qui a écrit ... ceci ... (fastoche):
Curieux débat budgétaire : les partisans de la réhabilitation de l'impôt s'opposent à ceux qui veulent réhabiliter le travail dans d'ahurissantes controverses qui dissimulent mal cette vérité : la France réhabilite les déficits.
Il faut dire merci au pacte de stabilité : sans lui, nul ne sait jusqu'où grimperaient nos déficits car, pour beaucoup, hélas, croissance rime encore avec dépense. S'il était vrai que la dépense fabrique la croissance, la France serait la locomotive de l'Europe.
Il faut, dit-on avec bon sens, "gérer la France en bon père de famille", mais notre pays vit au-dessus de ses moyens et aux crochets de ses enfants. Il est aujourd'hui dans la situation d'un ménage qui gagnerait 2 000 euros par mois, qui en dépenserait régulièrement 2 250, et serait incapable de rembourser une dette de 50 000 euros sans emprunter à nouveau chez son banquier !
Plutôt que de défier l'Europe et le pacte de stabilité sous les applaudissements des souverainistes et de chercher à légitimer la dépense publique française à Bruxelles, le gouvernement ferait mieux, à l'instar de l'Allemagne, d'utiliser la contrainte européenne pour légitimer les réformes en France.
En 1995, la France a pris l'engagement de réduire ses déficits à 5 % du PIB, puis 4 % en 1996 et 3 % en 1997, afin certes de se qualifier pour l'euro, mais aussi dans la perspective de retrouver l'équilibre budgétaire.
Nous avons fait cet effort, qui a permis d'oxygéner l'économie française et de retrouver une croissance forte, hélas gâchée et dilapidée par le précédent gouvernement, qui a légué une situation sans aucune marge de man?uvre.
Choisir l'euro, c'était choisir une discipline afin d'éviter que le laxisme budgétaire des uns pénalise les autres en faisant grimper les taux d'intérêt longs. La France ne peut aujourd'hui, sous couvert de l'euro, pratiquer une fuite en avant dans les déficits publics que le maintien du franc nous aurait interdite depuis longtemps en provoquant la chute de notre monnaie et la hausse des taux d'intérêt.
Ces déficits, qui sont le reflet d'un excès de dépenses courantes, et non de la préparation de l'avenir, pèsent sur les générations futures. On sait sans échappatoire possible que les dettes d'aujourd'hui sont les impôts de demain. Que cela plaise ou non, il faudra bien demain faire rentrer davantage d'impôts pour éponger l'ardoise de nos déficits et pour faire face à la montée des charges publiques non financées ou encore mal financées, comme les retraites.
Cela exige une forte croissance, pas une croissance paresseuse, mais une hypercroissance. Pour cela, le gouvernement dispose de trois moyens d'action :
- la fiscalité ;
- la baisse résolue de la dépense publique ;
- les réformes de structures pour libérer le marché du travail et accroître la compétitivité de nos systèmes publics.
Baisser l'impôt sur le revenu comme le fait le gouvernement, c'est bien, réformer la fiscalité c'est mieux. Renoncer à cette baisse, comme l'auraient voulu les socialistes, et même certains dans la majorité, eût été un très mauvais signal. Cependant, si cette baisse d'impôt est un symbole politique nécessaire, elle ne constitue en rien un levier économique.
Il s'agit, dit-on, de relancer la consommation pour favoriser la croissance. Le raisonnement a déjà servi en 2002 pour accompagner les baisses d'impôt. Sans résultat. Il serait d'ailleurs surprenant que le déplacement vers la consommation d'un millième du PIB puisse doper la croissance, d'autant qu'une baisse d'impôt de 1,7 milliard apparaît comme une bien faible ristourne par rapport aux quelque 60 milliards d'impôts différés que représentera le déficit 2004 et que cette baisse est au surplus fortement compensée par de multiples prélèvements, à l'instar de la hausse de 3 % sur le diesel.
Il y a un an, analysant la crise de la zone euro, je pronostiquais une croissance tendant vers zéro pour la France en 2003. Aujourd'hui, fort des prévisions de ceux qui entrevoient la sortie d'un tunnel dont ils n'avaient pas vu venir le début, le gouvernement table sur un retour de la croissance de 1,7 %. Souhaitons-le. Mais si la croissance revient, nous le devrons davantage à la croissance américaine qu'à la politique du gouvernement.
Il est temps de renoncer aux approches néokeynésiennes et aux recettes éculées (soutien artificiel à la consommation, augmentation de la prime pour l'emploi, allégements de charges pour compenser le surcoût des 35 heures et les augmentations du Smic...). Dans une économie ouverte sur le monde, comme l'économie française, ce n'est pas la demande qui fait défaut, mais l'offre compétitive.
L'objectif des baisses d'impôt n'est pas de relancer la consommation, mais de doper la croissance. Pour être efficaces, pour agir comme multiplicateur de croissance, les baisses d'impôt doivent s'inscrire dans le cadre d'une réforme fiscale d'ensemble audacieuse et s'accompagner d'un effort important d'économies budgétaires. Ce sont les conditions d'un sursaut et d'une modification des comportements favorable à la croissance.
L'impôt sur le revenu est - avec l'impôt sur la fortune - le plus dissuasif et le plus décourageant de tous. Pour atténuer cette progressivité, tous les gouvernements ont multiplié les avantages sectoriels ou catégoriels sous forme d'exonérations, abattements, décotes, déductibilités qui ne peuvent être remis en cause que dans une réforme d'ensemble. En redéployant une part des quelque 50 milliards de ces niches fiscales, il est possible d'engager une réforme de l'impôt progressif sur le revenu ramené à trois tranches et à un taux maximal de 33 % (dans le droit-fil de la réforme que j'avais proposée comme ministre des finances en 1995).
De plus, la CSG pourrait être intégrée dans l'impôt sur le revenu comme une première tranche d'impôt proportionnel payé par tous les Français. L'ensemble des impôts ainsi simplifiés seraient retenus à la source. La prime pour l'emploi, mise en place par Lionel Jospin dans l'objectif louable de faciliter le retour au travail, mais dont on constate aujourd'hui l'inefficacité, serait intégrée avec les minima sociaux dans un revenu familial garanti inspiré de l'impôt négatif.
L'engagement d'une telle réforme, conjuguée avec celle de la fiscalité des entreprises et des trop nombreux impôts sur le patrimoine (ISF inclus), ferait alors de la baisse des impôts un véritable levier de croissance.
Au total, les recettes fiscales augmenteraient (les "riches" ne payeraient pas moins d'impôts... mais davantage). C'est là l'effet de toutes les réformes fiscales bien conduites dans le monde. La France en a d'ailleurs fait l'expérience avec la réforme Balladur de 1986, où, après une forte baisse de l'IRPP et la suppression de l'ISF, on constata un accroissement des rentrées fiscales.
Pour amorcer et crédibiliser une telle réforme fiscale, il est nécessaire de réduire la dépense publique. L'objectif du gouvernement - maintenir la dépense publique l'an prochain au niveau de cette année - n'est pas assez ambitieux. Il incite davantage à couper dans les budgets, à réduire les investissements, qu'à repenser les missions ou à revoir les structures. Or les coupes budgétaires sont le plus souvent inefficaces, douloureuses et politiquement dangereuses.
Pour réduire vraiment la dépense publique il faut réduire le périmètre de l'Etat, redéfinir ses missions, passer au crible toutes ses fonctions : cette tâche ou cette mission est-elle nécessaire ? Faut-il que l'Etat l'exécute, l'externalise ou la délègue ? Faut-il que le contribuable la finance ? Si oui, comment en accroître l'efficacité ? Sinon, comment la concevoir et l'exécuter autrement ?
La dépense publique est en France de 7 points supérieure à celle de nos partenaires de la zone euro. On peut se fixer pour objectif une décrue de 1 % de PIB par an. C'est ce qu'ont déjà fait beaucoup de grands pays. C'est ce que feront les Pays-Bas l'an prochain pour résorber leur déficit. Une telle économie serait affectée pour moitié au désendettement et pour l'autre à la réforme fiscale. Le surplus de croissance et d'emplois ainsi engendré augmenterait les recettes fiscales et sociales, ce qui permettrait de réduire à la fois les déficits et la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale.
En 1995, l'Espagne avait un déficit supérieur à 6 %. En 2004, son budget sera en équilibre pour la quatrième année consécutive. L'Espagne a réformé sa fiscalité et son marché du travail, privatisé massivement et déréglementé. Elle est entrée dans un cercle vertueux où baisse d'impôt, meilleure gestion de l'Etat et réformes fabriquent une croissance soutenue qui augmente les recettes fiscales et facilite l'assainissement financier.
Le premier ministre entend mettre en perspective l'action du gouvernement dans un Agenda 2006. Il n'est que temps, car celle-ci a besoin de davantage de lisibilité.
On peut certes regretter que le gouvernement, absorbé alors par la priorité donnée à la lutte contre l'insécurité et trop confiant dans les prévisions de croissance, n'ait pas su utiliser la fenêtre exceptionnelle des deux cents jours qui ont suivi les élections présidentielle et législatives. On peut aussi regretter que ces élections n'aient pas permis de faire valider démocratiquement un programme de réformes fortes, ce qui conduit le gouvernement aujourd'hui à chercher à légitimer ces réformes dans de longues concertations avec les partenaires sociaux, au risque de les repousser et de les dénaturer.
Mais un nouveau départ est possible. En s'engageant à obtenir des résultats en termes de croissance, d'emploi et d'assainissement financier, le gouvernement peut donner au pays l'élan réformateur plus que jamais nécessaire.