Bourse : et s'il était temps de revenir sur les actions ?
[ 10/04/09  - 16H15  ]  
 
" Désormais, il n'est plus prématuré d'investir en actions ", assure Matthieu Groues, de Lazard Gestion, qui estime que la reprise n'est peut-être plus très loin. Et que les investisseurs ne doivent pas tarder à se positionner.    
Difficile, a priori, de trouver plus noir que ce panorama. Etats-Unis ? " La récession est partie pour être l'une des plus dures de l'après-guerre. " Zone euro ? " L'économie européenne a entamé une récession qui va être profonde. " Japon ? " Les perspectives des entreprises sont extrêmement pessimistes. " Le ton est donné ! Pour autant, Matthieu Groues, directeur de la gestion institutionnelle de Lazard Gestion, se refuse au pessimisme. " Certains éléments favorables sont occultés par le flot des mauvaises nouvelles ", affirme-t-il. Il pense, par exemple, à la forte baisse des prix de l'énergie et des matières premières, qui redonne du pouvoir d'achat aux ménages, mais aussi davantage de marges de manoeuvre aux entreprises. Par ailleurs, il estime que le secteur résidentiel américain, qui est à l'origine de la crise, s'approche du terme de sa correction. Enfin, et surtout, il apprécie les réponses fortes des pouvoirs publics des pays développés. Il salue aussi la poursuite de l'assouplissement monétaire. Il voit là autant d'outils crédibles et efficaces, susceptibles de permettre une reprise économique dès le second semestre 2009.
 
Pour le gérant, investir maintenant sur les actions n'est donc pas forcément prématuré, d'autant que leurs valorisations intègrent déjà une récession marquée et que la volatilité implicite sur les actions marque le pas. Le faible niveau de rendement des emprunts d'Etat ne saurait satisfaire longtemps les exigences des investisseurs institutionnels. Dans ce contexte, les actifs sans risque (obligataire souverain, monétaire) devraient offrir une rémunération médiocre. En revanche, les actifs risqués (actions, obligations d'entreprises, obligations bancaires, convertibles) sont à des niveaux attractifs permettant d'envisager de bonnes performances hors " trou d'air " sur l'année en cours.
 
S'appuyant sur des données historiques, Matthieu Groues relève que les actions " rebondissent en général bien avant l'amélioration des statistiques économiques : neuf mois en moyenne sur les cinq dernières récessions ". En conséquence, " attendre une réelle amélioration des conditions économiques équivaut à investir avec neuf mois de retard et à renoncer à une performance de l'ordre de 30 % ". Le gérant pense que la baisse des actions a ramené ces dernières à des niveaux de valorisation inédits depuis la Seconde Guerre mondiale, niveaux qui ont historiquement garanti une très bonne performance à cinq ans. Il recommande de se positionner de préférence sur les grandes capitalisations de la zone euro mais aussi des Etats-Unis.
 
Il aime : la créativité et la réactivité des Etats-Unis
" Notre scénario économique pour 2009 est bien moins noir que celui de nombre de nos confrères, même s'il n'est pas positif à court terme. Nous voyons dans le volontarisme du gouvernement et de la banque centrale américaine les ferments d'une sortie de crise prochaine. D'abord, alors qu'il s'établissait autour de 75 milliards de dollars lors de la campagne électorale de Barack Obama, le plan de relance a finalement atteint la somme colossale de 825 milliards de dollars. Que la somme soit complètement utilisée ou pas, elle prouve le pragmatisme des autorités face à la gravité de la crise. La coordination entre le politique et les autorités monétaires autorise des mesures exceptionnelles. La liste est longue, aussi je ne citerai que quelques exemples révélateurs. D'abord, la Réserve fédérale a accepté beaucoup plus d'actifs collatéraux et de contreparties pour que les banques puissent mieux se refinancer. Elle a accepté de refinancer des fonds monétaires, alors que ce n'est pas son rôle. Mais elle n'avait pas le choix si elle voulait redonner confiance au marché. Plus incroyable, elle s'est mise à financer l'économie réelle en achetant notamment des billets de trésorerie des entreprises ou des MBS ("mortgage backed securities" ), car elle a compris que les établissements financiers n'avaient plus les moyens de suivre. Si l'on ajoute qu'elle va aussi soutenir, via le TALF, le crédit auto, le crédit aux étudiants et les cartes de crédit, c'est au global une bonne part du financement de l'économie qu'elle soulage. Cette action massive, qui est essentielle pour sortir de la récession, a déjà des effets positifs, avec des premiers signes de stabilisation. Pour nous, le système financier semble sauvé et entre maintenant dans une longue convalescence. "
 
Il n'aime pas : le lâchage de Lehman par les autorités américaines
" Si la crise financière a pris les proportions que l'on connaît, c'est à cause de l'abandon de Lehman Brothers par les autorités américaines, qui l'ont laissé faire faillite. C'est une erreur majeure à mon sens, car une énorme incertitude sur l'environnement des banques s'est alors installée. Celles-ci sont toutes contreparties les unes des autres dans leurs différents métiers. La simple possibilité que la banque avec qui l'on traitait quotidiennement auparavant puisse subir le même sort s'est soldée par une défiance sans précédent au sein même du système bancaire. Le marché interbancaire s'est retrouvé totalement paralysé et avec lui des choses aussi variées que le financement des "hedge funds" ou celui du commerce international ou encore le crédit automobile. Nous sommes alors passés dans un autre monde, quittant un scénario de récession assez classique (fin d'un cycle immobilier, choc d'offre lié au prix des matières premières) à une crise de nature systémique, où c'est le fonctionnement même des échanges qui est perturbé.
 
D'un point de vue plus cynique, le coût d'une nationalisation de Lehman Brothers avec un démantèlement progressif aurait été sans doute très inférieur à ce qui a été déboursé ou engagé depuis la faillite. "

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