puis, comme vous venez de le faire avec votre mère comme objet de méditation, pensez que tous vos amis et parents, ayant été vos mères à maintes reprises dans vos vies antérieures, vous ont prodigué la même bienveillance que votre mère actuelle. Dans chacune des vies antérieures, comme votre mère (dans cette vie), ils vous ont prodigué toute la bienveillance d'une mère et, à cet égard, méritent autant votre amour que votre mère dans cette vie. Songez à quel point ils furent de bonnes mères pour vous, jusqu'à ce que la seule vue de l'un d'eux emplisse votre coeur de joie et de reconnaissance.
     (...)
     Enfin, visualisez tous les ennemis ou gens qui vous ont fait du mal. Songez comment, aveuglés par les naissances et les effets des naissances, des morts et des transmigrations répétées, ils ne savent pas voir qu'ils ont été votre mère et vous la leur de nombreuses fois ; comprenez que, dominés qu'ils sont par des forces kharmiques et l'aveuglement mental, ils sont poussés à vous faire du mal dans cette vie. Toutefois, si votre douce mère dans cette vie succombait soudain à la folie, vous insultait et vous attaquait physiquement, vous réagiriez avec compassion, à moins d'être complètement indifférent. De même, la compassion est la seule réaction à avoir face à ceux qui vous font du mal ou vous maltraitent dans cette vie."

 
     (Gendün Gyatso - 2ème Dalaï-Lama, 1475-1542 - "L'échange de soi pour autrui" )
 
 
c'est en tous points admirable, le coup de la mère est une vrai idée de génie. et encore une fois, je ne vois pas dans le Manuel d'Epictète, et peut-être pas non plus dans les Pensées de Marc-Aurèle, de choses plus "conceptuelles" que ça : c'est d'ailleurs exactement le même ton, voire la même démarche (moins les détails).
on peut faire une comparaison avec un bout de Marc-Aurèle qui traite du même sujet :
 
     "Se dire dès l'aurore : Je vais rencontrer un indiscret, un ingrat, un violent, un perfide, un arrogant. Tous leurs défauts leur viennent de ce qu'ils ignorent les biens et les maux. Pour moi, je connais la nature du bien, c'est l'honnête, et celle du mal, c'est le vil ; je connais aussi la nature du pécheur : c'est un être de même race que moi, non pas de même sang ni même père, mais participant à la raison et ayant une part de la divinité ; nul d'entre eux ne peut donc me nuire, car nul ne peut me faire une chose vile ; et je ne puis non plus m'irriter contre un être de ma race ni le laisser de côté. Nous sommes nés pour collaborer, comme les pieds, les mains, les paupières, ou les deux rangées de dents, celle du haut et celle du bas. Il est contre nature de s'opposer les uns aux autres : et c'est s'opposer à eux que de s'irriter ou se détourner d'eux."
 
     (Marc-Aurèle, "Pensées", II. 1)
 
 
sans commentaires : si il y en a un qui doit être interdit de topic c'est apparemment Marc-Aurèle [:spamafote]


 
Fléau de la vision dualiste :jap:
 
Tu as déja vu le film "The thin red line" ?
 
le personnage de Witt dans ce film représente pour moi l'essence d'un être bénéfique à tous.
 
Et il n'est pas bouddhiste [:ddr555]
 

n°1761363
phyllo
scopus inornatus
Posté le 31-12-2003 à 15:33:13  profilanswer
 

Citation :

Je ne pense pas que parler du boudhisme soit hors sujet ici
 
 
Bah oui, mais ça dépend comment on en parle.


 
Bah oui, c'est ce que je disais dans la phrase suivante.
 

Citation :

Je l'ai pas lu, mais perso je ne suis pas du genre à chercher la petite bête aux traducteurs


 
Je pense que c'est un tord, la traduction est une intérprétation mais là où le bât (non, non, pas le 'bas':edit bis) blesse plus grièvement, c'est que je ne pensais pas vraiment aux traducteurs dans ma première question, mais aux censeurs qui font encore plus mal.
 
Enfin, un philosophe qui s'intéresse à la baston sagesse orientale vs philosophie, c'est François Jullien: cela se passe à 'l'université de tous les savoirs', c'est une conférence en ligne en vidéo ici ou en audio via télérama .
 
Edit:html pour les nuls


Message édité par phyllo le 31-12-2003 à 15:54:30

---------------
Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1761485
phyllo
scopus inornatus
Posté le 31-12-2003 à 15:52:38  profilanswer
 

Citation :

c'est en tous points admirable, le coup de la mère est une vrai idée de génie.


 
Pour peu que l'on ai eu des rapports affectueux ou sains avec sa mère.
 
Mais je pinaille...
 

Citation :

si il y en a un qui doit être interdit de topic c'est apparemment Marc-Aurèle


 
Et comment comprendre ceux qui s'en réclament ?
 
Oui, bon, je sais je pinaille encore...


---------------
Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1786199
rogr
Posté le 05-01-2004 à 01:06:47  profilanswer
 

vendredi 16/01/04 à 9H10, France Culture, Les vendredi de la philosophie :
"rapports entre philosophie et bouddhisme".
 
:jap:

n°1795085
Ryan
Foupoudav
Posté le 06-01-2004 à 16:47:17  profilanswer
 

c'est une chaine sur le cable ? [:zoutte]

n°1795108
Derek De L​int
pas tiptop pour notre jeunesse
Posté le 06-01-2004 à 16:52:22  profilanswer
 

Ryan a écrit :

c'est une chaine sur le cable ? [:zoutte]

mais oui france culture sur le cable :non:  :sweat: ...
la station fm en ile de france est: 93.5


---------------
j'échange avec vous de par les internets
n°1795942
Ryan
Foupoudav
Posté le 06-01-2004 à 18:44:49  profilanswer
 

je suis pas censé savoir..

n°1798984
Derek De L​int
pas tiptop pour notre jeunesse
Posté le 07-01-2004 à 08:30:55  profilanswer
 

il est jamais trop tard comme on dit, et puis c'est vraiment LA meilleurs radio française


---------------
j'échange avec vous de par les internets
mood
Publicité
Posté le 07-01-2004 à 08:30:55  profilanswer
 

n°1842537
rahsaan
Posté le 13-01-2004 à 16:18:29  profilanswer
 

Hé ho !  :o  
Ne laissons pas couler ce topic de qualitay !  :)  
 
En ce moment, je relis l'Anti-Oedipe comme si c'était un livre de philosophie du 17e siècle. Ce n'est d'ailleurs pas une violence faite à Deleuze, qui passe pourtant pour un philosophe du flux, du devenir, de la post-modernité et blablabla. C'est un livre très spinoziste, qui cherche sans cesse la clarté de la pensée, contrairement à ce qu'on pourrait penser au 1er abord. L'influence de Kant est également présente, dans la critique de l'usage transcendant des catégories (qui dépassent les limites de l'expérience et réifient de manière illégitime des entités).  
J'ai commencé à lire "2 Régimes de Fous", le 2e recueil de textes ; un texte notamment est décisif pour démonter les nouveaux philosophes et leurs grandioses concepts creux ainsi que leurs analyses plates et aseptisées : la honte de la philosophie !  :o


Message édité par rahsaan le 13-01-2004 à 16:22:27
n°1860685
phyllo
scopus inornatus
Posté le 16-01-2004 à 00:46:18  profilanswer
 

Oui, c'est vrai, faisons vivre ce topic.
 
De mon côté, j'ai commencé le manuel du parfait trolleur de forum de Schoppenhauer (L'art d'avoir toujours raison).
 
"Stratagème 8: Mettre l'adversaire en colère car dans sa fureur, il est incapable de fournir un jugement exact et de s'apercevoir de son avantage..."
 
Et en parralèle (dés que j'aurai fini le roman que je suis en train de lire) je me lancerai dans 'l'origine de la tragédie' because y avait que ça de Nietzsche en occase chez Gibert.
 
Toujours en parrallèle, je finit 'Et Dieu dit: Que Darwin soit' de S.J. Gould, qui n'est pas intrinsèquement de la philo mais c'est quand même pas loin, dans le domaine Science et Religion, sur les différentes dérives créationnistes récentes aux USA.
 
Enfin, je parcours une espèce d'album de supermarché sur la philo dont j'ai oublié le titre, (un cousin qui a quatorze ans a eu ça en cadeau à noël) et ben j'essaierai de le retrouver, le titre (je suis au boulot, là) parceque ce n'est pas si inintéressant. C'est une espèce de chronologie de l'histoire des idées qui les remets en place (les idées) quand on part de pas grand chose au niveau background philosophique.
 
A+


---------------
Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1860700
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 00:51:17  profilanswer
 

Ca fait de la bonne lecture tout ça :jap:. Moi je viens de m'acheter les "vies, opinions et sentences mêlées des philosophes" (merde...je suis plus sûr du titre :/) de Diogène Laerce, dont j'avais lu des petits bouts au lycée.

n°1860715
Kyle_Katar​n
Posté le 16-01-2004 à 00:56:59  profilanswer
 

zurman a écrit :

Moi je recommande vivement "Le Monde de Sophie" de Je-sais-plus-qui. Livre excessivement utile pour s'initier à la philo. voilà.
 
Je précise que je déteste la "Philosophie" mais que ce livre m'a beaucoup plut. :)


 
C'est quand même assez bas de gamme comme philo...
Je me souviens que mon prof de terminale nous en avait fait une critique à la fois sérieuse et incendiaire...
 
Disons qu'on peut reconnaître une volonté de vulgariser des concepts complexes. C'est un marchepied qui n'a de valeur si on "passe à autre chose" par la suite.

n°1860722
Kyle_Katar​n
Posté le 16-01-2004 à 00:58:37  profilanswer
 

Sein und Zeit - Martin Heidegger.
 
Ca permet de comprendre le concept de vérité comme Aléthéïa, qui est loin d'être trivial, et de loin plus intéressant que bien des approches que l'on peut trouver dans les livres de la liste de post initial de ce thread...

n°1860779
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 01:17:59  profilanswer
 

Oué, sauf qu'on commence rarement la philo par Heidegger et que le post initial est une sorte de relevé des livres qui en ont incité certains à continuer à lire de la philo. Mais c'est vrai que ce premier post (et dans une certaine mesure ce topic) a dévié vers les livres classiques à lire, sous l'impulsion ntamment, de l'Antichrist qui a fait une série de présentations d'oeuvres tout à fait remarquable.
Pour en revenir à Heidegger, et si tu penses que c'est un livre incitatif, tu pourrais peut-être en parler un peu :)

n°1860873
Ars Magna
Digitale Gaudium
Posté le 16-01-2004 à 02:46:11  profilanswer
 

Kyle_Katarn a écrit :


 
C'est quand même assez bas de gamme comme philo...
Je me souviens que mon prof de terminale nous en avait fait une critique à la fois sérieuse et incendiaire...
 
Disons qu'on peut reconnaître une volonté de vulgariser des concepts complexes. C'est un marchepied qui n'a de valeur si on "passe à autre chose" par la suite.


 
C'est de la vulgarisation. Et si ça donne envie de se renseigner sur les différents auteurs et concepts qui y sont abordés, alors c'est de la bonne vulgarisation.
Ensuite, quant à la valeur littéraire du bouquin... là ce serait plutôt aux profs de français d'en faire la critique...

n°1860981
phyllo
scopus inornatus
Posté le 16-01-2004 à 04:37:30  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Ca fait de la bonne lecture tout ça :jap:. Moi je viens de m'acheter les "vies, opinions et sentences mêlées des philosophes" (merde...je suis plus sûr du titre :/) de Diogène Laerce, dont j'avais lu des petits bouts au lycée.


 
"Vie, doctrine et sentences des philosophes illustres"
 
De la vulgarisation passée à la postérité ??


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Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1861025
l'Antichri​st
Posté le 16-01-2004 à 07:03:34  profilanswer
 

Pour vous donner l'envie de lire un auteur plutôt méconnu (ou prétendument trop bien connu !), je vous propose ce petit commentaire (niveau bac) d'un texte célèbre de Pascal. La pensée de Bourdieu (grand sociologue contemporain !) s'inspire largement de l'esprit de ce texte !
 
 
" Les cordes qui attachent le respect des uns envers les autres en général sont cordes de nécessité ; car il faut qu?il y ait différents degrés, tous les hommes voulant dominer et tous ne le pouvant pas,  mais quelques-uns le pouvant.
 
Figurons-nous donc que nous les voyons commencer à se former. Il est sans doute qu?ils se battront jusqu?à ce que la plus forte partie opprime la plus faible, et qu?enfin il y ait un parti dominant. Mais quand cela est une fois déterminé, alors les maîtres, qui ne veulent pas que la guerre continue, ordonnent que la force qui est entre leurs mains succédera comme il leur plaît : les uns le remettent à l?élection des peuples, les autres à la succession de naissance, etc...
 
Et c?est là où l?imagination commence à jouer son rôle. Jusque-là la pure force l?a fait. Ici c?est la force qui se tient par l?imagination en un certain parti, en France des gentilshommes, en Suisse des roturiers, etc...
 
Or ces cordes qui attachent donc le respect à tel et à tel en particulier sont des cordes d?imagination. "
 
Ce texte est extrait des Pensées de Pascal (Il s?agit du fragment 828 dans l?édition Lafuma). En quelques lignes, Pascal expose sa philosophie politique. Celle-ci se caractérise par une remise en question des problématiques du droit naturel et du contrat social. Dans la perspective pascalienne, le social émerge d?une relation de force. Il faut donc tirer les conséquences de l?originalité  de cette pensée. Il s?agit de réfléchir sur les liens que les hommes entretiennent les uns envers les autres. Il faut interroger la nature de la sphère politique. C?est alors qu?il faut analyser les origines de l?Etat. Celles-ci prennent leur source dans une bataille entre les hommes en vue de la domination. Enfin, l?imagination prend le relais de la force pure. C?est par l?imagination, et donc dans la sphère du signe, que la stabilité politique est assurée. L?enjeu est donc ici d?une importance extrême : quel est le fondement de l?Etat ? Si celui-ci réside dans la force, alors le droit positif n?exprime pas le droit naturel. Qu?est-ce qui fait le ciment de la sphère politique ? De cette question découlent deux interrogations : d?une part, n?est-ce pas l?imagination qui masque la force ? D?autre part, n?est-ce pas l?imagination qui par un ordre symbolique justifie l?ordre social ?
 
Le point de départ de pascal se situe dans une analyse des liens entre les hommes : il s?agit d?analyser la nature du " respect des uns envers les autres. " Nous sommes dans la sphère politique puisque c?est au sein de celle-ci que les hommes tissent leurs liens. La métaphore des " cordes " est utilisée pour marquer la nature du lien politique, donc du respect entre les hommes. Celui-ci est dicté par des rapports de nécessité. Où se situe cette dernière ? Les hommes qui respectent d?autres hommes sont précisément dans une position respectueuse parce qu?ils reconnaissent ces derniers comme plus forts. Les hommes sont donc dans une situation originelle de rivalité les uns envers les autres. De cette rivalité naît le respect de certains (les moins forts) envers d?autres (les plus forts). C?est pourquoi les cordes sont " cordes de nécessité " : elles attachent le respect et la force, et plus précisément elles attachent le respect à la force. Le champ politique n?est donc pas le champ de la liberté mais le champ de la nécessité. Il est nécessaire pour la stabilité du lien politique d?établir le respect des hommes les uns envers les autres. Il faut donc faire en sorte que les cordes du lien social soient des " cordes de nécessité. " Celles-ci sont des cordes de force : il faut que le peuple respecte les grands (les tenants du pouvoir) pour que l?Etat soit stable. L?Etat doit donc faire en sorte de montrer sa force. C?est de là que découlent le respect et l?obéissance du peuple. L?obéissance à l?Etat a sa source dans la reconnaissance par le peuple de la force de l?Etat. L?autorité n?est donc pas pensée comme un transfert de droit parce que le droit est rabattu sur la force.
 
Le second mouvement consiste à expliquer (" car " ) cette position effective dans le domaine politique. Les cordes de nécessité trouvent leur justification dans un soubassement anthropologique : le pouvoir vient d?une lutte parce que tous les hommes veulent dominer. La libido dominandi est au coeur de l?humanité : il y a un désir de domination commun à tous les hommes (" tous les hommes voulant dominer " ). Mais si le désir de domination est universellement répandu, la domination ne l?est pas. Il faut au contraire des dominants et des dominés. Les hommes sont égaux dans la mesure où ils veulent tous dominer. Cependant, ils ne sont pas tous égaux en fait dans la mesure où il y a " différents degrés. " Comment expliquer cela ? Pascal utilise une distinction conceptuelle entre " vouloir "  et " pouvoir ". Tous les hommes veulent dominer mais tous ne le peuvent pas : " tous ne le pouvant pas, mais quelques-uns le pouvant. " L?opposition est donc nette à l?intérieur de la sphère humaine : à partir d?un désir général de domination, certains hommes peuvent dominer et d?autres ne le peuvent pas. On comprend donc l?apparition de degrés : certains peuvent détenir le pouvoir et d?autres ne le peuvent pas. Comme le pouvoir s?explique en termes de nécessité, il s?agit de voir que dans la sphère politique le respect des hommes entre eux ne dérive nullement de leur volonté ou de leur liberté. En fait, quelques hommes dominent : il faut donc pour ces derniers que ceux qui ne dominent pas les respectent.
 
Un examen de la sphère politique permet à Pascal de déterminer deux degrés. Le premier est constitué par des hommes qui dominent, le second est constitué par les hommes qui sont dominés. L?Etat est donc une combinaison de forces. Le fonds anthropologique réside en ceci que les hommes veulent tous dominer. Cependant, différents degrés sont nécessaires puisque tous les hommes ne peuvent exercer le pouvoir. C?est en ce sens que le respect est lié à la force par des cordes de nécessité. Le problème théorique qui subsiste est alors celui de l?origine. Comment se constituent les deux groupes ? Cette question en appelle une autre : comment se forme l?Etat ? Ne faut-il pas passer par l?étude de la formation de l?Etat pour saisir l?essence de la sphère politique ?
 
Il s?agit alors de penser le pouvoir d?un point de vue généalogique pour comprendre la situation effective. Il faut donc imaginer les hommes au début de leur formation politique : " Figurons-nous donc que nous les voyons commencer à se former. " Le projet de Pascal consiste à remonter aux origines de la formation sociale pour comprendre l?état présent. On tente de se représenter mentalement l?état des hommes qui est un état de violence. Les hommes se battent pour dominer. Les relations entre les hommes sont en effet des relations amis-ennemis. Ce qui est premier, ce sont les clans (et pas l?individu). La bataille entre clans aboutit à son terme : " ils se battront jusqu?à ce que la plus forte partie opprime la plus faible. " La rivalité des hommes se traduit en rapports de force. La bataille entre les hommes débouche sur une division : un parti fort et un parti faible, le premier opprimant le second. Si la partie la plus forte est triomphante, c?est en vertu de la force pure et brutale. C?est pourquoi on débouche sur l?oppression de certains hommes sur les autres et, qu?enfin, il existe " un parti dominant ". La position des grands est enviable parce qu?elle consiste en la possession du pouvoir. C?est ainsi que l?on peut expliquer la formation de l?Etat : à l?issue de la bataille, les vainqueurs deviennent les maîtres. C?est donc la force pure qui confère le pouvoir aux maîtres. Ceux-ci tirent leur pouvoir de la violence. Le pouvoir ne dérive en aucun cas d?un droit naturel ou de lois supra-humaines. Bien au contraire, le pouvoir est obtenu après une bataille. La formation de l?Etat naît de la violence entre qui scinde les hommes en deux clans : les dominants et les dominés. Un problème apparaît alors : que va faire le parti dominant une fois son pouvoir obtenu ?
 
La fin de la lutte est marquée par une rupture textuelle (" mais " ). Une fois le parti dominant déterminé, les vainqueurs deviennent les maîtres. Mais l?équilibre de leur pouvoir est précaire et le risque de la guerre est toujours présent. A l?issue de la bataille, les rôles sont définis : d?un côté les vainqueurs oppriment, d?un autre côté les vaincus sont opprimés. Un problème subsiste : " Quand cela est une fois déterminé ", les maîtres prennent conscience de la fragilité de l?édifice. Le parti dominant ne souhaite en aucun cas " que la guerre continue ", y compris de façon latente. Si tel était le cas, leur pouvoir serait toujours susceptible de leur échapper. IL s?agit donc pour le parti dominant, d?agir de telle sorte que sa force soit conservée. Dans la perspective pascalienne, le contrat disparaît : le social émerge des relations de force et l?autorité n?est pas pensée comme un transfert de droit. Une critique de Hobbes s?esquisse : on n?instaure pas le Prince après un contrat qui vient d?une guerre perpétuelle de tous contre tous et parce que personne ne peut échapper à la peur de certains ennemis. Chez Pascal, on ne contracte pas. La domination des forts est précaire : quand la guerre cesse, la force doit s?établir. Elle doit quitter la sphère de la pure brutalité et donc se présenter sous l?aspect du juste et du légitime. Les maîtres décident du moyen de la transmission de la force (ils " ordonnent que la force qui est entre leurs mains succèdera comme il leur plaît " ). Par là, on assiste à l?institutionnalisation de la force. Le parti dominant détermine ses intérêts : c?est en suivant ceux-ci qu?il choisit le régime politique qu?il veut établir. Ainsi s?explique la différence des régimes politiques : la démocratie quand " les uns la remettent à l?élection des peuples " ou bien la monarchie quand les autres choisissent " la succession de naissance. " C?est ainsi que sont expliquées toutes les formes étatiques. Il n?y a donc pas un privilège d?une forme étatique particulière sur les autres (ce que marque le " etc... " ) parce que toutes naissent de la force.
 
La force initiale contraint au respect parce qu?elle est de l?ordre de la nécessité. Par contre, la transmission du pouvoir peut révéler au peuple la disparition du coup de force initial. La stabilité politique serait alors en péril. L?ordre s?est substitué à la guerre mais il faut à présent que l?ordre se maintienne. Ne faut-il pas un artifice pour masquer la force nue ? Comment faire en sorte que la stabilité politique (et donc la hiérarchie qui la sous-tend) soit conservée ?
 
C?est justement pour résoudre ce problème (" et c?est là " ) que pascal fait intervenir un nouveau concept. Il s?agit de l?imagination qui " commence à jouer son rôle ". Il faut donc interroger le rôle de la puissance imaginative qui est présentée par Pascal dans une phrase concise mais dont l?intensité est remarquable. Quelle est la valeur de l?imagination dans la sphère politique ? Quand l?un des partis s?impose, il le fait par la force. Celle-ci est qualifiée de " pure " pour insister sur son côté nu et brutal : avant l?intervention de l?imagination, la " pure force " se suffit à elle-même. Pourquoi alors l?imagination prend-t-elle de  l?importance ? Celle-ci renforce la force. Il est significatif que Pascal précise : " ici c?est la force qui se tient par l?imagination ". La force existe toujours mais elle se renforce par les signes de l?imagination (le cérémonial des gouvernants). La brutalité de la force pure est insoutenable : il est subtil pour la force de se masquer. L?imagination permet à la force de ne pas apparaître dans sa nudité. Autrement dit, l?imagination teinte la force de légitimité. Cela signifie que le signe ne remplace pas la force puisque cette dernière est toujours présente. Au contraire, la force s?institutionnalise par le signe. Celui-ci n?est donc pas un masque grossier que la force revêtirait pour se maintenir. Il s?agit d?aller plus loin : sans le signe la force ne pourrait pas se maintenir. On comprend que l?imagination est le prolongement subtil de la force pure. Plus précisément, l?imagination fait entrer la force dans le monde social. On n?est plus dans l?état initial où la société se forme par aboutissement de rapports de force. Le monde social est le monde de l?imagination dans la mesure où il est le monde du symbole. La double nature du signe apparaît : il cache le coup de force originel et il montre la nature des partis dominants : " en France des gentilshommes, en Suisse des roturiers, etc... ". Il n?y a donc pas de parti dominant " idéal ". Le parti dominant peut être composé de gentilshommes ou de roturiers : la seule exigence pour les dominants est de faire en sorte que la force se tienne par l?imagination.
 
C?est alors que la force initiale réelle se mue en puissance illusoire. La force n?apparaît plus dans sa brutalité : elle est symbolisée et cette symbolisation est une institutionnalisation. Les signes du pouvoir sont établis par le pouvoir. Celui-ci ne tire pas sa légitimité d?un droit naturel mais d?un artifice qui prend sa source dans le rapport de force. On assiste à un tour de passe-passe politique : les signes font croire à la justice et à un rapport avec le droit naturel. Or, les signes sont artificiels : on les pense justes parce qu?ils sont institués. Cette institution ne renvoie qu?à elle-même. On est dans l?arbitraire. En ce sens, " ces cordes qui attachent donc le respect à tel et à tel en particulier sont des cordes d?imagination ". L?Etat et donc toutes les institutions qui en découlent n?ont aucune justification hors d?elles-mêmes. Le signe est social et juridique : il fait en sorte de faire passer le fort pour le juste. On assiste à la proclamation de l?inexistence d?une justice-en-soi ou d?une justice universelle puisque tout pouvoir politique provient de la force. Le signe justifie la force et la fait accepter à tous. Autrement dit, la force est justifiée par le signe. L?établissement du pouvoir politique est dans la sphère de la facticité. Il s?agit alors de penser la transformation de la force nue en droit. On ne peut pas faire en sorte que le fait d?obéir à la justice soit du côté de la force. C?est dans ce renversement que s?institue l?Etat. La force brutale est transformée en légitimité par l?imagination. Le renversement théorique qu?effectue Pascal prend la forme d?un renversement textuel : c?est par un phénomène d?écho que le lecteur est renvoyé à la première phrase du texte par la métaphore filée des cordes qui sont des cordes d?imagination (dernière ligne). Ainsi voit-on la progression et le travail théorique du texte pascalien. En général, les cordes du lien social sont nécessaires. La formation de l?Etat est de l?ordre de la nécessité : à la fin de la bataille, les rapports de force divisent les hommes en dominants et en dominés. Mais plus le temps passe, plus le coup de force initial s?éloigne. Alors le lien social perdure par l?imagination. La forme du pouvoir est donc indifférente : c?est par les pouvoirs de l?imagination que le respect " à tel et à tel " est conservé. On a donc un passage de la force pure aux signes qui font exister la force sous la forme de la justice.
 
Les institutions politiques (et donc juridiques) n?ont pas de fondement extérieur à leur établissement. Le fondement de l?Etat n?est pas dans un état de nature ou dans un pacte social. Il est dans l?établissement de la force. Celle-ci ne peut exister dans le monde social qu?en se travestissant sous les masques de la justice. L?ordre symbolique permet donc à l?ordre social de se maintenir. La justice est l?autre nom de la force mais dans le domaine social c?est-à-dire dans la sphère où le signe lui confère une légitimité. Le pouvoir politique n?a de fondement que dans son établissement  c?est-à-dire dans le factice. Le fait constitue le droit à condition d?oublier son origine (la force brute). C?est à l?imagination qu?incombe la tâche de faire oublier l?origine. C?est alors que la force ne s?exerce plus dans sa brutalité initiale : les signes du pouvoir assurent la légitimité et la justice.

Message cité 1 fois
Message édité par l'Antichrist le 18-01-2004 à 00:57:58
n°1861121
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 08:49:37  profilanswer
 

Il est comme ça, l'Antichrist :D c'est long mais c'est bon :)

n°1861556
Kyle_Katar​n
Posté le 16-01-2004 à 10:59:04  profilanswer
 

Ars Magna a écrit :


 
C'est de la vulgarisation. Et si ça donne envie de se renseigner sur les différents auteurs et concepts qui y sont abordés, alors c'est de la bonne vulgarisation.
Ensuite, quant à la valeur littéraire du bouquin... là ce serait plutôt aux profs de français d'en faire la critique...


 
C'est ce que je dis d'en mon post... j'espère ne pas avoir été lu trop vite et compris à l'envers...

n°1862708
rahsaan
Posté le 16-01-2004 à 14:12:18  profilanswer
 

Diogène Laerce, c'est bien sympa.  :) C'est par lui qu'on connait toutes les anecdotes sur Diogène le Cynique qui vivait dans son tonneau: c'est le portrait le plus célèbre de cette compilation doxographique, qui mélange exposés sommaires de doctrines, bibliographies, anecdotes cocasses ou grivoises, comptes-rendus et ragots divers, portraits partisans et par dessus la jambe, et renseignements précieux sur les amis et influences de penseurs.  
C'est tout à fait spécial.  :)
 
L'art d'avoir toujours raison, c'est un livre important à mon sens, car très réaliste, dans une veine machiavélienne ; c'est une école de sincérité et de rigueur quant à la réalité des prétendus "débats d'idées" : dynamiter nos belles représentations pour y substituer la décortication de conflits larvés, bonne méthode philosophique.  :)


Message édité par rahsaan le 16-01-2004 à 14:14:58
n°1862730
Coxwell
Posté le 16-01-2004 à 14:15:15  profilanswer
 

Va bien falloir que j'étaye un jour ou l'autre les références que j'ai donné  [:figti]  
 
Comment faire lorsque l'on a jamais le temps ?  :D  :o  
 
 
Rahsaan >  :hello:

n°1862738
rahsaan
Posté le 16-01-2004 à 14:16:09  profilanswer
 

Tiens salut, Doctorant !  :)  
Toujours dans les livres ?  [:afcmetos]

n°1862757
Coxwell
Posté le 16-01-2004 à 14:18:09  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Tiens salut, Doctorant !  :)  
Toujours dans les livres ?  [:afcmetos]  


 
Bien le bonjour à vous, M. l'agrégatif. :)
 
Oui, mais pas le même genre que celui du smiley :D
 
edit: et de toi non plus j'espère ?  [:holart]


Message édité par Coxwell le 16-01-2004 à 14:22:02
n°1862816
rahsaan
Posté le 16-01-2004 à 14:25:07  profilanswer
 

Certains des livres que je lis sont  [:afcmetos] , d'autres sont  :) et certains sont  [:sayen] .  
Donc ça fait une bonne moyenne. Je ne lis pas beaucoup, mais je prends le temps de digérer ce que je lis, c'est à dire de ne rien faire (activité importante en philosophie !  :D ).

n°1862836
Kyle_Katar​n
Posté le 16-01-2004 à 14:27:17  profilanswer
 

Sinon, c'est pas à proprement parlé de la philo, plus de la littérature contemporaine mais il y a de très bonnes idées et réflexions dedans : "Ombres Errantes" et "Sur le Jadis" de Pascal Quignard.
 
Vous y trouverez une approche au temps et au language que je trouve personnellement très enrichissante.

n°1863191
Coxwell
Posté le 16-01-2004 à 15:04:55  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Certains des livres que je lis sont  [:afcmetos] , d'autres sont  :) et certains sont  [:sayen] .  
Donc ça fait une bonne moyenne. Je ne lis pas beaucoup, mais je prends le temps de digérer ce que je lis, c'est à dire de ne rien faire (activité importante en philosophie !  :D ).


 
Je crois que tu n'as pas bien regardé le symbole sur le smiley :D
C'est pour ça que j'ai rebondi tout à l'heure :D

n°1863475
rahsaan
Posté le 16-01-2004 à 15:35:30  profilanswer
 

Ah oui exact !  :lol: Que je suis con !  :D  
J'avais jamais fait attention ! Je croyais que c'était la main du smiley qui tenait le livre !
[:ddr555]

n°1863620
camouflage
Posté le 16-01-2004 à 15:55:20  profilanswer
 

Topic interessant on dirait, je pose un drapo et je lirais tranquillement quand j'aurais le temps.

n°1863742
Coxwell
Posté le 16-01-2004 à 16:11:33  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Ah oui exact !  :lol: Que je suis con !  :D  
J'avais jamais fait attention ! Je croyais que c'était la main du smiley qui tenait le livre !
[:ddr555]
 


 
Donc, c'est bien ce que je disais, c'est pas trop le genre de tes lectures ? :D

n°1863807
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 16:20:37  profilanswer
 

[:lune]

n°1864929
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 18:15:33  profilanswer
 

Bon, jai commencé et ça me parait très intéressant le livre de Diogène Laërce. J'ai pris l'édition GF, je vous conseille de sauter l'introduction écrite par un vieux professeur aigri qui se permet de juger avec 17 siècles de recul des qualités philologiques du texte, de ses incomplétudes et inexactitudes. Oh ! bouffon :o
Ce qui ressort, dès le début, c'est la différence d'atmosphère entre les sept sages(enfin sept pour la postérité, mais jusqu'à 17 selon certains auteurs), et les philosophes qui viennent à leur suite. Les sages étaient des savants, des lettrés qui avaient le goût des connaissances, et dont la postérité a retenu des sentences, des petites phrases poétiques dont certaines sonnent comme des koan de moines zen.
Les philosophes arrivent avec la démocratie, même si ont se rend compte que certains sages écrivent des lettres pour critiquer les tyrans de l'époque. Ce ne sont plus des sages mais des amis de la sagesse, et toute leur finesse, ils vont la mettre dans la pratique de leurs textes pour rivaliser de concepts.
Et puis ce livre, comme le dit Rahsaan, est plein d'anecdotes, certaines rigolotes, qui nous restituent de la vie de ces penseurs.

n°1864956
Ars Magna
Digitale Gaudium
Posté le 16-01-2004 à 18:19:11  profilanswer
 

Marc-Aurèle, "Pensées pour moi-même".

n°1864960
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 18:19:41  profilanswer
 

Mézencor :o

n°1864996
Ars Magna
Digitale Gaudium
Posté le 16-01-2004 à 18:23:49  profilanswer
 

Un ouvrage qui n'a pas pris une ride. Et puis, un roi-philosophe c'est assez rare pour être noté, non?

n°1865010
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 18:24:58  profilanswer
 

Stun peu court, jeune homme :o Quelques mots pour nous dire l'intérêt du livre ?

n°1865062
Ars Magna
Digitale Gaudium
Posté le 16-01-2004 à 18:29:13  profilanswer
 

En gros : ça évite d'avoir à lire Epicure, Epictete etc. :p C'était un stoïcien, qui a recherché avec des mots très simples à rendre compte de la quête du bon-sens, de la raison, et des conséquences dans la vie quotidienne.

n°1865081
pascal75
Posté le 16-01-2004 à 18:30:52  profilanswer
 

Bon, très bien, je le rajoute si ça t'a plu. C'est pas utile de me tirer la langue :o ;)

n°1865586
rahsaan
Posté le 16-01-2004 à 19:40:30  profilanswer
 

Coxwell a écrit :


 
Donc, c'est bien ce que je disais, c'est pas trop le genre de tes lectures ? :D


 
 :lol:  
J'ai un pote qui passe aussi l'agreg de philo, qui est amateur de Playboy justement, et de pin-ups !  :D  
 
Mais moi, je n'ai que de pieueses lectures...  :ange:

n°1868523
l'Antichri​st
Posté le 17-01-2004 à 10:31:31  profilanswer
 

Puisque l'un d'entre vous a parlé du Stoïcisme, voici une petite présentation de ce courant.
 
Au delà des images simplistes et défigurantes, le projet stoïcien est celui de la conduite de la vie. Certes il y a un Destin qui s?occupe du cours du monde. Mais celui-ci n?implique pas de supposer une distinction radicale et incommensurable au sein de l?humanité entre le sage, doté de toutes les qualités, et la masse des insensés, la plèbe porteuse de tous les défauts. Aucune opposition dans le Stoïcisme entre la science et l?opinion, le bien et le mal, le beau et le laid. Chacun doit s?intéresser à ce qui ne dépend que de lui (ce qui est proprement humain) et donc se préoccuper de la rectitude de son intention à bien agir. Celle-ci est bonne inconditionnellement. Notre responsabilité d'être humain est tout entière engagée dans ce qui ne dépend que de nous. Comme le tireur à l'arc, image stoïcienne par excellence (cette image est aussi utilisée dans le zen où le tir à l?arc et la morale sont étroitement liés), l'homme est dans une situation particulière. Le tireur fait tout pour que sa flèche touche le centre et atteigne son but mais une intervention extérieure, un coup de vent par exemple, peut faire dévier la trajectoire de la flèche. Dans le domaine de la morale, je peux avoir une bonne intention, et pourtant le Destin peut faire en sorte que mon action, pourtant bien orientée, n'atteigne pas la réalisation conforme à l'intention. Mais la fin de l'action est dans l'intention qui la conduit. Dans l'océan du Destin, une part de liberté surgit donc : le moi, principe des actions morales. Ainsi les écrits stoïciens regorgent de conseils sur la conduite à adopter dans tous les domaines de la vie. Ces écrits ne sont destinés ni au sage (qui connaît par définition tout ce qu?il faut savoir) ni à l?insensé (qui n?y comprendrait rien et qui en raison de sa situation ne pourra prétendre à la sagesse). Or ces écrits sont destinés au progrès moral du lecteur ! C?est, par exemple, ce qui apparaît dans l'oeuvre de Sénèque La tranquillité de l'âme qui constitue une réponse aux inquiétudes de son ami Serenus. Celui-ci exprime sa désolation en ce qui concerne ses faibles progrès dans le domaine de la morale. Il y a donc bien une volonté de se réformer de la part de Serenus ! Comment cette volonté aurait-elle un sens si le stoïcisme n'admettait pas en son sein une place pour le progrès moral ? La réponse de Sénèque serait, elle aussi, énigmatique puisque l'intention de La tranquillité de l?âme est de chercher :
 
" (...) comment il est possible à l'âme de se mouvoir d'une allure toujours égale et aisée, en se souriant à elle-même, en se plaisant à son propre spectacle et en prolongeant indéfiniment cette agréable sensation, s'en se départir de son calme, s'exalter ni se déprimer. "
 
C'est cette même volonté de réforme qui semble animer toute l'oeuvre d'Epictète et en particulier son Manuel (Celui-ci résume les grands thèmes du stoïcisme). S?il faut " garder sous la main " (traduction du Manuel, de Enkhreiridon) cet ouvrage, c?est qu?il y a une visée pratique de la philosophie qui justifie un rassemblement des principes qu'on doit toujours garder à sa portée. Le Manuel d'Epictète est un recueil de représentations philosophiques correctes, capables de guider l'exercice de l'homme désireux de progresser moralement. Le cadre est alors celui de l'éducation. Le lecteur du Manuel est le progressant. Cette idée fait voler en éclat l'image véhiculée concernant le stoïcisme d'une opposition stricte entre le sage et la multitude insensée des hommes ! Car à l'intérieur du champ de la non-sagesse se dessine une partition : d'une part, les non-sages qui ne connaissent pas leur état (les insensés) et d'autre part, les non-sages conscients de leur état (les philosophes). Le Manuel peut donc avoir un auditoire ! Un progrès moral est possible pour l'homme. Or, comment cela serait-il possible sans un processus d'appropriation de l'homme par l'homme ? Il faut donc s'interroger sur le domaine de la philosophie puisque c'est par elle que l'homme agit une " ré-flexion " sur son humanité. La philosophie, en tant qu'elle est une thérapeutique de l'âme, permet d'instaurer l'humanité de l'homme. Celui-ci se libère de tout ce qui n'est pas lui pour s'élever à ce qui est proprement lui-même. S'interroger sur la conception stoïcienne de la philosophie permet de comprendre le rôle de la morale du progressant et donc de statuer sur la place du bonheur dans l'existence humaine.
 
Qu?elle est la finalité de la philosophie ? Voila ce que dit Philon d'Alexandrie :
 
" La sagesse est à la fois théorique et pratique, théorique puisque la philosophie nous conduit à elle par la physique, la logique et l'éthique. Pratique parce qu'elle est l'art de la vie tout entière qui contient toutes les actions. " (cf. Stoicorum Veterum Fragmenta, Hans Von Arnim, Teubner, Stuttgart, 1978, III, 202)
 
La sagesse a une double dimension parce que la philosophie fonde, outre la dimension théorique, la dimension pratique. A partir de là, la philosophie permet à la sagesse d'être l'art de la vie tout entière. La philosophie, en effet, partage la dimension théorique (dans son contenu) et la dimension pratique (dans sa finalité). Autrement dit, la philosophie est une connaissance théorique qui a une visée pratique : elle possède la double dimension et, dans le même temps, elle est dans une logique instrumentale c'est-à-dire en vue de la sagesse. On ne philosophe pas parce qu'on a la volonté de savoir pour savoir ou de connaître pour connaître :
 
" La spéculation n'a d'intérêt et n'est digne du philosophe que si elle sert à fournir une règle d'action. Cette conviction a toujours inspiré les stoïciens, et, à part de rares exceptions, ils se sont abstenus de toutes les recherches d'une portée purement théorique. La morale est donc toute la philosophie, ou plutôt c'est à elle que doit se rattacher toute la philosophie. " (cf. G. Rodier, Eléments de philosophie grecque, " Les Stoïciens ", Vrin, 1957, p. 244)
 
La philosophie vaut dans la mesure où elle est l'art de conduire droitement sa vie. Une fois choisie la philosophie comme règle de vie, alors l'homme atteint son identité. Il se rend digne de son rang. L'homme est effectivement dès lors qu'il la pratique. On est donc déjà dans la finalité pratique quand on pratique la philosophie. Elle ne consiste pas en une activité extérieure à l'existence humaine : par elle on tente de vivre honnêtement. Etre philosophe consiste à tenter le pari de l'humanité c'est-à-dire de vivre une vie humaine. Toutes les dimensions de l'humanité sont ainsi engagées tant dans le domaine de la pratique que dans le domaine de la théorie. La philosophie s'inscrit dans la vie tout entière : elle prend la vie comme lieu de son exercice. Ainsi peut-on confirmer la levée de la prétendue opposition irréductible entre le sage et le non-sage. On ne peut pas diviser l'humanité en deux camps inconciliables. Au milieu de ces deux camps réside la philosophie qui est l'exercice de la sagesse mais qui n'est pas la sagesse elle-même. Le philosophe est donc le milieu entre le sage et l'ignorant. Ainsi doit-il s'exercer à la sagesse. Une place est donc accordée au progrès moral et au progrès spirituel. Mais donner une finalité à la philosophie n'a de valeur que si on la fonde (le fondement permet donc de donner un point de départ à l'aspirant à la sagesse). Il s'agit de trouver le point fixe et stable sur lequel la philosophie va véritablement pouvoir se développer. Sur quel sol la philosophie pousse-t-elle ?
 
Pour établir ce qu'est la philosophie et pour connaître sa finalité, le stoïcisme se fonde sur une certaine conception de l'humanité. Il y a un soubassement anthropologique du système stoïcien. La connaissance de l'essence de l'homme est primordiale dans la mesure où elle permet de distinguer plusieurs types d'hommes à l'intérieur d'un cadre plus large. Il existe d?abord une humanité lato sensu qui se caractérise par son appartenance au genre " animal raisonnable ". C'est l'ensemble des citoyens parvenus à un certain stade de développement qui leur permettent d'avoir une activité plus sophistiquée que celle des animaux. Mais il existe aussi une humanité stricto sensu. Les Stoïciens reprennent ici les acquis du Protagoras de Platon. Par le mythe de la création, Platon explique que l'animal est bien servi dans la distribution d'Epiméthée parce qu'il est assigné à des tâches définies et restreintes. L'homme, quant à lui, n'est pourvu que pour une oeuvre (ergon) qui ne peut être menée à bien qu'aux prix de certains efforts. Il faut donc un intermédiaire qui relie la pure animalité en l'homme et la perfection propre de l'homme. La raison est le principe suprême qui marque l'écart entre l'homme et l'animal. Mais encore faut-il que cette raison se manifeste en acte et non simplement comme pure potentialité. De même qu'un homme qui passerait son temps à dormir ne vivrait pas une vie proprement humaine, on pourrait suspecter qu'une vie qui ne placerait pas la raison en son coeur fût proprement et véritablement humaine. Cette inquiétude est résumée par Epictète :
 
" C'est le signe d'une nature peu douée que de passer son temps aux soins du corps. par exemple de s'occuper interminablement de sa gymnastique, de sa nourriture, de sa boisson, de ses selles, de son sexe. Tout cela ne doit être accompli qu'accessoirement : c'est l'esprit qui doit attirer toute l'attention. " (cf. Manuel, XLI)
 
La vie, dans sa prétention à être humaine, doit tout subordonner au bien moral. Ainsi, le seul mal est le mal moral. On assiste à une transmutation des valeurs : la pauvreté, la maladie et même la mort ne sont pas véritablement des maux. La vie de Socrate est alors un exemple pour tous les Stoïciens :
 
" Voici comment Socrate devint Socrate : dans tout ce que la vie lui apportait, rien ne retenait son attention que la raison. Quant à toi, sans être encore un Socrate, c'est pourtant comme si tu voulais devenir Socrate que tu dois vivre. " (cf. Manuel, LI, 3)
 
L'homme n'est pas naturellement conduit à son humanité. La Nature fournit à l'homme la raison qui est cette instance à partir de laquelle il peut faire éclore sa véritable humanité. La raison est donc l'instance humaine de perfectibilité. Justement, la figure de Socrate cristallise cette prise de conscience de la perfectibilité. Socrate incarne aux yeux des Stoïciens la figure du philosophe c'est-à-dire de l'homme qui prend en charge son humanité parce que sa vie est l'expression de sa volonté philosophique. La philosophie est la science d'une vie convenable et honnête. C'est donc à l'action droite, c'est-à-dire l'action éclairée par la raison que le stoïcisme nous enjoint de nous conformer. La raison s'incarne dans certains hommes dont la vie est exemplaire et tout philosophe, tout aspirant à la sagesse, doit chercher à leur ressembler. A travers la figure paradigmatique de Socrate, nous voyons que la philosophie donne à l?humanité sa forme la plus haute. Comment ? La réponse tient en un mot : la vertu. La philosophie est la science possible de la vertu. En ce sens, elle est guide de vie. Sans elle, l?existence humaine n?a pas de fondement ou de principe. Son développement n?est pas ordonné. Philosopher permet de bien vivre ! Elle est ce dans quoi il faut s?abandonner, trouver refuge. Elle est la protection envers tout ce qui menace par altération la vie humaine. Que signifie alors " bien vivre " ? 1) rétablir l?identité. 2) Penser l?harmonie.
 
1) Rétablir l?identité : le souci de la vie honnête est le souci de la bonne conduite à tenir, ce qui est corollaire de la connaissance de l'essence de l'homme. Quel est le devoir qu'un homme a envers lui-même ? Cette question en appelle une autre : qu'est-ce que mon Moi, c'est-à-dire quelle est mon humanité ? Il s'agit de connaître ce qui est soi (et pas seulement à soi) afin de mener une vie bonne. La connaissance de l'essence humaine est ce qui donne la règle pour vivre une vie honnête. Que nous apprend la connaissance de l'essence humaine ? Elle nous apprend que c'est dans la connaissance de notre véritable moi que nous pouvons atteindre notre nature d'homme. Tel est le fondement de la fameuse différence entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Mon moi, ma véritable humanité, ne réside pas dans la contingence des circonstances extérieures. Par conséquent, on peut faire la différence entre ce qui est indispensable à une vie proprement humaine et tout le reste qui est de l'ordre du superflu. Notre véritable identité réside précisément dans le strict nécessaire. Je ne suis moi-même que dans le maintien de mes conditions naturelles. Pour conquérir mon identité je ne dois pas me soumettre à ce qui ne dépend pas de ma nature : la richesse, les honneurs, la crainte de la mort, etc...
 
2) Penser l?harmonie : les dimensions de l'humanité (théoriques et pratiques) doivent être régies et dirigées par la raison. Mais les stoïciens ajoutent que la raison est le principe des êtres et des événements. Si la philosophie a un pouvoir, c'est parce qu'elle réalise la conformité de la nature humaine avec elle-même et permet donc l'harmonie entre l'homme et le monde. La philosophie révèle cette cohérence de nature c'est-à-dire cette harmonie entre le microcosme et le macrocosme, harmonie fondée sur la raison. Puisque la raison est au principe de tout (des choses et de l'homme) alors l'homme peut s'accorder avec l'Univers. Si l'homme comprend la rationalité qui se déroule alors l'homme peut décider de la place qui lui convient, il peut dessiner sa place. C'est en ce sens que l'homme a la possibilité d'être heureux : il peut établir son identité dans la conformité avec sa nature et avec la Nature.
 
La philosophie doit redresser le bois courbe. Elle renvoie à la trajectoire de la vertu. Par elle le mal est déracinable. S?acquérir pour l?homme, c?est s?acquérir philosophiquement. La philosophie est en ce sens l?instrument de la sagesse. Elle indique et balise le chemin droit. Ce chemin prend pour destination la vérité. Dans son De la nature des Dieux (cf. livre II, chap. 62), Cicéron décrit ce que serait le mouvement idéal d?un esprit parfait. Cet esprit produit trois fruits : la physique, l?éthique, la logique. Pour cet esprit, il s?agira d?abord de connaître la nature (la physique) puis de déterminer ce qui est à rechercher et à éviter (l?éthique) et enfin d?apprécier des conséquences logiques et des contradictions afin d?assurer la vérité du jugement. Ces trois vertus ne sont pas trois types de discours qu?il faudrait passivement écouter, il s?agit d?étapes qui forment un tout organiquement lié : l?existence d?une vie convenable distingue théoriquement des moments pour mieux les unifier pratiquement. Le stoïcisme, à l?image de " l?unité triple " de la philosophie, forme un corps, un organisme dont toutes les parties se conditionnent mutuellement dans un assemblage parfait et qui tend vers une fin suprême : la guérison de l?âme. Le stoïcisme est la systématisation de cette intention ! La volonté de cohérence au sein du stoïcisme n'a pas sa fin en elle-même. Elle se dépasse dans la nécessité, pour l'homme, de vivre une vie humaine c'est-à-dire de faire la conquête de soi. La philosophie est le relais artificiel qui lui permet d'accéder à sa véritable nature. La philosophie doit transformer la vie. Comment l?âme peut-elle être guérie et quels sont les maux dont elle souffre ?
 
La philosophie est vide si elle ne sert pas à guérir les maladies dont l'âme est porteuse. Cette conception forte de la mission philosophique n'est cependant pas originale. On peut trouver chez Socrate, mais aussi chez Epicure, une démarche similaire.
 
Dans les premiers dialogues de Platon, Socrate pratique la philosophie : il est précisément la figure du philosophe dans la mesure où son activité philosophique ou philosophante est sans relâche. Celle-ci permet à l'homme de s'examiner c'est-à-dire de déterminer le sens de sa propre existence. Ainsi le " connais-toi toi-même " delphique doit-il mener l'existence du philosophe. On peut lire à ce propos dans le dialogue de Platon Alcibiade :
 
- Socrate : De ce que nous disions tout à l'heure : qu'il fallait chercher d'abord ce que c'est que soi-même. Or au lieu du " soi-même " considéré absolument, nous avons cherché ce qu'est chaque " soi¬même " en particulier. Peut-être après, cela nous suffira-t-il. Car, apparemment, la partie maîtresse en nous, c'est bien l'âme.
- Alcibiade : Assurément
, " (cf. Alcibiade, trad. E. Chambry, 130 c-d)
 
A partir de la découverte du vrai Soi, on peut juger de la santé d'un individu. Les opinions et les préjugés sont des maladies de l'âme dans la mesure où ils engendrent un déséquilibre. L'opinion flottante, malléable et changeante plonge l'homme dans le déséquilibre le plus complet. Ne possédant pas la science, c'est-à-dire le savoir assuré et stable, l'homme erre ordinairement d'idée en idée sans jamais pouvoir justifier ses positions. Ainsi la philosophie est-elle à l'âme ce que la médecine est au corps. Pour vivre une vie bonne, il faut avoir une bonne conduite. Il s'agit de vivre selon la moralité. Dans Alcibiade, Socrate apprend à Alcibiade qu'un homme ne peut gouverner une cité s'il ne connaît pas au préalable la véritable humanité en l'homme. Ainsi la connaissance de l'âme permet-elle de s'élever au-dessus des opinions flottantes et malléables afin de penser véritablement. Pour Socrate, la thérapeutique du dialogue consiste à interroger et non à apprendre. Socrate ne sait rien : il ne peut donc rien enseigner quant à un quelconque contenu théorique de savoir. Il s'agit d'amener l'interlocuteur à la perplexité c'est-à-dire à lui révéler qu'il est dans la sphère de la croyance et non dans celle du savoir. La fonction thérapeutique du dialogue a donc une double signification. Dans un premier temps, le savoir ne peut venir que de l'individu : penser par soi-même est nécessaire afin de ne pas se situer à l'extérieur de ses pensées c'est-à-dire de ne pas vivre sous le règne de l'opinion. Dans un second temps, il s'agit de se rendre compte de la vanité de son prétendu savoir. La perspective doit changer : l'objet d'étude doit être déplacé de ce prétendu savoir à la quête de soi-même. Le problème est donc celui des valeurs de l'individu. Le projet socratique consiste, pour l'interlocuteur, à dépasser les contradictions inhérentes à sa vie. La réflexion, la remise en question de son savoir et de ses pratiques, permet à l'homme de faire l'acquisition de soi. En ce sens, le dialogue est un processus de guérison : l'homme met sérieusement à l'épreuve sa vie et ses valeurs.
 
Chez Epicure, on trouve également cette idée d'une philosophie-médecine dans la mesure où l'épicurisme conçoit la relation entre le maître et le disciple dans la sphère de la médecine de l'âme. Le vocabulaire médical est extêmement important dans l'épicurisme  : il suffit pour s'en convaincre d'analyser les trois remèdes fondamentaux proposés par cette doctrine : le traitement d'urgence est le tetrapharmackos.
 
" Les Dieux ne sont pas à craindre, il n'y a point de risque à courir la mort, le bien est facile à se procurer, le mal facile à endurer avec courage. " (cf. Epicure et ses Dieux, A. J. Festugière, PUF, collection Quadrige, 1985, p. 99-100)
 
Il s'agit d'éloigner de nous les craintes non-fondées. Le traitement d'urgence s'attaque aux symptômes comme dans le domaine de la médecine, on fait d'abord tomber la fièvre avant d'extirper le mal (la maladie) proprement dit.
 
On passe alors au traitement étiologique. Il s'agit d'extirper le mal et pour cela il faut connaître sa nature. L'état du disciple est celui d'un malade qui sait qu'il souffre mais qui ignore comment se soigner. Il faut alors connaître le remède à la cause de la maladie.
 
Enfin, les traitements hygiéniques cultivent le repos. Le programme des lettres d'Epicure est l'entretien de l'état de santé. On fournit au malade un schéma général qui permet d'interpréter chaque cas particulier en fonction de l'ensemble. Il s'agit d'acquérir un habitus mental afin de parer à toute rechute. Ainsi la thérapie éthique s'entretient-elle jusqu'au point culminant qu'est la vie du sage.
 
Le stoïcisme s'inscrit dans cette lignée qui considère la philosophie comme la médecine de l'âme. Comme pour Epicure, le système stoïcien conçoit les passions et les erreurs comme des maladies de l'âme. Si l'homme ne parvient pas au bonheur, c'est à cause des chagrins de toute sorte. Il faut vaincre la maladie en repérant et en analysant les symptômes.
 
D'où l'analyse que fait Sénèque dans son traité De la tranquillité de l'âme, des différents types de malades : les versatiles, les capricieux, les paresseux, les découragés et les entêtés. Toutes ces maladies conduisent au même résultat qui est le mécontentement de soi.
 
" Malaise qui a pour origine un manque d'équilibre de l'âme et des aspirations timides ou malheureuses, selon que l'on n'ose pas du tout ce qu'on désire ou que l'on tente en vain de le réaliser, et qu'on s'épuise à espérer. C'est une instabilité, c'est une agitation perpétuelle, sort ordinaire des objets en équilibre instable. Ils cherchent par tous les moyens à atteindre l'objet de leurs vaux, se dressent et se contraignent à des pratiques honteuses et malaisées (...) " (cf. Ibidem II, 7)
 
Ce mécontentement de soi trouve son origine dans deux passions-symptômes : l'inquiétude et la crainte. L'inquiétude, au sens propre, plonge les hommes dans la recherche frénétique de la satisfaction des plaisirs et des désirs. Or, on ne peut jamais les atteindre dans la mesure où l'on ne peut clôturer leur possession. Par exemple, l'inquiétude de l'argent pousse à chercher de plus en plus de richesses, et cela de façon illimitée. Le plaisir de l'argent pour l'argent engendre l'envie d'accroître encore et toujours sa fortune. La maladie est là : l'inquiétude conserve la négativité du plaisir. On désire de façon illimitée et on en vient à désirer son désir. Cette logique perverse du désir ne peut donc jamais trouver d'achèvement. Les hommes ne possèdent pas la tranquillité de l'âme parce qu'ils sont toujours hors d'eux-mêmes. L'ignorance de la Providence engendre la logique des désirs impossibles à satisfaire qui rendent malheureux. Cette ignorance débouche sur la stérile agitation des hommes :
 
" Ils rôdent ainsi à l'aventure, quêtant les occupations, et que font-ils ? Non pas ce qu'ils ont résolu de faire, mais ce que le hasard des rencontres leur offre. Leurs courses absurdes et vaines font penser aux allées et venues des fourmis le long des arbres, lorsqu'elles grimpent jusqu'en haut du tronc et redescendent jusqu'en bas pour rien. Que de gens mènent une existence analogue, qu'on appellerait justement une paresse agitée ! " (cf. Ibidem XII, 3)
 
La crainte apparaît alors et finit de plonger l'homme dans le dérèglement. Qu'avons-nous à craindre de la Raison Universelle, Pourquoi, par exemple, craindre la mort puisqu'elle dépend du Destin ? Les hommes vivent dans la crainte de perdre leurs biens : leur vie, leur richesse, leur pouvoir. Inquiets et craintifs : Sénèque décrit en termes terribles les maux de l'humanité. Mais il met surtout en garde contre les dangers de l'action. Celle-ci peut devenir un lieu d'étourdissement, de frénésie, d'ivresse. Agir pour agir est une sorte d'exacerbation et de déperdition qui produit un mouvement dangereux et destructeur. Le stoïcisme veut montrer que l'action sert la vie mais que l'inverse détruit la vie. Les hommes deviennent des fourmis. L'action pour l'action, c'est-à-dire l'action qui n'est pas éclairée par la raison, témoigne non d'un accomplissement mais d'une déchéance. En ce sens, l'humanité offre le spectacle de l'esclavage à l'activité. Le repos est un supplice pour les hommes dans la mesure où l'activité dévore la vie. Sénèque découvre en effet le mal immonde qui ronge l'humanité. La vie n'est plus ce qui trouve dans l'action un accomplissement, elle est plutôt ce qui sert une action devenue omniprésente et toute-puissante. Il y a dans cet " activisme " un caractère envahissant, proliférant et dissolvant. L'action appelant l'action interminablement, Sénèque expose les maux de l'humanité pour les éradiquer. Le sens et la valeur de la comparaison de l'homme du commun à une fourmi se trouvent dans la critique de l'action pour l'action. L'action, qui devrait être un moyen au service de la vie, en vient à gangrener l'humanité. Cette perversion entretenue par la société et le mimétisme social en vient à s'élever au rang de norme.
 
L'action n'est plus fin authentique mais dégénère en but vide qui s'appelle lui-même. Le stoïcisme veut donc retrouver l'action où le sujet s'accomplit. Ainsi Sénèque exhorte-t-il à ne pas être esclave de l'action. La responsabilité humaine est donc engagée : il faut s'exercer afin de séparer les actions dont la fin demeure vivifiante et les actions dont la fin est " mortifiante ". Le moyen de cette séparation ne réside-t-il pas alors dans la partie la plus humaine de l'homme ? Comment quitter cette dimension aliénante de l'humanité et éradiquer l'inquiétude et la crainte ? Mais d?abord quel est précisément ce mal qui ronge l?âme ?
 
" Pourquoi nous abusons-nous ? Notre mal ne vient pas du dehors ; il est au-dedans de nous, il a son siège au fond même de nos entrailles, et la raison pourquoi nous parvenons à la santé malaisément, c?est que nous ne nous savons pas atteints " (cf. Lettre à Lucilius, 50, 4)
 
La maladie de l'âme a une cause principale : la distance par rapport à soi-même. Les hommes ne se savent pas atteints de ce mal et vivent donc sous le règne des passions et sous le joug des opinions. L'homme est hors de lui-même tant qu'il ne connaît pas son véritable moi. La santé est la conversion de l'erreur et de la passion dans la nature véritable de l'homme. La philosophie a pour objectif d'expulser le mal qui écarte de la santé c'est-à-dire de l'usage droit de la raison. La racine de nos maux réside donc dans l'éloignement par rapport à nous-mêmes. L'ignorance de notre position engendre l'ignorance de notre maladie. Celle-ci n'est pas un virus qui attaque de l'extérieur mais plutôt un cancer qui ronge de l'intérieur. Le mal de l'homme est entretenu par son ignorance. Le malade est donc prisonnier d'un cercle vicieux ou d'un cycle infernal : ne se connaissant pas, il ne connaît pas son mal ; ne connaissant pas son mal, il s'éloigne toujours plus de la connaissance de son moi. Les hommes ne se savent pas malades : tout homme considéré par l'opinion comme bien portant est véritablement un malade qui s'ignore. S'il paraît bien portant mais ne l'est pas, c'est précisément parce que la maladie est englobée dans la logique et de l'apparaître. En ce sens, la maladie de l'âme nous éloigne autant de la stabilité que la maladie du corps nous éloigne de l'équilibre. La philosophie est donc une thérapie de l'âme : elle n'est pas dans l'aire du loisir nais elle est un mode de vie pour être soi-même.
 
Etre soi-même consiste à combler l'écart entre nous et nous-mêmes. Cet écart est justement la cause de la maladie. C'est en constituant sa raison et non en suivant la foule que l'homme peut se libérer du mal qui le ronge. Ainsi Sénèque écrit-il:
 
" Ainsi c'est un danger de s'attacher aux pas de ceux qui nous précèdent ; chacun aimant mieux croire que juger, quand il s'agit de la vie, on ne porte jamais de jugement, on se borne toujours à croire ; nous tourbillonnons et roulons dans l'abîme par la faute de cette erreur qu'on se passe de main en main. Ce sont les autres dont les exemples nous perdent ; nous guéririons pourvu que nous nous séparions de la masse. " (cf. De la vie heureuse, I, 4)
 
Pour rendre effectivement opérante la raison en l'homme, et de ce fait supprimer la maladie, il faut s'écarter de la croyance afin de mieux juger. Il s'agit donc de changer nos opinions, c'est-à-dire de les supprimer. Ce n'est qu'en écartant les préjugés que nous pourrons vivre dans la sphère des jugements libres et non pas sous le joug des opinions, opinions qui, d'une part, n'obéissent à aucun principe normatif et qui, d'autre part, sont contingentes. Le malade est un mort-vivant dans la mesure où sa vie n'est pas humaine. Or il vaut mieux être mort que de vivre mort, de vivre une vie morte. Expulser la maladie n'est pas une platitude : il s'agit, en fait, de s'éveiller à la véritable vie. Il s'agit de délaisser l'empire de la fausseté, de l'opinion pour s'élever jusqu'à la tranquillité de l'âme. Pour cela, il faut se donner les moyens de se guérir et en appeler à la logique des remèdes.
 
Ces remèdes sont ceux exposés dans le Manuel d'Epictète, dans la Lettre à Lucilius et dans De la tranquilité de l'âme de Sénèque, dans Les Pensées de Marc-Aurèle : Tous ces textes s'offrent comme des exercices de direction spirituelle reposant sur l'éducation morale mais aussi et surtout sur le rapport privilégié entre le maître et le disciple.


Message édité par l'Antichrist le 18-01-2004 à 01:01:56
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