Citation :
Le crime d'anthropophagie du « cannibale de Rotenburg » révulse l'Allemagne
Grâce à une annonce explicite diffusée sur Internet, un informaticien de 41 ans a trouvé une victime consentante qu'il a tuée, dépecée et consommée en filmant son forfait
? ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15 Décembre 2002 En droit allemand et, vraisemblablement, dans la législation de la plupart des pays européens, le délit de cannibalisme n'existe pas. Armin M., 41 ans, est donc poursuivi sous la qualification de « meurtre aggravé ». Mais c'est bien pour anthropophagie que cet informaticien, employé dans une firme de Karlsruhe, est aujourd'hui emprisonné. Selon le procureur de Kassel qui, en milieu de semaine, a rendu l'affaire publique, en confirmant les révélations du journal populaire à grand tirage Bild, l'homme, en 2001, a attiré dans sa maison campagnarde de Rotenburg, en Hesse, Bernd Jürgen Brandes, un ingénieur berlinois de 42 ans, l'a tué, dépecé, puis consommé.
Les policiers qui l'ont arrêté, mardi 10 décembre, ont retrouvé, conservés au congélateur, des restes humains ; ils ont également saisi des vidéos comportant des scènes de torture. Des photos similaires ont été récupérées sur le disque dur de l'ordinateur ; les enquêteurs ont aussi retrouvé, enfouis dans le terrain entourant la maison, un crâne et des ossements humains. L'assassin, d'après les services du procureur, a fait des aveux complets, reconnaissant le meurtre et les actes de cannibalisme dès le premier interrogatoire.
D'autres détails macabres filtrent depuis deux jours dans la presse allemande, sans qu'il soit toujours possible d'en obtenir la confirmation officielle. Bild , qui a mis sur l'affaire dix reporters et quatre photographes, a été le premier à assurer qu'Armin M., ancien sergent-major dans la Bundeswehr, aurait attiré sa victime grâce à une annonce sans équivoque diffusée sur Internet. Après avoir pris contact avec son assassin, la victime, selon le quotidien, aurait liquidé son appartement, vendu ses meubles, rédigé son testament au profit de l'ami avec lequel il partageait sa vie, puis serait parti dans la maison du crime. Ses collègues de travail auraient signalé, peu après, sa disparition à la police.
Selon des indiscrétions policières rapportées par la presse, Bernd Jürgen Brandes, avant d'être tué, aurait accepté de se faire couper le pénis qu'il aurait ensuite mangé en compagnie de son bourreau. Toute la scène aurait été filmée, de même que le meurtre suivi de la préparation du cadavre. Au moment de son arrestation, Armin M. cherchait de nouvelles victimes, toujours par Internet. Il aurait diffusé quelque 80 messages comparables au précédent. forum spécialisé
Plusieurs personnes lui auraient répondu en connaissance de cause, dont la police, intriguée par l'invitation. L'un de ces messages, publié sur un forum spécialisé, était ainsi rédigé : « Je cherche un homme jeune ; tu as au maximum 30 ans et un corps normal ? Tu es la personne que je recherche. Je veux te tuer et consommer avec volupté ta chair succulente. » Selon les enquêteurs, Armin M. n'aurait avoué qu'un seul meurtre, mais des recherches sont actuellement menées dans son jardin afin de vérifier si d'autres victimes n'y sont pas enfouies.
Lancés dans une course au sensationnel, les journaux populaires continuent de consacrer à l'affaire de gros moyens, multipliant en première page informations et indiscrétions sur la vie de l'assassin ou celle de la victime. Bild assure ainsi qu'Armin M., qui vivait seul dans la maison de Rotenburg depuis la mort de sa mère, à laquelle il était maladivement attaché, avait un policier pour père et un prêtre pour frère. Plus réservés, les autres journaux, dont les articles ont paru en page intérieure, rappellent quelques cas similaires - comme celui d'Issei Sagawa, un Japonais qui, à Paris, en 1981, avait tué et mangé son amie néerlandaise - ou publient des avis d'experts sur le cannibalisme et sa signification.
Cette distanciation semble de mise, face à un crime dont la bestialité suscite la gêne autant que les précautions, comme si les faits étaient trop monstrueux pour être possibles. Même si la véracité du meurtre est confirmée par la justice, des journalistes allemands doivent aussi se souvenir comment, il y a deux ans, ils avaient relaté la mort d'un enfant immigré, noyé par des néo-nazis dans une piscine de l'est de l'Allemagne, sous l'oeil indifférent des autres baigneurs. S'étant emparée du dossier, la justice avait révélé qu'il s'agissait d'un banal accident.
GEORGES MARION
|