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Auteur | Sujet : La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar. |
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talbazar morte la bête, mort le venin | Reprise du message précédent : https://zupimages.net/up/18/04/5ulr.jpg La caravane de Valisansoùth se mit en branle à l’aube, alors que les chameaux dormaient encore, ce qui n’aida pas au départ. D’après les observations effectuées par Hyradote le Grec, pour réveiller ces bêtes irascibles à l’égyptienne et les faire démarrer dans la foulée, la procédure se montrait on ne peut plus simple. Il suffisait de s’armer d’une forte badine d’acacia et taper d’un coup sec les mâles là où je pense. Il s’élançaient alors immédiatement en avant, tout en poussant des blatèrements déchirants, ce qui réveillaient du même coup les femelles, lesquelles préféraient s‘enfuir à leur suite sans essayer de comprendre le danger. La seule difficulté consistait ensuite à freiner leur course endiablée. Huit mille paysans s’égayèrent dans les champs au passage des bolides, puisque beaucoup de ces fellahs provenaient de tribus archaïques et ignoraient tout du démarrage d’une caravane de chameaux à l’égyptienne. Lorsque les eaux tièdes de l’oasis de Patatra eurent enfin refroidi, le convoi était déjà très loin. Amétatla embrassa son mari dans le cou et lui sourit amoureusement, car elle démontrait parfois un humour très froid et nettement plus de capacité dans les jurons que dans les sourires. Quand à Tépénib, en bon voyageur de commerce, il s’était tellement déplacé au cours des dernières années pour le compte de l’O.N.S qu’il ne sentait plus ses pieds. C’était le prix à payer pour avoir voulu payer à sa fille Aménorée les services d’un scribe privé et financer ainsi ses études commerciales. Elle le récompensait avec brio, puisque le PDG Valisansoùth venait de la promouvoir Analyste-Responsable-Stagiaire de l’« Organza et Nylon à Sion». So corporate. Chaque chameau portait 1500 kg à des températures pouvant atteindre 45° à l’ombre des tentes, on ne pouvait donc parcourir qu’une dizaine de kilomètres dans la journée, au milieu des dunes qui se déplaçaient sans cesse au gré du vent. En revanche, les réserves de graisse des bédouins les protégeaient du jeûne et celles des bédouines des jeunes, même s’ils regrettaient parfois de travailler dans le tissu plutôt que dans les produits surgelés, et ces aventuriers soigneusement choisis par Tépènib n’avaient pas froid aux yeux. Ce qui n’empêcha pas l’ingénieur logistique de jeter à son chef un regard glacé, car il venait de prendre une bûche en tombant dans le sable. Au milieu des serpents et des scorpions, le temps n’était pas compté pour arriver aux comptoirs d’Halopolis, mais il fallait néanmoins ne pas trop s’attarder si Valisansoùth voulait boucler son budget, grâce à la vente des kilts écossais. La caravane emportait donc son petit monde au petit trot, largement ouverte sur la pluralité des mondes qui bordaient le Nil et notoirement vulnérable aux pirates, tels ces chiens galeux de l’oasis de Foufoune. Leur récente rébellion contre la reine et leur présomptueux désir d’indépendance étaient encore dans toutes les têtes. Mais on se déplaçait sur une trajectoire heureusement très éloignée de leur fief. Il y avait des règles strictes à respecter dans l‘univers des marchands ambulants, largement apprises par tout le monde : ne jamais draguer la fille du chef ni répondre à ses œillades, et ne jamais tenter de capter le regard d’un chameau mâle, même par inadvertance, car ce sont des bêtes rancunières, surtout au réveil. Entre les hautes pattes de ces derniers, de gros chiens jaunes dandinaient de la queue et malgré leurs aboiements, la caravane leur passait souvent dessus. Bien qu’elle soient motivée par une unique performance économique, rendue possible par la décision de la pharaonne de faire circuler librement les marchandises, les hommes, les services et les capitaux sur tout le territoire de l’Egypte, une réelle fraternité sensible unissait la communauté à chaque étape. Même si quelques sources d’instabilité naissaient parfois du vol de quelques piquets de tente, ou lorsqu‘on découvrait qu‘un petit malin s‘était servi dans le stock des belles étoffes à vendre pour les remplacer par ses vieilles fringues, dont même à l‘œil, personne n‘aurait voulu. En dehors de ces regrettables anicroches, chacun assurait son service, motivé par un esprit d’équipe inébranlable et une conscience de l’entreprise indéniable. Les nomades des sables suçaient leurs piments macérés déduits de leurs impôts et accéléraient le pas en cognant sur les couilles de leurs chameaux, encore plus fiers que ces bêtes de participer pleinement au développement des compagnies bancaires et des caisses du royaume. Alors qu’il matait le splendide petit cul d’Aménorée qui marchait devant lui, Valisensoùth se demandait si, lorsqu’elle aurait terminé son stage, il n’allait pas la bombarder vice-présidente directrice générale chargée de la communication et des relations extérieures de l’O.N.S. Il hâta le pas pour lui faire part de l’idée qu‘il avait, entre autre, derrière la tête. – Alors, ça te dirait ? – Ben, je comptais plutôt m’orienter vers l’épicerie sociale, ou la récupération d’invendus, le commerce équitable et l’œuvre charitable. D’ailleurs pensez-donc à donner vos surplus, vous aussi, l’avantage fiscal compense le manque à gagner. Donc avec celle-là, pensa le boss, la promotion canapé n’avait rien d’évidente. Mais après-tout, il était célibataire et pouvait toujours lui proposer le mariage. Après une longue pérégrination, ils campèrent en plein désert loin de tout village. Puisqu’ils évoluaient toujours dans la sphère d’influence Thébaine et que la loi anti-squatters et campements illégaux édictée par Ramassidkouch s’appliquait encore à eux. Amétatla alluma son feu, secondée par sa fille qui délaissa pour l‘occasion sa palette à fard, pendant que Valisensoùth et Tépénib montaient la tente avec des cordages en écorce de papyrus. On laissa tranquillement les gosses jouer aux quilles, et puis tous s’installèrent pour dîner, au milieu des nattes et des paniers. – Il reste de l’âne ? Tépénib observait sa fille souffler dans un long roseau pour attiser les braises, ce qui constituait un progrès scientifique indéniable. La fille du bédouin attisait également la convoitise de tous les hommes de la caravane, mais ça, c’était moins planant. Si j’étais seul, pensait-il, je me moquerai du fric et j‘arrêterai le métier, mais je dois veiller aux intérêts de la petite. – C’est dommage qu’on soit pressés, fit Amétatla en buvant son bol de bière, il y a un village pas loin où c’est jour de fête, la statue sacrée d’Athor va sortir du temple en procession, et tous les ploucs vont se presser dans les rues pour l‘acclamer. Déjà qu’on a loupé le grand Heb Sed de Tépafou, il paraît que la reine y a fait sensation. – On dit qu’elle se ballade en ce moment sur le Nil avec le nouveau vizir. – Tu parles, pendant que nous on se tue à trimer en parcourant des patelins pourris. – Son mec à Thèbes, là, le Ramassidkouch, c’est une calamité. Des gens comme nous-autres, il s’en bat les mollets. – Non seulement il est en train de ruiner l’Egypte, mais en plus, il couche avec sa sœur. D’ici à ce qu’ils nous fassent un petit. Des fois, le monde civilisé me sort par les yeux. – Le pharaon est d’origine Hittite il parait, en attendant, ceux-là nous foutent la paix. C’est bon pour les affaires. Les guerres ne profitent vraiment qu’à ceux qui reconstruisent. – T’es sûr ? Je trouvais qu’il avait plutôt une gueule de Chaldéen. – Moi je vous le dis, un Phénicien aurait été cent fois mieux pour le business. Pendant que Tépénib se décrochait les mandibules en essayant de mâchouiller ses côtelettes d’âne, sa fille hurla, parce qu’au lieu de souffler, elle venait d’aspirer par inadvertance dans son roseau la chaleur des braises. Toute science contient sa part de danger. https://zupimages.net/up/18/04/a2ly.jpg Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:17:36 |
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talbazar morte la bête, mort le venin | la machine à bonheur.
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