Le pamphlet de Michael Moore privé de sortie
 
Disney empêche sa filiale Miramax de distribuer le documentaire anti-Bush du cinéaste américain.
 
Par Pascal RICHE
 
jeudi 06 mai 2004 (Liberation - 06:00)
 
Washington de notre correspondant
 
(1). www.michaelmoore.com
 
 
 
ichael Moore est très drôle dans ses films, un peu dans ses livres, mais pas du tout dès lors qu'il s'agit de défendre son boulot. La décision prise par Disney de bloquer la distribution aux Etats-Unis de son dernier documentaire, Fahrenheit 911, n'a inspiré aucun trait d'humour au réalisateur. «Amis, assène-t-il d'une plume lourde sur son site Web (1), j'aurais espéré, à ce stade, pouvoir présenter mon travail au public sans avoir à connaître les obstacles de la censure profonde que je semble souvent rencontrer.»
 
Gouverneur. Le groupe Disney a en effet demandé à sa filiale Miramax de renoncer à distribuer Fahrenheit 911, un pamphlet contre George W. Bush. L'histoire a été révélée par le New York Times et Variety dans leur édition d'hier. Selon l'agent de Moore, Ari Emanuel, Disney craindrait que le film ne mette en danger les aides fiscales que son parc Disneyland, à Orlando, reçoit de l'Etat de Floride. Son gouverneur, Jeb Bush, est en effet le frère du Président. Michael Eisner, le patron du groupe, aurait fait cette confidence à Ari Emanuel l'an dernier, ce que dément Disney.
 
Le film sera toutefois présenté au Festival de Cannes, qui commence la semaine prochaine. C'est même l'un des dix-huit longs métrages en compétition officielle. Michael Moore (Roger and I, Bowling for Columbine...) y descend en flammes le président américain, et aborde quelques sujets tabous aux Etats-Unis, comme les liens d'affaires qui ont existé entre la famille Bush et la famille Ben Laden.
 
Bisbilles. Miramax n'a pas dit quand il entendait distribuer Fahrenheit 911 ­ la rumeur parlait jusque-là de juillet. Il est le principal financier du film depuis que la société de Mel Gibson, Icon, a renoncé à le produire il y a un an. Miramax fait mine de résister à l'injonction de sa maison mère, ce qui ne surprend pas les habitués d'Hollywood. Le cofondateur de la société, Harvey Weinstein, solide contributeur du Parti démocrate, est depuis longtemps en bisbille avec Michael Eisner. C'est dans une ambiance très tendue que les deux groupes renégocient actuellement la convention qui les lie.
 
Alors que Miramax enchaîne les succès (derniers en date : Kill Bill 1 et 2), Disney accumule les déboires. Les parcs à thème patinent, la télé ABC a été reléguée à la quatrième place du classement, et le plus juteux partenaire du groupe, le studio d'animation Pixar, a décidé de voler de ses propres ailes. Eisner est affaibli, et il ne fait de mystère pour personne que Weinstein attend sa chute.
 
Pour contester la décision de Disney sur Fahrenheit 911, les dirigeants de Miramax affirment que Disney n'a le droit de veto sur une oeuvre que dans quelques cas bien précis : films interdits aux moins de 17 ans, budgets jugés trop élevés, etc. Disney, à l'inverse, s'estime autorisé à interdire la distribution de tout film qui nuirait aux intérêts de l'ensemble du groupe. Or, pense-t-on dans le fief de Disney à Burbank (Californie), Fahrenheit 911 risque d'entraîner le groupe dans une empoisonnante controverse politique et de fâcher de nombreux clans.
 
Satire. Des discussions sont en cours, affirme Miramax. Mais Disney ne semble guère chercher l'arrangement à l'amiable. «En mai 2003, nous avions prévenu tant l'agent (de Michael Moore, ndlr) que Miramax que le film ne serait pas distribué par Miramax. Nous nous en tenons à cette décision», a déclaré au New York Times une porte-parole, Zenia Mucha. Ce n'est pas la première fois que Disney et Miramax s'accrochent ainsi sur la distribution d'un film. En 1999, ils avaient eu une divergence à propos de Dogma, une satire de la religion de l'Américain Kevin Smith qui avait mis en fureur plusieurs organisations chrétiennes. Un compromis avait été trouvé : Miramax avait abandonné la distribution à Lions Gate, mais gardé la haute main sur le marketing du film.

Michael Moore. Avant sa Palme d’Or, le cinéaste américains défilait avec les intermittents du spectacle. Mais comme patron, Michael Moore, c’est pas joli joli ! Stagiaires pas payés, licenciements, employés lessivés, Michael a une conception intermittente du droit du travail….  
Source : Rubrique Têtes au carré/ Mise au point - TSR

Bonjour, et merci pour l'intérêt que vous portez à notre émission.  
 
Les éléments d'information se trouvent dans le magazine "Le Monde 2", daté du samedi 2 mai (c'est le supplément de fin de semaine du quotidien "Le Monde" ). L'article est titré "Michael Moore, La Machine infernale", de Nicolas Bourcier. C'est une longue enquête à New York, sur 10 pages retraçant la carrière, les succès et les coins d'ombre de Michael Moore.  
On y apprend entre autres que l'un de ses ex-employés, que Moore avait licencié après 7 semaines de travail, est en train de réaliser (avec moins de talent que Moore, comme il le reconnaît lui-même) un documentaire sur les méthodes de travail de Moore, filmé et réalisé selon les mêmes techniques que lui!
Peut-être le verra-t-on un jour sur nos écrans...  
A part "Le Monde", les méthodes de travail un peu...cavalières de Michael Moore ont déjà fait l'objet de plusieurs articles dans la presse américaine (New Yorker, entre autres.)  
 
En espérant pouvoir continuer à vous compter parmi nos téléspectateurs, avec
mes meilleures salutations,
 
Malik Melihi
producteur Mise au Point

Michael Moore trouve un distributeur  
 
Le documentaire couronné d'une palme d'Or à Cannes, Fahrenheit 9/11, sortira finalement aux Etats-Unis le 25 juin.
 
Le film de Michael Moore sera distribué par un partenariat de plusieurs sociétés, dont une créée pour l'occasion par les frères Harvey et Bob Weinstein, les dirigeants des studios Miramax. Ces derniers ont acheté les droits du documentaire à Walt Disney, propriétaire de Miramax.
 
Michael Eisner, le PDG de Disney, ne voulait pas distribuer le film estimant "qu'il ne voulait pas d'un film au milieu du processus politique (la campagne pour la présidentielle, ndlr)" car il pensait que ses parcs d'attractions "nous empêchent de prendre parti".
 
Michael Moore a fait savoir dans un communiqué : "Je leur suis reconnaissant. Maintenant, tous ceux qui souhaitent voir le film le pourront. De la part de mon excellente équipe d'acteurs, j'ai nommé GW, Dick, Rummy, Condi et Wolfie (surnoms donnés par Moore aux principaux dirigeants de l'administration américaine), je remercie cette incroyable coalition de volontaires pour avoir amené 'Fahrenheit 9/11' jusqu'à son public."

lundi 14 juin 2004, 8h04  
Cinéma: "Fahrenheit 9/11" interdit au jeune public américain  
 
NEW YORK (AFP) - "Fahrenheit 9/11", le documentaire anti-Bush de Michael Moore récompensé de la Palme d'Or au dernier festival de Cannes, a été frappé d'une interdiction au jeune public américain, ont annoncé dimanche soir ses distributeurs aux Etats-Unis, décidés à combattre cette décision.
 
La Motion Picture Association of America (MPAA), le grand syndicat américain des industriels du cinéma, a infligé la notation "R" ("restricted", restreint), ce qui signifie que le film ne pourra être vu par les moins de 17 ans non accompagnés d'un parent ou tuteur, ont indiqué dans un communiqué Lions Gate Films et IFC Films.
 
Selon eux, la MPAA a estimé que le documentaire contenait "des images violentes et dérangeantes" et que sa diffusion devait être restreinte également "pour son langage".
 
Aucun commentaire n'avait pu être obtenu dimanche soir auprès de la MPAA.
 
Ce classement "R" est "complètement injustifié", a protesté Tom Ortenberg, le président de Lions Gate Films, qui a souligné entreprendre une procédure d'"appel en urgence" alors que le film doit sortir le 25 juin dans un millier de salles aux Etats-Unis.
 
"Il est malheureusement très possible que beaucoup d'adolescents de 15 et 16 ans soient appelés et recrutés pour servir en Irak dans les deux prochaines années", a déclaré de son côté Michael Moore. "S'ils sont suffisamment âgés pour être recrutés et capables de combattre et de risquer leur vie, ils méritent certainement d'être autorisés à voir ce qui se passe en Irak", a ajouté le cinéaste, cité dans le même communiqué.
 
"Fahrenheit 9/11" est un pamphlet contre le conflit irakien qui décrit le processus d'entrée en guerre et la lutte contre le terrorisme en évoquant notamment les liens entre la famille du président américain George W. Bush et celle d'Oussama Ben Laden.
 
"Lions Gate Films va continuer de soutenir très activement les partis pris artistiques de ses cinéastes', a ajouté Tom Ortenberg.
 
"Nous sommes déterminés à inverser cette décision de manière expéditive afin qu'autant de monde que possible, notamment les jeunes adultes représentant l'avenir de notre nation, puisse voir un des films les plus importants et les plus stimulants intellectuellement de notre temps", a-t-il poursuivi.
 
Selon le président de IFC Entertainment, maison mère de IFC Films, "il est crucial que les jeunes de ce pays soient informés de manière complète". "IFC fera tout ce qui est en son pouvoir juridiquement pour combattre ce classement injuste", a ajouté Jonathan Sehring.
 
La dernière Palme d'Or de Cannes, qui s'annonce déjà comme le film le plus controversé de l'année aux Etats-Unis en pleine période électorale, avait déjà eu des difficultés à trouver un distributeur dans le pays, au grand dam de ses producteurs, les frères Weinstein patrons des studios Miramax (groupe Disney).
 
Le PDG de Disney Michael Eisner a refusé de distribuer le film de sa filiale, jugé trop engagé pour le roi du divertissement familial consensuel, ce qui a obligé les frères Weinstein à racheter tous les droits à titre personnel via une société créée spécialement pour l'occasion.
 
Cette société, The Fellowship Adventure Group, a finalement trouvé le 1er juin deux associés pour la distribution aux Etats-Unis, le groupe IFC et les studios indépendants canadiens Lions Gate Films.

Le cinéaste et ses distributeurs, la compagnie canadienne Lions Gate, ont décidé de faire appel de cette décision, mais l'audience a été fixée au 22 juin, alors que Fahrenheit 9/11 doit sortir trois jours plus tard, le 25. Des négociations sont en cours pour avancer cette date. La MPAA justifie sa décision par la présence d'"images violentes et dérangeantes" et par le "langage" employé dans le film. Michael Moore montre, en effet, certains détails des lynchages de civils américains à Fallouja ainsi qu'une décapitation en Arabie saoudite. Tom Ortenberg, le président de Lions Gate, fait valoir qu'il n'y a rien dans Fahrenheit 9/11 "de plus dérangeant que ce que nous avons tous vu sur les chaînes câblées". Lions Gate doit distribuer le film dans plus de 1 000 salles, un chiffre jusqu'ici jamais atteint par un documentaire aux Etats-Unis.