Silmarys a écrit :
Bon, ça vaut ce que ça vaut, mais je vais donner mon avis issu de mon expérience.
Dans les débuts de l'ère PC, un PC valait une fortune et c'était donc très rare d'en avoir un. Durant mes années de collège, un seul élève avait chez lui un tel ordinateur, car son père « était un programmeur ». Dans la famille, seul mon oncle — ingénieur radar chez Thomson CSF — en possédait : un transportable Compaq, ainsi qu'un portable Toshiba avec imprimante intégrée (tiens d'ailleurs, pourquoi plus aucun portable n'intègre une imprimante de nos jours ? C'était super pratique pourtant).
Bref, c'est l'époque où des machines bien moins chères et plus orientées « jeu » sont sorties du lot et ont eu un grand succès : les Atari ST et autres Amiga.
En 1989, on avait acquis un Atari 520 STe avec son écran couleur, sa souris, son joystick et son GEM pour ~7000 francs (1700 € actualisés de l'inflation, d'après http://france-inflation.com/calculateur_inflation.php), avec lequel avec mes frères et ma sœur on a pu s'éclater pendant des milliers d'heures sur des centaines de jeux, grâce à l'ancêtre du P2P : l'échange par centaines de disquettes 3"1/2, très régulièrement avec les potes.
L'Atari m'a fait toutes mes années de lycée, et quasiment tous mes camarades d'internat avaient chez eux un ordinateur (au trois quart un Atari, le reste avec un Amiga qui puait ou rien).
Arrivé en école d'ingénieur, je m'équipais d'un PC, et découvrais que si le monde PC avait évolué, il n'en restait pas moins excessivement cher. En 1992, je déboursais 21000 francs (4626 € actualisés) pour un 486DX²66 avec 4 Mo de RAM, une carte graphique VLB tout juste suffisante pour afficher sur le moniteur 14" 1024×768 fourni, un MS-DOS 6.2 + Windows 3.11 (à 700 francs, soit 170 € actualisés) installés sur un disque dur 120 Mo IDE contrôlé par sa carte contrôleur ISA dédiée, et une Sound Blaster 16 ISA.
En comparaison de l'Atari, les jeux sur PC étaient moches, avec une jouabilité très moyenne (à ma connaissance, aujourd'hui encore, pas un seul jeu du genre n'est depuis arrivé à la cheville d'un Xenon 2, par exemple), et demandaient de mettre les mains dans le cambouis pour pouvoir tourner (configuration adaptée du config.sys et de l'autoexec.bat, afin de basculer la bonne quantité de mémoire dans le bon mode, et grapiller les quelques octets qui manquaient en déchargeant les pages localisées ou autre pilote). Le seul véritable avantage résidait dans le disque dur, qui chargeait beaucoup plus rapidement les jeux que ceux sur disquettes de l'Atari.
Les années ont passé, j'ai poursuivi mes études, travaillé pour un gros assembleur régional au noir, qui me payait surtout en « matos », du coup j'upgradais ma machine toutes les semaines.
Les jeux PC ont commencé à atteindre le niveau de plaisir retiré de ceux sur Atari ST dans ces années là (Les Moto Racer, Warcraft, Plane Crazy, Microsoft Motocross Madness, Quake, Unreal, Death Rally, etc.). C'est là que le PC a vraiment commencé à se démocratiser, on a vu Monsieur Tout-le-monde venir acheter un ordinateur pour jouer (souvent en prétextant que c'était pour les gosses). Les gens déboursaient facilement 7000 francs (~1400 € actualisés) pour une tour avec une carte 2D du genre S3 Trio, jusqu'à 10000 francs (~2000 € actualisés) pour une tour plus grosse avec une carte graphique « 3D » (ATI 64 128 Rage Fury machin, Matrox Millenium Mystique, etc.). Somme à laquelle il fallait en rajouter une autre non négligeable pour l'écran : un pauvre 14" 1024×768 à ~1500 francs facile (~300 € actualisés).
À l'époque, c'était surtout le processeur qui avait une influence sur les performances (Moto Racer était très dépendant du CPU, changer de processeur me faisait gagner des secondes au tour de circuit, même en réseau). Or, tous les 3 mois (j'exagère à peine), un nouveau processeur, une nouvelle technologie ou une nouvelle gamme de fréquence sortait. Pentium 133, Pentium 166, Cyrix 166, MMX, Pentium 200 puis 233, K6, etc.
À cette époque, les gens ont dépensé des budgets phénoménaux dans leur PC, pour seulement pouvoir jouer un peu. Et tous les 6 mois ou 1 an, ils revenaient changer la machine déjà obsolète. Le moindre virus un peu trop chiant était le prétexte à un changement de machine (faut dire que le patron vendait le déverolage très cher, à raison d'une demie-journée de main d'œuvre, et j'étais vendu cher à l'heure). Sans compter les virus comme Tchernobyl (CIH) qui ont fait des ravages en flinguant physiquement le matériel. Mais des jeux comme Max Payne, Half Life, Diablo, etc. entretenaient le besoin, tout en coûtant des sommes modiques (de 10 à 50 francs, soit 2~10 € actualisés, avec plein de jeux offerts partout).
Puis les cartes graphiques 3dfx Voodo sont arrivées, faisant cracher une nouvelle fois au bassinet pour avoir de meilleures performances 3D.
Puis c'était le tour du changement de Windows, entre les passages de 95 à 98, à un Me vite oublié, suivi d'un 2000/XP. À chaque fois, les gens changeaient de PC.
Les premiers portables à moins de 5000 francs (~1000 € actualisés) ont été vendus en supermarché et ont eu beaucoup de succès malgré la merde que c'était (mon HP Omnibook XE² m'avait coûté 18000 francs à l'époque, soit 3500 € actualisés, et je l'ai d'ailleurs toujours, en parfait état de marche).
L'eau a coulé sous les ponts depuis, les Windows se sont enchaînés, laissant derrière eux des cohortes de périphériques aux pilotes non compatibles abandonnés.
L'€uro est arrivé, les prix ont commencé à bien augmenter. Puis il y a eu les nouvelles consoles, une sorte de fusion du marché des jeux vidéos Console et PC, les jeux ont vu leur prix carrément exploser. Leur intérêt par contre se limitait toujours plus à de la consultation passive d'images, ou à une jouabilité plus que discutable pour la plupart.
C'est là que j'ai vu pas mal de gens commencer à abandonner l'affaire. Au mieux ils avaient une console et elle leur servait à jouer, au pire ils faisaient durer leur vieil ordinateur. Mais fini la passion, les gens n'étaient plus prêts à dépenser autant pour si peu en retour, plus prêts à sortir 50~60 € par jeu PC. À la place, les gens ont commencer à dépenser leur argent dans les téléphones mobiles, cherchant à avoir le modèle le plus petit (et fragile) (et cher) possible.
Puis la crise de 2008 qui s'est installée. L'inflation permanente. Le pouvoir d'achat en chute libre.
Les écoles et les entreprises ont commencé à ne plus remplacer leur matériel après qu'il ait été amorti, et l'ont fait durer bien plus longtemps.
Les gens par contre… Comme des cons, et malgré leur budget serrés, ils se sont jetés avec avidité sur les smartphones, cherchant cette fois à avoir le modèle avec le plus grand écran (et fragile) (et cher) possible, puis de la même façon sur les tablettes qui ne servent à rien, mais qui leur ont été vendues comme étant indispensables tellement elles étaient trop pratiques (et comme prévu, ils en reviennent, mais l'argent gaspillé a bien disparu de leurs poches).
Bref, les gens n'avaient déjà plus le budget, et ont continué à dépenser inconsidérément dans des conneries. Et ils continuent à le faire, ils continuent à dépenser 400, 500, 600 € ou plus tous les 12 ou 18 mois dans un nouveau téléphone, qui leur servira surtout à téléphoner, mais qui leur promet de faire mieux le café avec plus de pixels. Forcément, cet argent manque quelque part dans le budget, et forcément, le marché PC est l'un de ceux qui en subit les conséquences, parce qu'il n'apporte plus grand chose, il ne fait plus rêver.
Voilà ce qu'il manque : le rêve.
Ça fait 10 ans que l'ordinateur grand public n'évolue plus, que les processeurs ont 2~4 cœurs, que les fréquences sont sensiblement les mêmes, que la mémoire stagne à 4~8 Go, etc. Les derniers jeux sont toujours plus fades, mais toujours autant hors de prix. Rien qui puisse donner envie de cracher 2000 ou 3000 € pour avoir une nouvelle machine en mesure de remplacer celle de bientôt 10 ans qui prend la poussière (et une machine à moins de 2000 € serait à peine mieux ou pire, tout juste équivalente). Pourquoi payer autant pour avoir moins d'amusement qu'avec un Atari et ses jeux pixelisés en son temps ?
Pas de nouveaux usages depuis une décennie. Pas de nouvelles envies. Internet a poursuivi sa tournure commerciale et est devenu largement payant et a perdu de sa superbe, tout en restant le foyer d'infection principal de l'ordinateur famillial (virus, troyens, spywares, adwares,etc.). Et puis on peut le consulter depuis son téléphone. Imprimer coûte une fortune (5000 € le litre, non ?). Il n'est plus possible de partager sans avoir au cul l'Hadopi des riches connards qui veulent le pognon de leur manque à gagner virtuel. Tout est DRMisé. Tout ce qu'on fait est épié, marchandisé. Et on nous fait payer pour ça.
Les rares à encore avoir un besoin d'achat compulsif sont passés chez Apple pour satisfaire leur vice.
Non, sérieusement, vous avez discuté avec les gens normaux dans votre entourage ? Pourquoi auraient-ils besoin d'un nouvel ordinateur aujourd'hui ? Pour faire quoi ? Que va leur apporter une telle dépense ?
Voilà l'autre problème : l'écosystème PC est devenu carrément hors de prix. On est progressivement en train de retrouver les mêmes niveaux de prix que lorsque l'IBM PC était confidentiel — à raison —, comment dès lors s'inquiéter de voir le marché s'effondrer pour tendre vers la taille qu'il occupait à l'époque ?
Tant que le bout de silicum sera vendu aussi cher, et tant que les éditeurs d'OS et de programmes continueront à se gaver, et tant que rien de bien transcendant n'arrivera côté périphériques (la réalité virtuelle ? Mouais, j'ai gardé un souvenir bien fade de l'expérience passée, avec mon casque VFX-1), ben je ne vois pas ce qui pourrait donner envie aux gens de continuer à être des vaches-à-lait.
Par cupidité, les marketeux sont en train de tuer la poule aux œufs d'or qu'était le marché PC, dont ils ont écarté les passionnés il y a longtemps, afin de pouvoir coller encore plus de LED RGB partout.
Finalement, si l'on reste positif, il y a du bon à attendre de tout cela, la Nature ayant horreur du vide. On est en droit d'attendre l'apparition probable de nouveaux Atari ST et Amiga contemporains, qui comme leurs ancêtres en leur temps, pourraient nous faire non seulement rêver, mais aussi nous amuser, le tout sans nous ruiner.
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