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Auteur Sujet :

La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.

n°45230169
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-03-2016 à 07:45:14  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 53.

 

https://zupimages.net/up/18/04/5ulr.jpg

 

La caravane de Valisansoùth se mit en branle à l’aube, alors que les chameaux dormaient encore, ce qui n’aida pas au départ. D’après les observations effectuées par Hyradote le Grec, pour réveiller ces bêtes irascibles à l’égyptienne et les faire démarrer dans la foulée, la procédure se montrait on ne peut plus simple. Il suffisait de s’armer d’une forte badine d’acacia et taper d’un coup sec les mâles là où je pense. Il s’élançaient alors immédiatement en avant, tout en poussant des blatèrements déchirants, ce qui réveillaient du même coup les femelles, lesquelles préféraient s‘enfuir à leur suite sans essayer de comprendre le danger. La seule difficulté consistait ensuite à freiner leur course endiablée. Huit mille paysans s’égayèrent dans les champs au passage des bolides, puisque beaucoup de ces fellahs provenaient de tribus archaïques et ignoraient tout du démarrage d’une caravane de chameaux à l’égyptienne. Lorsque les eaux tièdes de l’oasis de Patatra eurent enfin refroidi, le convoi était déjà très loin. Amétatla embrassa son mari dans le cou et lui sourit amoureusement, car elle démontrait parfois un humour très froid et nettement plus de capacité dans les jurons que dans les sourires. Quand à Tépénib, en bon voyageur de commerce, il s’était tellement déplacé au cours des dernières années pour le compte de l’O.N.S qu’il ne sentait plus ses pieds. C’était le prix à payer pour avoir voulu payer à sa fille Aménorée les services d’un scribe privé et financer ainsi ses études commerciales. Elle le récompensait avec brio, puisque le PDG Valisansoùth venait de la promouvoir Analyste-Responsable-Stagiaire de l’« Organza et Nylon à Sion». So corporate. Chaque chameau portait 1500 kg à des températures pouvant atteindre 45° à l’ombre des tentes, on ne pouvait donc parcourir qu’une dizaine de kilomètres dans la journée, au milieu des dunes qui se déplaçaient sans cesse au gré du vent. En revanche, les réserves de graisse des bédouins les protégeaient du jeûne et celles des bédouines des jeunes, même s’ils regrettaient parfois de travailler dans le tissu plutôt que dans les produits surgelés, et ces aventuriers soigneusement choisis par Tépènib n’avaient pas froid aux yeux. Ce qui n’empêcha pas l’ingénieur logistique de jeter à son chef un regard glacé, car il venait de prendre une bûche en tombant dans le sable. Au milieu des serpents et des scorpions, le temps n’était pas compté pour arriver aux comptoirs d’Halopolis, mais il fallait néanmoins ne pas trop s’attarder si Valisansoùth voulait boucler son budget, grâce à la vente des kilts écossais.

 

La caravane emportait donc son petit monde au petit trot, largement ouverte sur la pluralité des mondes qui bordaient le Nil et notoirement vulnérable aux pirates, tels ces chiens galeux de l’oasis de Foufoune. Leur récente rébellion contre la reine et leur présomptueux désir d’indépendance étaient encore dans toutes les têtes. Mais on se déplaçait sur une trajectoire heureusement très éloignée de leur fief. Il y avait des règles strictes à respecter dans l‘univers des marchands ambulants, largement apprises par tout le monde : ne jamais draguer la fille du chef ni répondre à ses œillades, et ne jamais tenter de capter le regard d’un chameau mâle, même par inadvertance, car ce sont des bêtes rancunières, surtout au réveil. Entre les hautes pattes de ces derniers, de gros chiens jaunes dandinaient de la queue et malgré leurs aboiements, la caravane leur passait souvent dessus. Bien qu’elle soient motivée par une unique performance économique, rendue possible par la décision de la pharaonne de faire circuler librement les marchandises, les hommes, les services et les capitaux sur tout le territoire de l’Egypte, une réelle fraternité sensible unissait la communauté à chaque étape. Même si quelques sources d’instabilité naissaient parfois du vol de quelques piquets de tente, ou lorsqu‘on découvrait qu‘un petit malin s‘était servi dans le stock des belles étoffes à vendre pour les remplacer par ses vieilles fringues, dont même à l‘œil, personne n‘aurait voulu. En dehors de ces regrettables anicroches, chacun assurait son service, motivé par un esprit d’équipe inébranlable et une conscience de l’entreprise indéniable. Les nomades des sables suçaient leurs piments macérés déduits de leurs impôts et accéléraient le pas en cognant sur les couilles de leurs chameaux, encore plus fiers que ces bêtes de participer pleinement au développement des compagnies bancaires et des caisses du royaume. Alors qu’il matait le splendide petit cul d’Aménorée qui marchait devant lui, Valisensoùth se demandait si, lorsqu’elle aurait terminé son stage, il n’allait pas la bombarder vice-présidente directrice générale chargée de la communication et des relations extérieures de l’O.N.S. Il hâta le pas pour lui faire part de l’idée qu‘il avait, entre autre, derrière la tête.

 

– Alors, ça te dirait ?

 

– Ben, je comptais plutôt m’orienter vers l’épicerie sociale, ou la récupération d’invendus, le commerce équitable et l’œuvre charitable. D’ailleurs pensez-donc à donner vos surplus, vous aussi, l’avantage fiscal compense le manque à gagner.

 

Donc avec celle-là, pensa le boss, la promotion canapé n’avait rien d’évidente. Mais après-tout, il était célibataire et pouvait toujours lui proposer le mariage. Après une longue pérégrination,  ils campèrent en plein désert loin de tout village. Puisqu’ils évoluaient toujours dans la sphère d’influence Thébaine et que la loi anti-squatters et campements illégaux édictée par Ramassidkouch s’appliquait encore à eux. Amétatla alluma son feu, secondée par sa fille qui délaissa pour l‘occasion sa palette à fard, pendant que Valisensoùth et Tépénib montaient la tente avec des cordages en écorce de papyrus. On laissa tranquillement les gosses jouer aux quilles, et puis tous s’installèrent pour dîner, au milieu des nattes et des paniers.

 

– Il reste de l’âne ?

 

Tépénib observait sa fille souffler dans un long roseau pour attiser les braises, ce qui constituait un progrès scientifique indéniable. La fille du bédouin attisait également la convoitise de tous les hommes de la caravane, mais ça, c’était moins planant. Si j’étais seul, pensait-il, je me moquerai du fric et j‘arrêterai le métier, mais je dois veiller aux intérêts de la petite.

 

– C’est dommage qu’on soit pressés, fit Amétatla en buvant son bol de bière, il y a un village pas loin où c’est jour de fête, la statue sacrée d’Athor va sortir du temple en procession, et tous les ploucs vont se presser dans les rues pour l‘acclamer. Déjà qu’on a loupé le grand Heb Sed de Tépafou, il paraît que la reine y a fait sensation.

 

– On dit qu’elle se ballade en ce moment sur le Nil avec le nouveau vizir.

 

– Tu parles, pendant que nous on se tue à trimer en parcourant des patelins pourris.

 

– Son mec à Thèbes, là, le Ramassidkouch, c’est une calamité. Des gens comme nous-autres, il s’en bat les mollets.

 

– Non seulement il est en train de ruiner l’Egypte, mais en plus, il couche avec sa sœur. D’ici à ce qu’ils nous fassent un petit. Des fois, le monde civilisé me sort par les yeux.

 

– Le pharaon est d’origine Hittite il parait, en attendant, ceux-là nous foutent la paix. C’est bon pour les affaires. Les guerres ne profitent vraiment qu’à ceux qui reconstruisent.

 

– T’es sûr ? Je trouvais qu’il avait plutôt une gueule de Chaldéen.

 

– Moi je vous le dis, un Phénicien aurait été cent fois mieux pour le business.

 

Pendant que Tépénib se décrochait les mandibules en essayant de mâchouiller ses côtelettes d’âne, sa fille hurla, parce qu’au lieu de souffler, elle venait d’aspirer par inadvertance dans son roseau la chaleur des braises. Toute science contient sa part de danger.

 

https://zupimages.net/up/18/04/a2ly.jpg


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:17:36
mood
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Posté le 25-03-2016 à 07:45:14  profilanswer
 

n°45241331
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 26-03-2016 à 06:31:06  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 07.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpg

 

Gaston Boudiou a-t-il réellement été contacté ? Bien qu’il nous faille classer cet événement dans la case des souvenirs de la prime enfance, il semble tout de même que oui, compte tenu des très nombreux livres qu’il a écrit ensuite sur ce sujet à l’âge adulte, dont la vente lui a d‘ailleurs assuré pendant longtemps des revenus très confortables. Aux propres dires de Gaston, nous pouvons également nous baser sur les abondants communiqués délivrés par un dénommé Ouvrage Collectif, dont la quatrième de couverture nous le présente comme éminent professeur (1), chercheur émérite en sciences (2), expert conseil (3), écrivain, auteur autodidacte de nombreux ouvrages sur le phénomène OVNI, abondamment documentés par des photos malheureusement toujours très floues et relatant en détails les témoignages irréfutables de témoins, ou de connaissances plus ou moins proches des témoins, absolument convaincus de leurs propres conclusions. O. Collectif est par ailleurs chef du service d'enquête (4) ce qui l’a conduit à examiner avec attention le cas G. Boudiou de 1958, répertorié 658515975 dans ses propres archives, corroboré par une courte citation de Théophile Pédolévêque dans son livre auto-édité : Je les ai vus. Mais la première certitude nous vient d’une visite personnelle à Troulbled, où l’on s’aperçoit que le lavoir dont nous parle Gaston existe bel et bien, même s’il ne sert plus à faire de lessives, mais aujourd’hui à abreuver les bêtes du nouveau propriétaire de la ferme de Léon Cocominute de Givenchy. La deuxième certitude est que le champ cité existe également, même si la vérification en est malaisée, puisque le fermier lassé ne tolère plus aucune visite sur ses terres. La troisième certitude est que Gaston a religieusement conservé le lance-pierre de sa jeunesse mentionné dans son témoignage, et que cet objet peut être parfaitement présenté aux enquêteurs un tant soit peu sérieux. (Une datation du manche au carbone 14 réalisée par O. Collectif, mais également une étude dendrochronologique de T. Pédolévêque l’estiment des années quarante à soixante dix). La quatrième certitude, mais peut-être la moindre, puisqu’elle émane d’un fonctionnaire qui n’a pas en personne assisté aux faits, est le rapport officiel du garde-champêtre rédigé immédiatement après l’événement. La cinquième certitude nait du fait que Gaston Boudiou a en effet au cours de sa vie vaguement maitrisé les bases de cinq langues : l’albanais, le nyabwa, le khoïsan, le géorgien littéraire et l’orotch. Cinq certitudes absolues, cela fait en effet beaucoup. Sans compter qu’en plus, Gaston Boudiou a effectivement lu très jeune Quentin Durward, et que les dessins de ses « Martiens » effectués à cinq ans sont assez édifiants. N’oublions jamais que les gouvernements mondiaux ont toujours tout fait pour rayer Troulbled de leur carte, puisque le bourg n‘apparaît en général qu‘après un fort grossissement.

 

La vie de Gaston a sans doute été chamboulée durablement par cet incident, puisque Ernestine témoignera dans sa correspondance privée avec l’abbé Julio, qu’à partir de ce jour, son petit-fils parlera souvent de lui à la troisième personne, et qu’il se mettra parfois à vouvoyer sa petite sœur Angèle. Jurer grossièrement dans les langues soudainement apprises lui était aussi, selon sa quatrième épouse, hautement délectable. Personne en tout cas ne peut nier qu’il n’ait apporté sa pierre à une humanité légitimement angoissée, avec un simple contact extra-terrestre et une petite fronde d’enfant. Pendant quarante années, dans un silence obstiné qui prouve sa bonne foi, il a toujours évité qu’on lui pose des questions ; ce n’est que bien plus tard, avec l’opportunité financière proposée par son dernier éditeur, qu’il s’est décidé à révéler son étrange rencontre du troisième type à l‘âge de cinq ans. Mais revenons à ce 1er Avril 1958. Grandement perturbé, Gaston cours à toutes jambes vers la ferme de Papi Léon pour lui raconter ce qu‘il vient de vivre. Ni une, ni deux, le grand-père entraine cette fois le gamin à la gendarmerie, car ce qu’il raconte vient prouver que lui-même n’a pas rêvé plus d’un an avant, en assistant au décollage d’une soucoupe volante dans sa cour. Informés par le policier qui fait également office de garde-champêtre à Troulbled, Ernestine et Alcyme débarquent à leur tour en compagnie d’Angèle. Intimidé, mais comptant bien profiter de l’aubaine, ce qui somme toute ne sera qu’un début dans sa carrière, Gaston réclame des Carambars pour lui et sa sœur. Les enfants racontent alors qu’ils ont observé dans leur chambre une vive lumière qui les a réveillé l’année dernière, et que Papi Léon a vu une soucoupe dans sa ferme peu-après. Ils savent qu’il faut faire très attention à ne pas révéler que Papi a beaucoup bu et siphonné ce soir-là l’essence du tracteur à Jules, aussi se lancent-ils des coups de coude à chaque instant. Et puis, on en vient au fait extraordinaire de la journée, dont Gaston constitue le seul témoin. Heureux parce qu’il va bientôt s’acheter sa première voiture à crédit, peut-être une belle Dauphine blanche, le gendarme pose son képi et commence l‘interrogatoire, tout en tapant son rapport sur sa machine à écrire Paillard Hermes-Baby. Il regarde l’enfant avec une bonté amusée :

 

– Alors mon petit bonhomme, qu’est-ce que tu as vu ?

 

– Je jouais près du lavoir et…

 

– Comment ça, près du lavoir ? l’interrompt Enerstine en sortant de ses gonds, je te l’ai pourtant interdit, c’est dangereux !

 

– S’il vous plait, Madame Boudiou, laissez-le parler.

 

– Alors bon, je jouais avec ma coquille de noix lorsque j’ai entendu un sifflement, je dirais 70 dB, pas plus, mais en pascals, je ne saurais pas estimer. Et puis j’ai vu descendre un engin à 15° d’azimut au maximum, avec une coque métallique qui paraissait en Hafnium, à point de fusion 5200°, avec peut-être un soupçon de Manganèse. En tout cas, si c’était un alliage, y’avait du Niobium dedans, ça c’est sûr. J’ai aperçu des phares bleus dessus, mais plus brillants que ceux du tracteur à pépé Alcyme. Un éclairement de ma figure à 245.000 lux, peut-être bien.

 

– Et après ? Le représentant de la loi regarde à présent Gaston avec un air méfiant.

 

– Ben, je me suis fait enlever par des grenouilles horribles et grises, bipèdes et pédophiles, qui m’ont touché la bite. Pour finir, elles m’ont examiné comme le docteur Bastiavecchio l’avait fait pour mon otite purulente, et puis ces margoulins m’ont jeté dehors. C’est là que je leur ai tiré dessus avec mon lance-pierre. La pierre a fait bouing sur la carrosserie, et c‘est tout.

 

– Et ensuite ? Le gendarme tape avec méthode des paroles qu’il a visiblement du mal à avaler. Mais le coup des satyres sans doute masqués et déguisés en médecins l’interpelle gravement. Reste que le gamin, à cinq ans à peine, il connait bien des choses.

 

– Le bazar a décollé avec une hauteur angulaire de 45° est, par rapport à l’horizon.  Selon un calcul de vélocité  v = s / t, je dirais que la soucoupe filait à toute berzingue, en tout cas plus vite qu’un Latécoère. Et puis, elle a foutu le camp je ne sais où, au milieu des Altocumulus lenticularis.

 

– Bon, on va aller faire un tour dans votre champ, Mr Cocominute de Givenchy.

 

Dans la voiture du garde-champêtre, Angèle fait un signe de connivence à son frère assis à côté d‘elle, en lui montrant discrètement qu’elle a subtilisé le paquet de Carambars. La 4cv Pie se gare dans la cour encombrée de vieilles machines rouillées laissés à l’abandon. Papi déclare qu’avant d’aller voir, il paye son coup, et le gendarme lui répond que ça n’est pas de refus. Ils se connaissent un peu, tous les deux. Tout en posant gentiment la main sur les cheveux rasés de son petit-fils, Léon secoue en lui souriant sa grosse boule de vieux qui se détache très haut sur le ciel, compte tenu de la petite taille de Gaston. Tous les deux, ils savent bien ce qu’ils ont vu.

 

(1) Des écoles
(2) Paranormales
(3) En assurances
(4) Du groupement des Persuadés Interstellaires (de l’imminence du monde renouvelé)

 

https://zupimages.net/up/18/04/06uz.jpg


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:26:07
n°45247468
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-03-2016 à 09:23:52  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 25.

 

https://zupimages.net/up/18/04/nuq0.jpg

 

Dômus gourvernemental défédéré, Mars la rouge, bulletin de guerre du congrès N°03. Le président Nikos Sirkisi se perd dans la vision du paysage cuivré, sur lequel le soleil tape en plein dans les dunes les plus proches. L’astre brillant se fait cependant tout à coup plus falot, les monticules sableux se ternissent et s’assombrissent rapidement, seules les collines les plus éloignées de l’horizon s’éclairent encore de magnifiques lueurs dorées. L’ambiance est tendue sous l‘immense coupole, alors que sont réunis administrants et cénazteurs pour rendre un dernier hommage aux 40 Kradoberschützen qui viennent d’être tués au combat. C’est en effet la sinistre conclusion qui doit être tirée du visionnage des ultimes images envoyées par l’équipage du dernier Scootkijet mis hors de combat. Les satellites orbitaux sont désormais éblouis et l’on n’a plus d’image du site où s’est écrasé le Sharsherman. Les rebelles indés sont particulièrement efficaces pour rendre le gouvernement aveugle et sourd. Naturellement, les cénazteurs sont absolument  furieux d’un tel fiasco qui vient une fois de plus prouver la dangerosité de Flash Gourdin. Personne ne réclame l’assistance d’un robot Liliput pour boire une canette. Une délégation Terrienne a prévenu Mars qu’elle se mettrait en route, cette fois, le président ne saurait échapper à la démission, suivie d’un exil douloureux. L’Oberleutnant Yak Azmov qui a perdu le contact avec Flash Gourdin est déjà passé en cour martiale et vient d’être envoyé sur Terre au milieu des rampants. Paix à son âme. Sous le regard des veuves éplorées, le bras plissé à l’équerre pour saluer les médaillons représentant ses hommes qu’on ne peut aller chercher pour l’instant, le général Digoule affiche sa tronche des mauvais jours. Dans les lueurs bleutées qui illuminent la salle, l’ambiance solennelle est certes digne, mais extrêmement tendue. Suzanne n‘est pas là, mais Nikos est à côté de sa femme Jolie Goyette. L’absence incongrue et inexplicable du cénazteur de Pavonis Mons, Jilouc Mélenchouille, l’interpelle au plus haut point, car il est parmi tous les cénazteurs sont adversaire politique le plus virulent. Plus aucune nouvelle de ces foutus otages qui auraient pu redorer un peu le blason présidentiel. Irradiant d’une luminosité propre, les quarante trophés auto-stérilisés passent en sustentation dans l’assemblée pour que chacun les embrasse tour à tour. Raides comme des piquets, tous les participants imitent ensuite le général dans son salut martial. Viendra bien assez tôt le moment où Sirkisi devra prononcer son discours. La cérémonie terminée, Nikos ne peut plus faire face à l’impatience du congrès défédéral et se présente sur l’estrade en se raclant la gorge.

 

– Camarades, gavarit maskva, une planète, un guide démocratiquement élu par nos puissances commerciales et les cénazteurs de notre Défédération Martienne, le congres est avec vous ! nous entrons dans une phase néo-versatile du conflit, et nous devons reconsidérer avec davantage de soins la menace de l’adversaire. Je sais ce que vous pensez et vous allez probablement réclamer ma démission devant ce dernier revers. Je vous le dis, ce serait faire le jeu de nos ennemis. A l’inverse, il me faut au contraire des pouvoirs augmentés, voir exceptionnels, face à la menace nouvelle que représente désormais Gourdin, et qui vient encore de le prouver. L’insurrection à main armée des indépendantistes atteint le stade où l'autorité civile et l'autorité militaire doivent pratiquement fusionner si nous voulons réellement les anéantir.

 

– Jamais, nous réclamons votre démission et votre sanction ! La voix puissante du cénazteur d’Arsia Mons, Vlodim Pourichine, résonne en lui coupant la parole, aussitôt applaudie par une grande partie des cénazteurs.

 

Un grand nombre d’administrants ne prend pourtant pas part à la curée, ce qui étonne grandement Sirkisi. L’ancien administrant sélénite Jack Giriaque, propriétaire armateur du Long ass-bitch, s’est levé pour réclamer de cesser les vociférations et sollicite de passer sans plus attendre au vote. Une inquiétante nouvelle s’impose toutefois à cet instant dans tous les implants, puisqu’on vient de découvrir dans son dôme personnel le corps sans vie de Jilouc Mélenchouille, sans doute assassiné. Sur ce terrible coup de théâtre, un tumulte sans nom anime alors le congrès, d’aucuns accusent Sirkisi, d’autres l’œuvre d’un espion indé, la confusion est cependant extrême, puisque ce meurtre laisse un vaste secteur géographique temporairement sans cénazteur. Lorsque le calme revient petit à petit, le vote se fait inéluctable. Une petite urne scintillante passe au vol devant tout le monde, on place son empreinte palmaire sur son choix, c’est fait, un effacement synchronisé assure néanmoins l‘anonymat du vote. Dans l’attente du résultat rapide, Jolie Goyette a serré la main de son mari à s’en faire péter les phalanges. Elle ne tremble pas seulement pour lui, mais aussi pour elle-même. Contre toute attente, en regardant l’holocast du résultat, Nikos constate que le choix du congrès vient de le conforter, à peu de voix près, au pouvoir du Conseil Martien Défédéré. Une vague d’indignation coléreuse secoue néanmoins les rangs de quelques cénazteurs, alors que l’ensemble des riches administrants se montre à l’évidence plus mesuré. C’est ainsi que Sirkisi se rend compte qu’il vient sans doute de recevoir l’appui des propriétaires martiens de mines et de transbordeurs, alliés de fait aux puissants financiers interplanétaires. Même s’il obtient encore une fois carte blanche sur le territoire martien, le président sait que sa position se montre tout de même très fragile. Seul l’abattage de ces ordures de Gourdin et du mineur Yoland pourrait encore fermer les bouches venimeuses à son encontre. Digoule n’a en revanche aucun état d’âme, le militaire n’affiche qu’un visage caustique devant le résultat qui remet au président le pied à l’étrier.

 

– Nous réclamons une enquête approfondie sur les circonstances de la mort du cénazteur Mélenchouille et nous ordonnons la récupération, ou la destruction immédiate, du Sharsherman aux mains de l’ennemi. C’est le moins que vous puissiez faire à présent, président Sirkisi. Pourichine est aussitôt applaudi par une énorme majorité des autres cénazteurs. Et puis, nous exigeons de connaître la raison qui rend nos ennemis aussi complètement invisibles, même si, compte tenu des énormes activités sismiques régulièrement enregistrées un peu partout, on commence à s‘en douter. C’est en quelque sorte habilement accuser Sirkisi d’un certain laxisme.

 

L’allusion n’est même pas voilée, l’armée sait depuis longtemps que les mineurs s’enterrent profondément, mais impuissante à les déloger, elle s’arrange d’un mystère qui ne la met pas en défaut. A la suite de ce débat houleux et de son étonnante conclusion qui conforte le pouvoir en place, l’assemblée se disperse dans un désordre bruyant, après un applaudissement mou dans les tribunes. En dépit des faits, Sirkisi n’en revient toujours pas d’avoir sauver sa peau. Alors que le XZ-7 Space Ship Force One présidentiel fait déjà scintiller ses réacteurs pour le ramener chez lui, il croise en sortant Steve Magouine, le père de Suzanne, en conversation intense avec Jack Giriaque. Déjà engoncés dans leurs combinaisons de luxe, les deux administrants s’interrompent à la vue du président, mais ils restent souriants. Giriaque ne lui a pourtant guère fait de cadeaux, il n’y a pas si longtemps. Il aborde cependant Sirkisi avec un air amène :

 

– Félicitations pour le renouvellement de votre investiture, monsieur le Président. Il faudrait néanmoins que nous ayons, mon ami Magouine et moi, une conversation d’ordre privée avec vous, seriez-vous disposé à nous recevoir dans votre dôme privé ?

 

– Si vous voulez. Profitez dans ce cas de mon Ship One et accompagnez-nous, ma femme et moi. Ils sait bien ce qu’il doit aux armateurs.

 

– Entendu.

 

Ils grimpent donc tous ensemble à bord du  XZ-7 qui fait rugir bientôt son moteur sous-zionnique. Nikos observe Steve Magouine lui faire face, est-ce que l’armateur du Granny on pot sait que sa fille se fait baiser à l’endroit même où il se trouve, sans la moindre autorisation officielle de pornifier ? Jolie Goyette en tout cas l’ignore et ça n’est pas plus mal. Il a probablement assez d’ennuis à gérer comme ça.

 

– Dites-moi, fait ce Steve en s’adressant justement à elle, tout en repoussant l’invitation à boire d’un rob M2R, vous n’avez pas d’enfant, mais vous êtes jeune, n’avez-vous pas fait une demande officielle d’ovulation ?

 

– Je suis très honorée, monsieur, de vous voir porter tant d’intérêt à ma matrice. Quel espèce de con, pense-t-elle en réalité. Je ne crois pas que le contexte soit en ce moment très favorable à ce genre de projet. C’est surtout qu’elle sait parfaitement à quoi s’en tenir avec Suzanne, et que ce notable ferait mieux d’aller faire la morale à sa fille.

 

– Vous avez sans doute raison.

 

– Comment est mort ce regretté Mélenchouille ? demande Nikos, en voulant à tout prix changer de sujet.

 

– Empoisonnement au monoxyde, un meurtre prémédité, à n’en pas douter, lui répond Jack Giriaque avec un air affable et fatigué. Cet homme très fortuné et relativement âgé n’a probablement en lui plus un seul organe d’origine. Le système de sécurité a bien évidemment fonctionné, mais on l’a tout de même découvert calenché au dernier étage de son dôme. Sa femme et ses deux gosses étaient dans le même état, asphyxiés au niveau 01. Dramatique, certainement, mais vous ne devriez pas le pleurer trop longtemps, il était des cénazteurs influents qui veulent votre peau, il en était même le chef de file, vous ne l’ignorez pas. On peut même dire qu’il s’organisait avec une certaine énergie dans ce sens. Vous devriez pouvoir souffler un peu, de ce côté-là.

 

– Tout de même, ce décès tombe peut-être bien pour moi, mais c’est un peu brutal, vous croyez au coup des indés ? En quoi le vide politique de Pavonis pourrait leur être utile ?

 

– Mais qui d’autre voudriez-vous que ce  soit ?

 

– Si c’est le cas, ils sont vraiment très forts et nous sommes tous en danger, un dômus cénaztorial est particulièrement protégé.

 

Giriaque et Magouine n’ont échangé qu’un seul regard. Un seul, mais avec une telle connivence si lourde de signification que Sirkisi en est complètement retourné. Il observe à son tour Jolie recroquevillée près du hublot, qui se laisse bercer par les ors magnifiques du ciel Martien en feignant l‘indifférence. Et puis ça lui échappe, mais l’extraordinaire constat qui s’offre subitement à lui l’oblige presque à s’exprimer à voix haute, sans aucune retenue. Le son de sa voix le prend presque lui-même par surprise :

 

– C’est vous. Vous avez tué le cénazteur !

 

https://zupimages.net/up/18/04/9kx5.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/04/jfgw.jpg


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:28:39
n°45256505
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 28-03-2016 à 20:04:01  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 03.

 

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Dans la fumée irritante du feu de camp, la troupe prenait repos après avoir longtemps piétiné les ajoncs. Wallala forte fesse dégagea quelque chose de ses peaux en s’adressant aux autres :

 

–  Hey mes gars, j’ai du pot, on se bricole-t-y un petit joint ?

 

– T’as ben raison, lui répondit Osgard belle anguille, chuis tout ben prêt de pogner un down dans c’te vallée d‘en bas. Fais donc vouère un peu à faire tourner par icit, a sera ben meilleur que de mâchouiller dans rien.

 

Doucine suce clairon réclama également, puis elle leva ses fesses pour lâcher vers les bois un pet retentissant. Vélan Dansonku picorait dans son coin de la toute petite fraise découverte en chemin, en penchant sa grosse tête à la mâchoire armée de crocs énormes. La contrée se montrait calme et accueillante, couverte en grande partie de jeunes arbres caressés à leurs pieds de bosquets verdoyants. Seul Trakenar Sonfrok, debout à l’écart des autres et le front plissé, semblait soucieux d’y voir tout à coup surgir quelque péril. Encore plus éloignés et cachés tous deux par les fourrés, Knut drague baleine avait collé Isolde bas blanc contre un fort tronc de chêne pour câliner ses poils longs et soyeux et lui secouer le sapin.

 

–Vas y donc mon cow-boy, qu’elle lui disait, o my Gad, c’est super champ !

 

– Vois-t’en Mirlen, fit Brakemar à la braguette velue en pointant le paysage du doigt, ça marche so good, dans trois heures on est dans les bas de Tamerlaput. Hey Isolde, acré p’tite criss d’ado, ferme donc ça, z’avez pas de limites vous otes, on s’entend plus causer !

 

– Et vous nous dites qu’ensuite il y aura grand lac ? Monoïsurmékoss en aura t-il obstacle ?

 

– On verra bien, mais icit, dans cette partie là du Poingé, c’en est que du bois qui pue sa crap, y’a ben des choses qui peuvent embêter ces jeunes, tout comme les doupirates de ma gang, d‘ailleurs. Sans parler des ours et des loups !

 

Alors qu’il s’en était allé faire son petit tour dans les environs, Iva le démonté revint en portant dans les mains un bout de la robe d’Agrippepine qu’elle avait sans doute perdue en chemin. Ils se remirent en route aussitôt, en marchant si vite que bientôt, en arrivant au lac, ils eurent une eau blanche et opaque à hauteur des genoux. Les chevaliers en étaient esbaudis et Belbit se signa par Kramouille. Le lac de Blanche perte dormait au fond du Poingé comme une mare de lait. Quand aux guerriers de Bozob, ils connaissaient déjà le coin et s’en trouvaient moins charmés. Mirlen alchimiait dans sa tête pour connaître la cause d’une telle blancheur, mais il fut interrompu dans ses réflexions par le son du cor de Trakenar qui sonnait à volée, car il y avait danger. Tout en pataugeant dans les eaux virginales, Erald et William avaient tiré leurs bonnes épées, car ils voyaient venir à eux un gigantesque lombric géant. Un animal horrible et rampant louvoyant sur la berge, un gros vers hideux au corps gonflé de colère, qui se ruait sur les humains en faisant sournoisement palpiter ses nombreux anneaux.

 

– Taïaut, motherfucker, ben voyons donc, fit Brakemar en brandissant sa hache, un ascaride géant ! Watchez ben my back, les gars !

 

Et il s’élança à l’assaut du monstre rosâtre rempli de morve qui se glissait à présent vers les hommes en vibrante menace. Mirlen attrapa Belbit pour le faire reculer, car il n’avait jamais miré de sa vie une telle créature. La chose sans yeux lâchait partout son mucus blanc en le mêlant aux eaux du lac d‘une couleur identique, et cette bave ignoble les faisait brusquement bouillonner ; mais les soldats de Bozob s’étaient à présent regroupés. Ursuline grande ciguë tira beaucoup de flèches sur la peau molle et rose, sans que la bête n’en paraisse affectée. Plus rapproché que les autre guerriers, Traknar porta le premier coup d’épée, en ébréchant sa lame, pourtant forgée de bon acier. Le lombric se redressa à une hauteur incroyable et se laissa retomber brusquement dans un fracas effroyable, en menaçant d’écraser son assaillant. Voyant le danger d’attaquer isolément, une rage unanime s’alluma dans le cœur des Bozobis, lesquels se ruèrent côte à côte sur l’immonde infection. Chacun porta ses coups et William et Erald lui perforèrent la queue. Aragne et Wallala lui jetèrent des sagaies. Sans ménager leurs coups, les autre bataillaient dur pour lui crever la peau. Sur la rive détrempée par ses excrétions, le grand ver s’agitaient follement en tous sens en menaçant de les massacrer, car les épées impitoyables plongées dans sa chair lui infligeaient des blessures terribles. Les pointes lui passaient dans la viande, le fer des haches le tailladait, les lances jetées en forces se brisaient en lui, et tous les Bozobis se défendaient de sa colère rageuse avec fierté. Mirlen criait des choses magiques qui n’avaient pas d’effet sur ce démon. Bébertlatrik fut projeté à terre où il resta inanimé. Atulsan jeta sur le sol son épée brisée, avant de subir le même sort. Popol le borgne défia la bête pour l’éloigner, avec le même courage, Osgard et Knut se plantèrent devant lui pour l’affronter. Il sembla cependant à tous que la bestiole géante se faisait plus molle et moins nerveuse. Bien qu’encore toute gonflée, elle roulait sur le sol son long corps malmené et les guerriers menaient toujours contre elle une lutte acharnée. Sa bave blanche brûlait comme du feu, et même ce qui devait lui servir de sang cuisait ses assaillants, lorsque par la malchance ils avaient le malheur d‘en être aspergés. L’eau du lac de Blanche perte elle-même était devenue chaude.

 

En dépit de leur force et de leur courage, Vélan, Trakenar, Gudfrid et Doucine prirent des coups mortels, et bien qu’ils furent des combattants exceptionnels, on vit à l’évidence qu’ils s’étaient envolés au paradis de sainte Kramouille. La colère de Brakemar en fut redoublée, puis il sentit Belbit arriver dans son dos en hurlant, tout en tenant dans son poing une torche enflammée. Voulant prouver qu’un nain de Huelabit peut faire de grandes choses, car il était rapide, vif et léger, il grimpa sur la tête de l’entité longue et sinueuse et lui colla sa torche en plein milieu de la bouche grande ouverte, avant d’être projeté à terre par le ver irrité. Percé, tranché, coupé et désormais brûlé, ce dernier s’en alla pour fuir dans les fourrés, mais il mourut sur place avant d’y arriver. En fin de compte, ceux que l’on croyait morts se relevèrent, car ils n’étaient qu’estourbis.

 

–  T’es ty correct ? demanda en priorité Brakemar à Doucine, par galanterie.

 

–  Ho ba ouais, un peu mal à bedaine, mais ça va pas pire.

 

– Moi tout pareil, fit Vélan Dansonku en s’époussetant. J’ai pris une p’tite criss de praline dans mes bobettes mais chui entier, c’est ben, ben cool, tsa.

 

Gudfrid les rassura aussi. Comme il le voyait toujours allongé, Brakemar se pencha sur Belbit pour vérifier qu’il allait bien :

 

–  Bien joué mon nain, on dirait que c’te tabernak de ciboire de lombric de marde a pas aimé que tu lui brûles la lippe. J’ai couru derrière-toi en rescue mission, mais c’était pas la peine, c’te chiure était finalement game over. Ouais, ça c’est ben le coup le plus fameux jamais joué dans la belle province de Bozob, mon good body.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:29:45
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Posté le 30-03-2016 à 09:26:28  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith -  Extrait numéro 18.

 

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Vaya leva la tête pour voir le rideau d’une fenêtre d’un des étages se mouvoir et se refermer rapidement. Elle n’en fut guère étonnée, car un jeune couple devait présenter dans ce temple de l’ennui une distraction somme toute bienvenue. Elle frissonna, peut-être à cause d’une certaine fraîcheur de l’atmosphère à cette altitude, mais aussi à la vue de tous ces vieillards qu’ils découvraient. En revanche, leur guide marchait d’un pas alerte, ses yeux sévères se posaient en coin sur chacune des personnes qu’ils croisaient, comme s’il elles étaient des sujets d’expérience. Il ne se montrait pas forcément courtois avec ses pensionnaires. Strazdinovsky paraissait cependant soucieux de se dévoiler avec le couple aimable et spirituel, mais son attitude raide donnait toujours à penser qu‘il n‘exprimait jamais complètement le fond de sa pensée. Quelque chose en lui fabriquait en permanence chez les autres un sentiment diffus d’inquiétude, qu‘il était toutefois difficile de cerner. Le décor naturel était somptueux, et lorsqu’ils longèrent une des ailes du grand bâtiment, Vaya aperçu par l’une des fenêtres un grand salon aux murs recouverts de riches et d’anciennes boiseries, du sol au plafond. A l’extérieur comme à l’intérieur, chaque élément, chaque détail de cet institut l’enrichissait d’un luxe avoué et proprement inouïe. Quelques uns des vieux ne semblaient plus tout à fait lucides, mais perdus dans un monde imaginaire, et ceux-là se faisaient accompagner lentement par un personnel dévoué mais muet, lequel se contentait de baisser invariablement la tête au passage de son directeur. Le parc se couvrait d’essences exotiques spectaculaires que les mains virtuoses d’un prestidigitateur talentueux avait réussi à faire pousser là contre toute attente. Le ou les jardiniers magiciens avaient dû particulièrement contrarier leur nature de plantes amatrices de chaleur. Glissant aux côtés de Martin, dont elle avait pris le bras, Guy Ness agrippé fermement à son épaule, Vaya Condios se laissait malgré-elle envoutée par le charme particulier de cet endroit étrange, où le temps paraissait suspendu, où le vacarme produit en cognant sur le chaudron infernal des heures enfuies lâchait ici seulement le petit tintement d’une pichenette sur le corps fragile d’une petite cloche en verre.

 

– Comme je vous l’ai dit, fit Martin à l’attention de Strazdinovsky, mon amie possède une vieille tante dotée de bons revenus habitant pour l’instant North Hollywood, et qui désire finir ses jours en Europe. Elle a naturellement pensé aux Flocons d’argent pour mener à bien ce projet.

 

– Vous m’étonnez quand même un peu, car nous ne somme guère enclins à étaler quelque publicité. Et mon établissement n’a pas forcément une vocation internationale.

 

– Et bien j’ai tout de même ceci. Et Martin lui présenta sans lui donner la carte de visite récupérée dans la voiture de Carlos Glaçon et Bonno Landru. L’autre resta de marbre à la vision du petit carton.

 

– Ah oui, cette chose date un peu, évidemment. Mais nous avons cessé depuis longtemps de les diffuser. Je m’étonne même que vous en possédiez une. Voyez-vous, le taux de remplissage de notre maison répond à des quotas très stricts, c’est une question de confort pour l’équilibre de nos pensionnaires. Leur renouvellement est beaucoup plus lent que ce que vous pouvez imaginer. Certes, il faut admettre que les places sont réservées à d’heureux privilégiés, mais le simple bouche à oreille nous permet malgré tout de fonctionner correctement. Ici, nous ne laissons pas l’occasion au temps de s’imposer trop rapidement et toute notre organisation va dans ce sens. Nous possédons même si nécessaire un hôpital privé au sein de l’établissement, et nous veillons particulièrement à retarder le plus possible l’inéluctable pour nos clients. Mais puisque nous en parlons, bien évidemment, si elle possède suffisamment de moyens pour parvenir à régler les frais de son séjour, votre tante sera naturellement la bienvenue chez nous. Il semblait attendre de Martin plus de détails sur cette personne, mais le privé resta volontairement dans un vague prudent. Il est vrai que la tante de Vaya n’existait pas.

 

Une enivrante lumière naturelle continuait de s’étaler sur les glorieux jardins, offrant au quatuor une heureuse distraction pour les yeux. Sur la petite terrasse en rotonde qu’ils bordèrent, un vieux bonhomme libidineux au visage zébré de rides venait de pincer la taille d’une jeune fille en blanc qui l’accompagnait. Faussement rétive sur le coup, elle l’aida néanmoins patiemment à grimper quelques marches. Se tenant par la main, un couple décati à l’expression douce-amère leur lâcha une ébauche de sourire un peu figé en les croisant. Les jambes de l’homme semblaient avoir le plus grand mal à le soutenir. La femme avait un pansement bien visible sur la racine du cou. Ils paraissaient drogués. La maison de retraite donnait l’impression d’un étrange théâtre, où se seraient posés pour une représentation presque silencieuse une multitude d’acteurs vieillissants. Le seul mot d’ordre qui transpirait de ce spectacle aux figurants vacillants semblait vouloir afficher un simple bonheur de continuer à vivre dans ce lieu, bien à l’abri des vacarmes du monde. La résidence de luxe était le sanctuaire de fantômes poignants, mais qui ne semblaient pas frustrés d’affection, aidés en ce sens par un personnel très disponible. Même si beaucoup de solitaires des deux sexes avaient plutôt l’air perdus dans l’infini de leurs réminiscences, d’où ils exhumaient peut-être leurs souvenirs les plus heureux.

 

– Vous savez, continuait Strazdinovsky, vieillir ce n’est pas perdre son identité, il faut juste s’acharner à retrouver à chaque moment un peu de confiance dans la vie qui s’échappe. La mort signe peut-être l’anéantissement d’une génération, mais elle ne boucle pas pour autant chaque histoire personnelle, elle la laisse tout juste en suspens. Tout dépend des choses que vous aurez su imprimer de votre vivant.

 

– Et bien, fit Martin, en insistant sur une note volontairement optimiste, en ce qui me concerne, j’envisagerai plutôt l’existence comme le grand océan, avec un horizon toujours renouvelé et qui recule tout le temps.

 

– Vous parlez ainsi parce que vous êtes jeune, mais un jour, vous serez dans l’obligation de rentrer au port. Avec si possible un navire dans le meilleur état, après avoir si longtemps navigué. En dépit des ravages subis par ce corps que vous habitez.

 

– Bof, rajouta Vaya, s’éteindre au pied du phare ou se dissoudre au fond de la mer, qu’elle importance, après-tout ? L’essentiel comme vous-dites, c’est de bien savoir ramer.

 

Un moment, Guy Ness s’envola sans prévenir, ces discours l’ennuyaient. Il avait l’ouïe très fine, lui seul pouvait entendre le cri d’un enfant qui venait brièvement d’hurler. Quelques secondes seulement. Sous ses ailes agitées, il ne vit que le toit gris du grand bâtiment et les jardins impeccablement ordonnés, où déambulaient toujours tranquillement ses amis. Il voleta devant les fenêtres aux rideaux tirés, louvoya entre les cyprès qui masquaient un coin de la haute façade. Puis il se dit que peut-être, il venait de rêver. Le cœur encore palpitant de sa petite virée, il revint finalement se poser sur Vaya. Une belle fontaine ancienne noyée au milieu d’un parterre de fleurs outre-mer se dévoila entre les arbres frémissants au vent, comme un trésor caché. La majesté de cette sympathique construction signait en revanche la fin de la visite. Martin se rendait parfaitement compte qu’il n’était pas question, pour Strazdinovsky, de les laisser entrer dans la maison elle-même.
 
– Pourrions-nous voir à quoi ressemblent les appartements ?

 

– Je regrette, Monsieur Smith, c’est absolument prématuré. Nous en reparlerons lorsque la tante de madame aura pris personnellement contact avec nous. C’est la règle, nous ne traitons jamais les séjours avec des tiers. Je vous ai d’ailleurs accordé un temps particulièrement généreux.

 

– Ah ah, lui rétorqua gentiment Martin avec un soupçon d’ironie, ne me dites pas que votre palace aurait quelque part des choses à cacher.

 

– Que voulez-vous insinuer ?

 

–  Ho je ne sais pas, fit le privé en s’affichant volontairement hilare, quelques vilaines manies de rudoyer vos résidents pour les rendre à tout prix plus heureux. La vertu, c’est bien connu, se pare parfois hélas de quelques regrettables excès.

 

– Je ne goûte pas votre humour, monsieur. Sincèrement offensé, Strazdinovsky se braqua complètement, une sainte colère venait de lui monter brusquement aux joues. Il parla tout à coup au couple comme s’il mettait sabre au clair, une absence de maîtrise relativement fugace, mais très surprenante de sa part.

 

L’homme au courroux visible les congédia brutalement, en faisant appel à une de ces bizarres petites voitures colorées conduite par l’un des infirmiers. En peu de temps, ils furent devant les hautes grilles qui s’ouvrirent à peine devant eux. Descendu de son véhicule miniature, le type en blanc leur serra cordialement la main, mais il attendit que le couple ait démarré sa propre voiture, avant de regrimper dans son engin pour s’éloigner à son tour en direction de l’ancien monastère. La longue route déroula pendant longtemps ses courbes le long de la montagne, mais chacun des passagers s’absorba dans son coin de pensées silencieuses.

 


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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:31:00
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Posté le 31-03-2016 à 15:17:41  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie - Extrait numéro 78.

 

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L’arrestation du père Albin Michel provoqua presque plus de remous que la mort de Gwendoline au sein de la clinique, tant le scandale fut grand. Dans son commissariat, dès que sa collègue Edith Plon s’absentait, Mensinq en profitait pour coller des baffes à son client. Et à chaque fois, il lui sortait une ritournelle identique.

 

–  Paf. Prenez et mangez, vous le ferez en mémoire de moi. Paf !

 

Et à chaque fois qu’il recevait une claque dans son pif, l’autre se perdait en prière fièvreuse.

 

–  Ho Seigneur, toi qui m’a guidé à travers les eaux usées, tu donnes et tu reprends, mais si tu te promènes par hasard à mes côtés, je ne craindrais pas la justice des hommes !

 

–  Je mettrais mes lois dans leur cœur. Paf. Et je les graverai dans leur pensée. Paf !

 

En attendant, à Saint-Bernard, les infirmières étaient soulagées. On reboucha les trous dans les murs et on oublia peu à peu le regrettable incident, alors que Jason retrouvait une grande partie de sa mobilité et pouvait à présent se remettre sérieusement au travail à la direction de son établissement. Il se penchait entre autre sur l’étude du facteur chance dans les problèmes de chirurgie veineuse, puis il équipa quelques chambres de veinards d’un dispositif permettant de calmer d’une manière globale le feu du rasoir, par un système de massage épilateur comportant un enrouleur, une pince hygiène et un gobelet gradué, le tout ne nécessitant aucun rinçage, pour un prix locatif étudié. Il s’interrogea un instant pour savoir s’il ne pouvait en apprendre plus sur le virus grippal, en étudiant de plus près la mécanique des engrenages soumis au test du grain de sable. Bref, il retrouvait avec satisfaction la joie d’être à nouveau pleinement opérationnel au poste de commande de sa clinique. Plus que jamais, Cassandra se montrait sidérante de séduction et d’une sophistication parfaitement palpable. En tout cas pour Jason, qui réfléchissait de plus en plus aux conséquences prévisibles du mariage pour un mec dans son genre. Il s’avoua le fait que cet état favorisait sans doute une vie bien occupée et aidait à rester en pleine forme. La rousse était si efficace qu’elle dénoua à elle seule la crise engendrée par les camionneurs qui se donnaient sans vergogne rendez-vous dans le parking de la clinique, au détriment des visiteurs. Cassandra offrirait certainement le plaisir d’une vie collective intéressante, sans oublier qu‘elle était très mélomane. Et puis, il ne résistait pas aux morceaux choisis plutôt cochons qu’elle lui déversait dans l’oreille pendant l’amour, pour l‘encourager. Il était donc pour sa part certain d’avoir trouvé en elle chaussure à son pied. De belles pompes en forme de petits souliers noirs propres à faire de grandes enjambées sur le chemin glorieux d’une excellente dynastie bourgeoise. Avec une admiration sans borne, il autorisa même un jour la belle aide-soignante à faire un moulage en plâtre de son pénis, car elle trouvait qu‘il se prêtait fort bien à une étude détaillée. Leurs corps se plaquaient régulièrement l’un à l’autre, leurs jambes se mêlaient fougueusement et dans leur couple, tout allait pour le mieux.
 
 Seulement, même pour un chirurgien, faire l’amour à une femme que l'on aime produit parfois des phénomènes étranges. Il ne pouvait en effet se contenter pour la satisfaire d’un seul massage de la voûte plantaire. Leur gymnastique d’après-midi allait donc bientôt transformer Cassandra en maman soucieuse, avec auparavant quelques caprices de chocolat light. Une aventure qui ferait abattre à Jason encore plus de travail, tout en réduisant drastiquement, pour la bonne cause, les heures de golf, de cheval et de randonnée. C’est ainsi qu’un matin, alors qu’elle s‘était réveillée comme une fleur après avoir peu dormi, la procréation manuellement assistée de Jason lui apporta un grand bonheur, et même deux, car elle allait connaître l’immense joie d’une grossesse de jumeaux. Voilà ce qui doit arriver, lorsqu’on a la manie de parfumer son petit linge, les eaux de son bain et même l’ambiance au boulot, mais surtout si l’on prend l’habitude de coucher avec son patron. Elle resta longtemps affalée sur son canapé, puisqu’au départ, l’idée d’engendrer des fils identiques ne la branchait pas trop, mais Jason se montra fou de joie. En regardant grossir les seins de Cassandra, il l’a trouvait même encore plus sensuellement attirante et roucoulait tranquillement. Les hommes sont toujours contents d’avoir visé juste. Il se trouva un peu plus tard que les enfants à venir seraient deux filles. Sur la question de vivre leur solitude en duo, elle approuva la décision de Jason de l’épouser dans un délai raisonnable.

 

Babette avait plus de mal avec cette idée et témoigna à cette annonce d‘une certaine jalousie, puisque son mec continuait de tergiverser sur l’idée de divorcer de sa femme. L’infirmière commençait à se demander si elle ne s’était pas avec lui trompé de territoire. Le docteur Gründ continuait cependant d’afficher des revenus faramineux et s’obstinait à lui chanter l’espoir comme un troubadour amoureux. Une chanson de geste admirable qui effaçait chez Babette toute rancœur à son égard, une fois enfoncée dans son plumard. Bien entendu, puisque le langage est la base de toute civilisation, la question du divorce de monsieur revenait cycliquement dans leurs débats, accompagnée de son lot de jalousie, de haine et de violence verbale, mais à chaque fois, le docteur Gründ finissait toujours par planter dans le vagin affamé de Babette ses petites graines malicieuses. Toujours est-il que sur le coup, l’annonce du mariage de Cassandra et Jason lui brisa le cœur. Elle tomba même un peu malade trois jours avant qu’ils ne signent leur contrat et qu‘ils ne s‘embarquent main dans la main pour un nouveau monde illuminé par la gémellité. Si l’on ne doit jamais croire aux rumeurs, il faut bien se résigner devant toute certitude, telle la houle qui vous ramène toujours tôt ou tard les poubelles du voisin sur votre plage privée. Jalouse à en mourir et les yeux rougis de larmes, elle n’avait pour se divertir que la triste vision d’Adam Gründ qui bricolait avec soin les lattes de son lit pour l’empêcher de grincer.

 

Heureusement, elle voyait d’heureux progrès se faire jour dans la pauvre petite tête de Véronique Bayard, puisque le psy Grasset avait enfin fait admettre à sa patiente que son grand-père abusait d’elle d’une manière criminelle lorsqu’elle avait cinq ans. Comme il était grand fumeur de Cohiba, ceci expliquait cela et depuis cette révélation, véronique cessa de craindre de cogner aux portes des inconnus. Grasset fini par admettre que la guérison de Véro était à portée de main lorsqu’il réussit à la faire s’intéresser au football. Excellemment prise en main, elle cessa complètement de s’auto-mutiler et coucha finalement avec son psychanaliste, de façon responsable. Pointilleux jusqu’au moindre détail, Grasset lui fit vivre ainsi une histoire aussi drôle que touchante, le temps d’un seul été au bonheur sucré. Devenue la petite muse du psychiatre, et comme elle en avait fini avec les pensées néfastes, elle retrouva son poste de stagiaire à l’accueil de la clinique, pour un quotidien épanoui dont la santé de son cerveau dépendait tant. Elle donnait d’elle une image envoûtante en s’habillant de couleurs franches et ainsi relookée, elle régla enfin en elle le traumatisme de l’inceste dont elle avait été victime, et décrypta mieux l’automne suivant les raisons du chagrin d’amour auquel elle eut malheureusement à faire face, avant de s‘écrouler sur le trottoir. Le monde s’ouvre admirablement à ceux qui veulent bien le regarder avec les yeux de l’enfance.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:32:59
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Posté le 03-04-2016 à 09:50:14  profilanswer
 

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Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 54.

 

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Sur le grand bateau pharaonique baptisé Pamalrâssé et sur ceux de la flotille qui l’escortaient, on naviguait tranquille. 300 000 km2 de désert, 6600 km de fleuve, la ballade risquait de durer. Les dunes safran défilaient le long de la côte et par endroits, de petites maisons de sable et d’argile prenaient l’ombre sous quelques palmiers. Certaines avaient été abandonnées par leurs propriétaires en raison de la crise. La canicule proposait une chaleur déraisonnable, ce qui n’empêchait pas la pharaonne Néefièretarée de profiter du paysage, paresseusement allongée sur son transat orné de pieds de lions. En compagnie de sa servante, confidente et amie Trêmouatoli, la reine éclusait sec dans une ambiance carrément loukoum, tout en profitant pleinement de sa nouvelle vie au fil de l’eau, mollement bercée par les vagues du Nil. Le cuistot du bord, un chevelu natif de Bibracte, apportait sa gauloise touch aux repas copieux, composés de daurade braisée de l’atlantique aux choux croquants, forcément peu fraîche, ou son hachis de queue de zébu entouré de purée maison. La table était nattée avec raffinement et sous les voiles tendus sur le grand pont, à chaque repas interminable on oubliait le doux supplice du soleil ardent. Néefièretarée ne regrettait rien, la descente du Nil était bien une folie à faire absolument une fois dans sa vie, en particulier si l’on est reine d’Egypte. De temps à autre, quelques cris parvenaient de la cale immense, puisque Sésoscristop ordonnait de fouetter les rameurs qui osaient réclamer six mois de vacances par an. Trêmouatoli faisait sa petite chiquée dès le soleil levant et à chacune de ses descentes à terre, les hommes en riant jaune la bombardaient perle du bourg. Il aurait cependant été bien kamikase d’oser critiquer ses manières et le maquillage excessif qui explosait autour de ses yeux ronds comme des billes. Si l’on se moquait d’elle, la bombe se montrait agressive et ces zéros devaient subir les piques des soldats du général Merdenkorinnanâr, lesquels fondaient sur eux comme s‘ils avaient des ailes. En revanche, les plus chanceux des admirateurs de Trêmouatoli recevaient le privilège de grimper à bord pour l’asseoir sur leurs genoux, de l’accompagner sous la douche pour ensuite lui faire gober de délicieuses olives. A chaque nouvelle découverte insolite qui égayait les berges, l’accueillant guide du réseau Egypte passion leur révélait avec science l’histoire millénaire des mausolées et des temples, en spécialiste érudit du patrimoine. Néefièretarée regrettait juste que sa cabine de couchage soit située juste au-dessus du poste principale de conduite, à cause des odeurs corporelles des rameurs. Une petite erreur de conception qu’elle pardonna cependant à Pubi Senfouyî, probablement trop accroc à la bière pour penser à tout. La nuit, on vidangeait en catimini les eaux usées par-dessus bord, pour ne pas se faire injurier par les fermiers et les pêcheurs qui ne se gênaient cependant pas pour leur facturer très cher l’eau potable, à chacune des étapes. D’ailleurs, en raison de la nourriture gauloise peu adaptée au climat, les installations sanitaires du bateau était régulièrement prises d’assaut, et la pharaonne se demandait si elle ne devait pas faire appel à un avocat pour ramener son cuisinier à plus d‘adaptation. Elle fit écrire par Phimosis un papyrus de mise en demeure en le chargeant de le remettre au toqué étoilé dans le plus bref délai. Elle prenait ainsi le risque de ne bouffer jusqu’à la fin de la croisière uniquement des dattes et des sardines grillées.

 

Le Pamalrâssé fendait les flots à merveille, le Nil était un bonheur pour l’âme et cette vie de navigation bohème rendait Néefièretarée la femme la plus heureuse du monde. Elle réalisait là le rêve le plus cher de sa propre grand-mère Tuméménèrabou et perdait des kilos à suer sans rien foutre en glandant toute la journée sur une chaise longue. Phimosis se montrait très attentionné, même pour un mec issu de la classe moyenne, et tant pis si le nouveau vizir insinuait cyniquement que les kilos de sa chérie reviendraient finalement assez vite, en raison d‘une nourriture trop riche. Dans l’espace confiné du navire, leurs continuelles embrassades et effusions ne passaient jamais inaperçues, surtout lorsque les marins observaient leur reine se mettre à quatre pattes en poupe. Pour l’instant, Néefièretarée remettait à plus tard son projet de se trouver un autre soupirant, tout en faisant bien comprendre à tout le monde qu‘il ne fallait pas toucher à son pote. Maîtresse de toutes les cérémonies dans sa belle robe écrue, puisqu’elle passait toutes les matinées à soigner son apparence, elle chérissait son Kouchite au bazar rigide et grondait les marins aux yeux en rétroviseurs. Une fois libéré de sa détention provisoire, le cuisinier renonça à finalement à son projet de mitonner du homard breton et selon les conseils prudents de Merdenkorinnanâr, on fit ensuite picorer, avant que la reine n’y touche, chacun des plats par une armée de goûteurs Babyloniens. En général, on descendait ensuite les restes à terre pour les offrir aux mecs écrasés d’impôts qui faisaient la manche devant leur boulangerie. Il faut dire que les soldats de la flotte descendaient régulièrement dans chaque village croisé pour collecter de quoi financer la poursuite de la croisière. Le bateau sur lequel s’amassait tout cet or dans de grandes malles en ivoire s’appelait l’Infokonsôl-Prîèt-Enbess, il coula sous son propre poids le cinquième jour, occasionnant temporairement un fâcheux manque à gagner pour la suite du voyage. Le sixième jour, on évita de justesse une petite galère romaine qui remontait le Nil à contre-sens, et le septième, Néefièretarée faillit périr d’asphyxie en descendant l’échelle menant à sa cabine. Prise de méchantes coliques avec 40° de fièvre, Trêmouatoli gisait en effet  d’une façon lamentable, au milieu des coussins en peau de panthère. Merdenkorinnanâr s’alarma aussitôt, craignant un attentat par empoisonnement. Largement suspecté, le cuistot gaulois eut les mains attachées avant d’être jeté à l’eau, puis trainé un bon moment derrière le Pamalrâssé afin qu’il avoue sa forfaiture. Et puis les médecins de la reine rassurèrent tout le monde, une fois qu’ils eurent examiné l’esclave de loin, toujours prises d’atroces vomissements. Ils posèrent le diagnostic d’un simple mal de mer, aussi Néefièretarée décida-t-elle de faire une petite halte dans l’oasis de Ipetasonthoûr, afin que son amie puisse prendre un peu de repos.

 

Le coin n’était pas folichon, juste une enclave couverte de palmiers rachitiques qui donnaient à peine de l’ombre à une petite smala de bédouins désoeuvrés.  L’alcool de dattes et la consanguinité faisaient des ravages dans cette contrée ignorée par les dieux. Sur l’unique plan d’eau grise miroitant au soleil, de vielles couvertures mitées et des amphores vides flottaient partout en offrant le triste spectacle de leur pollution rurale. Hiphopérap, le patriarche de cette tribu abandonnée accueillit cependant le formidable débarquement sur sa côte avec une joie non feinte, puisqu’il augmenta sur le champ le prix des dattes, des melons et des figues. Dans les gamelles, on mangeait autant de sable que de cuisse de gazelle, et le cuistot gaulois renonça à faire son marché dans cet endroit malsain.

 

– c’est de la merde, disait-il en hochant la tête pour prendre un air navré, c’est de la merde !

 

Et puis on monta une tente pour y abriter provisoirement la reine et son esclave encore fébrile, puis les soldats commencèrent à construire un port en dur, avec phare, temples d’Osiris, quais bondés et docks conséquents  afin d’y amarrer les bateaux. Ipetasonthoûr ne tarda pas à révéler une activité débordante, avec plus d’un million de petites barques errant sur le Nil et une cohorte impressionnante de gens venus de tous les environs pour participer aux chantiers. Le prix des denrées augmenta encore de manière significative, alors que l’aubaine permettait à Hiphopérap de s’offrir une gigantesque villa baignée par les eaux. Le tout en l’espace de trois jours, grâce aux soins besogneux de l’Egypte éternelle.

 


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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:34:40
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Posté le 05-04-2016 à 16:05:04  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 08.

 

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Quand même, les traces de la soucoupe à Gaston ressemblent foutrement à des taupinières. C’est du moins la conclusion qu’en tire pour lui-même le garde champêtre. Il ne rentre toutefois pas bredouille de chez Léon, puisqu’il lui colle au passage une sévère amende pour détention illégale d’eau de vie frauduleuse. En dépit des protestations de papi, le gendarme sanctionne l’ancien et quitte finalement la ferme en évoquant son désir de se faire prochainement muter à Saint Tropez, à cause du soleil. Lorsque l’abbé Julio arrive chez les Boudiou monté sur sa pétoire, cette fois, Gaston sait qu’il est mûr pour l’école des Saints Anges. Angèle aussi, d’ailleurs, mais pour le lui faire admettre, il faut aller la traquer jusqu’au fond de la grange où elle s’est retranchée, parce qu’elle refuse obstinément d’y aller. Elle a son petit caractère, la môme de cinq ans, dont l’un des jeux préférés est de simuler un accouchement pour effrayer les gars de Pleurotte-les-Bois. Il est certain qu’elle affiche une certaine attirance pour le médical et que sa vocation est déjà bien ancrée, malgré ses jeunes années. Une fois, Gaston a eu bien du mal a empêcher sa sœur de s’exercer à piquer un lapin avec une des longues aiguilles à tricoter d’Enerstine. C’est encore son frère qui parvient à la convaincre que l’école est nécessaire pour faire plus tard un bon médecin. En septembre 1959, c’est le grand jour pour les enfants, qui ont revêtus pour l’occasion leurs habits du dimanche. L’école est une grande bâtisse austère qui trône dans le centre de Troulbled, dont la vaste cour est séparée en deux par un muret surmonté d’un grillage, avec d’un côté les garçons sous la responsabilité sévère de monsieur l’abbé Julio, et de l’autre celui des filles patronnées par la non moins psychorigide Sœur Maryvonne de la Rédemption. Gaston comprend de suite que dans cet antre du savoir, on y travaille plus qu’on y joue. Ce sera  aussi malheureusement l’obligation de côtoyer toute la journée les enfoirés de Pleurotte-les-Bois et ceux de Peaumé-le-Coin. Le dernier été a justement laissé quelques règlements de compte en suspend, et avant de rentrer dans la classe, les gamins des différends bourgs se regardent en chiens de faïence. La récré promet certainement son lot de castagnes.

 

 L’enseignement pratiqué par les frères est relativement simple, il suffit d’inspirer du silence et d’expirer les leçons apprises par cœur. En particulier celles du catéchisme, vu qu‘aux Saints Anges, on est pas chez les rouges. Gaston ravalera donc un tantinet tout esprit critique le temps de sa scolarité, puisqu’il sait que le paradis après la mort n‘a rien de gratuit, tout comme la ponction effectuée par l‘abbé Julio sur le porte-monnaie des Boudiou. Le maître s’appuie d’abord et avant tout sur un livre de Calvin, le « Formulaire d’instruire les enfants en la Chrétienté » publié en 1541 et celui de Jacques de Batencour  : « L‘escole paroissiale », traité paru en 1654. Dans l’année, la loi Debré instaurera un système de contrats entre l’Etat et les écoles du vrai Dieu, ce qui fera hurler de plus belle l’abbé Julio contre l’école du diable. « Le caractère propre » d’une école confessionnelle, dans les paroles  de son  directeur, ça revient surtout à préciser qu’elle a quasiment la pureté de Marie la vierge. Il répète aussi souvent qu’il ne voit franchement pas trop l’utilité d’ouvrir l’école aux filles, mais il approuve en revanche le plan de construction fonctionnel de son établissement, élaboré en 1871 par l‘architecte Pompée.  

 

Sur le grand tableau noir, l’abbé a écrit sa leçon de morale de la journée, dans une calligraphie impeccable : « L’oisiveté est mère de tous les vices-présidents des entreprises nationalisées. » Au troisième rang, Gaston se tient la tête dans la main, il se dit avec dépit qu’il n’aura plus que le jeudi et le dimanche pour profiter des bonheurs de la ferme. Par jeu, il plonge un peu son doigt dans l’encrier en porcelaine et le retire peint en violet, c’est l’occasion pour lui de recevoir sa première torgnole de la part du maître. Les quarante deux autres mioches, soudain raides comme des piquets, retiennent vite l’essence de ce premier cours. Après la prière, on recopie proprement la maxime éternelle sur son cahier, dans une bonne ambiance commerciale, puisque la leçon de mathématique qui suit porte sur les conséquences du léger bond des cours porcins redressés en juillet sur le marché de Troulbled. Pendant le cours d’histoire, tout le monde peut voir monsieur Julio verser une larme sincère en leur parlant d’Austerlitz, puis il insiste longuement sur la bonté et la générosité naturelle de Louis XVI. En géographie, il insiste sur les ravages provoqués par l’opium fumé par les Niakwés en Indochine, région impie dans laquelle les occidentaux doivent porter des vêtements adaptés au climat tropical sous peine de tomber gravement malades. Il raconte avec emphase qu’il a déjà été là-bas deux fois, après la guerre. L’abbé Julio exulte debout et plisse les yeux devant la carte de l’Afrique, lorsqu’il formule de grands espoirs sur les essais atomiques de bombe A que notre armée va réaliser en février prochain en Algérie, à Reggane. Barthelot lève le doigt, son père est parti là-bas, tout le monde se marre et puis vient la récré. Pour Gaston Boudiou, qui sait depuis longtemps que pendant une chute, la distance parcourue est proportionnelle au carré du temps écoulé, l‘école de Troulbled, c‘est pire que la torture sous l‘inquisition espagnole au XVe siècle.

 

On sort en ordre, pour filer sous les marronniers coller leur pâté aux branleurs de Pleurotte, en prenant au passage pour alliés ceux de Peaumé. Une fois n’est pas coutume. De l’autre côté du grillage, les filles font pareil et sont déjà à se crêper les tresses. Gaston fait un petit coucou à sa sœur afin de l’encourager et retourne pour la curée se farcir un binoclard. La poigne d’acier de l’abbé sur les cols met fin au pugilat. Sœur Maryvonne tempête et met de l’ordre de son côté. Du coup, fin de la récréation, on copie deux cent lignes qui racontent que l’on doit s’aimer les uns les autres, avant de regarder en silence pousser un haricot.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:35:47
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talbazar
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Posté le 06-04-2016 à 11:19:58  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 26.

 

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Les rayons des soleils frappent à l’oblique le flanc brillant de la Marie-Jeanne, posée sagement sur l’herbe rouge, au milieu d’une jungle dense. Un envoi de sonde dans l’environnement proche n’a rien montré d’autre qu’une forêt inextricable et sans fin, parcourue d’êtres étranges à première vue inoffensifs. Des macrobes aux formes variées, de lentes méduses flottantes et lumineuses, des évidences de cyanophycées et de bactériochlorophylles. Les roches semblent chargées de fluorochromes et restituent pendant la nuit, ou en journée dans les endroits ombrés, de vives lueurs vertes ou bleues. En dépit de leur isolement tragique, la beauté de la forêt exerce sur les naufragés de l’espace une fascination non dénuée de poésie. Des grappes de gros champignons s’allument soudain comme des flammes, puis laissent par instant échapper des spores minuscules, d’un rouge incandescent ; ces poussières brillantes s’éparpillent brièvement dans l’air, petites lucioles de braises qui s’enguirlandent joliment autour de la fusée. La brume violacée a désormais complètement disparue. Le calme de ce monde étrange incite à présent les hommes à l’explorer. Rien ne tremble, il n’y a pas de vent, mais ils ont repéré sur la gauche le timide écoulement d‘une eau cristalline qui serpente, en traçant son lit à travers les feuillages de plantes fleuries atteintes de gigantisme. La flore elle-même s’éclaire parfois de belles fluorescences. Plusieurs de ces plantes s’animent de déplacements très lents, des glissements à peine perceptibles qui leur confèrent une surprenante vie animale. De certaines grosses sphères granuleuses et mauves posées sur de hauts troncs uniques, sortent sporadiquement de courtes antennes de chair bleue qui se cachent aussitôt avec vivacité dans les replis noueux d'où elles sont nées. Sur d’autres arbres encore, quelques branches tentaculaires s’agitent en mouvantes langues vertes, entre lesquelles vrombissent de gracieux insectes inconnus. La température est douce et l’air est parfaitement respirable, mais cette planète promet à l‘évidence des découvertes sensorielles inédites et intenses. Derrière le hublot, Emeline observe encore le vol harmonieux de drôles bestioles en forme de simples filaments jaunes, dont la tête plus grosse et sans yeux s’illumine d’un cercle lumineux ; de petits vers nerveux privés d’ailes qui s’agitent en dansant à peu de mètres du sol pourpre, pour traverser sans hâte la clairière. Lorsqu’ils ont disparus en louvoyant grâce aux ondulations de leurs longues queues agiles, Emeline s’arrache à sa contemplation pour aller retrouver les autres dans le cockpit.

 

Kishi Kikurséwawa est toujours en train d’essayer de solutionner les réparations, mais il ne peut se montrer optimiste, puisque le bilan le dépasse tant il est réellement désastreux. Basile, Arnold Montburg et Charlie Badelaire semblent simplement heureux de bientôt quitter la fusée pour aller s’ébrouer à l’extérieur. Jhon Piol Balmundo paraît plus mesuré, il leur rappelle que ce monde est situé hors défédération et qu’il doit bien exister une raison pour cela. Habitués à se balader entre les univers, les pilotes de transbordeurs ont pour point commun de se montrer toujours excessivement prudents. Au-delà du bonheur qui peut exister de se promener dans les bois par une belle matinée triplement ensoleillée sur une planète à découvrir, qui peut savoir quelle surprise auront les visiteurs ?

 

– Bah, lui répond Charlie, n’avons-nous pas un Space Outlaw Atomic Pistol et un lasergun Rogers-XZ-31 Rocket Pistol à notre disposition ? Il s’est d’ailleurs octroyé les armes sans que cette initiative ne fasse discussion.

 

– Je trouve la forêt bougrement décorative, en ce qui me concerne, ajoute Arnold.

 

– Toutes ces lumières un peu partout, c’est vrai, ça donne le tournis, lâche Emeline.

 

– Allons-y donc pour vivre une expérience humaine exaltante, exulte Basile en conclusion. Rendez-vous compte, ici, pas besoin de scaphandre, en plus ! Il laisse quand même échapper un petit rire étouffé qui masque peut-être un certain manque d’assurance.

 

C’est donc parfaitement nus que les explorateurs descendent chacun leur tour l’échelle de la Marie-Jeanne. Le sol enherbé de graminées écarlates se montre légèrement spongieux, probablement en raison d‘acides humiques insolubles. On observe l‘immense futaie dans laquelle on s‘immerge totalement, attentif au moindre mouvement qui agite ce monde. Une étonnante plante se gonfle tout à coup au passage d’Emeline, puis elle se dégonfle rapidement en rejetant par ses feuilles un liquide blanchâtre. D’autres, couvertes de vésicules transparentes, montrent qu’une vie active s’anime au sein de ces bulles fragiles. De larges palmes agitent leurs cils démesurés au-dessus de la troupe qui passe prudemment, tête levée, en se frayant un passage dans l’épaisse jungle mystérieuse. Ils cherchent à atteindre la mince rivière signalée par la sonde. Une pluie de gouttelettes tièdes tombe un moment sur eux, provenant de ces splendides méduses aériennes qui viennent un instant les surplomber. Il savent déjà que l’averse gélatineuse est sans danger, aussi personne ne s’en alarme. Basile reçoit dans les archives de son implant une foule de précisions sur un petit nombre d’espèces croisées. La plupart proviennent des travaux du professeur Razablat, et si celui-ci n’a jamais exploré cette planète, beaucoup des variétés végétales ou animales qu’ils croisent à présent doivent par conséquent être communes à certaines colonies défédérées. La grande immensité n’apporte cependant aucune réponse aux demandes, et la plupart des genres sont probablement endémiques à 8495SK-Rolling Stones. Pour le reste, les narines de Basile communiquent à son implant des valeurs de dioxyde de carbone, de méthane, d’oxygène, d’hydrogène, l’atmosphère est plutôt peinarde et l‘air qu‘il respire est même très vivifiant. Par moment, le voile végétal tendu sur les naufragés opacifie un peu le rayonnement des trois soleils, mais les fleurs et les roches lumineuses prennent alors le relais, aussi progressent-ils toujours dans une douce clarté reposante. Les implants des autres apportent des conclusions identiques.

 

– Cool, dit Jhon Piol, il y a ici pas mal de choses comestibles pour l‘humanité, au moins, on ne va pas crever de faim !

 

Alors qu’ils découvrent la rivière aux eaux claires, un petit vent se lève, avec de plus en plus de force. C’est donc sous une brise tenace qu’ils longent les rives entrelacées de grosses racines et de troncs pourrissants. Arnold fait observer à tous, en montrant du doigt, que le niveau de l’eau est visiblement en train de monter d’une manière relativement rapide sur les berges, où s‘ébattent encore plus nombreux de curieux organismes pacifiques. La voie liquide les conduit finalement à une grande mare formant au milieu de la sylve une sorte d’étang, à la surface agitée par le curieux zéphyr de vaguelettes éphémères. Un tronc immense s’est effondré là et forme à présent un énorme pont naturel qui relie les rives les unes aux autres. La longue épave moussue se tapisse d’un foisonnement de fougères luisantes. La bande prend ensuite un repos salutaire dans ce décor exotique et charmant, intriguée sans doute par le souffle tiède et incongru qui les caresse en s’amplifiant, ce qui renforce sensiblement les ondulations liquides parcourant l’étendue de la mare, dont le volume augmente à présent à vue d‘oeil.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:36:58
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Posté le 07-04-2016 à 14:44:09  profilanswer
 

Salon des inventions.
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : La greffe du sourire.

 

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D’après les études rigoureuses effectuées par le salon de recherche de la Moyenne Encyclopédie, si le rire vaut un steak, le sourire équivaut à une saucisse de Strasbourg, bien que cela dépende sans doute de ce qu’on a l‘intention de faire avec cette dernière. Le seul moyen de conserver un peu de santé mentale en nos temps troublés sera toujours de rire de tout et de n’importe qui. Comment en effet résister autrement à l’horreur de l’emprisonnement d‘une vie conjugale, surtout si votre geôlier ne sourit qu’aux voisins ? Le pro-fesseur Talbazar l’a prouvé depuis bien longtemps : cinquante ans de mariage provoque toujours des rides. Hélas, (nous avons essayé), on obtient jamais le sourire chez l’autre en lui envoyant un homme armé et cagoulé pour l’y contraindre. Une telle méthode ne servirait qu’à imprimer une profonde blessure dans son imaginaire, en laissant un traumatisme tel qu‘il ne sourira plus jamais de sa vie. C’est pourquoi la noble invention que constitue une greffe du sourire vient à point nommer pour aider ceux qui souffrent chaque jour de ne jamais sourire ; en particulier lorsqu’ils ont à faire avec l’administration fiscale, ou lorsqu’ils se font arrêter pour meurtre par les gendarmes. On ne nait pas égaux face à cette charmante faculté naturelle, puisqu’il neige souvent à Moscou et qu’il fait toujours beau à Panama. Au XIV è siècle, par exemple, les médecins ne souriaient jamais, vu les cas répugnants qu’ils avaient à résoudre, aussi se cachaient-ils derrière des masques à becs d’oiseaux, ce n’est évidemment plus envisageable aujourd’hui. La greffe reste donc l’unique solution pour ceux qui tirent la tronche en permanence.

 

Il fallait donc envisager une chirurgie efficace pour redonner aux gueules d’enterrement un regain d’humanité. Docteur Es-Sens, le professeur Talbazar s’est d’abord inspiré des ingénieux procédés de tatouages faciaux réalisés par les Vikings, puis, discret mais ambitieux, il a commencé par essayer de faire rigoler des lapins et des rats. Encouragé par ses résultats sur les hyènes, il a essayé son protocole sur des adolescents, en essayant de ne jamais croiser leur regard. Fort d’un succès indéniable, puisqu’il est parvenu à dérider la petite Emmanuelle B. 14 ans, alors qu’elle vivait l’histoire âpre et brutale d’un chagrin d’amour avec son prof de sport, G. 51 ans, le P.T vient enfin d’ouvrir un institut entièrement consacré aux greffes du sourire. Le hasard a fait qu’un grand nombre de politiciens ont fait appel à lui, et les résultats sont parfaitement visibles à chaque nouvelle apparition à l‘écran. Les chiens mordent avec les dents et sourient avec leur queue, beaucoup d’hommes aussi, mais l’époque que l’on vit n’aidera jamais à les comprendre. Dans un monde où tout se casse la figure, il vaut mieux apprendre à se servir de sa bouche, en tout cas si l’on est secrétaire de direction. De façon garantie, notre opération verra à nouveau votre tête se gondoler, alors qu’avant vous n’aviez pas plus de charisme qu’une tête de gondole. Vous trouverez même beaucoup d’humour au cinéaste, lors de la projection d’un film Croate. Définitivement, la greffe du sourire vous rendra de façon permanente plus humain que machine.

 

Faire sourire les foules s’obtient donc en passant sur le billard pour subir notre méthode, sans rendez-vous. Une fois la greffe réalisée, par rapprochement des joues sur les ailes du nez et pose d’un sourire en silicone, on ne soupçonnera plus jamais que vous puissiez être l’arrière-petite-fille cachée d’Adolf Hitler. De quoi rêver d’épouser enfin un prince de la britpop, de faire la manche dans la rue ou de présenter le journal de 13 h sur TFI.

 

NB : les agrafes étant peu solides, évitez le plus possible les exclamations.


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:38:58
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Posté le 07-04-2016 à 14:44:09  profilanswer
 

n°45383556
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Posté le 08-04-2016 à 13:11:06  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 04.

 

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Dans la vallée de Bogland, Agrippepine et Monoïsurmékos fuyaient toujours par les bois de Tamerlaput, mais ils avaient avantage sur leurs poursuivants, car ils venaient de traverser le lac de Blanche Perte en utilisant une barque délaissée. Le jeune homme ne doutait pas qu’une entrevue avec son véritable père, Raklur de Bidet, aurait le pouvoir de changer le monde en le faisant renoncer à une attaque massive de Bozob. Fort de cette stratégie et de sa renommée nouvelle, l’adolescent se voulait intelligent, honnête, déterminé, rapide et champion de l’analyse méthodique, tout en sachant prendre, à chaque instant, un recul nécessaire. Dans son justaucorps de couleurs vives, il bombait son torse sans muscle pour mieux impressionner sa princesse, avec laquelle il pouvait enfin vivre sa romance au grand jour. Les deux camarades de classe avaient enfin la possibilité de s’aimer dans la forêt comme ils le voulaient, et d’ailleurs, ils ne s’en privaient pas. Les coups de langues maladroits de la fille du roi Karbone XIV faisaient écho à ceux du fils de Brakmar à la braguette velue, et la robe déchirée par les branches facilitait leurs amoureuses entrevues. Et peu importe qu’ils aient défiés en fuguant le pouvoir royal, puisque leur amour réciproque s’ancrait à présent d’une façon commune dans leur peau juvénile. En attendant de faire régner un monde d’amour et de beauté, Monoïsurmékos n’avait cependant pas encore le droit de balancer son magma incandescent dans le corps époustouflant de son amie, car la princesse désirait rester vierge avant son mariage. Sa belle robe en velours n’était donc pas seulement déchirée, mais bonne à lessiver. Lui cherchait quand même tout le temps à s’immiscer, mais elle brillait par son extrême capacité à faire dévier le trajet de cette grosse bistouquette, car elle avait quand même, pour plaire à sa mère, l’obsession continuelle de rester pure. C’est surtout qu’elle avait bien les jetons de l’organe officiel de son chéri, dont la taille de bon aloi lui collait une trouille légitime. Bien que cradingues, cette fuite nomade dans les chemins poisseux leur faisait décliner de douces chansons aux lèvres, et Agrippepine ne regrettait pas d’avoir quitté son palais somptueux. Ceci en dépit des soulantes rhétoriques virilisantes de Monoïsurmékos, qui la malaxait en plus sans arrêt à chaque instant comme un vulgaire pudding. Elle était cependant amoureuse pour la première fois de sa vie, et elle ne doutait pas d’avoir trouvé en son anorexique le partenaire idéal et durable.  

 

– Ah p’tain, osti de ciboire de marde, impérativement, tes câlins là, c'est plaisant en tabernak, je dis juste que faut pas que tu viennes en dedans, mon doux fripon, mais tu peux checker mes boules à loisir, quand même.  

 

– C’est ben tannant c’t affaire là, si tu veux savouère. Par Kramouille, t’es ben trop crackpot, moué cé ta crac de menou que je préfère pogner ! Mais bon, ma blonde, chu pas qu’un gros kalisse de redneck crosseur de bizoune. J’saurais ben attendre tout le temps qu‘il faut, parce que toé et moé, c’est promis, on se mariera, que je te dzi.

 

– Woyons mon boy, tsé, chu pas qu’une pédante de blonde, genre flanc sud de Bozob, c’est djuste que mon agace de mère, elle veut pas qu‘on fouille trop dans mes jupes, sinon elle va me péter la yeule en rentrant.

 

Et c’est ainsi que Monoïsurmékos peaufinait avec science et regret le réglage de son balaize d’outil, pour l’introduire dans un coin moins compromettant pour l’honneur de sa princesse, si l’on peut dire ainsi. Après avoir craché dans la boue, le fils de Brakmar reprenait fièrement la route au milieu des fourrés, cherchant à gagner au plus vite le campement des hommes de Raklur. Son insubordination avait dû mettre son père adoptif à leur trousse, et il avait grande hâte de trouver chez son vrai géniteur une oreille attentive. La mine aussi chiffonnée que sa robe, Agrippepine faisait de gros efforts pour arriver à le suivre, quand bien même le projet suscitait en elle quelques inquiétudes. Elle trouvait cependant l’intrigue habile, puisqu’elle venait de lui. Pleins de jouvence, ils arpentaient Tamerlaput à la recherche de l’ost de Raklur en courant prestement, prenant peu de pitance et se désaltérant tout juste de la triste vinasse qu’ils avaient dans leur gourde. C’est ainsi qu’à force de parcourir le val, ils tombèrent sans prévenir nez à nez sur une bande de besaciers, composée des soldats d’une patrouille avancée de l’armée de Raklur. Voyant les faces ombrageuses de ces guerriers et les épées promptement sorties de leur fourreau, Monoïsurmékoss s’efforça de les enditter au mieux de sa qualité et de ses intentions. Ils voyait bien aussi que par un propos muet aussi vif que limpide, les soudards crevaient leurs yeux sur la cotte aguicheuse d’Agrippepine, rêvant sans doute d’esnuer la pucelle sur le champ.

 

– Ayoye, wesh, cousins, acrés mangeux de marde, c’est nous qu’on est de Bozob, mais qu’on vient en amis. Moué chui de la géniture de messire Raklur, son vrai fillot de bâtard, et celle-cit c’est la princesse Agrippepine, la fillote du roi Karbone XIV des Bozobis. On cours dans tout le Bogland après vous autres, pour dire, pasqu’on a ben des choses à dire à vot seigneur.

 

– Wesh wesh, mon cousin, maudite face de colon, on s’en crisse tu rien qu’un peu de qui vous êtes, vous autres. Mais si c’est vrai ce que tu dis, vu de même, on va pas faire les chieux. Si tu veux rencontrer Raklur, ben tu vas le faire, je m’en calisse.

 

– Ok, ok, toi t’as ben l’air full équilibré, à fin d’toute. Allons y donc, pis tu verras que nous deux, là, c’est pas du semi-croquant.

 

– Je va te dire une chose, p’tit gars, si tu colles notre chef en beau maudit avec tes histouères à courir sur la lune, pour une chose ben certaine, il te fera chier dans le vide pendant un bon moment !

 

On reprit donc la route sans plus attendre, à la suite des hommes de Raklur qui les surveillaient étroitement. Agrippepine butait ses pieds menus sur les cailloux en regrettant tout à coup son sweet home, car en marchant aux côtés des guerriers ennemis, elle pouvait presque sentir la mort qui la frôlait de près. Tout à coup, elle n’était plus certaine d’avoir fait le bon choix en quittant son palais, et il lui semblait que chaque pas de plus la faisait s’emmêler d’une vilaine manière dans les fils de sa vie. Elle ne faisait plus l’élégante, elle savait que son père était sans doute furax et que par vengeresse tracasserie, si jamais elle en réchappait, sa propre mère la collerait religieuse en couvent de Kramouille. Le mieux serait sans doute, pour son amant et elle, de songer à un double-suicide. Mais ce n’était pas encore la fin du voyage, puisqu’ils arrivèrent au vaste campement de Raklur de Bidet, fort de 3002 soldats provenant de six villages coalisées de la vallée de Bogland qui marchaient fermement sur Bozob. L’ambiance y était trépidante, et chaque détail de cette armée prouvait la détermination de son chef à vouloir s’amarrer sur l’histoire Troglobite. On y faisait couler abondamment des flots d’alcool dans les cornes ouvragées que se passaient entre eux les dresseurs de lamas. D’autres se racontaient les vieux mythes en cheminant entre les tentes, tout en jouant plutôt mal du baglama. Le jeune binôme avançait dans ce cirque sous la poussée des lances qu’on piquait dans leurs reins, des épées placées contre leurs cous, alors que les fumées nombreuses partaient haut dans le ciel pour aller saloper la blancheur des falaises de craie. Des fumets de rôtis parfumaient l’atmosphère du spacieux cantonnement, tout comme la mort et le carnage imprégnaient chaque recoin de ce dangereux pré.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:39:28
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talbazar
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Posté le 10-04-2016 à 08:53:16  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie - Extrait numéro 79.

 

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Plus le ventre de Cassandra s’arrondissait, plus Babette maigrissait. Cette dernière n’en pouvait plus de voir sa collègue aussi remplie de bonheur. Après le suicide finalement très réussi de Véronique Bayard par saut du haut d‘un pont, Jason avait viré Edouard Grasset pour manquement à sa déontologie de psychiatre ; Babette n’avait donc personne à qui confier ses états d’âme. Elle passait beaucoup de temps à l’acceuil, puisque le docteur Halrequin ne désirait plus employer de stagiaire. Les préparatifs du mariage de Cassandra avec le patron battaient leur plein et la cérémonie promettait d’être somptueuse. Jason avait même réussi à louer la totalité du lac pour cette journée, afin d’y organiser une course internationale de yachts qui assurait d’être épique. Toute cette luxueuse débauche, promesse de tant joie pour le couple chanceux, remontait sournoisement le nerf pneumogastrique de Babette jusqu’à son estomac, ce qui lui provoquait à la longue un méchant ulcère. Quand à lui, Adam Gründ ne voyait rien et semblait seulement préoccupé à la sauter dans les recoins les plus obscurs de la clinique Saint Bernard. C’est un soir où il suggéra en riant que le docteur Marabout pourrait peut-être se joindre à eux dans le plumard, que Babette le menaça sans rire de révéler leur liaison secrète à sa femme. Elle monta s’isoler pour pleurer comme une madeleine dans la 287, l’ancienne chambre de Gwendoline que Jason avait décidé de garder strictement en l’état, comme une romantique capsule de temps muséographique, puisqu’elle contenait encore un certain nombre d’objets ayant appartenu à la malheureuse infirmière. Il comptait bien y organiser dans une vingtaine d’années quelques visites guidées tarifées, où les clients ravis s’extasiraient sur les piles d’anciens magazines people posées près du lit. Le téléphone de l’infirmière sonna, c’était Adam qui lui demandait de le rejoindre dans sa garçonnière située en centre-ville. L’acide se mit à ronger encore un peu plus la cavité abdominale de Babette, mais la mort dans l’âme et le cœur au bord des lèvres, elle s’y rendit quand-même. Pas de doute, se disait-elle en montant l’escalier qui le menait à lui, pour Adam, le bonheur, ça s’additionne. Mais pour elle, le conte de fée se montrait trop cruel, elle désirait l’exclusivité et comptait vraiment le mettre au pied du mur. Contrairement à son habitude, il n’avait pas enfilé son peignoir gris. Son barbu l’invita à rentrer avec un sourire un peu trop chaleureux, mais Babette n’était rien d’autre qu’une petite bulle fragile pleine de rancœur à son égard. Une simple tentative de caresse de la part de son amant la ferait sans doute exploser, et il s’en rendit compte. Avec une démarche peut-être un peu trop nerveuse, il alla donc plutôt leur chercher deux verres dans la kitchenette.

 

– Greffe-toi ça dans l’oreille, Adam, ta femme doit savoir à présent. Si tu ne lui propose pas le divorce ce soir même, en ce qui me concerne, mon corps est décidé à te gommer à jamais.

 

– Tu as sans doute raison, Babette, nous avons construit notre relation sur le mensonge, c’est pas terrible. Mais je préfère tenir Jennifer en dehors de notre histoire d’amour. Nous allons nous séparer, elle et moi, bien entendu, je te l’ai dis, mais elle n’est pas obligée d’en connaître la véritable raison, après-tout. J’ai des doutes sur la maturation de ses zones cérébrales. C’est une femme très fragile. Bien sûr que je te sais en souffrance, mais ce n’est pas une raison pour que je sacrifie Jenny aussi brutalement, elle n’y est pour rien. Un peu de patience, bordel.

 

– Je trouve personnellement que cette histoire suffit, j’ai ma dose, tu me mènes en bateau depuis trop longtemps, et d’ailleurs je compte bien l’appeler, avoir une conversation avec elle, pour qu’elle cesse de prendre ses désirs pour sa réalité, qu’elle sache quel genre de faux-cul tu peux être. Rien d’autre qu’un vulgaire obsédé sexuel qui me prend en fin de compte pour une pauvre pomme. Je te quittes, Adam, mais je peux te jurer que ta Jennifer, elle saura pour nous deux.

 

– Allons, il faut que tu cesses de dramatiser, puisque je te dis que bientôt, nous serons vraiment ensemble. Ta révélation aurait pour sa santé mentale des conséquences vraiment désastreuses, tu n’as pas le droit de faire ça. Ce qu’il est nécessaire d’établir entre nous, ce sont d’abord des paroles d’adultes. Tu as tellement changé depuis la mort de ta collègue Gwendoline. Tiens, boit un verre. Il lui versa un doigt de Martini rouge.

 

Babette l’avala cul-sec, en regardant Adam avec un air mauvais. Toute la pièce bascula aussitôt autour d’elle. Son ulcère explosa dans son ventre pour former un feu d’artifice douloureux, elle tituba et tourna de l’œil, prise de panique par une accélération affolante de son rythme cardiaque. Elle eut la certitude que son cœur était en train de lâcher. Adam la regardait à présent sans bouger avec une expression féroce. Il observait sa maîtresse affolée faire des geste désordonnés pour tenter de rester debout ; les yeux révulsés, elle cogna sur la table basse en agitant les bras dans le vide, avant de s’effondrer lourdement sur le tapis. Alors il se pencha sur elle, pour s’assurer qu’elle était morte. Il l’embrassa doucement sur la joue, comme un père le fait pour protéger le sommeil de son enfant malade.

 

– Espèce de petite conne, je l’aimais bien, moi, mon gros mensonge.

 

Il roula dans un tapis le corps de Babette, empoisonné en trente secondes par un mortel et savant coktail de médicaments, puis le poussa à toutes forces sous son lit. Il attendrait la nuit profonde pour s’en débarrasser. Ensuite, il rinça soigneusement les verres dans l’évier, avant d’appeler Jennifer pour lui dire qu’il quittait la clinique et qu’il avait hâte de rentrer à la maison. Ses doigts ne tremblaient plus. Il barra son meurtre au fond de sa raison derrière un épais mur de brique, puis il poussa un profond soupir de soulagement, enfila sa veste et éteignit la lumière. En rentrant chez lui, il jeta un œil sur une lettre qui trainait par terre dans le salon, tout près du canapé. Il reconnu aussitôt avec effroi l’écriture de Babette, mais il mesura surtout l’ampleur des révélations de ce griffonnage en voyant Jennifer s’approcher de lui, un révolver fermement tenu à la main, celui dont il s’était muni pour se protéger d’un éventuel cambrioleur. Jennifer ne prononça même pas une parole, mais elle tira deux balles sur son mari, dont l’une l’atteignit en plein cœur. Calme et résolue, la femme du chirurgien alla s’asseoir sur le sofa, puis elle appela la police. Elle avait seulement eu peur d’être trop maladroite, mais finalement la chose ne s‘était pas montrée trop compliquée. Il y avait plein de sang éclaboussé autour du cadavre de son homme, et pourtant, elle n’arrivait pas à trouver ça dégoutant. Le commissaire Mensinq trouva la pauvre Babette le lendemain au domicile secret du docteur Gründ, aussi satisfait de ces doubles meurtres qu’un concessionnaire automobile après une vente saisonnière record. La clinique Saint Bernard, ce n’était plus un simple fond de commerce artisanal, mais une entreprise criminelle qui avait la puissance de feu d’un holding international.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:42:07
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talbazar
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Posté le 10-04-2016 à 14:28:01  profilanswer
 

hélas, nous arriverons bientôt au dernier extrait de "Moins belle la vie", mais le salon littéraire de la M.E du P.T ne saurait se priver d'un bel ouvrage inclus dans sa section romantique. Nous quitterons donc l'admirable corps médical pour grimper, par hasard, vers le septième ciel au côté d'une charmante hôtesse de l'air, ou derrière, ou devant, comme on veut, mais dont j'ignore à peu-près tout de l'histoire pour l'instant.

 

En remerciant au passage mes deux petits salopards de fidèles, tenaces, courageux et incroyablement indulgents, mais qui font que je ne peux plus me barrer.

 


Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée - Extrait numéro 01.

 

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Lorsqu’elle repensait à son tout premier vol, Shirley Cebiène ressentait toujours la même émotion. Bien entendu, il ne s’agissait que d’une petite barre chocolatée, mais son passage en caisse à 13 ans avec la friandise coincée dans sa culotte l’avait marqué à jamais. Plus tard, lorsque elle était devenue hôtesse de l’air pour la compagnie Petro Jelly, elle avait renoncé à s’offrir ces petites douceurs sur sa ligne régulière, pour ne pas alourdir l’avion en prenant trop de hanches. Ce qui ne l’empêchait pas de carotter encore à l’occasion quelques flacons de parfum dans les duty-free. La Petro Jelly n’était pas une de ces compagnies low-cost qui pullulent sur le Hub de Roissy, avec des zincs remplis de bouseux au bas QI qui copulent comme des porcs en douce, dorment dans les couloirs, oublient leurs chaussettes ou leur slip sale, parlent trop fort, boivent leur pinard à la bouteille ou transforment en partant les sièges en déchetterie. De sales petits branleurs qui s’imaginent déjà en train de dégueuler leurs tripes à Phuket. Les voyages, c’est d’abord des rencontres. La PJ, c’était 154 escales dans 69 pays, 90 avions transportant 20 millions de transitoires souvent bien élevés, avec tout les atouts d’une demi-major. Il fallait être bien cynique ou vraiment tordu pour comparer augmentation du trafic des drogues et augmentation de trafic passagers. Sans compter que tous les millièmes atterrissages réussis sans crever un pneu, la compagnie offrait gracieusement par tirage au sort à l’un des chanceux un stage de pilotage sur quad en Auvergne. Même si l’équipage qui composait les collègues de Shirley accaparaient généralement très habilement à leur profit ce fameux bonus des Mille, en le déplaçant le plus souvent vers la Floride. Steven Eight, la quarantaine grisonnante, était le commandant de bord de son long-courrier, secondé par le copilote Jack-André Tyler, de dix ans plus jeune, mais déjà chauve à cause du casque. Quand au PNC, les hôtesses Pamela Good, Lola Dream, Wanda Vasline assuraient le service des premières classes et Shirley celui des secondes, avec Summer Undergodmitche, Kim Kosanshian et Victoria Raybrune. Loraine Careaway était chef de cabine principal et Kinni Quelpapishi chef de cabine. Les autres hommes du bord étaient Kurt Uppe, qui avait grade de chef-steward, et Steward Steward, le steward si bien nommé. Les filles disaient que si la compagnie exigeait un steward par sortie de plein pied, elles avaient dans l’avion deux stewards par sortie de connerie, mais ce n’était qu’une innocente blague amicale. En règle générale, pour parvenir à se faire comprendre par tout ce personnel aux origines hétéroclites, on employait l’espéranto, certainement plus efficace que l’anglais, à cause des accents incroyablement variés. Quand aux passagers, on s’arrangeait en général pour qu’ils la bouclent en leur présence, par mesure de tranquillité, plus que de sécurité. Sous peine de faire ceinture sur le dessert, ce qui probablement en arrangeait certaines, en guerre avec leurs bouées. Ils tiraient un peu le masque, mais ils obtempéraient. Ainsi à la PJ, on volait généralement en silence.

 

Shirley faisait donc corps avec ce sympathique personnel volant embarqué depuis déjà pas mal d’années. Excepté le vol de plusieurs couvertures et de quelques instruments de bord, on n’avait jamais rien eu à lui reprocher. Elle exerçait son métier d’une manière exemplaire, surtout les jours où Steven décidait de fêter son anniversaire en faisant voler l’Airbus pratiquement sur le dos, tout en laissant par principe Jack-André rattraper le coup. La partie supérieure du fuselage et la dérive du gros porteur de Shirley n’était pas peinte comme les autres, mais sculptée, parce qu’on avait voulu donner sa chance à un artiste contemporain. La grande expérience acquise de Steven permettait heureusement à l’avion de voler à peu près droit, mais ce n’était pas faute pour lui d’avoir longtemps pesté contre cette initiative à la con, décidée sans lui dans les bureaux par les pros de la communication et les pontes de la Petro Jelly. On diffusait sur les vidéos des films africains, entrecoupés d’avertissements concernant le tourisme sexuel, comprenant bien entendu le témoignage d’anciens ministres d’un pays ami. La robe élégante des hôtesses s’harmonisait d’une façon merveilleuse avec la couleur des sièges rose-bonbon. Une couleur qui à chaque voyage faisait déclamer à l’un des touristes un « salut les Barbies ! » hilare. Les costumes des stewards étaient roses aussi, mais les passagers qui osaient charrier les gars n’étaient jamais les mêmes. Shirley entretenait une relation suivie avec Steward, un type aussi gourmand que décidé, mais il était hors de question pour elle de se faire entretenir. Elle avait donc grand soin de protéger pied à pied son indépendance, encore plus farouchement qu’un cathare de Montségur en 1244. Elle cédait cependant rarement à la tentation du steward de s’unir à elle en plein ciel, près des traces de colon, en dépit des risques encourus et clairement prévus par le règlement. Sans compter que l’hôtel restait sans doute bien meilleur du point de vue des services d’après coïts. Un petit coup rapide qui posait en réalité bien plus de difficulté  à mettre en œuvre qu’à la SNCF, mais qui ne manquait jamais de piquant. La vérité du secret de la longévité de sa relation avec Steward résidait probablement dans le fait qu’il était ambidextre, et pouvait ainsi se permettre de faire plusieurs choses au même instant, à la fois de la gauche et de la droite. Veiller en continu sur le bien-être et la sécurité des voyageurs, tel pouvait-on succinctement résumer le leitmotiv du métier, dans un environnement confiné où il était, pour Shirley et son amant, forcément plus nécessaire d’agir que de penser, en employant indifféremment pour parvenir à ce but sacré l’une ou l’autre main.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:45:28
n°45438060
talbazar
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Posté le 13-04-2016 à 16:15:19  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith -  Extrait numéro 19.

 

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– Il faudra que j’y retourne sans demander son avis à Strazdinovsky, déclara Martin au bout d’un moment. Evidemment. Je ne sais pas ce qu’il cache, mais cet endroit ne m’a pas l’air aussi rose qu’il en a l’air.

 

– Très peu pour moi, apporta Vaya en réponse, tous ces vieux riches logés, blanchis, ça m’a filé la chair de poule !

 

– Te moques pas des poulettes, j’en ai connu des plutôt fières. Personne ne pouvait dire si Guy était en train de blaguer ou pas.

 

La balle traversa brutalement le pare-brise pour passer à quelques centimètres de la tête de Vaya. Afin d’éviter la prochaine, Martin devait réagir en une fraction de seconde. Il fallait à tout prix rester une cible mouvante et le type avait tiré de face, aussi braqua t-il le volant pour se mettre à slalomer comme un fou sur la route. Deux autre projectiles traversèrent les portes arrières, Martin estima une grande prairie sur sa gauche, il accéléra pour bondir au-dessus du fossé et après une longue course, la voiture bloqua ses roues dans l‘herbe. On ne pouvait plus fuir. Quelques vaches qui paissaient non loin s’égayèrent en beuglant. Un coup de feu claqua encore, les passagers bondirent hors du véhicule, Martin sortit son nickelé pour riposter vers l’endroit d’où partait le son, mais il ne voyait pas son agresseur. Une autre vitre éclata. Une vache pourtant éloignée fut touchée et s‘écroula. Cette fois, le privé avait clairement distingué un éclair fugace, il essaya de viser et tira une autre balle dans cet axe, il devait cependant jouer l’économie de munitions et attendit donc une nouvelle giclée. Elle ne vint pas, mais il entendit un moteur démarrer, puis une voiture puissante sortit d’un chemin de terre pour s’enfuir à toute allure. Martin vida son chargeur dessus, au diable l’avarice, mais s’il fut certain d’avoir percé la carrosserie, il ne semblait pas avoir blessé l’unique tireur ; puisqu’on se rendit compte par cette fuite que l’enfoiré venait d’agir seul. Ils attendirent quand même encore longtemps avant de se mettre enfin à découvert. Trop occupé par l’action, le détective n’avait pas noté l’immatriculation, qui devait d’ailleurs être fausse et la voiture sans doute volée, on pouvait parier. Le constat le plus rassurant était que personne d’entre eux n’avait été blessé ou tué. Seule la vache couchée sur le flanc était visiblement raide morte et gisait dans l’herbe en tirant la langue.

 

– Eh bien, fit-il en enlaçant Vaya, notre petit théâtre nous joue des scènes dangereuses. Des fois, les premières loges ne sont pas les meilleures ! Gros Bill cherche à présent ouvertement à nous plomber, la vision des heures prochaines de notre petit séjour à la montagne est assez sinistre. Il va sérieusement falloir nous protéger. Notre connard tire mal, mais il aurait pu insister, il avait ses chances de me raidir, peut-être voulait-il juste nous tester ?

 

– J’ai failli m’en prendre une en plein front, Martin, ce gars voulait quand même tuer !

 

– Il nous attendait sur cette route précisément, je suis persuadé qu’il savait que nous venions de quitter les Flocons d’argent, d’ici à penser que ce Strazdinovsky l’a rencardé…

 

Les yeux de Vaya se perdirent sur la campagne désormais tranquille qui les entourait. Les affres de la peur se lisaient encore sur son beau visage. Martin laissa un peu trainer ses mains sur sa chute de reins. Puis il fouilla un peu dans la petite cascade de ses cheveux noirs qui devenaient longs. Il réfléchissait pourtant intensément à leur situation. A part le fait qu’elle ressemblait à présent à une passoire, la voiture était toujours fonctionnelle, mais la ramener sur la route présentait une véritable gageure, et le fossé formait à présent un véritable obstacle. Coup de bol quand même, se dit Martin, ni le moteur ni les pneus n’avaient morflés. Guy Ness jura plusieurs fois, histoire de rajouter du contenu sur leur situation. En vérité, cet assaut inattendu et violent les avait tous salement enfiévré. Par chance, les roues dégagèrent sans trop de peine. Secoués par les chaos, ils se remirent en route en longeant la route, puis ils sortirent du terrain enherbé par l’entrée du champ, avant de retrouver enfin le bitume.

 

– Le meilleur moyen de contrarier les projets de Gros Bill est de prendre les devants, seulement, je ne vois pas comment. Une chose semble évidente, on ne peut pas rejoindre le chalet pour le moment, un de ces abrutis doit nous y attendre de pied ferme, la main sur la gâchette.

 

– Justement, puisque tu t’en doutes, faut qu’on y retourne, en prenant nos précautions. Un homme averti en vaudra toujours deux.

 

– Dis-donc, Guy, te voilà bien pressé de rentrer, tout à coup. C’est pas plutôt que tu manques de pistaches, si tu crois que je compte me faire dessouder pour tes coups de foudre gustatifs ! Tu en becquètes tellement qu’on se demande comment tu fais encore pour voler. Le pire, c’est que tu as finalement raison, sur le fond comme sur la forme. On ne va pas se faire déborder par ces monstres, mais le retour à la maison risque d’être assez mortel. En tout cas pour eux, je l’espère.

 

– On ne peux pas savoir s’ils ont relevé notre adresse, mais si oui, en attendant la nuit, on a plus de chance de les surprendre et de les balader. Ou alors, tu appelles les flics.

 

– Pas encore, Vaya, pas encore.

 

Elle ne connaissait pas tout de lui, mais Vaya en savait suffisamment pour deviner que la dernière option ne serait pas à l’ordre du jour. Pas certain qu’avec une telle obstination, ils puissent encore longtemps prolonger les vacances sans finir à l‘hôpital ou au cimetière. Martin tenait son volant, mais leurs yeux se croisèrent en un rapide jeu de miroirs amoureux. Elle constata que le complet chic de son amant, chiffonné et terreux, ne ressemblait désormais plus à grand chose.

 

– Il n’y a rien qui t’effraie, hein Martin ? T’en as finalement jamais rien à foutre de faire couler le sang ?

 

– Du moment que ça n’est pas le mien. Ou le tien.

 

– Et alors, fit Guy, j’ai quoi dans les veines, moi ?

 

– Du jus de pistache, enfoiré.

 

Le perroquet battit des ailes pour se poser sur l’appui-tête, derrière la tête de Vaya. Le vent qui passait par le pare-brise sans vitre ébouriffait ses plumes grises.

 

–Va moins vite, Martin, là où tu nous emmènes, je le sens d‘ici, ça pue vraiment l’homicide.

 

Sous les regards trop curieux des clients qui détaillaient entre eux les multiples impacts de balles fleurissant la voiture, ils prirent de l’essence et se garèrent un peu à l’écart sur le parking d’un hypermarché pour y attendre la nuit. L’endroit tombait à pic pour Guy, vu que là-dedans, ils vendaient certainement plein de pistaches. Pour se remettre de ses émotions, il déclara en avoir grand besoin.  

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:46:57
n°45447968
talbazar
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Posté le 14-04-2016 à 14:11:57  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
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Aujourd'hui : Moins belle, la vie - Extrait numéro 80 et fin.

 

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Cassandra L’Harmattan déambulait avec une certaine difficulté dans le capharnaüm du couloir Casanova, au côté des docteurs Marabout et Fayard. Alors qu’ils se dirigeaient vers la morgue, elle se frayait un chemin malaisé dans l’allée à peine praticable, tellement heureuse. L’absence temporaire mais effective d’un personnel d’acceuil et la longue immobilisation forcée de Jason avait fait naitre une certaine atmosphère de confusion au sein des services, et chaque locomotion au sein de la clinique engendrait désormais une impression de désordre, en particulier du côté des urgences. Cassie poussait quand même avec détermination son gros ventre en avant, en louvoyant entre les civières, les parents angoissés, les chariots, les pompiers, les infirmières, les perfusés, les infusés, les refusés, les hommes en blanc plongés dans leurs dossiers, les grands vieillards couchés atteints de Troubloïd. Ses jumelles en gestation lui dégageaient le terrain, puisque cette matrice bombée comme une proue de navire obstinée exigeait de tous un semblant de priorité, et c’est le cœur plein d’allégresse qu’elle descendit au sous-sol pour aller voir les corps de Babette et de son amant. Hélas, bien que cordialement invités, la brune infirmière et l’éminent chirurgien n’assisteraient pas au mariage de leur directeur avec l’aide-soignante, en raison des circonstances épouvantables qui venaient si brutalement de les éliminer. On tira les tiroirs du congelo pour offrir aux visiteurs la vision des deux cadavres inertes et froids. Le tueur et sa victime réunis côte à côte, aussi dénudés qu’Adam et Eve dans leur paradis. D’ailleurs, le docteur Gründ ne s’appelait-il pas Adam, précisément ? Un premier fils de Dieu un tantinet machiavélique, tout de même, puisqu’il n’avait pas hésité à assassiner sa malheureuse concubine, avant de se faire larder de plomb par sa chère épouse. Un peu de givre maculait la barbe du viking, et il semblait que la poitrine généreuse de Babette avait encore grossie. La vision macabre de ces morts qu’elle avait bien connus et si souvent côtoyés laissa dans l’esprit de Cassandra son quota d’amertume, mais elle serait bientôt doublement mère, future mariée et femme au foyer comblée. Somme toute, Gwendoline avait perdu tout espoir de liaison avec Jason par un malheureux coup du sort, Babette par abandon, égarée dans une attache sulfureuse et mortelle, alors que Cassandra se voyait toucher le pompon en devenant incessamment l’heureuse épouse du docteur Halrequin. Un statut très honorable qui remplirait sous peu les jardins de la clinique Saint Bernard de roses et de bonzaïs fabuleux. Après avoir doucement repoussé les casiers, ils quittèrent en silence le couple maudit plongé dans son affreux sommeil.

 

– Mademoiselle Cassandra L’Harmattan, consentez-vous à prendre pour époux Monsieur Jason Halrequin, ici présent ?

 

– Oui.

 

Ce mot que la pauvre Gwendo avait si souvent tourné en boucle dans sa jolie tête blonde, c’était désormais à Cassandra de le prononcer fermement, et son cœur en le disant avait débordé d’une félicité incommensurable. Le mariage aux trois mille convives fut en effet une réussite complète. De sa retraite lointaine en monastère tibétain, le père Albin Michel envoya une lettre exprimant au époux tous ses vœux de bonheur et ses encouragements, mais Cassandra la froissa immédiatement après l‘avoir reçue. Toutes les chambres de la clinique s’égayèrent pour l’événement de fleurs splendides et de ballons colorés, alors qu’un menu spécial arrosé de champagne fut spécialement concocté pour les malades aux anges, à l’exception hélas de ceux du service gastrologie et souffrant de foies trop gras. Comme prévu, le lac privatisé pour la journée s’encombra de yachts magnifiques, sur lesquels on organisa des fêtes somptueuses illuminées le soir de savoureuses prouesses pyrotechniques. Cassandra habillée d’une belle robe blanche survola joyeusement ces agapes aquatiques aux côtés de Jason, tranquillement concentré sur les commandes de son nouvel hélicoptère. La seule ombre au tableau, qu’il gardait soigneusement pour lui, provenait de sa crainte de la voir accoucher dans l’appareil. Non pas une fois, évidemment, mais deux. Elle attendit cependant soigneusement l’atterrissage pour le faire. A peine mariée, elle mit donc au monde deux splendides filles merveilleuses, aussi rousses qu’elle, Déborah-Alexandrine et Marie-Eve, l’une qui deviendra plus tard héroïnomane chronique et terminera sa vie sur le trottoir et l’autre qui moisira en taule pour longtemps, à cause de ses énormes détournements de fonds au sein d’une grande compagnie d’électricité. Mais pour l’instant, elles comblaient leurs parents du bonheur d’avoir donner la vie.

 

 Cinq années d’un rêve continu passèrent ainsi, à voir grandir les jumelles dans le mirifique chalet des alpes suisses. Trois ans après son mariage, Jason avait revendu la clinique Saint Bernard pour un beau pactole aux docteurs Fayard et Marabout, associés de fait dans cette nouvelle aventure. Etouffés par les dettes, ils finirent par se déclarer en faillite et tout leurs actifs liquidés, mais cela ne concernait plus l’ancien directeur. Le docteur Halrequin vivait au contraire à présent très confortablement du fruit de ses multiples brevets et des innombrables conférences qu’il donnait continuellement à travers le monde. Lorsqu’il rentrait enfin chez lui pour un temps limité, après la remise pour elle d’un nouveau cadeau fabuleux, il transformait cependant les nuits de Cassandra en parcours du combattant, car les coups de force de son bourrin de boss ne parvenaient jamais à la satisfaire. Comment aurait-il pu rivaliser avec toute la magie sensuelle que lui avait autrefois prodigué son regretté Jean Flammarion ? Il était à présent avéré pour Cassie que malgré tout les efforts qu’elle pouvait mettre en œuvre, son mari la baiserait pour toujours comme un pied. Elle se faisait cependant une raison et reportait toute son affection sur ses petites filles strictement identiques. Il fallait bien rendre justice à la magnificence du panorama montagneux qu’elle découvrait chaque matin en ouvrant ses volets. Il était jour après jour nécessaire pour Cassandra de conjuguer savamment le privilège contemplatif d’une vie luxueuse et la misère de sa sexualité, que Jason avait le don de transformer à chaque fois en simples et ultra-rapides bandes-annonces, y compris les ennuyeux génériques. Elle maquillait en souriant une vie qui faisait sobrement l’impasse d’une existence rongée par la frustration. En marchant sur le chemin escarpé qui menait au chalet, elle se disait que Jason serait toujours plus beau à rêver qu’à vivre, et son esprit voguait vers les délicieux flashbacks qui l’emportaient toujours vers Jean, dont la belle ombre enfuie à jamais planait sur chacun de ses jours maritaux. Une perpétuelle obsession du fric faisait croire à Jason qu’il menait une vie parfaitement créative, tout entier absorbé les jours de glande par le paysage isolé, dont la jouissance quotidienne lui coûtait somme toute une blinde. Il regardait charmé Cassandra promener ses filles par la main, et même si son amour pour elle avait un peu perdu de l’intérêt du début, il était encore ébloui par cette femme splendide et vertueuse, avec qui il partageait la plupart de ses dépenses somptuaires. En dormant chaque nuit à ses côtés, lorsqu’il n’était pas absent à l’étranger, elle peignait ses insomnies d’une admirable force contemplative. Il avait vraiment de quoi être fier de son coup du cœur parfaitement orchestré. Les Halrequin avaient du personnel de maison, une nounou bulgare pour les filles et une femme de ménage française, une cuisinière italienne et quelques contractuels pour magnifier l’immense jardin. Trois belles voitures hors de prix dans le garage, sans compter le mécanicien chargé d’assurer la maintenance de l’hélicoptère, mais qui n’habitait pas à demeure. Malgré leur très jeune âge, Déborah-Alexandrine maitrisait déjà trois langues et Marie-Eve montait admirablement son poney personnel.

 

Un jour plus ennuyeux que les autres, Cassandra cessa de rêver de gorilles géants pour aller inspecter le bureau de Jason, histoire de voir si la française ne se serait pas contenter de flanquer les poussières sous le tapis persan. Les Français sont des gens tellement décevants. Et puis, de fil en aiguille, elle ouvrit les tiroirs, dont beaucoup du contenu la ramenait vers la clinique Saint Bernard. Des stéthoscopes, des publicités de labos, des fausses factures, des rapports médicaux obsolètes. Son célèbre héros blanc affichait là, au cœur de son repaire secret, une certaine tendance à nourrir un amusant fétichisme nostalgique. Mais sa femme pouvait néanmoins le comprendre, il avait été si longtemps le mandarin tout-puissant d’un établissement auquel il devait l’origine de sa propre fortune, en dépit des nombreuses difficultés surmontées. La moyenne entreprise de colliers en plastique qui venait de lui succéder à son emplacement n’aurait certainement jamais autant de charme pour son jeune PDG. Elle examina un dossier volumineux et racorni au nom d’un certain Jhonny Alité, un autre moins conséquent portant celui de Jeanne Hachette, une fiche volante concernant l’arrachement du bourrelet glénoïdien inférieur, un vieux prototype de boléro plâtré pour mannequin de mode, inventé spécialement par le maître de maison. En parcourant toutes ces affaires planquées avec une certaine anarchie dans les tiroirs et les armoires, elles s’amusait de découvrir des choses révolues qui résumaient si bien son mec. Et puis, elle tomba sur une petite boîte anodine que pour une raison étrange, elle tarda un peu à ouvrir. Elle entendit Jason qui la cherchait partout.

 

– Chérie, tu es là ? Je viens de trouver une combine admirable pour réduire nos mensualités de crédits.

 

Les mains de Cassandra tremblaient, son cœur battait la chamade, elle laissa échapper des larmes tièdes, en apercevant les initiales JF sur la petite chevalière masculine qu’elle venait de mettre à la lumière. Un ancien cadeau venant d’elle-même, mais un simple oubli de Jason, qui n’avait pas jeté cet anneau dans l’incinérateur avec le doigt de Jean Flammarion. Elle resta droite et figée, sans même chercher à assécher ses pleurs, ses yeux lâchèrent quelques flamboyances criminelles, et lorsque Jason se présenta finalement devant elle, Cassandra lui balança rageusement la bague en pleine figure.
                                               

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:49:07
n°45458608
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-04-2016 à 11:59:36  profilanswer
 

Salon des inventions.
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.
 
Aujourd'hui : L'attache mains libres.

 

https://zupimages.net/up/18/04/w14e.jpg

 

Selon la récente étude effectuée par l’institut de sondages profonds associé au salon de recherche de la Moyenne Encyclopédie, 99 % des lecteurs de cet article considèrent le pro-fesseur Talbazar comme un trou du cul. Nous dirons que ça tombe très bien, puisque cette constatation se voit être à l’origine d’une invention extrêmement pratique. Comme la plupart des hommes, l’inventeur de l’attache mains libres a très souvent les mains occupées, la gauche s’active, alors que la droite consulte les films ou les images, ce qui se montre peu pratique pour déplacer également un colis volumineux d’un point A à un point B. A moins de le pousser du pied, ce qui n’offre en réalité qu’une trajectoire désespérément aléatoire. Nous savons bien que d’autres lèvent le poing avec la gauche, pendant que la droite agite la banderole ou le drapeau, comment dès-lors pourrait-on véhiculer le moindre pavé, ou quelque cocktail Molotov ? Si l’on désire ici s’aider d’abord soi-même, il se peut également que l’on puisse aider les autres et donner au mot entraide sa vraie valeur, ainsi est née l‘attache mains libres. Le première chose à faire sera de débarrasser notre fameux progrès de toute feuille de vigne, pour parvenir à un salutaire sentiment d’ouverture à la science, sans se préoccuper de la moralité internationale. Nous avons ici pour but de pratiquer sans effort contraignant notre remorquage à tout prix, sans l’aide de nos mains, et nous nous y tiendrons. Dans une optique de cobaye strictement masculin, un premier essai a consisté à s’attacher un câble au pénis pour tirer 200 kg, hélas, nous avons seulement tiré ensuite les conséquences douloureuses d’une piteuse leçon, suivi d‘un terrible constat d‘échec. Nous touchions là évidemment une corde sensible. Nous avons cependant gardé le principe très pratique de la remorque à roues. Le glissement semble en effet incompatible avec un tel transport.

 

L’attache mains libres a été conçue dans un cadre strictement privé, l’état n’ayant pas voulu donner aux fonctionnaires les congés nécessaires à leur entrainement, et nous a coupé d’ailleurs toute subvention. Il faudra bien qu’un jour il revienne sur sa décision et prenne enfin ses responsabilités, puisque notre invention révolutionnera certainement le transport des dossiers d’un bureau administratif à un autre. Nous ne cherchons qu’à redonner du sens à l’engagement public. D’une manière plus générale, cette invention est vraiment destinée à soulager de fait tous les professionnels. Présentée au monde entier par le canal des télévisions, le remorquage individuel mains libres a toute de suite éveillé l’intérêt des armées, dans le but de promouvoir à sa façon le transport de groupe, contribuant à la formation d’un monde meilleur et plus pacifique. On ne voit d’ailleurs pas en quoi l’obligation pour un troufion de tirer une charge lourde avec son cul, alors qu’il tient en mains son fusil, transformerait le monde en un univers plus totalitaire. Pour la paix du monde, glissons une fleur dans nos fusils et l’attache mains libres dans nos trous de balle. Au final, à l’issue d’un discours introductif, la séance d’essai fut un énorme succès, et déboucha sur la lumineuse configuration d‘un simple système «plug and play», après avoir ameuté une foule de curieuses, éblouies par la traction. Nous avons toutefois abandonné l’idée d’un douloureux cerclage en aluminium. La surface lisse et glissante de l’attache anale en latex a été améliorée et crantée, car elle se montrait fort instable en présence de courants d’air abdominaux, ce qui nous a obligé en cours de route à de contraignants et multiples replacements du  dispositif, surtout avec des talons hauts. Un dernier cri, et hop, le facteur s’élance pour distribuer le courrier dans les boites à lettres d’une façon très rationnelle, car l’attache mains libres est bien l’invention qui va venir donner corps à son rêve. Quand aux particuliers : en route pour un voyage fantastique, qui permet de se faire les ongles, tout en déménageant sa volumineuse bibliothèque. On fera ses courses au supermarché en se passant de caddie, qu’on se le dise !

 

Le kit attache mains libres est donc un système ingénieux, composé d’une accroche anale thermo-stabilisée, d’un câble textile pré-étiré, de diamètre 3mm, résistant aux tractions moyennes, d’un crochet et d’une petite mais solide remorque à roues. Un simple resserrement de l’anus met en place l’efficace mouvement mécanique de remontage biologique, pour adapter la charge à son équivalence V/P, puisque vitesse et poids dépendent de la longueur du câble de remorquage. La mise en application est ensorcelante à voir. On se lance dans l’opération selon ce qu’on a dans le ventre, mais jamais avec les mains, puisque tout le monde en fin de compte à de l’énergie à revendre, à condition de bien vouloir aller la chercher. Ne fermons pas la porte à cette invention géniale qui révolutionnera peut-être le monde un peu trop clos du matériel agricole. Et puis, cartes en mains, transporter ses lourds bagages de cette agréable manière, ne serait-ce pas pour un touriste peu pressé la meilleure manière de découvrir les villes inconnues ?

 

NB / Les nouveaux acquéreurs de cette invention pourront se familiariser, au début, en s’entrainant à charrier une bouteille pleine de gaz.


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:51:28
n°45490260
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-04-2016 à 16:50:49  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 27.

 

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Un claquement sec résonne dans les frondaisons agitées, aussitôt suivi d‘un bruit sourd. Un énorme objet racle puissamment un tronc vrillé pour tomber, en arrachant au passage une multitude de feuilles clignotant dans un spectre orangé ; il s’écrase alors dans un nuage de débris végétaux en faisant légèrement trembler le sol. Tout autour du groupe, la forêt reprend immédiatement sa tranquille activité fantasmagorique.

 

– C’est une grosse graine ! hurle Charlie, en alertant les autres.

 

– Heureusement que ce truc est tombé à côté et pas sur nos têtes ! Lui répond Basile.

 

– Oui, lance Kishi, d’autant que la pesanteur est ici un chouille supérieure à la terre, d’ailleurs, la marche me donne mal aux guiboles, pas-vous ?

 

– Mheu non, ça c’est plutôt le voyage spatial. Vous qui bossez dans les transbordeurs, vous vivez moins vieux, tout le monde sait ça.

 

– Peut-être, mais on se fait des Eullars avec pas mal d‘avantages fiscaux, mon pote.

 

En dépit de sa taille gigantesque, la coque démesurée, avec un aspect extérieur jaune-vif et duveté, a toute l’apparence d’un fruit botanique normal. Mais sa dureté exclue l’idée même de son ouverture. Un coup de laser laché dessus par Charlie ne l’entame d’ailleurs qu’à peine. Juste assez pour constater qu’elle ne contient que du vide. On s’en éloigne prudemment, levant la tête où cas il y n’y en aurait pas une autre à se préparer pour le dangereux plongeon.

 

– L’eau monte encore et elle est chaude ! Emeline vient de plonger sa main dans l’eau de l’étang, dont les rives se noient maintenant dans l’écume sale d’une eau boueuse, à une vitesse qui s’accélère.

 

– On dirait un phénomène de marée, dit Jorg, en touillant pareillement la surface agréablement tiède aux doigts. Le vent a forci lui aussi.

 

– Cette jolie mare est tout ce qu’on fait ici en matière d’océans, en tout cas.

 

– Grimpons sur le tronc mort, il nous fera un bon observatoire, et je n’aime pas trop cette inondation. Sans même attendre leur avis, Arnold leur tourne le dos, aussitôt suivi par Jorg et Charlie. Emeline, Basile et Kishi n’ont d’autre choix que de les suivre et leur emboitent le pas. Il faut alors péniblement progresser entre les touffes aux formes étranges qui tapissent partout l’écorce pourrie. On dirait certaines feuilles géantes issues du croisement improbable de la fraise et de la rhubarbe. Parfois, les pieds glissent dans une sorte de gelée rougeâtre, une terreau nourricier translucide, ce qui arrache au maladroit un cri strident et fait s’envoler sur le lac une volée d’oiseaux magnifiques aux ailes d’or. Leur fuite disperse finalement avec grâce les volatiles dans les cimes multicolores. De petites fleurs transparentes ont soudain changer d’axe sur leur tige, comme si elles regardaient passer les intrus.

 

– On y est, voilà, encore un petit effort et nous sommes au point le plus haut de l’arche formée par le tronc.

 

Sous eux, les eaux ne se calment pas et les berges d’où ils viennent sont à présent complètement inondées. Sous la capuche collective d’une feuille géante, ils essayent de se mettre à l’abri du vent, devenu très désagréable. La bise transporte avec elle un nombre infini de petites créatures hiératiques, une sorte de plancton remuant qui tournoie sans cesse autour de l‘endroit où ils font halte. On peut analyser ces bestioles comme étant des bactéries géantes, habillées de couleurs éclatantes. Plus inquiétante devient l’ombre qui se distingue d’un coup en ondulant sa longue queue sous les eaux. La bête de couleur verte sombre qui se dirige vers eux doit avoir environs la taille d’un orque terrestre, si l‘on peut qualifier ainsi cette carnassière créature marine. Une petite lumière, rendue floue par la réfraction, semble briller derrière sa tête, ainsi que quatre courtes pattes qui ne servent visiblement pas à nager. L’animal n’y parvient qu’en de longs lacis vigoureux effectués par son impressionnante extrémité. Avec une tonicité inattendue, Basile décide de le scanner pour consulter son implant. Dans ce domaine des biotopes planétaires, de leur flore et de leur faune, les capacités de ses archives dépassent largement celles que peuvent offrir la connexion cervicale des autres. Question d’intérêt personnel. Usant de vérité dure et brutale, il leur délivre le nom de ce monstre, qui n’est encore qu’au stade de larve.

 

– Voilà un têtard d’Arozoar, strictement végétarien, mais le professeur Razablat explique que la grenouille qui en est issue est très férocement carnivore. Elle mange surtout les poissons de son environnement, comme les Bonnebouiles aux nageoires ventousées qui font parfois quatre mètres de long. Mais regardez, son aspect change, ses pattes poussent. Le corps s’agence en batracien, à une vitesse stupéfiante !

 

– Je me demande ce qui sera le mieux pour lui régler son compte, le Space Outlaw ou le lasergun Rogers ? Les deux seraient bons, là-dessus. A tout hasard, Charlie arme les deux.

 

Le têtard surgit brusquement hors de l’eau et ouvre une bouche édentée démesurément élargie pour s’emparer d’un buisson entier, qu’il avale en replongeant avec dans l’étang. Mais chacun a eu le loisir, pendant ce saut spectaculaire, de détailler le gros corps luisant de ce juvénile, dont la peau semble se détacher par endroits en lamelles, et qui non seulement est en phase finale de sa transformation, mais actuellement en train de parachever sa métamorphose sous leurs yeux.  

 

– Cette marée subite a provoqué le réchauffement du lac, sans doute sous l’effet d’une conjonction horaire des triples soleils, ce qui explique le vent fort. Nous sommes en pleine forêt, imaginez la puissance de ce vent sans cette protection ! Jorg se lance dans cette analyse comme s‘il n’avait trouvé que cette chose pour passer le temps. N‘empêche qu‘en disant ça, il donne des idées à Basile sur le même sujet.

 

– Ces rafales on probablement exercé un effet d’évaporation fulgurante liée à la montée des eaux. D’ailleurs, regardez !

 

Ils voient monter de la surface de hautes et fines colonnes de vapeurs, qui retombent ensuite vers le sol pour le napper d’un brouillard diaphane et bleu. On ne distingue plus du tout l’Arozoar, sans doute caché à présent au fond de l‘étang, où il règne sans doute seul depuis un certain temps déjà.

 

– Et puis, enchaine Emeline, laquelle s‘environne peu à peu du brouillard qui la masque, la bestiole vient de subir une métamorphose rapide, car elle a détecté des signaux lui indiquant les anormales variations du niveau de la mare ; stimulée par l’événement, elle perd sa queue et gagne quatre pattes.

 

–  Vous oubliez également ce truc-là, ironise Charlie en pointant le LG-Rogers sur la mare nuageuse : la bébêtte devient carnivore.

 


https://zupimages.net/up/18/04/oqgj.jpg


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:51:54
n°45502514
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 19-04-2016 à 16:45:23  profilanswer
 

Revue de presse.

 

Aujourd'hui : Exercice anti-radiations.

 

https://zupimages.net/up/18/04/paev.jpg

 

Revue de presse.

 

Aujourd'hui : TV Troulbled.

 

https://zupimages.net/up/18/04/of3c.jpg


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:53:25
n°45521275
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-04-2016 à 09:20:53  profilanswer
 

la machine à bonheur.
 
Je me lève tôt et chaque matin je matte cette vidéo, et elle me rend heureux.
 
On trouve un écran géant, on coupe le son et on le remplace par "spiritchaser" de Dead can dance"
 
et ça nous fait un pur yoga de la tête.
 
https://www.youtube.com/watch?v=jQioI9Sihhg

n°45523591
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-04-2016 à 12:15:30  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 

 

Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 55.

 

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Tahosétlafer-Ramassidkouch soufflait un peu. Depuis qu’elle était enceinte de Moisi, Schrèptètnuptèt s’enfermait à double tour dans ses appartements et ne voulait plus que son frère lui grimpe dessus. Maintenant qu’elle allait pondre l’héritier du royaume, l’acte lui paraissait superflu, mais cela permettait au mort-vivant de pouvoir enfin se reposer et de recoller ses dents. Cette stratégie de distanciation lui offrait un recul nécessaire et le rendait plus disponible dans sa tête cabossée et remplie de paprika. Son quotidien se pavait de mille difficultés, puisqu’une momie incarnée hérite des organes de son receveur, mais pas toujours dans le bon sens. Sans compter que Ramassidkouch avait déjà au départ le foie rendu bien pourri par l’excès de gnôle Mitanienne. Hélas, il ne pouvait conter à quiconque ses impressions, mais il savait que son organisme n’agissait pas toujours de manière adaptée. Il faisait semblant de respirer, juste pour faire plaisir aux autres, et ne devait plus s’attendre au moindre épanouissement social. Le voleur de temps dilapidait chaque jour son petit capital d’adaptation, et il se mit à éprouver par bouffées des humeurs assassines chargées de rancœur envers les vivants. Il se ruait alors sur le sel en quantité, alors que sa sœur préférait se bâfrer des gâteaux et des sucreries qu’on glissait sous sa porte. Le palais du régent, à Thèbes la jolie, avait quelquechose de mollasson. Depuis le départ de Mer-Amen Tesmich, les serviteurs se relâchaient et en prenaient plus à leur aise. Ils se cachaient moins pour voler les bijoux et la vaisselle en or. On en trouvait à copuler au lieu de piler le grain. En réalité, chacun ressentait dans ses chairs la vacance du trône de l’Egypte et comptait bien en profiter. Les devins s’étaient succédés au chevet de Schrèptètnuptèt pour surveiller sa grossesse, et l’un d’entre eux lui suggéra par inadvertance un régime minceur, avant de finir dans un crocodile, ce qu‘il n‘avait pas deviné. Partout dans le palais, ça sentait le riche et le bon goût, avec des types en robe échancrées aux cuisses ou coiffés avec de beaux torchons propres. Le soir dans les jardins de palmiers, les trafics à la lumière des torches étaient énormes, car là se partageaient les différents butins glanés dans la journée dans les poches de ces connards de bourgeois de la royauté.

 

Comme les patrons n’utilisaient plus la grande piscine décorée d‘ibis blancs, les domestiques et les délégués syndicaux avaient investi la place et prenaient de long bains à poil, après de spectaculaires orgies avec les blanchisseuses. Leur joie simple contrastait avec l’agacement des notables qui devaient rester debout comme des cons autour de deux trônes jamais occupés. Il se murmurait qu’il fallait faire revenir coûte que coûte Néefièretarée dans la capitale, car elle était à tout prendre moins pire que les deux nazes. Dévorée d’ennui, la noblesse statique inventa un nouveau jeu, qui consistait à se tenir les deux bras sur la poitrine, mais à continuer de faire des trucs quand même. Lassés de ramasser les morceaux de vases cassés, des esclaves retrouvèrent quelques vipères venimeuses glissées par des délégués dans certaines poches de pagne Hermes. Quelquefois, un jeune noble s’asseyait sur le trône et jouait au pharaon, pas longtemps, cinq minutes, histoire de faire le con, mais jamais devant les serviteurs, pour ne pas leur donner des idées. Les Hittites regardaient tous ça avec le plus total ravissement. Leur roi avait massé une grande armée à ses frontières, au cas ou l’Egypte serait bonne à prendre, sans même avoir à combattre. Les Hittites étaient de grands fainéants en matière militaire, mais ils avaient un don pour péter plus haut que le cul, parce que du sud de l’Egypte où il se trouvait, le général Merdenkorinnanâr se tenait informé de leurs mouvements par ses espions. C’est justement l’un d’eux qui l’informa de la grossesse de la belle-sœur de la reine, en lui donnant des nouvelles de Thèbes, la ville aux cent portes. Par ailleurs, Schrèptètnuptèt se demandait comment obtenir une procuration des pouvoirs de son fils tant que durerait sa minorité, et gagner ainsi les pleins pouvoirs pharaoniques. Si Néefièretarée s’obstinait à vivre encore, il faudrait qu’elle envoie Mer-Amen Tesmich la tuer, lorsqu’il en aurait fini avec le marchand de tissu. C’était bien des pensées de femme enceinte.

 

Les prêtres d’Anubis venus la voir décidèrent de virer le guépard royal, de peur qu’il ne lui refile la Toxoplasmose. Les antilopes et les singes se reproduisaient donc à merveille dans le palais, tout comme augmenta brusquement le trafic de viande d‘antilope et de singe dans les jardins, à la tombée de la nuit. La bonne conduite de ces affaires de marché noir se trouvait dominée par un Cimérien du nom de Jambier, qui s’y connaissait en boucherie au black. On atteignit ainsi l’équilibre des espèces sans l’aide du guépard, qui termina en chemise de nuit pour homme, fourrure à l’extérieure. Schrèptètnuptèt caressait son ventre balloné, toute remplie de l’espoir de règner au nom d’Isis, dont le hiéroglyphe de bon augure  signifie «le siège». C’est tout juste si elle arrivait encore à arpenter la cour péristyle de Karnac avec son gros bide, alors que Tahosétlafer-Ramassidkouch faisait se battre les esclaves à mort entre eux, histoire de faire le ménage. Ces combats semblaient l’amuser de plus en plus. Les antilopes et les singes se mirent donc un temps à proliférer, puis on légalisa la vente et la consommation de leur viande et tout rentra dans l’ordre. Même les gardiens de l’enceinte postés devant les portes massives ne laissaient entrer que les blondes non accompagnées, tellement ils étaient corrompus. Ils croisaient leurs longues perches, comme ça, et toi tu passes, toi tu ne passes pas. Sans doute cette déliquescence du pouvoir vint remuer aux tripes Tahosétlafer-Ramassidkouch, puisque d’un certain côté, il était roi par interim, mais peut-être aurait-il péter un plomb en lingot de toute façon, vu qu‘il n‘allait pas très fort. Il déboula l’étroit escalier aux murs de briques jaunes, une lourde massue dans la main. Son enveloppe charnelle réclamait désormais du sang. Il plissa son mufle rugissant en laissant filer de la bave entre ses crocs serrés. L’objectif pour plaire aux dieux étant de taper dans la gueule du premier venu, il croisa une petite aide-cuisinière, toute mignonne, avec ses grands yeux étonnés, puis subitement horrifiés, lorsque la momie lui écrasa sa jolie caboche.

 

– Tu vas dans la cuisine ?

 

– Oui, je suis en retard.

 

– Paf !

 

Mais ce geste ne suffisait pas pour calmer l’ex-vizir zombifié. En connexion directe avec Seth, il éprouvait à présent l’immense besoin de faire un massacre dans le petit personnel, et c‘est ce qui arriva. Non seulement il était à présent immortel, mais il se voyait bénéficier d’une force décuplée. Il laissa un bon nombre de domestiques sur le carreau en faïence, avant de pouvoir enfin se calmer et se sentir moins mort. Il suffisait aux pauvres victimes de dire qu’ils avaient un crédit à rembourser, pour que Tahosétlafer-Ramassidkouch baisse son arme et laisse aller. Mais chacun commenta cet accès de folie meurtrière à sa façon, sans finalement fournir d’explications. Schrèptètnuptèt se demanda un instant si elle ne devrait pas mettre son frère en cage, car elle n’en avait pas encore fini avec lui. Selon les scribes, elle pourrait se prévaloir d’une certaine prééminence sur le trône, en devenant première épouse de Ramassidkouch, alors que Néefièretarée n’en serait plus que la deuxième. Seul compterait alors Moisi dans l’héritage légitime du pays. Elle avait besoin que le roi reste en vie et la déclare sa première épouse, mais aussi pour qu’il reconnaisse l’enfant comme étant de lui. Le sang royal Egyptien ne fait jamais qu’un seul tour. Sans compter que politiquement, il assurait. Puisque les trois-quarts des domestiques survivants s’étaient égayés sans retour dans le désert, il avait fallu réembaucher un grand nombre d’esclaves et de portiers, ce qui faisait dire à Thèbes que le roi cassait le chômage, un bon truc pour la notoriété de la prochaine dynastie.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:14:54
n°45546779
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-04-2016 à 13:48:35  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 05.

 

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La résidence de Raklur de Bidet était une yourte de peau blanche gigantesque montée sur quatre roues, et tirée par un attelage un peu dingue de 246 lamas. Une petite terrasse circulaire l’entourait, fermée par une rambarde en bois. Un peu de fumée qui sentait le canna s’échappait du toit pointu, grand ouvert sur l’extérieur, une piaule mobile qui devait moult coûter cher en chauffage principal. Deux cochers postés à l’avant, près de la porte unique, agitaient de longs fouets qu’ils faisaient claquer au hasard sur les culs des lamas. La yourte du rebelle se déplaçait de cette façon lentement, comme d’ailleurs tout le reste du campement, ainsi que s’en rendirent enfin compte Agrippepine et Monoïsurmékos. Car même les tentes illusoires étaient montées sur roues. Par ce moyen, on s’approchait lentement de Bozob, avant de  pouvoir l’attaquer. Il fallait donc avancer au rythme des chariots et espérer un ralentissement pour grimper au passage sur la yourte du chef. Maintenant rendus au pas de course, le couple commençait à trouver que la ballade commençait à gonfler durement, lorsqu’ils reçurent conjointement un coup de fouet qui les embarqua relativement vite, juste à l’entrée providentielle de l’abri ambulant. L’antre de Raklur de Bidet puait entre autre le patchouli, et lui même blairait beaucoup également. Les yourtes des nomades de la vallée de Bogland, c’est bien quand on n’a pas de nez et qu‘on ne sait vraiment pas où dormir. Au milieu de ces cabanes roulantes, des centaines de chevaux se donnaient la course entre les rangs de véhicules, un jeu qui faisait prendre au passage pleins de gamelles dans la gueule, lorsque la mère de famille avait exposé sa vaisselle luisante à l‘extérieur de sa roulotte, pour servir de rétroviseur au cocher, quelquefois son vrai mari. En gros, on aurait pu se croire en tout point au milieu d’une tribu nomade de Zgomatix, du lointain pays de la Godée. Un rideau s’ouvrit pour leur livrer un passage vers Raklur, lequel les attendait assis sur un trône surélevé près de son plumard. Agrippepine trouva que l’ambiance générale faisait gardien de phare, surtout l’odeur hors côté fenêtre, c’est à dire près du pot de chambre, et puis on la poussa sur le sol pour qu’elle baise les pieds vénérés du roi des gueux. Il avait un col en épaisse fourrure et portait une longue cape rouge. Un curieux chapeau gris en poils de vigogne tombait largement sur ses épaules, alors que son corps se vêtait de larges pièces de peau de bison cousues grossièrement entre elles par des fils de laine, comme à la campagne. Sous son galure de trappeur, il portait librement de longs cheveux noirs lissés avec du beurre rance, mais sa barbe ne comptait que des poils blancs, car il les avait roulés dans la farine, en signe de royauté. Il tirait souvent la langue vers la gauche, exactement comme Monoïsurmékos, ce qui prouvait absolument toute parenté, le jeune homme en fut rassuré. Raklur se marrait en le voyant se tortiller de douleur, car on avait fermement liés les bras du Bozobi par derrière, maintenus par un bâton solide qui lui sciait à présent le dos. Un type au crane partiellement rasé l’obligea à lever la tête en lui serrant durement les cheveux. Des archers avaient pris place à l’entrée, derrière laquelle on apercevait de hautes piques garnies de cranes de lapins et de rats blanchis. Le souverain autoproclamé caressa un moment le dessus du bouclier de cuivre qu’il avait entre les jambes, selon les consignes du service de sécurité, puis il rejeta d’un air hautin un grand pan de sa cape flamboyante.

 

– Ben voyons donc, toé tabarnak de chti mongole de grosse matante, faut t-y en avoir du guts  pour venir me voir au milieu des gars de ma gang. Mais notez-zi, vous autres, l’a pas hésité une miette, cte gamin qui dit que c’est le mien. Wesh mon cousin.

 

– Mais ouais, gros tas de d’marde à face de pet, wesh, wesh, faut pas crisser poing dans face sur nous-autres, on est de bons chums en câlisse. Détache-moi donc, je suis ton fillot de bâtard, ostie d’criss, où va te faire mettre ailleurs, pauvre tata !

 

– Ayoye, wesh et moué, acré pisseur de raies bodybuildé, c’est tout pareil de même. Je m’appelle Agrippepine Dumuzdorsay, fille du roi Karbone XIV de Bozob et de la reine Naphtaline Dumuzdorsay, qu‘est y est du Périgard, une ostie de village caverneux. Juste à dire que là, chui la blonde officielle de ton ostie de fils, mais qu‘a ma pas encore pogné là, tsuu bizoune en-dedans, ben non voyons, tabarnak ! sinon ma mère, a va me péter la yeule au retour. Mon chum et moué, on a tout djuste frenché, non mais sérieux. Ayoye !

 

– Chicanez pas vous-autre, j’men va vous libérer. Y’a qu’une seule façon de savoir si tsu dzi vrai, c’est de subir l’ordalie devant Kramouille. Il tira une longue langue vers son oreille gauche. Subjugué, Monoïsurmékos fit exactement pareil. La ressemblance entre les deux fut vraiment frappante à ce moment-là.

 

Mais, insensible à cette affinité de tic paternel, Raklur n’avait qu’une décision, et le petit bâtard anorexique se prépara à subir le jugement divin, par le baston de fer chauffé à rubis, qu’il faudrait tenir en mains sans dommage aucun. Il lui plaisait mieux que Brakemar, ce père-là, parce qu’il avait un balaise de poignard qui lui barrait les couilles par coutume, mais aussi qu’il donnait à chaque instant la preuve de lui faire confiance. Or, Monoïsurmékos souffrait d’hyperhidrose, une désagréable transpiration excessive qui faisait croire à Aggrippepine qu’elle buvait du cidre à chaque fois qu’elle l’embrassait. Lui serrer les mains était comme de vouloir chopper une anguille de rivière. Il n’avait donc pas grand chose à foutre du pied de lit incandescent que Raklur dégagea du feu ardent pour lui présenter, menaçant et rouge, en prenant pour sa part protection d’une longue pincette en bronze. Il y eut un pschitt bref et un léger dégagement de vapeur au dessus du brasero, où Sigfried Anal de Nibelungen en profitait à côté pour faire cuire du boudin. Une fructueuse contrebande dans les bois de Tamerlaput enrichissait cette coalition rebelle et la nourrissait bien, sans compter les échanges des pelisses en peau d’élan. Sous un triomphe éclatant, le fils de Brakemar fut acclamé et porté au milieu des roulottes sur un grand bouclier. Car il était le fils du chef et que Raklur de Bidet avait une grande dague qui lui barrait les glaouis par tradition, et chacun savait qu’il saurait s’en servir à l’occasion, si on contestait sa paternité. Momo et son père tirèrent donc la langue dans le même sens, et Agrippepine ne fut pas violée. Le couple voyagea dans la yourte blanche, lovés près d’une penderie où rôtissait à feu doux quelque gros morceau de phoque des marais.

 

– Alors, qu’en penses-tsu dzi, chu t’y pas ton bon doux fiston là ? tu vois ben de même que je t’ai pas bullshiter, vu que notre bonne Kramouille, elle voit ben clair en nous autres à chaque fois qu‘on y demande, câlisse.

 

– A’m fait tout drôle d’avoir beau fils à câliner. Momo t’sais-tu ça, moé chui ton père en vrai. Faut pas que tu fumes du pot, pis faut pas bouère de trop à cheval, ossit. A feras gaffe que tu pognes pas trop à bizoune des filles. En tout cas pas plus de trois fois par jour. Sauf celles natives des grottes de Tchoukoutimi, là c’est pas pareil.

 

– It’s impossible ce que tsu dzi là ! Chui quasi en mariage avec ma blonde, comme t’en vois-tsu. A t’ren tsu compte ? la fille du roi Karbone, elle va se marier avec moué ! Nous autres on file en amour cleans comme le grill, pis moué, chu pas genre à fourrer.

 

– Rhaah, criss ! fais pas ton agace pissette, fiston ; ta poseuse de boules en devant, elle m’en fait juste une couple d’autres, là. Il remonta outrageusement ses braies au niveau de son entrejambe, pour signifier que le sujet était clos. A peine avait-il un fillot qu’il fallait déjà se taper les vaseuses diatribes d’un ado dévergogneux.

 

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Beau Week-end à todos.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:16:42
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Posté le 29-04-2016 à 17:41:13  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La jet larguée - Extrait numéro 02.

 

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Depuis que les professeurs des lycées ont pris l’habitude de trimballer leurs cours dans des valises à roulettes, les hôtesses de l’air ressemblent de plus en plus à des profs de lettres. En tout état de fait, c’était le cas pour Shirley Cebiène, qui galopait dans l’aéroport pour rejoindre ses collègues, en essayant malgré tout d‘apparaître intelligente, élégante, judicieuse, futée et chic, autant de signaux extérieurs concentrés en un seul sourire. Pas facile, vu qu’elle venait de flinguer son brushing en passant devant un réacteur. Ceci dit, elle était born to fly, et pour le reste, fallait pas l’emmerder. Elle serra le frein avant et fit crisser les pneus devant le local de la Petro Jelly où l’attendaient les autres, afin de démarrer le briefing d‘avant-vol. La politique de toutes les compagnies aériennes du monde est de brasser le plus possible son personnel, de manière à ce qu’une trop grande complicité ne vienne pas à détériorer le sécurité à bord. Ce turn-over du PNC avait lieu partout, sauf à la Petro Jelly, qui gardait dans ses appareils toujours le même personnel, dans une ambiance décontractée, familiale, mais respectueuse des consignes. Le commandant de bord avait les photos de sa petite femme scotchées bien en vue dans le cockpit, et le copilote celles de son chien ; eux-mêmes étaient devenus amis dans la vie et se bataillaient souvent au tiercé par esprit de compétition, en compagnie de leurs femmes et de leurs chiens. Steven et Jack-André avaient par ailleurs les mêmes goûts de chiotte en matière de décoration intérieure, avec pleins de trucs en fausse fourrure d’un kitsch à partir vivre très loin en caravane. D’ailleurs, Steven aurait voulu passer sa vie au volant d’un mobile-home, mais suivant l’avis de sa mère, il était devenu pilote de ligne, oubliant ainsi à jamais ses rêves aventureux au sud de Bordeaux. Ils prenaient tous les deux connaissances des données du prochain vol dans une pièce attenante, où Jack-André montrait au commandant la manière de faire un superbe avion en papier avec la feuille GP.

 

– Un jour, fit Steven en ramassant la feuille sur le sol pour la défroisser, tout ce que tu décolleras, ce sera des enveloppes.

 

– En attendant, le PJ 612 Paris - Kilapile, very spécial, d‘aujourd‘hui, faudra le faire avec moi !

 

Dans le second bureau, Loraine Careaway, Kinni Quelpapishi et Kurt Uppe partageaient la responsabilité d’attribuer les portes, lorsque Shirley s‘excusa pour son retard. Elle s’installa près de Summer Undergodmitch, laquelle poussait les hauts cris, parce qu’elle insistait à chaque fois pour qu’on la mette en queue.

 

– Ah tiens, Shirley, pour toi ce sera la porte 13.

 

– Ah merde, non, ça porte malheur. On trouve de l’oxygène de secours, à cet endroit-là, au moins ?

 

– C’est toi qui ne manques pas d’air, l’envoya bouler Kinni, qui détestait la cleptomane, parce que si tu n’as pas volé les bouteilles au dernier voyage, elles y sont toujours. On se demande ce que tu peux foutre avec cet oxygène. Bon, pour Lola Dream, la 08 et Wanda Vasline, la 05.

 

– On nous signale la présence à bord de ce vol d’une cargaison particulièrement sensible, dont la nature ne nous a pas été dévoilée, pour des raisons de stratégie politique, intervint gravement Loraine, en insistant pour demander attention et silence. Des agents des services secrets Boukistanais, au nombre de trois, seront donc présents aux places que je vais signaler. Elle fit passer à tous un plan d’occupation de l’appareil pour illustrer ses dires.

 

– Et qu’est-ce qu’elle fout l’armée ? Lança Wanda.

 

 Sans répondre, comme tout semblait ok, Kurt brassa ses feuilles et invita les autres à rejoindre le bus où patientait déjà le personnel technique. Kurt, c’était l’homme du devoir, un fanatique de la mission que sa pauvre épouse ne voyait jamais. Ils saluèrent au passage Ewing Balloon, le chef d’escale toujours affairé et tellement sollicité qu’il oubliait tout le temps de fermer sa braguette. Avec son talkie greffé aux doigts, il constituait le lien permanent entre l’avion et le sol et se trouvait pour l’heure visiblement peu soucieux de son petit problème d’aération. Va savoir s’il ne venait pas juste de coordonner quelques services urgentissimes en compagnie de Summer, cette nympho à la jupe continuellement défroissée. Shirley trainait sa valise sur l’asphalte en faisant bien attention à ne pas filer ses collants avec la longue poignée. Elle ne pouvait imaginer accomplir ce vol les jambes nues. Tout le long du trajet, Steward échangea de petits signes de connivence avec le chauffeur du bus, Shirley en fut presque jalouse.

 

– Hey Steward, lança-t-elle pour le détourner de cet échange relativement niais, Kilapile, c’est bien la capitale du Boukistan, non ?

 

– Affirmatif, ma jolie, une ville dont même le centre n’a pas l’air placé au milieu, soit-dit en passant.

 

– On va trimballer quoi, d’après toi ?

 

– Je n’en sais rien, a mon avis quelques gamines de chez nous destinées au harem du roi.

 

– T’es con.

 

Devant eux, en strictes chemises blanches, Steven et Jack-André plaisantaient sur leur siège pour passer le temps, en simulant entre eux un faux décollage.

 

– Le jus ?

 

– Ça vient.

 

– Puissance ?

 

– Ça vient.

 

– Ok.

 

– Ah bon dieu, j’ai le tricotin !

 

– Tu veux dire, un problème de raidisseur dans le caisson de l’aile ?

 

– Oui, mais ce n’est pas un problème. Juste quelque protubérance que je constate vers l’empennage à corne débordante, en plein sur la partie déportée.

 

– Ok, je vérifie l’anormale longueur de la tringlerie.

 

– Panne, panne, panne, ça va tomber, là !

 

Et Summer en se retournant riait tant et tant de les voir s’amuser comme des gosses turbulents, puisque avec elle, ce n’était pas les commandants de bord, mais les commandants d’abord ! Elle avait d’ailleurs pour ainsi dire mis ces deux mariages en danger, avant d’aller butiner ailleurs, du côté des pilotes d‘autres compagnies. C’était pourtant une brune quelconque à la peau pas nette et au cou chargé de nombreux colliers ; son secret résidait sans doute dans le fait qu’en amour, elle était toujours d’accord avec ceux qui partageaient son lit. Parfois tous en même temps, assez souvent. De tout l’aéroport, seuls les avions n’avaient pas atterris un jour dans sa chambre. Et encore usait-elle d’un mignon petit Boeing vibrant, lorsqu’elle était privée de partenaire. Son érotomanie débordante contrastait singulièrement avec la froideur de Wanda, si belle pourtant qu’elle scotchait d’emblée les passagers sur ses yeux et sur ses formes attirantes, pendant toute la durée de leur voyage. Blonde aux traits fins, elle passait son temps devant les miroirs et ne se trouvait jamais assez présentable, mais aucun homme ne pouvait se vanter d’avoir réussi à la draguer avec quelque succès. Le pire sans doute, c’est qu’elle n’aimait pas les femmes non plus. Sur Victoria et Lola, il n’y avait rien à dire, sinon qu’elles étaient frais transfuges de la Well Transit, et qu’elles avaient parfois bien du mal à respirer l’air ambiant de la Petro Jelly. Pamela n’avait pas réussi à embrasser une carrière d’astronaute, elle se contentait donc de servir à boire aux passagers, mais elle continuait de rêver d‘apesanteur. La brune frustrée des étoiles ressemblait un peu à une star du porno roumain, avec un brin de duvet désastreux sous le nez. Quelquefois, elle embarquait son minuscule Chihuahua en douce, et la bestiole était soignée alors comme une mascotte, mais en toute discrétion. Victoria, c’était la grande copine de Shirley, qui connaissait tout de sa vie et ses manières habituelles de réagir. Elles adoraient voler ensemble, mais contrairement à Shirley, Vic ne volait jamais rien. La grande aux cheveux auburn sermonnait souvent son amie en lui disant que si on ne pouvait s’offrir quelque chose, c’est qu’on en avait pas besoin. Shirley lui répondait alors d’un air las qu’elle n’avait besoin de rien, elle aimait juste voler.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:17:46
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Posté le 10-05-2016 à 16:18:30  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 09.

 

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Mars 1960, le calme règne chez les Boudiou qui peinent à s‘habituer au nouveau franc, alors que les enfants sont encore à l’école. Sur sa grande cuisinière à bois, Ernestine cuit des beignets en attendant le retour des mioches, mais ses pensées sont déjà au dîner. Pépé Alcyme promène son chien dans la campagne, dans la forêt étendue qui déborde sur Pleurotte-les-Bois, où on peut encore croiser les derniers fabricants de sabots et quelques charbonniers. Ce jour-là, ce ne sont pas les vaillants survivants d’un siècle disparu que croise le grand-père Boudiou, mais Marité Hissedru, la jeune épicière de Troulbled, qui passe pour affoler tous les hommes de la ville en âge de se reproduire. Faussement sage, d’une blondeur naturelle fixée par cette nouvelle laque Elnett en aérosol laquelle donne à la jeune femme un charme d’actrice, elle est encore plus jolie dans sa petite robe rouge imprimée qui l’érotise à maudire, et son pas léger au milieu du sentier l’agrémente d’une posture lumineuse. Même un esthète exigeant aurait succombé sous le charme de cette vision d’aquarelle. Ce pur joyau retourne d’ailleurs les têtes et les sens de ses clients rien qu’en leur vendant ses petits paquets de chicorée. Elle est tellement gentille qu’elle va encore afficher longtemps les prix en ancien et nouveau franc, bien au-delà des trois mois préconisés par le gouvernement, afin de permettre à ses clients de s’habituer aux nouveaux prix. Beaucoup de maris trouvent souvent prétexte pour aller faire des courses chez elle à la place de leur femme, et leur seul présence transforme alors instantanément le petit commerce en volière bondée de rapaces. Marité en rie sous cape et fait des affaires, mais même les épouses de Troulbled ont beaucoup d’estime pour elle, car la jeune célibataire est très courageuse. Certaines mariées osent lui soutirer parfois quelques confidences grivoises, histoire de bénéficier à leur profit de sa grande science des choses de l’amour. Elle connait certes bien les hommes, mais plus encore, elle se connait elle-même et sait parfaitement ce qui la fait jouir. C’est ainsi que dans ces années muettes, elle a sans doute contribué à la libération sexuelle de plus d’un tiers des femmes de Troulbled, promises avant toute chose à la maternité. Lorsqu’elle avance tranquillement à sa rencontre, et même si pépé est forcément un peu troublé, il lui reste assez de civilisation pour lui rendre son sourire. Il est comme tout le monde client de sa modeste boutique, où il doit se rendre de temps à autre pour acheter des vis et des clous.

 

– Alors Alcyme, on pose des collets en douce dans le dos du garde-chasse ?

 

– Alors Marité, on frotte les talus avec ses fesses ?

 

Autrement dit, ils sont quittes. S’il est clair qu’Alcyme braconne souvent les lapins de Monsieur le Baron, parfois en compagnie de l’expert papi Léon, pépé sait en revanche qu’il n’apprendra jamais avec quel gars de Troulbled Marité vient tout juste de batifoler. Qu’on se le dise au fond des bois, Marité l’épicière n’est la régulière de personne ! Tout le monde aime la jeune fille au village, c’est juste que certains beaux gars l’aiment un peu plus fort que les autres. Surtout les dimanches par temps clair, quand elle s’ennuie et qu‘elle rêve de pique-nique à deux. Gaston l’adore et va souvent dans sa petite boutique afin de s’acheter des Zan ou des Coco boer pour sa sœur et lui. Marité lui en rajoute toujours et parfois, elle lui prête des livres ardus, qu‘il dévore en dépit de son âge. En plus du large sourire de maman que l‘épicière lui délivre à chaque fois, Gaston ressent parfois quelque chose qui cloche, une émotion étrange qui le rend subitement heureux. Elle est tellement belle et bienveillante. Son œil clair distille sur ceux qu’elle regarde un petit quelque chose de doux et de vraiment délicieux. Il ne l’a jamais vu de mauvaise humeur. Avec elle, Gaston puise en la voyant, à chaque fois qu’il pousse la porte de l’épicerie jaune au son d’un ding-dong guilleret, sa petite part de bonheur enfantin. Il aurait bien voulu qu’elle fut de sa famille. Quand elle parle de Marité à mots couverts, Ernestine fait toujours de drôles de signes avec ses mains, ou alors elle fait tourner sa langue dans sa bouche pour faire marrer pépé, et même s’il connaît par cœur la valeur de Pi, Gaston n’y comprend rien, mais il aime bien quand ses grands-parents parlent d’elle. Pépé pense tout haut que ça va se terminer par un polichinelle dans le tiroir et Gaston se promet d’en acheter un, pour remplacer son vieux nounours, à qui il confie sa journée le soir avant de dormir. Surtout si cette mascotte détient un peu du parfum de l’épicière. Un truc à base de lavande, véritable nectar odorant qui se mêle aux odeurs d’agrumes et embaume tout le magasin. Et puis, c’est justement en faisant leurs courses chez la commerçante que les Boudiou ont pris la décision d’acheter un réfrigérateur à compresseur, d’une contenance de 120 litres. Quand les enfants rentrent de l’école, le 1000 kg gris à plateau bâché des livreurs est encore dans la cour. Ils ne pensent même pas à se jeter sur les beignets brûlants, lorsqu’ils aperçoivent le Frigéco blanc, merveille des merveilles qui va transformer le beurre de la ferme en béton au cœur du mois d’août. La société de consommation jette enfin son froid chez les Boudiou, qui trinquent à la volée avec un type affublé d’un béret et son compère à grosse moustache. Les explications techniques émerveillent Gaston et lassent en revanche Angèle, qui se demande juste en quoi la médecine moderne pourra profiter d’un frigo. Elle a surtout un peu peur du moustachu qui n’arrête pas de l’observer avec une persistance étrange. En tout cas, le gros meuble à la blancheur lisse trouve naturellement sa place près de l’évier, et Ernestine ne se prive pas de le remplir sans plus s‘occuper de son monde, avec des gestes solennels de curé. Les hommes boivent en discutant tranquillement du paquebot France, qui sera lancé dans deux mois sur les flots à Saint-Nazaire. Et puis enfin repus, Gaston et sa sœur retournent joyeusement dans la cour écraser à coup de pierre des coquilles d’escargots.

 

Deux jours plus tard, une ombre menaçante se glisse dans la chambre des enfants endormis et s’empare d’Angèle sans la réveiller. Un bruit de moteur s’éloigne au loin, et le lendemain Gaston se réveille seul, sans s‘inquiéter outre-mesure du petit lit défait. Mais rapidement, Ernestine commence à pousser les hauts-cris, puisque après avoir cherché partout, aussi bien dedans qu’en dehors de la ferme, Angèle reste introuvable. Pour la première fois, Gaston doit se rendre à l’école tout seul, mais il est assailli par des bouffées d’angoisse, car jamais sa sœur n’aurait quitté la ferme d’elle-même. Une crainte sourde l’étreint et ne le quitte plus, mais il se garde bien d’en faire part à l’abbé Julio, qui lui démontre avec bienveillance l’intérêt fondamental de l’esclavage dans la Rome antique, d’ailleurs nullement remis en cause par les premiers chrétiens. Prévenu par Alcyme, le garde-champêtre Jules Bidru se précipite chez les Boudiou avec sa 4cv, fier néanmoins de constater que si Angèle a bien été enlevée, sa théorie sur les fameux extraterrestres amateurs d’orphelins semble se confirmer. Assise sur sa chaise, mémé est démolie, pleure et balbutie, tout en suppliant Jules de la retrouver. Papi Léon arrive également une heure après et prend la mesure de l’événement, mais alors que chacun se lance encore dans une énième recherche, la petite reste introuvable. De toute évidence, à la ferme, on ne rit plus. En dehors des traces de tracteur qui sillonnent la boue, seules se distinguent celles plus fines de la camionnette des gars venus livrer le réfrigérateur. La chambre ne révèle aucun indice concluant.

 

– Faudra sonder l’étang, au cas où, fait d’un ton péremptoire le gendarme, en arrachant à mémé un nouveau flot de larmes qui ruissellent sur son visage pathétique. Je vais demander du renfort à Troulbled, on va la retrouver, va, ne vous inquiétez pas.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:18:39
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Posté le 13-05-2016 à 20:02:01  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 20.

 

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Pour la discrétion, quand même, on repasserait. De nombreux maris et leurs dames se cognaient le coude pour désigner les trous suspects qui perçaient la carrosserie. D’ici à ce qu’un de ces quidams aille faire du barouf chez les condés, il n’y avait qu’un pas. Martin se composa un visage d’ogre affamé à l’intention d’un gosse plus insistant que ses parents, ce qui cloua aussitôt le spectacle pour le maudit branleur, sans compter que sa mère le tirait fortement par la manche pour qu‘il la suive. Vaya sortit de la voiture dans le but d’aller faire quelques courses, son homme lui recommanda la plus grande prudence, tout en traitant le perroquet d’enfoiré de junkie. Ils la regardèrent s’éloigner rapidement en tournant son cul sublime, et l’homme et la bête s’animaient probablement du même sentiment amoureux. Ils furent transportés par cette démarche chaloupée jusqu’à sa  complète disparition.

 

– Elle est chouette, hein, Martin ? Tu l’aimes ?

 

– Je ne serai pas là si ça n’était pas le cas, Guy.

 

– Tu lui feras jamais de mal, dis ?

 

– Tu me prends pour qui ? espèce de poulet de salon.

 

– C’est bon, te fâches pas, je vois bien que ton battant s‘affole à chaque fois que tu la regardes. Tu sais, je pense qu’elle aussi, elle en craque durement pour ta pomme. Et je crois bien que ça fait longtemps qu’elle n’a pas connu ça.

 

– Bon dieu Guy, mêle-toi de tes plumes.

 

Dans le grand magasin, Vaya se dirigea sans attendre vers le rayon des gâteaux apéritifs. Le temple de la consommation cognait les prix en diffusant partout sa sonorisation insipide, et la plupart des clients qu’elle croisait affichaient des tronches constipées en poussant leur caddie. Elle n’en avait pas pris un et allait s’encombrer, parce qu’à tous les coups, les pistaches ne se vendaient pas là-dedans au kilo. Lorsqu’elle revint vers la caisse les bras chargés des précieuses amandes, de deux bières et de deux sandwichs, la jeune femme tomba nez à nez avec Blanche Pearl qui attendait son tour pour payer ses achats. La patronne du Tripoli était visiblement seule. A la vue de son employée, la vioque se décomposa sur place et ses joues s‘empourprèrent. Elle jeta un regard éperdu à la ronde en quête d’une aide hypothétique, qu’elle ne trouva pas. Cette rencontre en ce lieu précis ne pouvait se prendre pour un phénomène ordinaire, et les deux femmes en avaient parfaitement conscience.

 

–  Blanche, mais que faites-vous ici ?

 

– Ho, et bien je me rend en fait à Chambéry où je dois rejoindre Vénus Jade dont le père vient de décéder subitement, vous savez à quel point elle est fragile. Comme elle est très seule, elle m’a demandé de la soutenir et de me joindre à elle pour l’enterrement. Je ne fais donc que passer dans cette ville charmante. Mais quelle surprise de vous croiser ici, précisément, le monde est vraiment petit. Je vous croyais en congé maladie.

 

– Le problème, voyez-vous, c’est que Vénus n’a jamais connu son père, qui s’est barré lors de sa naissance sans la reconnaitre. Sa mère est morte un an après. Personne n’enterre des gens dont l’existence leur est étrangère. Pourquoi mentez-vous ? Voulez-vous que je vous donne de plus amples détails sur l’enfer de l’orphelinat dont Vénus s’est un jour fait la malle, avant de devenir prostituée à quatorze ans ? Les filles du Tripoli n’ont jamais eu aucun secret pour moi, contrairement à vous. Ecoutez, je suis avec Martin, je crois qu’il sera ravi de vous parler. Nous avons des choses à mettre au clair, toutes les deux.

 

– Eh bien moi, je n’ai aucune envie de vous suivre, il n‘en est pas question.

 

 De toute évidence, Blanche semblait perdue au cœur d’un immense vide stratégique. Elle régla nerveusement ses achats insignifiants en voyant la caissière s’impatienter.

 

– Cela suffit, madame Pearl, je viens d’échapper de peu à une tentative de meurtre, et je suis persuadée que vous savez bien des choses à ce sujet, mais que vous ne tenez pas à révéler. Vous allez pourtant me suivre gentiment. Je trouve votre présence dans cette vallée très suspecte, en ce qui me concerne.

 

– Je crois qu’il va falloir donner un ton plus réaliste à cette conversation, en toute clarté, je vous vire du Tripoli, je ne vous suivrai pas et je n‘ai aucun compte à vous rendre. Fichez le camp, je ne veux plus vous voir, ni ici, ni dans mon club. Et votre julot non plus. Vous recevrez un courrier.

 

La métamorphose était rapide et la vieille maquerelle reprenait rapidement le contrôle d’elle-même. Mais Vaya n’était pas décidée à la laisser fuir, désormais persuadée que sa patronne puait la vilenie à plein nez, elle insista pour lui emboiter le pas de très près sur le parking.

 

– Mais vous-allez me foutre la paix, non mais dites-donc ! Ma vie ne vous regarde pas, et ce que je fais ici non plus. Elle trottinait davantage qu’elle ne marchait, mais elle n’avait trouvé que cette pitoyable formule pour essayer d’évincer l’employée qu‘elle venait de licencier.

 

Elle résista énergiquement lorsque Vaya lui crocha son bras frêle pour essayer de la faire changer de direction. Elles se connaissaient bien, ayant évolué ensemble chaque soir dans le cadre du boxon, et pourtant Vaya réalisait que sa patronne était en fait pour elle une inconnue. Juste à côté d’eux un client chargeait un téléviseur sur le siège arrière de son véhicule, il leva un instant la tête vers elles, puis il redevint indifférent. C’est alors qu’un type venu de nulle part fit soudainement son apparition. De grande taille, le torse puissant, il portait une barbe de trois jours et un petit bonnet de laine gris profondément enfoncé sur la tête. Les pans d’un lourd manteau bleu lui battait les genoux. Peut être le vestige fripé d’un ancien uniforme. Vaya ne se rappela pas avoir déjà vu ce mec au bar ou ailleurs. Visiblement, il accompagnait Blanche et s‘adressa à l’ancienne en s‘efforçant d‘y mettre un certain respect.

 

– On vous importune, madame Pearl ?

 

– Bon sang, Borz, mais où vous cachiez-vous ? Débarrassez-moi d’elle.

 

– Vous avez entendu, mademoiselle ? Votre présence agace madame. Le ton de sa voix se voulu coupant, mais il n’avait cependant guère à se forcer pour avoir l’air menaçant.

 

Vaya sentait venir le grabuge si elle insistait, mais ce garde du corps venait prouver que sa patronne trempait bien dans quelque projet louche. Prudente et les bras toujours encombrés de ses pistaches, elle opta pour feindre une retraite et retrouver Martin au plus vite. Elle redoutait de se faire embarquer sous la contrainte, mais elle savait aussi qu’elle ne pouvait en rester là.

 

– C’est bon, fit-elle d’un ton résigné, pour ce que j’ai à foutre de vos combines. Tout ce que vous êtes sous vos grands airs, ce n’est qu’une ancienne pute à l’approche de la mort. Avec vos joues trop fardées et vos yeux colorés, vous ressemblez à un vilain crapaud en train de faire la brasse sur une palette de peintre.

 

Vaya vit bien que sa phrase avait touché l’autre là où il le fallait. La perte de sa jeunesse flamboyante avait toujours été le point faible de sa patronne. En revanche, en voyant que l’importune tournait enfin les talons, le dénommé Borz eut l’air de grandement se détendre. Vaya était certaine que cette brute mal rasée qui veillait sur Pearl avait du passer beaucoup de temps derrière les barreaux. Même fortement atténué, sa bouche roulait quelques traces perceptibles d’accent Tchétchène.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:20:03
n°45767636
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-05-2016 à 15:30:07  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 28.

 

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Transportées sur l’eau conquérante, quelques grosses graines flottent lentement tels des fantômes sombres, au milieu des miasmes lâchés par le brouillard bleuté. Une rangée de radicelles étranges bien alignées, d’un orange éblouissant, perce un moment les eaux et les rhizomes pointent lentement leurs bouts arrondies vers la lumière ténue. Illustrant une étonnante chorégraphie aquatique, un bouquet coruscant similaire émerge graduellement, un peu plus loin. Les plantes aux troncs malingres ont revêtu des parures plus brillantes émergeant par endroit de brumes multicolores, écharpes capricieuses qui se mélangent en incessantes volutes. Ensuite, les grandes nappes de nuages indécis s’éloignent de leur copulation aérienne, percées quelquefois par les piques élégantes de plantes ressemblant à des prêles atteintes de gigantisme. De la sueur goutte en abondance sur le front de Charlie, et l’agaçante discrétion de l’Arozoar met ses nerfs à rude épreuve, mais le paysage inondé semble s’être figé au milieu des vapeurs changeantes. Sous le coup d’une rapide oxydation, les racines en saillies ont pris une jolie teinte d’un jaune vif acceuillant. Un court tronc obèse et souple s’est chargé d’eau, ses fines palmes qui jaillissent hors de son museau gorgé de chlorophylle s‘agitent en une danse plaisante qui balaye l‘air vaporeux. Une myriade de petites fleurs violettes viennent alors éclater sur l’écorce rebondie. En un instant, la petite boule végétale devenue magnifique en est transfigurée, puis elle se dessèche rapidement et meurt dans une apothéose fleurie. Très progressivement, les fumigations se font plus clairsemées et on peut observer que les eaux se retirent en engendrant un reflux continu, une rivière apaisée qui part se perdre dans la forêt. l’Arozoar a disparu. On se détend sur le grand pont végétal, Charlie s’autorise à être un peu moins vigilant, et relâche sa garde avant d’être remplacé par Jhon Piol. Les jacasseries et les bourdonnements reprennent peu à peu dans les frondaisons, oubliant tout d’un étrange phénomène probablement cyclique délivré par cette planète. Une grande méduse lumineuse volante apparaît entre les cimes, palpant sans but dans les hauteurs, puis une autre, et une troisième, ballerines lentes et féeriques escortées par d’innombrables créatures plus petites, aux corps translucides. Le ciel chargé de ses trois lunes, à présent visible entre les arbres, est devenu très vert. Le petit groupe d’humain se sent vraiment minuscule, encerclé par une telle impressionnante verticalité, partout peuplée de ses fantasques cohortes d’animaux unicellulaires.

 

– Hey, fait Kishi en tendant l’oreille, vous entendez ce bruit ?

 

Tous font silence. Une série de claquements réguliers émane effectivement d’une manière lointaine de la forêt. Un bruit mécanique à peine perceptible, qui ne semble pas traduire une quelconque activité animale, offre sa présence incongrue et paraît même s’intensifier, comme si la cause de cette anomalie sonore approchait. Mais ce battement de ferraille paraît prendre naissance à une distance considérable. Charlie presse ses laserguns en traduisant par ce geste une certaine nervosité partagée par tout le monde ; d’autant plus que les cris animaux se taisent d‘un coup, laissant seul le tintamarre diffus envahir à lui seul l’espace sonore.

 

– On ferait mieux de retourner dans la fusée, propose Emeline, passablement anxieuse.

 

–  Ce n’est pas malin, on aurait dû se munir d’une sonde qui aurait vu plus loin, ajoute Jhon Piol.

 

Une grosse méduse se contracte au-dessus d’eux et gicle une volée de spores bleuâtres qui se perdent dans un air soudainement purifié par le départ de la brume. La sylve se colore de luminescences encore plus intenses. Le groupe constate que la grande mare, dont l’eau s’est nettement refroidie, a enfin retrouvé un niveau identique à celui constaté lors de leur arrivée. Et puis la jungle se tait toujours, seuls peuvent s’entendre désormais plus distinctement les pétarades incongrues qui paraissent venir vers eux. Heurté doucement par une molle entité errante, Basile pousse de la main le corps oblong et transparent pour qu‘elle aille voir ailleurs. On se prépare à quitter le perchoir, quand une série d’énormes bulles vient crever la surface de l’étang, comme si l’Arozoar un instant oublié voulait tout à coup se rappeler à leur souvenir. Charlie s’est redressé et tient le bouillonnement en joue.

 

–  Bon dieu, espèce de saleté, montre toi !

 

En donnant l’impression d’obéir à l’ordre du tireur, le monstre perce brusquement la surface au milieu d’un énorme jaillissement d’écume. De longues branchies sont encore visibles sur son énorme tête pointant au sommet de son corps pustuleux écourté, mais sa queue a totalement disparue. Dans un bond prodigieux, le batracien terrifiant baille de sa gueule démentielle qui ébranle les lieux d’un formidable rugissement. Charlie tire sur lui un rayon à la volée, mais n’obtient qu’à provoquer la surbrillance de la bosse frontale de l’Arozoar. Décontenancé par une telle incroyable faculté, Charlie plonge dans la mousse en échappant de justesse à l’attaque brutale de la bête qui replonge dans la mare, pour ressurgir aussitôt. La situation échappe aux autres, alors que la créature avale gloutonnement l’homme qui voulait la tuer. Gobé d’un seul coup, l’OS de transbordeur ! Et malheureusement, le lasergun Rogers-XZ-31 Rocket Pistol lui échappe des mains et tombe à l‘eau, perdu pour tout le monde. Désarmé, le groupe n’a d’autre choix que de s’échapper, en courant à perdre haleine, propulsé par un réflexe de survie immédiat qui obture tout raisonnement ; les naufragés galopent alors sur le tronc en tâchant de rejoindre la rive de l’étang au plus vite. La force dégagée par l’entité et son apparente et irrationnelle immunité aux rayons laser défient toute conscience et les poussent à fuir dans une course éperdue. L’horrible grenouille au dos strié de marbrures mauves nage à présent rapidement à la surface et se lance dans une traque têtue, nullement rassasiée par son tragique repas. L’animal affamé écarte largement sa béance édentée en agitant ses pattes griffues, semant chez ses proies un irrépressible sentiment d’épouvante, car elle est très véloce et se précipite immédiatement à leurs trousses en atteignant la berge. Usant de ses membres colossaux qui lui procurent une vitesse extraordinaire, la bête au museau lisse semble autant à l’aise sur le sol que dans l’eau. L’enchevêtrement végétal procure cependant aux humains un maigre bouclier en gênant sa poursuite, et ces derniers s’élancent conjointement au milieu des fougères et des lianes. Broyant les branchages, l’Arozoar obstiné les talonne toujours pied à pied en bondissant, mais son épiderme se débarrasse peu à peu de toute humidité. Sa bosse luit plus faiblement. Il faudrait prendre de la hauteur et grimper quelque part pour avoir une chance de vraiment lui échapper. Une longue langue rose se détend tout à coup et happe Emeline par le dos, la jeune femme vole un instant au bout de cet appendice brusquement rétracté, avant que le ventre de l’amphibien n’explose dans un jaillissement de peaux et de viandes verdâtres, duquel sort péniblement Charlie, qui tient toujours au poing le Space Outlaw Atomic Pistol qu’il vient d’utiliser. Recouvert d’une merde infâme sanguinolente, l’ouvrier s’extirpe finalement en rampant de la brèche répugnante ouverte dans l’abdomen de son bourreau, en avalant de grandes bouffées d’air. De son côté, la pauvre Emeline est retombée brutalement au centre d’un étrange bosquet bleu, dont les étonnants coussinets blancs du feuillage phosphorescent ont salutairement amorti sa chute.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:22:22
n°45792427
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-05-2016 à 13:49:05  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 06.

 

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Fardé comme jolie damoiselle, fort galant dans ses nouveaux collants verts, messire Robin qui boit s’enfilait douce chopine avec ses bons moines, sur la grande terrasse mise à leur disposition au château de Mouyse par le tyran Vazy Métoian. Un page en robe de chambre leur avait servi courtoisement gâteaux secs, crêpes au beurre coulant et rillettes de serpent. Jeanne-Mireille tenait plaisamment la cuisse de son poulet par deux doigts et riait de la nouvelle coiffure de ses camarades, une coupe au bol radicale qu’elle leur avait pratiquée elle-même, en dégageant bien derrière les oreilles. Elle n’avait plus rien de la sauvageonne cueillie en bois, mais les faveurs du roi lui fournissaient une nouvelle garde-robe qui l’habillait ce jour d’un très beau surcot rose à banolier d’argent, largement ajouré sur les hanches, et d’une coiffe assortie, dans laquelle même les poux baladeurs jouaient les aristocrates. Ses amis affublaient leur compagne de doux noms, comme Fleur de Juin, Bouton de rose ou Sourire de Juillet, et chacun cherchait en vain quelque chose en elle qui fut vraiment à dénigrer. Tous oubliaient les affres de la geôle et prenaient du bon temps, protégés par leur propre ennemi ; mais il fallait constamment faire attention aux dires, de peur de se trahir. Ainsi renouaient-ils à nouveau avec les plaisirs de la vie en offrant l’apparence de pèlerins sans défense, tout en s’efforçant de bien cacher à tous le grand secret de leur conspiration, car ils menaient en sourdine un combat aussi difficile que dangereux pour libérer Marie Stetarte. Ils n’avaient cependant pas encore eut l’opportunité de rencontrer la veuve de Baristan. Trainé devant une justice expéditive pour avoir désobéi à son roi, monseigneur Robert Laygros allait être éviscéré puis brûlé sur le plus vieux pont de la capitale, puisque sa propre folie des grandeur venait de le conduire au sein d’un petit désastre personnel. En offrant au préalable à ses chiens les organes vitaux de l’évêque, l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX, empaleur de Kiess, roi de Mouyse, puissant souverain de l’Hyperbourrée de l’est, voyait là une occasion rêvée de produire au peuple une image forte à visée éducative, politique autant que patriotique, et probablement un flot irrépressible d’hilarité pour ses fans. Drôle et instructif, tel se voulait le monarque à la personnalité chaotique, lequel désormais dormait tout seul depuis la mort de Gisèle. Toujours vexé d’avoir été leurré par l’horrible sorcière, il avait étranglé de sa main 152 chatons de trois jours, histoire de retrouver par cet acte une sérénité sur mesure. A quoi bon déguiser sa colère ? Il suffisait pour lui de l’exprimer clairement et il révélait un véritable génie pour l’appliquer sur tout le monde au quotidien. La torture et la pendaison de ses sujets lui donnaient chaque jour leur petit coup de pouce pour le rendre plus léger et serein, tout en facilitant au passage sa digestion. La vision de tous les pauvres macchabés qui ornaient ses remparts régulait en effet avec bonheur ses petits problèmes de ballonnements. La guerre contre le Fion qui s’annonçait de plus en plus imminente lui offrait enfin une mission palpitante, mais parfois lassé de cisailler à coups de ciseaux cranteurs quelque jeune fille tendre et espiègle, il se languissait de ne point héberger dans son lit quelque bonne épouse pour lui prodiguer le câlin du soir. Partageant toujours sa ripaille entre potes, Jeanne-Mireille releva haut sa robe pour poser ses longues jambes lisses sur la table :

 

– Oyez mes doux moines, la vie n’est-elle pas plus gaie quand on est entouré de bons copains ?

 

– Certes, lui répondit Gauviens, avec nous-autres, l’existence est forcément plus gaie.

 

– Bien, messires, fit Robin, rappelez-vous que nous sommes invités à nous rendre en ville pour assister à l’exécution de notre cher Robert. Il torsada sa fine moustache pour lui donner l’apparence d’un épi de blé.

 

– Il est très réjouissant de voir ce gros rouquin partir à la rencontre de son destin, car cela nous fera dans ces murs un ennemi en moins, ajouta chevalier Percevalve aux seins grêles.

 

– Amadouer le roi n’est pas tout, les gars, intervint Yvan de Ladaupe, n’oublions pas de délivrer au plus tôt la pauvre Marie, car c’est la raison qui nous a menée ici. Sans oublier de récupérer notre Œil de dinde, puisqu’il ne s’agit pas d’un faux, mais de la vraie relique.

 

– Sans compter que la guerre cogne bien vilainement aux portes de ce royaume, et que si nous tardons trop dans notre projet, nous serons pris au piège dans la cité. Disant ces mots, Chevalier Guy Bouyave massait les mollets de Jeanne-Mireille pour la délasser.

 

– Les choses vont bientôt bouger, oui, fit Robin en massant les mollets de Percevalve pour le relaxer, les batailles offriront leur carnage, mais avant de nous enfuir, nous pourrons essayer de chanter aux oreilles de Vazy une ultime berceuse, en lui tranchant la nuque.

 

– Ah ah ! lui répondit Braillard, en fouillant sa braguette bordée de fourrure afin de se détendre un peu, c’est un pari osé, mais nous avons bons pieds pour aller danser !

 

L’après-midi, monseigneur Robert Laygros fut conduit entièrement nu sur une charrette à travers toute la ville aux ruelles sombres, afin de recevoir en circulant moult crachats et méchantes ordures. Les jeunes nobles chaussés de leurs pigaches dansaient la farandole autour du sinistre cortège, et tous portaient pour faire la fête de somptueux costumes brodés au fil d’or. On arriva sur le grand pont qui enjambait la Louise, où se tenait déjà le roi Vazy. Il paradait sur un grand trône en compagnie de nombreux ecclésiastes, venus tout spécialement porter caution au nom de leur saint ordre du jugement et de la condamnation de l’évêque. Tous ces prélats discutaient déjà ardemment entre eux des dispositions de son remplacement. Il y avait donc là le grand maître de la passion de Kramouille en personne, des prêtres de l’oratoire en froc ordinaire, des cousins mineurs de l’ancienne Observance en grand mantel, des sœurs du tiers ordre clôturées pour une fois relâchées, des petits frères religieux de l’ordre des Pauvres involontaires en habit de chœur et de ville, des frangins de la Frappe en coule, habillés comme ils sont d’habitude au turbin. Un fort esprit de rêve agitait donc le grand pont posé sur les flots. On s’empiffrait déjà de pizzas géantes, en attendant que démarrent pour le supplicié les véritables ennuis, afin que puisse triompher devant tout le monde le talent du bourreau. Jeanne-Mireille eut un frisson d’effroi, en reconnaissant malgré sa cagoule rouge le salopard qui les avait si injustement molesté, lorsqu‘ils étaient emprisonnés dans la basilique. Nul doute que ce pervers soit déterminé à faire son travail avec style, en ouvrant comme il faut le gros bide de son ancien patron. Epris de sa propre justice, le tyran interpella le condamné en le voyant sangler sur la roue d’infortune :

 

– Hé, Robert, si tu voyais ta tête !

 

– Tu veux ma peau, mais en fait, tu es seulement jaloux de mes richesses. Tu fais courir le bruit que tu aurais été élevé par une louve, mais moi je sais bien que tu étais tout gosse battu et violé par ton beau-père ! C’est ta vielle pute de magicienne qui me l’a révélé.

 

Voyant sa crédibilité remise en cause avec une telle impertinence, Vazy claqua des doigts en appelant le bourreau à faire office. Ainsi, Sainte Kramouille décida de mettre Robert à l’épreuve en lui perçant affreusement les tripes, afin que s’en échappe avec ses intestins tout espoir de vie paisible. Le bourrel découpait les chairs savamment en se donnant quelque rythme, car c’était cette partie du travail qu’il préférait. Clouer le bout des boyaux sur un poteau en faisant tourner la roue lui semblait la bonne solution. Pendant ce temps là, les bourgeois qui assistaient au spectacle raillaient le condamné en le traitant d’improductif et d’asocial, trahissant par ces calomnies le désir de tourner leur veste, après avoir baisé pendant longtemps les pieds de l’évêque pour obtenir autrefois ses faveurs. Robert avait à présent le bidon en bouillie et hurlait à la mort, mais il était toujours en vie. Le bourreau torturait en effet avec un humour et une finesse joliment mis en œuvre. Il fit une courte pause pour offrir à son éventré une tasse de ratafia, que l’autre refusa poliment. Ce dernier roulait de grands yeux de bête traquée et maudissait sa mère de lui avoir fait un corps. Puis, afin de donner plus de valeur à l’entreprise après un arrachage des deux couilles à la pince, le bourreau sauta à pieds-joints sur son prisonnier, histoire de provoquer l’explosion de l’estomac, ce qui fit avouer aussitôt à Robert éperdu de douleur quelques aveux rapides sur son argent noir et ses fraudes les plus criminelles, mais à vrai dire, le monarque à présent s’en foutait royalement. Il n’avait d’ailleurs même pas assisté au procès, qui n’avait duré que dix petites minutes. Certains nobles braillaient cependant très fort dans l‘assemblée, car ils apprenaient dans les cris de l’évêque qu’ils avaient été filoutés par ce maudit davantage que les autres. L’ex-homme le plus riche de Mouyse rendit finalement sa mauvaise âme à Kramouille devant le nouveau maître du royaume, lequel observa sans ciller le bourreau relever le cadavre entrouvert sur un fort gisement de merde, puis le pendre au plus grand pilier du pont ; sachant que le bonhomme serait détaché le lendemain pour être brûlé sur la grande place du Prinzipalmarkt. Au passage, le souverain vengé fit jeter comme convenu le foie, le cœur et les poumons de l’évêque à ses chiens, avant de retourner manger tranquillement pour son compte quelques bonnes patates frites en son castel.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:23:31
n°45802103
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 19-05-2016 à 10:25:51  profilanswer
 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:24:57
n°45831811
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 22-05-2016 à 12:04:40  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 56.

 

https://zupimages.net/up/18/04/m0fi.jpg

 

Le jour de l’accouchement, les gardes du palais vérifièrent les documents professionnels des sages-femmes, afin de contrôler si les médecins et les prêtres n’avaient pas envoyé des embaumeuses funéraires par inadvertance. Cette irréparable méprise dans les emmaillotements aurait certainement provoqué du grabuge, de la part de l’accouchée. Tahosétlafer-Ramassidkouch était parti à pied tôt le matin, pour aller étriper quelques villageois d’à côté, car il avait singulièrement agrandi le périmètre de sa terrifiante vengeance contre l’humanité. Et puis, tout redevenait à peu près normal lorsqu’il avait regagné son palais, rassasié de sang innocent. De temps à autre, certains nobles tremblants de trouille se joignaient à ces chasses, mais tous trouvaient pour lui plaire cette idée absolument formidable, vraiment. Ils devaient toutefois faire très attention, car c’était seulement la momie qui dirigeait en maître une implacable apocalypse mortelle sur les paysans, par son poing et son courroux insatiable. Ce fut donc privée de sa main secourable que Schrèptètnuptèt enfanta accroupie dans un coin de sa chambre son fameux erpatrès, consanguine prochaine lumière de l’Egypte éclairée, pays des farfadets. Les Thébains en jupe courte continuèrent cependant à secouer leurs petites olives, les fileuses de riches étoffes chatouillantes, harcelées par leur maître, s’arrêtèrent trente secondes d’essayer de filer ; et puis Moisi fut projeté dans le monde sans césarienne sur le mur d‘en face, au sein d’un puissant royaume qui comptait au minimum un âne par habitant, sous le ciel toujours bleu.

 

Quand on présenta à la nouvelle mère le fils de son frère, elle fit un tantinet la gueule, car le lascar possédait un œil qui disait merde à l’autre, un pied-bot, une bosse dans le dos, un bec de lièvre, la hanche droite plus courte que la gauche, et déjà dans les prunelles la promesse que s’il régnait un beau matin sur l’Egypte, le pays allait vraiment dérouiller. Qu’importait sans doute pour sa maman, elle était très heureuse d’avoir engendré le précieux gamin qui allait lui livrer les pleins pouvoirs, une fois éliminés son taré de frère et la pharaonne en titre Néefièretarée. Comme le moutard contrefait s’obstinait à lui croquer ses beaux tétons, sa mère lui colla dans le bec un efficace biberon d’argile et laissa rapidement ses servantes s’occuper de son rejeton. Une esclave nommé Keskiya fut alors particulièrement chargée de veiller sur lui et la Banque d’Egypte se proposa d’ouvrir un compte au mioche royal, ainsi qu’un plan épargne-tombeau panaché entre fonds en or et troupeaux d‘oies, pour lui permettre de se faire plus tard bâtir une tombe somptueuse. Schrèptètnuptèt valida le PET, du moment qu’on lui en autorisait la procuration. On hésita un moment entre le berceau et la boîte à viande pour y faire dormir le gosse plus ou moins sacré, et puis Keskiya décida finalement de le porter en permanence sur le dos, quitte à risquer pour elle une méchante déformation de la colonne vertébrale. Elle termina donc sa vie atteinte d’une telle scoliose qu’elle parvenait encore malgré ses 96 ans à se lécher les ongles de pied sans problème. Tout occupé à ses plaisants ravages, Tahosétlafer-Ramassidkouch délaissait son fils et sa mère ne s’en préoccupait pas davantage, ce qui faisait prédire aux prêtres de Sekhmet, selon le témoignage de ceux qui survécurent à cette annonce, une adolescence plutôt perturbée pour l’enfant, avec prise de drogues, viols de vautours et plus globalement une regrettable délinquance juvénile assurée.  

 

Pour l’heure, les hommages des courtisans se succédaient au chevet de la jeune parturiente, perdue au milieu d’une véritable forêt de fleurs blanches aux pétales plus serrés que ses cuisses. Entre pilules de vitamines et fumigations, elle remercia sa fan base en leur rappelant qu’avec cet accouchement, elle entrait bel et bien en politique et qu’elle plaçait tous les nobles du palais, pour le principe, sous un rigoureux contrôle judiciaire. Elle voyait aussi qu’elle ne pouvait tenir convenablement son nouveau rôle au fond d’un lit, fut-il recouvert de riches soieries. Elle décida donc de se lever pour réfléchir au mieux à ses futurs projets de domination de l‘Egypte.

 

– Oh et puis, assez de ces opiacés, je préfère les bulles qui pétillent !

 

Sur son ordre, on fit donc la fête dans Thèbes la jolie pendant dix jours au moins pour saluer la naissance de Moisi. Tellement d’amour prodigué par le peuple en liesse en devenait presque gênant, mais cela constituait pour la sœur du roi une idée qu’elle se voyait mal refuser. Il est vrai qu’à l’instar du personnel du palais, les Thébains avaient le choix entre rester vivants dans leur maison calcinée ou finir tout bonnement dans un crocodile. Schrèptètnuptèt s’attachait à montrer à tous qu’elle était d’ors et déjà capable de prendre à chaque instant les bonnes décisions. Tout en savourant sa soupe de palourdes dans sa robe haut-de-gamme, elle prenait en effet protection des populations minoritaires peu perspicaces qui la vénéraient sincèrement, en vertu d’une générosité naturelle qui la rendait de jour en jour plus conquérante. Elle n’avait aucune nouvelle de Mer-Amen Tesmich, mais elle ne doutait guère qu’il allait pleinement réussir dans sa mission, et se montrait là-dessus d‘un optimisme béat. Pendant ce temps-là, le colosse taciturne s’était procuré un âne qui savait nager, il avait donc gagné beaucoup de temps en flottant sur le Nil pour rattraper Valisansoùth. Partout autour de lui, l’Egypte lui proposait un paysage de crise, avec son lot de jeunes filles qui n’avaient même pas de quoi s’acheter une boîte de mascara. La fréquentation des musées se montrait à la baisse, de plus en plus d’ateliers de poterie se délocalisaient en Grèce et nul ne songeait plus à colmater les brèches qui ébranlaient les rives argileuses du grand fleuve, en menaçant sinistrement l’intégrité des champs qui le bordaient. Transpirant sous la grosse chaleur, les esclaves des deux sexes, qui refusaient de se marier par crainte de l’avenir, devenaient de simples petites machines célibataires vivant au jour le jour, sans se soucier du lendemain. La crise laitière, l’abondance des contrefaçons et la triste réalité sociale donnait à Mer-Amen Tesmich le spectacle d’un pays tellement ruiné et sans espoir qu’il se demandait parfois, l’espace d’une courte seconde, s’il soutenait vraiment les bons patrons. Tout en pataugeant dans les flots sur sa monture amphibie à grandes oreilles, il découvrait avec plaisir à chacune de ses haltes la joie de vivre et le bonheur simple d’un campeur écolo. Pour dire vrai, il n’était plus trop pressé de servir la vengeance de la sœur du roi. Il profitait seulement pendant des heures de la vision des scènes primitives que lui proposait parfois le Nil, tels les bains des petites paysannes dénudées qui lui faisaient coucou de loin, tout en prouvant par leur maigreur un certain désespoir de la classe ouvrière, laquelle en dehors de ses ongles semblait avoir de moins en moins d‘aliment à ronger.

 

Plus l’esclave observait le diaporama déprimant qui s’offrait à lui, plus il se demandait s’il ne vaudrait pas mieux devenir coiffeur et soigner l‘apparence des notables invités aux soirées people du palais. Il souriait en coin à cette idée et refermait rapidement la parenthèse, puisqu’il savait bien que cette reconversion mettrait Schrèptètnuptèt de très méchante humeur. D’ailleurs, l’opportunité de réfléchir sur son propre avenir n’était pas franchement comprise dans son contrat. Son âne l’entrainait donc avec lui sur les vagues et frétillait de la queue en l’entrainant à toute vitesse vers l’oasis de Banania, où la caravane de Valisansoùth et de Tépénib venait justement de poser ses valises.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:27:01
n°45864597
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-05-2016 à 13:51:11  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/04/iooq.jpg

 

Combien faut-il de membres d'un forum de discussion Internet pour changer une ampoule ?

 

- 1 pour changer l'ampoule et écrire pour dire que l'ampoule a été changée.

 

- 14 pour dire qu'ils ont aussi changé une ampoule un jour et évoquer les différentes façons de le faire.

 

- 7 pour avertir des dangers de changer une ampoule.

 

- 27 pour signaler les fautes d'orthographe dans les messages concernant le changement d'une ampoule électrique.

 

- 53 pour engueuler les correcteurs de fautes d'orthographe.

 

- 41 pour corriger ceux qui engeulent les correcteurs de fautes d'orthographe.

 

- 6 pour débattre s'il faut dire "ampoule électrique" ou "lampe".

 

- 6 pour qualifier les 6 précédents de coincés.

 

- 2 professionnels de l'industrie pour dire que le terme correct est "lampe à incandescence".

 

- 15 je-sais-tout prétendant avoir été dans l'industrie et que dire "ampoule électrique" est parfaitement correct.

 

- 109 pour signaler que ce forum ne concerne pas les ampoules électriques et que, s'il vous plaît, discuter de ça sur le forum "ampoules électriques".

 

- 111 pour défendre le sujet parce que tout le monde utilise une ampoule électrique donc le sujet a sa place ici.

 

- 306 pour débattre afin de connaitre la meilleure technique pour changer une ampoule, où acheter les meilleures ampoules électriques, quelle marque est la mieux adaptée à cette technique et lesquelles il faut éviter.

 

- 27 pour envoyer des adresses internet où l'on peut découvrir les différentes ampoules électriques.

 

- 40 pour dire qu'ils n'ont aucune confiance dans une ampoule électrique et qui donnent des liens pour des sites pseudo-scientifiques qui prétendent connaitre des solutions alternatives pour produire de la lumière.

 

- 12 pour signaler que le droit à la lumière n'est pas dans la Constitution.

 

- 1 pour envoyer la photo d'une ampoule électrique et une autre d'un type qui ressemble à une ampoule électrique.

 

- 14 pour signaler que les adresses indiquées comportent des erreurs et envoyer les bonnes.

 

- 1 pour dire qu'il a remplacé ses ampoules par des tubes au néon et que, du coup, il change rarement ses ampoules électriques

 

- 12 pour dire qu'ils laissent tomber le forum parce qu'ils ne comprennent rien à la polémique concernant les ampoules électriques.

 

- 4 pour dire qu'il faut un FAQ concernant les ampoules électriques.

 

- 44 pour demander ce qu'est un "FAQ".

 

- 13 pour dire que dans toute maison bien tenue, il devrait y avoir des chandelles quelque part, au cas où une ampoule grillerait.

 

- 5 pour dire qu'ils n'utilisent pas d'ampoules électriques, uniquement des chandelles.

 

- 4 pour demander "on n'a pas déjà causé de ça y'a pas longtemps ?"

 

- 143 pour conseiller de faire une recherche à propos des ampoules électriques avec Google avant de lancer une discution concernant les ampoules électriques.

 

- 1 pour répondre au premier message 6 mois après le tassement de l'affaire et relancer tout le bordel !

 



Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:28:39
n°45876167
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 26-05-2016 à 13:22:14  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée - Extrait numéro 03.

 

https://zupimages.net/up/18/04/7rb3.jpg

 

Le petit bus blanc dépassa lentement sur le tarmac quelques zincs immobiles de la Well Transit et de la Crash Airways, avant de stopper au pied du jet siglé du logo rose en forme de cœur de la Petro Jelly. Le visage collé contre la vitre, Shirley se laissait toujours impressionnée par les géants d’acier en arrêt sur le bitume, ces lourds oiseaux blancs qui devenaient pourtant miraculeusement si légers en s‘élevant au-dessus des nuages. Par convenance, Steven Eight et Jack-André grimpèrent la passerelle en premiers pour monter dans l’avion, pendant que les hôtesses se coltinèrent leurs bagages. Si tout le monde à bord connaissait son rôle, il n’était pas toujours évident de savoir ce que l’on était parfois supposés faire. Steward ferma la marche, histoire d’essayer d’apercevoir la couleur du string de Summer qui grimpait les marches devant lui, et Shirley n’en fut pas dupe. Surtout que tout le monde savait que la nympho se passait volontiers de ce genre d’accessoire, vu que cela risquait de poser trop de barrière à l’imprévu. Victoria avait un jour balancé aux autres que l’œil de Summer, toujours admirablement souligné d’un savant coup de crayon noir, serait toujours plus gros que son cerveau. Kim avait alors rétorqué que même si la grande blonde était moins cruche, elle aurait toujours besoin qu’on l’arrose au minimum une fois pas semaine. De ce côté-là, la vérité obligeait à dire que Kim se montrait impressionnante, car non contente d’être très jolie, bien qu’aussi maigre qu’un pinceau, elle affichait quand à elle un quotient intellectuel époustouflant. Les cheveux auburn toujours serrés dans un chignon impeccable, elle avait avalé tous les auteurs classiques français et étrangers, possédait depuis longtemps son brevet de pilotage, jouait merveilleusement du violon et démontrait une culture générale qui aurait certainement pu lui faire gagner des millions dans un jeu de questions. Steven lui passait quelquefois le manche en catimini, quand Jack allait pisser, mais ce qu‘elle aimait par-dessus tout, c‘était qu’on la laisse atterrir toute seule, surtout sur les pistes réputées difficiles. En dépit de ces entorses au règlement et de cette connivence coupable avec Steven et Jack, aucune des filles pourtant ne parvenait à se montrer jalouse des prérogatives concédées à leur perspicace collègue. Dans le dos de la très mariée madame Tyler, on avait prêté un temps une brève liaison de Kim avec Jack, qui n’avait tout de même jamais pu être solidement démontrée. Enfin bref, Summer avait de beaux nénés, alors que Kim avait du nez, tout en affichant un beau henné.

 

Pendant que Wanda et Pamela causaient drainage et élimination des lipides afin de lutter plus efficacement contre la peau d‘orange, Loraine et Kurt vérifiaient entre eux la check-list des passagers. Quelques types de couleur chargés du nettoyage, en gilets fluo, évoluaient encore jusqu’à la dernière minute parmi les sièges. Lola, Wanda et Pamela s’éloignèrent à l’arrière vers l’escalier tournant pour rejoindre leur fief du pont supérieur. Un couinement bref sorti du sac de Pamela vint prouver qu’elle avait une fois de plus embarqué Perlin, son minuscule Chihuahua, ce petit con de clébard sujet au mal de l’air et qui allait certainement encore mettre à mal la moquette d‘un rose séduisant. Si la carrière d’astronaute de sa maîtresse n’avait pas été aussi piteusement avortée, il est certain que l’hôtesse aurait trouver un moyen pour introduire secrètement son toutou dans la station spatiale. Comme si cela pouvait la dédouaner, elle veillait toujours scrupuleusement à se munir du carnet de santé de l’animal. Vu que le précédent vol avait transformé l’avion, pour les narines, en une sorte d’enfer éveillé, les nettoyeurs diffusaient partout quelques brises parfumées en aérosol. Puis ils quittèrent l’appareil après l’avoir transfiguré chimiquement en un étrange jardin odorant, avec probablement une similitude de terroir provençal. Shirley se poussa pour laisser le passage à Kinni, afin qu’elle puisse se diriger vers la desserte de l’espace bar-buffet à l‘ambiance cosy péruvienne. La chef de cabine tournait tellement du cul dans l’allée qu’elle attrapait toujours pleins de bleus sur les hanches, en se cognant aux sièges en imitation ragondin. Elle n’évoluait donc à présent dans l’appareil qu’en marchant uniquement de profil, histoire de s’épargner quelques hématomes disgracieux. Le sourire aux lèvres, Steward croisa Shirley comme un coup de grisou, avec l’air de vouloir mener à bien une tâche urgente tambour-battant. Son amie était agitée à son égard de sentiments contradictoires. Si elle devait avouer avoir connu au début pour lui un véritable coup de cœur et l’émergence à ses côtés d’une multitude d’émotions inédites, elle le savait aussi capable de capituler à la moindre occasion au démon de midi. Même si depuis le début de leur liaison elle n’avait jamais rien eu à lui reprocher, il s’était tout de même taillé auparavant dans la compagnie une notable réputation de coureur de jupes. Elle ne s’autorisait donc à voir dans cette relation amoureuse qui durait depuis presque une année, qu’un simple flirt plus ou moins sous contrôle. Steward n’était pas un amant rempli de mystères, mais juste un mec sympa bientôt confronté avec la calvitie et probablement la crise de la quarantaine. Shirley restait tendre avec lui, mais elle ne pouvait s’empêcher de réduire son rôle à ses côtés à celui d’une meilleure amie qu‘il ne faisait plus vraiment vibrer, malgré tous ses efforts sincères. Cette constatation lui faisait certainement de la peine, mais pour elle, le coup de foudre était finalement passé, dans son âme et dans ses tripes, en dépit de la voix en or, les grandes mains agiles et le sourire perpétuellement enjôleur de Stewart. Lui semblait encore sous le charme de l’hôtesse et l’embrassait dès qu’il le pouvait, plongeait comme un fou dans ses dessous et la prenait toujours pour l’amante adorable qu’il comblait de petits cadeaux à chacune des escales. En se taisant sur les sentiments réels qui l’habitaient à présent, Shirley ne luttait pas franchement pour sa propre dignité, mais elle n’arrivait pas à se séparer complètement de lui. Tout en s’avouant malgré-tout qu’il figurerait sous peu en bonne place, d’une manière inéluctable, dans la liste de ses plus beaux souvenirs.

 

Pliant son squelette d’un mètre quatre-vingts, Summer scrutait à travers un hublot le ballet de deux grosses voitures aux vitres teintées de noir qui venaient de se ranger tout près de l’appareil. Plusieurs policiers en armes avaient un peu plus loin pris position près des soutes.

 

– C’est normal, ce déploiement de flics ? fit-elle en invitant Victoria à regarder à son tour.

 

– Faut croire. N’oublie pas que ce vol a quelque chose de particulier.

 

– Oui, ben en attendant, les trois espions qu’on devra chouchouter, moi ça me rend parano.

 

– Un véritable homme d’acier, ça ne te ferait pas envie ?

 

– Le gros avantage d’une petite partie de pêche sur la chasse au gros gibier, Vic, c’est avant toute chose l’assurance d’une certaine tranquillité. Elle secoua son abondante chevelure brune en déclenchant le rire de sa voisine, laquelle fourbissait de son côté chaque dossier de siège d‘un petit fascicule bourré de mandalas à colorier.

 

– Ah ben merde alors, Summer, j’aurais jamais pensé que tu puisses renoncer à un garde du corps plutôt doué !

 

https://zupimages.net/up/18/04/svay.jpg


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:30:04
n°45908263
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 29-05-2016 à 14:32:24  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 10.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpg

 

Si Marcel de la Targette était resté calme, peut-être le cours des événements aurait-il pris une tournure différente. Le gros moustachu n’est en fait pas allé très loin, après avoir enlevé et ficelé sommairement la gamine à l’arrière de son camion. Il s’est garé près d’un champ d’où l’on aperçoit parfaitement au loin la ferme de Papi Léon. Et puis il a piqué un roupillon contre sa volonté. Dans le petit matin, le désespoir de l’enfant face à son odieux ravisseur est à son comble, puisqu’elle est incapable d’assimiler totalement une menace qu’elle ne comprend pas. Le monstre a soulevé la bâche en se réveillant, pour lui ordonner sèchement d’arrêter de pleurer, puis il s’est contenté de la dévisager longuement avec ce regard insistant qui fait si peur à la sœur de Gaston. L’homme se montre brutal et déterminé, et même s’il ne l’a pas encore fait, sa proie fragile devine qu’il peut à tout moment la frapper pour l’obliger à se taire. Angèle a tellement peur de lui qu’elle s’oblige à prier tout bas Sainte Thérèse de Lisieux en guise de maigre réconfort. Ce méchant bonhomme lui veut du mal, à n’en pas douter, et il semble obéir à un raisonnement très personnel qui échappe complètement à la petite. Il est encore tôt, et la police n’a pas encore mis en branle l’extraordinaire dispositif qu’elle va mettre en place dans la journée pour retrouver la jeune disparue. Le ciel toutefois protège les innocents et Sainte Thérèse prend la forme d’une reine des abeilles échappée des ruchers de Léon à la recherche d’un nouvel foyer. Elle survole les talus escortée d’un essaim de ses milliers de sujets bourdonnants et bruns, rase les champs de blé puis le bois de bouleau, avant de contraindre les autres à s’abattre finalement en masse sur la tête de Marcel. Surpris autant qu’affolé, lui se met à tout à coup à courir, aveuglé par les centaines d’insectes recouvrant complètement le haut de son corps et son visage, pénètrent dans sa bouche grande ouverte et se collent à ses yeux. Au désespoir, il bat des mains sur la nuée vibrante et frappe son torse en poussant de grands cris, mais ce geste déclenche aussitôt dans sa viande l’envoie des minuscules et douloureux harpons venimeux. Les abeilles n’ont qu’un impératif, protéger leur reine du support agité qui tente maladroitement de se prémunir coûte que coûte de la soudaine invasion ailée. Les gesticulations désordonnées de Marcel ne font que redoubler leur fureur à son égard, et les abeilles énervées ont déclenché à l’unisson sur lui leur attaque fatale. Angèle entend ses cris désespérés, mais elle ne peut voir ce qui vient d’arriver à son kidnappeur. Les hurlements faiblissent, la gamine n’ose cependant se déplacer pour trouver un moyen de soulever la bâche et regarder, elle reste prostrée dans son coin, les poignets attachés, et son petit cœur bat tellement vite qu’elle a beaucoup de mal à respirer. Elle va rester longtemps ainsi, sanglotant comme un chiot d’un jour éloigné de la proximité rassurante de sa mère. Même quand l’hélicoptère de la gendarmerie passe beaucoup plus-tard en vrombissant au-dessus de la camionnette, Angèle est trop apeurée pour exécuter le moindre mouvement. Les hommes de loi ont organisé une grande battue avec leurs bergers allemands sur la route de Pleurotte les Bois, mais c’est à l’opposé du rapt et protégé par le couvert des arbres, le véhicule de Marcel n’a pas encore pour l’instant attiré leur attention.

 

Le ravisseur couché dans l’herbe est toujours vivant, mais son corps tout entier s’enfle atrocement, tout en l’accablant d’une douleur incommensurable ; sa figure est devenue méconnaissable, il n’est plus qu’un pitoyable sac de souffrance pratiquement privé de conscience. Guidées par la reine, les abeilles ont finalement délaissé ce pantin larmoyant trop nerveux, pour aller se regrouper au sommet d’un gros chêne plus accueillant. Avant de sombrer dans le coma, le blessé se traine lamentablement, incapable de se relever, car ses veines mitraillées sont à présent gorgées d’un atroce poison cuisant ses chairs d’un feu inextinguible. Aveugle, de la Targette ne voit pas la silhouette qui le toise sans prononcer un mot, un vieux fusil de chasse antédiluvien cramponné fermement dans la main. Papi Léon a libéré Angèle et s’est efforcé de la rassurer du mieux qu’il a pu, mais il lui demande toutefois de remonter un petit moment dans sa prison, qu’il recouvre à nouveau soigneusement. Elle n’entendra qu’un coup. Une seule détonation, mais elle sait bien que Marcel vient de se faire botter le cul par Sainte Thérèse pour qu’il aille se faire cramer en enfer. Le reste est limpide, Papi fait ressortir doucement sa petite fille en lui prenant la tête pour l’empêcher de regarder du côté du livreur de frigo, toujours étendu dans les touffes de chiendent, mais qui ferme enfin sa gueule à présent. Tu parles, rassurée par la présence de son papi, Angèle se dégage, hausse et tourne la tête, mais elle ne verra que les pieds du macchabée, avant que Papi ne prenne la main de l’enfant pour la coller avec autorité derrière le talus, en lui demandant de l’attendre. Elle ne va pas patienter longtemps, juste assez pour que Papi nettoie l’herbe, recolle l’autre derrière son volant, efface soigneusement avec son mouchoir ses empreintes sur le fusil et colle l’arme entre les genoux de Marcel. Il badigeonne abondamment les sièges et le plafond du camion avec le sang de l’autre et puis, tranquillement, satisfait de sa macabre mise en scène, Léon ramène sa petite-fille chez lui, en essayant de calmer au mieux par des paroles rassurantes la peur d‘Angèle, car un flot d’émotions incontrôlées agite d’une manière incessante son petit corps tremblant.

 

Une fois chez lui, penché sur elle avec un visage tendu éclairé par une belle lumière naturelle, Papi lui explique la marche à suivre, car il va prévenir la police de sa libération ; mais il insiste beaucoup pour qu’elle raconte à tous ceux qui vont l’interroger une histoire identique. L’ancien de Verdun emploie des mots simples, mais Angèle n’est pas idiote, elle comprend la situation et dit oui à tout. Elle sait bien qu’il ne s’agit plus de braconnage et que Papi Léon risque fort d’aller moisir en prison pour avoir troué le Marcel. Avec le risque évident de se faire raccourcir par la guillotine. Le ravisseur l’a par conséquent enlevée en pleine nuit, l’a conduite dans la campagne, puis il s’est fait justice une fois la petite fille libérée, sans doute pris de remords. Angèle s’applique et répète plusieurs fois ce qu’elle doit dire, elle apprend ses réponses devant l’air déterminé et les injonctions impératifs de son grand-père, sa trouille disparaît un peu, comme s‘il s‘agissait d‘un nouveau jeu. Elle est surtout contente de se retrouver à l’abri chez lui, et il lui tarde beaucoup de revoir Gaston, parce qu‘à lui seul, elle avouera en confiance toute la vérité. Lorsque Léon pense avoir obtenu satisfaction, ils partent tous les deux à la recherche du garde-champêtre Jules Bidru, afin de l’informer que la petite Angèle est revenue saine et sauve de sa dramatique infortune. Il le retrouve environné des hommes de la brigade de Troulbled, au bord de l’étang tranquille qui borde la forêt sombre, et le gendarme examine la gamine sans cacher un immense soulagement, puisque sa présence effective devant lui va heureusement mettre fin aux recherches. Comme prévu, elle raconte alors son histoire bien apprise avec une intensité qu’elle n’a guère besoin de déguiser. C’est sans doute à partir de ce jour-là que sa volonté de faire médecine va délaisser son jeune esprit pour laisser place à l’espoir d’une carrière d‘actrice. Devenir quelqu’un d’autre sera dorénavant son rêve ultime, parce qu’à vrai dire, l’idée de soigner tout le monde coûte que coûte ne la passionne plus vraiment. Longtemps toutefois, toute sa vie en fait, elle fera de violents cauchemars où ce salaud de Marcel au visage fermé empoigne sa victime avant de la plonger dans un torrent de lave brûlante, puis de périr lui-même au milieu d’une grande flamme rougeoyante. Jules Bidru n’a pas de raison de ne pas la croire, puisque suivant les indications de la petite fille, il retrouve ensuite dans son camion le corps envenimé de Marcel de la Targette, avec un méchant trou sanglant à la place du nez. Même s’il a peut-être le souvenir d’avoir déjà vu le vieux fusil quelque-part, en tout cas il conclut au suicide à l’issue d’une enquête certainement bâclée et, avec un bonheur indicible, Angèle retrouve enfin Gaston, sans plus faire attention à Ernestine et Alcyme qui se racontent entre eux que, nom de dieu, la gosse vient de l’échapper belle. Comme elle devine qu’après sa terrible épreuve, elle pourra pratiquement tout leur demander, elle obtient ainsi le droit, chaque dimanche, de se rendre à Troulbled sous la surveillance plus que jamais vigilante de pépé Alcyme, afin d’assister avec Gaston à une séance de cinéma. Ce dernier ne remerciera donc jamais assez sa petite sœur de lui avoir donné l’occasion de pouvoir regarder à huit ans le film Psychose, d’Alfred Hitchcock, avec Anthony Perkins et Janet Leighson.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:31:37
n°45926599
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 31-05-2016 à 09:22:26  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 21.

 

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Elle louvoya rapidement entre les nombreuses bagnoles pour rejoindre Martin et Guy, après avoir tourné plusieurs fois la tête pour repérer la voiture de Blanche et de l‘autre costaud. Une fois rencardé, le privé jaugea rapidement l’information, mais les suivre ne pouvait se faire sans éveiller leurs soupçons. Le privé chercha dans sa mémoire une correspondance avec la description de Borz qu’en fit Vaya. Il avait des yeux sombres étranges qui piquaient comme les dents d’une fourche, qu’elle disait, il avait un regard fourchu et un accent de l’est. Cela remontait à loin, du temps où le détective portait l’uniforme, mais un gars connu pouvait quand-même bien faire l’affaire, surtout en raison de son accent. Un violeur de guerre déserteur jamais puni là-bas, mais condamné toutefois en France à dix ans de serrure pour le braquage d’un fourgon blindé en compagnie de Bob Oldson, celui qui avait ramassé une balle dans l‘épaule lors de sa petite visite, et du frérot de ce dernier, surnommé Triple Shot. Et tous avaient naturellement pris pension pendant longtemps dans l’hôtel à barreaux occupé par Gros Bill. Ceci dit, aucun des frangins ne ressemblait même de loin à celui qui leur avait tiré dessus en rase campagne. Les clients formaient plus qu’un gang, mais carrément un bataillon, tant ils semblaient nombreux. Bof, se disait Martin, cinq dormaient à présent sous la terre, et lui, il respirait encore à plein poumon l’air du bon dieu. La lourde berline blanche de l’ancien bidasse à bonnet dégageait sans se presser à quelques encablures.

 

– A toi de jouer, Guy, va te dégourdir les ailes.

 

– Ok chef.

 

Le perroquet s’échappa et pris rapidement de la hauteur. Martin démarra également, mais il devait hélas se tenir à bonne distance. Tant qu’il évolua en ville, suivre son objectif ne posa pas de problème à Guy, mais ensuite, la vitesse de la cible augmenta et malgré tous ses efforts, le volatile fut finalement largué. Il retrouva ses amis qui suivaient loin derrière. On avait perdu la trace de Blanche Pearl, mais compte tenu de la direction qu’elle venait d’emprunter, Martin devinait où elle comptait se rendre, une intuition qui lui semblait contenir une certaine logique, parce que c‘était la seule raison évidente de la présence de la vioque dans le secteur. Les jeunes attirent les jeunes et les vieux s’agglutinent aux vieux, depuis l’âge des cavernes. Aussi vrai que les adolescentes néanderthaliennes devaient également pouffer de rire comme des niaises. Vaya déchira un paquet de pistaches qu’elle offrit généreusement à ce glouton de Guy ; pendant qu’il jouait du bec, on ne l’entendit plus jaser. Elle ramena ses cheveux en arrière avec un geste si féminin que Martin en fut tout bonnement ému. Il reprenait cette fois à toute allure la direction des Flocons d’Argent.

 

– Il a sans nul doute été pas mal, autrefois, notre vieux débris, fit Vaya, une fois résolue sa rapide manœuvre capillaire, mais maintenant que j’y repense, elle m’a toujours jalousé. Ma patronne balançait en douce aux clients de petites perfidies à mon sujet, en m’appelant la grande roue, parce que je tournais soi-disant mon cul en marchant comme cette fameuse attraction de fête foraine. J’en riais toujours avec les filles, mais en fait je vois bien aujourd’hui que Blanche révélait en parlant une réelle amertume à mon égard. Dans sa jeunesse, ce n’était pas une pute d’impasse à deux billets, tu sais, mais une courtisane à cocktails, une chaudière raffinée pour homme d’affaire à 5000 balles la sauterie distinguée. Elle a plusieurs fois traversé l’Atlantique en jet pour satisfaire la nuit d’un seul client fortuné. Je n’ai pas connu longtemps son mari, mais c’est lui qui me l’a avoué, elle n‘a jamais été trop bavarde concernant son passé.

 

– Il est mort comment, celui-là ?

 

– Un accident de voiture pas très clair. Maria Goulue, Nicotine Queen et moi, on a toujours pensé que sa vioque l’avait dessoudé. Ce décès regrettable lui a tout de même rapporté un sacré capital !

 

La route grimpait le col en faisant de nombreux lacets. A chaque virage négocié, Vaya tournait la tête pour regarder Martin, parce que son air concentré sur sa conduite lui donnait un air tellement viril qu’elle en était passablement émoustillée. Mais ce n’était bien entendu pas le moment de penser à ça. Pfff ! est-ce que les hommes sauront jamais qu’une femme peut faire l’amour rien qu’avec ses yeux ? Une subtilité commune à toutes qui n’a sans doute rien à voir avec leur plaisir unanime de mater quelque cul de fausse blonde en gros bourrins vicieux.

 

– Tu voudrais que je me teigne en blonde, chéri ?

 

– Dis pas de conneries.

 

– Juste la chatte, alors ?

 

– Tu  fais chier.

 

Elle le taquinait gentiment, uniquement pour le plaisir de le faire râler. Elle n’avait pas du tout un visage qui pouvait s’accorder avec une décoloration à l’eau de javel.

 

– Toi, tu serais pas mal en blond. T’aurais un côté norvégien.

 

– Merde, Vaya.

 

– Il aurait plutôt l’air d’une chochotte à faire son trou dans l‘audio-visuel, ramena Guy, en éjectant sur le côté de son bec quelques coques vides qui s’éparpillèrent sur le siège en cuir bleu.

 

L’heure devenait tardive et ils ne croisaient plus grand monde à cette altitude. L’air se montrant plus frisquet, Martin avait depuis longtemps relevé la capote du coupé sans pare-brise.

 

– Qu’est-ce que tu veux faire, Martin ? Il va bientôt faire nuit, si on fait le guet devant les Flocons, on va se cailler les miches !

 

– Ah ça ouais, lança Guy, je te signale que les perroquets ne sont pas des pingouins, on est vachement sensibles au froid.

 

– Je veux juste m’assurer que Blanche est bien là. Après, on va rentrer chez nous.

 

Ils dépassèrent la grande bâtisse pour se garer beaucoup plus loin dans un recoin perdu, cachés des regards par une grange séculaire au toit en bois sévèrement pentu qui tombait jusqu‘au sol. Si lui gardait en poche son Remington, il confia le 9 mm à Vaya. Ensuite, abandonnant ses compagnons dans la voiture, Martin s’approcha des grilles du parc. Le soir enfin installé noyait d’ombre la haute tour unique du château, mais sa base se montrait violemment illuminée. Aucune lumière ne brillait aux fenêtres et seule la façade profitait d’un éclairage puissant. Toisées par quelques copies de sculptures de la Grèce antique également mises en valeurs sous le feu des lampes, des voitures alignées étaient visibles au pied du bâtiment. Parmi elles, la Mercedes de Blanche, Martin n’en doutait plus, évidemment.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:34:00
n°46001345
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 07-06-2016 à 15:17:38  profilanswer
 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 07.

 

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Grand homme d’état détestable mais incontesté, l’autorité de Vazy Métoian s’incrustait dans de nombreux domaines, mais sa priorité se manifestait dans son acharnement à mettre sur pied d’importantes réformes administratives et surtout fiscales, afin d’améliorer le système d’imposition du royaume de Mouyse. Ce qui l’incita à proclamer que désormais, toutes les recettes engrangées par ses sbires dans les bois et viviers seraient uniquement pour sa tronche. Il avait tout de même une guerre prochaine à livrer. Pour retrouver une certaine cohésion immorale empreinte d’intolérance, garante de ses valeurs traditionnelles, il se faisait aussi avec ostentation mécène et protecteur des bourreaux de sa cité. Le tyran savait cependant afficher une certaine simplicité dans sa vie privée, puisqu’il nourrissait ses serviteurs de bouillie fade et tranches de pain noir et que même quelques-uns de ses plus vieux pages avaient trouvé par miracle sur leur paillasse une mort parfaitement naturelle. Pour contrer l’assaut prochain des hommes du Fion, on entreprenait partout de gigantesques travaux de circonvallations incluant fossés et murs, afin de fermer hermétiquement la cité de Mouyse, ce qui devait surtout empêcher ses habitants de s’enfuir pour les forcer à combattre. Dans la foulée, le roi avait fait venir en son château tous les vassaux à sa disposition. Un grand banquet égayé de nains chauves et barbus avait donc réunis les seigneurs Geoffroi de Moumouth, Bertrand Dudéclin et Gilles le bâton de la Raie, délaissant pour l’occasion leurs fiefs de Kiess, mais également le sénéchal Vallombreuse Fouettequeue, ou bien encore le marquis Savorgnan de Bésil. Seul manquait à ce ralliement guerrier William de Bochibre, de la maison de Balaizebaloches, ainsi que son armée, dont on était toujours sans nouvelle. Aux sommets des collines, brûlaient les feux d’alerte et de nombreuses troupes furent concentrées sur les rivages, accomplissant de cette manière leur service d’ost, histoire de surveiller par grande vigilance la grande et tumultueuse mer de Cybrine. Pendant que se rassemblaient les armées dans leurs camps fortifiés, le chevalier Robin qui boit et ses bons compagnons lichaient bonne sirupe, tout en balançant sur les nappes un peu de leur sauce blanche.

 

– Ah, leur disait Jeanne-Mireille, quand je pense que vous êtes moines et soldats, alors que je ne suis qu’une pauvre femme égarée dans votre folle équipée de potes à barbes ! Je vous connais sur le bout des doigts mais vous m’en voyez doublement peinée.

 

– Qu’importe, lui répondit Gauviens, vous nous voyez de même à ce constat en double pénétration, mais quand commenceront bientôt à brûler les faubourgs de cette ville, nous dresserons haut l’échelle et vous emporterons, soyez-en assurée.

 

– Sans oublier auparavant de libérer Marie, il serait bon de le préciser, ajouta chevalier Braillard en faisant huit avec sa bouche pour siffler son potage.

 

 Pendant que, sur son métier vertical à pesons, la drôlesse se distrayait à tisser belles chaussettes pour ses six amis, le roi Vazy avait saisi sa clé pour aller rendre visite à sa prisonnière, alanguie dans ses appartements où il la retenait cruellement confinée. Par faveur, le geôlier de Marie Stetarte l’avait autorisée à prendre la pièce autrefois occupée par Gisèle de Lècheku. La veuve de Baristan avait donc fait de cette vaste chambre son propre atelier. Le portrait sur lequel elle travaillait sans relâche offrait un type entièrement nouveau, un chef d’œuvre qui pouvait certainement réconcilier le tyran avec son nez. Une peinture si merveilleuse, si brillamment exécutée, qu’elle aurait pu coûter ses cent mille agnel d’or, ou même son million de gros à la queue à six deniers d’aloi. Mais si merveilleux fut-il, le tableau n’était toujours pas terminé, puisque son auteur l‘effaçait en partie chaque nuitée, pour mieux sauver sa vie. Après avoir franchi la lourde porte cloutée, le roi contempla longuement le dessin, puis il concentra son attention sur Marie. Elle était bien gente, la donzelle dont il considérait les pis sans vergogne. Du style à voir de jeunes gandins lui déclarer leur flamme en posant sur sa fenêtre un bouquet de muguet. Joliment construite et point tête de linotte, en définitive. Bien qu’elle fut agréable à son œil, Vazy se promettait pourtant de l’embrocher lorsque le tableau serait achevé. Sachant qu’elle allait encore lui fournir quelques explications vaseuses, il dégagea le fouet de sa ceinture et traversa rapidement la jonchée de paille qui tapissait le sol de la salle, pour aller vers sa séquestrée et la prendre par les cheveux.

 

– Il n’y a que les constructeurs qui commencent les cathédrales de Sainte Kramouille pour ne jamais être ceux qui les finissent. Ah coquine, croyais-tu si facilement me déconfier ?

 

Comme elle ne disait rien, il remonta sans douceur sa chemise et empoigna son fouet pour lui cingler violentement le croupion. Elle brailla, certes, mais son tortionnaire fut fort surpris de ses criements, car elle hurlait comme ribaude prise en cul. Sous les coups redoublés, elle insistait dans sa jactance pour qu’il la tape encore plus méchamment. Plus il donnait du fouet, plus elle était prise en déduit, c’était façon très déloyale de subir son châtiment. Il arrêta un instant ses coups pour s’étonner de tout cet émeuvement.

 

– Ah ça drôlesse, crois-tu que je te fouette la croupe pour t’ébanoyer ?

 

– Mais continue ! vas-y donc, Vazy, j’y suis presque, ah oui, ah oui !

 

Elle délaça elle-même fébrilement son fasset, fortement prise en joie, puis elle termina nue, alors qu’excité par l’action, son tourmenteur la fouettait jusqu’au sang, tirait sur ses cheveux et pinçait à deux doigts ses tétins, devenus aussi durs que deux carpes gelées.

 

– Ah oui, Vazy, Vazy, tape plus fort, ah oui vas-y, attache moi, ah mon gros pervers de salaud, fais-moi un môme ! Regarde comme je suis méchante, mais toi, mon vilain maistre, tu vas me gronder, hein, montre-moi que tu as du caractère, bougre de flemmard !

 

– Si fait, ma belle, car tu vas illico recevoir de ma part bonne branlée. Et il tapa cette fois-ci uniquement de la main sur ses fesses écarlates. Mais la dureté du geste n’eut d’autre effet que d’envoyer Marie au paradis. Il lui croqua cette fois la peau à pleines dents.

 

– Ah oui, ah oui, encore plus fort ! Point de tordus subterfuges, cette fois, flanque-moi la volée !

 

C’était là plaisante nouveauté qu’il n’aurait jamais soupçonnée chez la veuve de Baristan. Plus prisonnière de ses fantasmes que de sa chambre condamnée à double-tour, Marie haletait comme bouilloire sur la braise brûlante, brisée, dominée, humiliée, prise en délire d’amour, vaincue par une douleur bienheureuse d’où jaillissaient des sensations qu’elle n’imaginait pas retenir en elle. N’y tenant plus, Vazy ajoura sa braguette fortement gonflée, puis se jeta sur sa pauvre victime pour la terrasser vaillamment, au cours d’une joute amoureuse mémorable, qui les laissa tous deux pantelants, assommés de plaisir sur le lit défait. Du coup, prise avec une réelle vigueur par l’ensemble de ses trous, jouissant par quatre fois, Marie Stetarte ne trouvait plus le roi de Mouyse tellement odieux, même si son pauvre corps était couvert de bleus. Il venait en effet de la faire gentiment souffrir. Jamais son Baristan ne l’avait corrigée et c’était bien dommage finalement, parce qu’elle venait de découvrir qu’elle adorait subir pareille fessée. Fort ébranlé lui-même à l’issue de ce jeu glacial et troublant, son apôtre du mal lui demanda aussitôt sur le champ de l’épouser. Ce n’étaient pas des mots légers, car en répondant oui, Marie Stetarte devenait par le fait reine de Kiess et de Mouyse.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:38:38
n°46034045
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-06-2016 à 10:45:54  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 57.

 

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Mer-Amen Tesmich avait l’entrejambe irrité par son pagne détrempé, piteusement rétréci à force de plonger dans l’eau du Nil. Sans parler de l’âne finalement mort noyé, sur les flancs gonflés duquel l’esclave devait chevaucher avec peine pour se maintenir à flot, puisque le cadavre affichait à présent le profil ventru d’un tonneau gaulois. C’est pourquoi, il ne fut pas fâché de poser enfin pied à terre, juste à temps pour éviter de se faire dévorer par les crocodiles venus en nombre  partager sa défunte monture. Un panneau routier dont il déchiffra les hiéroglyphes lui indiqua qu’il s’approchait de Banania et il distingua d’ailleurs à l’horizon l’implantation d’un modeste campement. Il dirigea ses pas vers cette caravane avec prudence, mais comme celui-ci se plaçait sur sa route, il fit néanmoins une halte à l’Hippopotamus, le bar-restaurant de la capitainerie du port, afin d’y boire une bière, manger un sandwich de fèves épicé et pisser. La jeune serveuse gracile était mignonne, enjouée, elle s’approcha en faisant cliqueter son collier de perles en bois et ses bracelets en os. Sa timidité mal contrôlée témoignait cependant qu’elle effectuait juste un boulot saisonnier avant de reprendre ses études. Lorsqu’elle prit la commande, elle s’exprima avec un petit accent du sud fort plaisant.

 

– Vous avez la Carte de Fidélité Hippo ?

 

– Je ne suis pas un homme fidèle, mademoiselle. Dites-moi, qui occupe le camping que j’aperçois là-bas ?

 

– Un gros convoi de tissu de l’« Organza et Nylon à Sion ». Je vous apporte votre commande de suite, monsieur. Vous savez, si vous êtes encore là jusqu‘à demain, la capitainerie propose au crépuscule un spectacle musical événement, avec délirante soirée mousse.

 

La petite en voulait peut-être à sa carrure musclée et son pagne minuscule, puisqu’elle ajouta un clin-d’œil à ce qui ressemblait fort à une invitation. En tout cas c’était cool, il avait finalement retrouvé sa cible, et ne doutait pas de la présence de Valisansoùth dans cette caravane. Un couple de touristes morts de chaud venait de quitter leur plage isolée, pour entrer précisément dans le restaurant y dénouer en criant leur petit drame familial et s’écharper dans une intrigue psychologique mouvementée. La femme révélait au pauvre gars qu’elle venait de concevoir un enfant avec un inconnu, mais insistait surtout lourdement sur le fait qu’après-tout, c’était les vacances. Mer-Amen Tesmich tenta de les oublier pour avaler son sandwich, sous le regard coquin de la serveuse posée dans un coin du décor. Il ne résista pas au désir de l’épater, aussi posa-t-il sur la table sa précieuse dague en fer de météore, cadeau personnel de Schrèptètnuptèt qui espérait bien que cette arme exceptionnelle la vengerait. La jeune fille lui montra mine de rien, en retour, le tatouage en forme d’œil d’Horus très bien exécuté qu’elle possédait sous le nombril. Le type d’à côté ne râlait plus et se contentait de chioler, mais l’esclave redoutait plus que tout qu’il ne le mette dans la confidence. Un égo bien jugulé nous fera toujours avancer, le pauvre homme s’entrainait dur pour y parvenir. Sans doute pour le détourner de la conversation, sa chérie s’efforçait à présent de lui raconter une histoire poétique et apaisante, où il était principalement question d‘une poule sur un mur. Mer-Amen Tesmich paya sa note les yeux dans les yeux de la serveuse, puis elle lui proposa une nuit avec dîner et petit-déjeuner pour deux personnes ; mais déclinant l’offre, il reprit sans attendre sa route vers le campement. Le sable blond roulait sous ses pieds à chaque enjambée, des nuées de moustiques descendues des palmiers voletèrent longtemps autour de lui, se firent un instant grouillantes et s’échappèrent comme par enchantement, remplacées par de grosses mouches bleues lorsqu’il parvint aux premières tentes enrichies de teintes pastel. Accrochées aux fils à linge tendus entre les troncs, des petite culottes en lin et des robes en coton séchaient au soleil. Quelques autruches s’égayèrent sur son passage en abandonnant leurs énormes œufs sur le sol surchauffé. A cet instant seulement, il se rendit compte qu’il avait oublié son magnifique poignard dans le restaurant.  Relevant la tête au milieu de ses congénères, un chameau harassé leva la tête vers lui en silence. Trois hommes prenaient tranquillement le café accroupis sur un tapis posé par terre, en fumant de la drogue. Tendu sommairement au-dessus d’eux, un grand drap coloré leur procurait une ombre chiche. Visible par l’ouverture d’une tente proche, une femme assise en tailleur cousait laborieusement des étiquettes brodées du hiéroglyphe de l’ONS sur le col des fringues pliés en pile devant elle. Le ciel était, par-dessus le toit, si bleu, si calme, un arbre, par-dessus le toit, berçait sa palme. La cloche, dans le ciel qu'on voyait, doucement tintait. Un oiseau sur l'arbre qu'on voyait, chantait sa plainte. L’un des fumeurs avisa finalement le visiteur en faisant signe aux autres, avant de se tourner vers l‘étranger.

 

– Désolé mon gars, on ne fait pas la vente directe aux particuliers.

 

– Ho mais je ne suis pas client, je cherche du boulot.

 

– Comme beaucoup de monde aujourd’hui. Ben laisse ton papyrus au DRH, voir si ton profil correspond au besoin.

 

– Hé, mais je te reconnais, toi, s’écria Valisansoùth soudainement alarmé. Tu t’appelles Mer-Amen Tesmich, l’esclave attitré de cette salope de Schrèptètnuptèt. Qu’est-ce que tu viens foutre ici ?

 

– Je viens de démissionner. Au palais, aujourd’hui, c’est n’importe quoi. Elle vient tout juste d’avoir un fils, qu‘elle appelle Moisi. L’évincement de la pharaonne légitime en raison de cette naissance pourrait bien faire craindre pour les libertés individuelles, parole d’esclave !

 

– Nous on est dans le business, on s’en fout, d’ailleurs on est pas franchement royalistes.

 

– Ouais, à vrai dire je ne m’intéresse pas non plus vraiment à la politique, tout ce que je demande aujourd‘hui, c’est de gagner honnêtement ma vie.

 

– Ouais, tu ne serais pas plutôt venu vers moi dans cette contrée sauvage pour me régler mon compte ? Valisansoùth toisait l’autre avec un air suspicieux. Si tu laisses tomber cette mauvaise idée, je t’abandonne une part des bénéfices de cette caravane. Tépénib objecta vivement, mais il n’était pas le patron. Il préféra se taire en fumant sa pipe.

 

– Il est vrai que j’avais l’ordre de te tuer, mais le bordel à Thèbes et ce que j’ai vu en naviguant sur le Nil m’ont fait changer d’avis. Je vois bien que l’essentiel qu’il faut transmettre à nos enfants c’est d’abord l’humanité.

 

– Ouais, ben ça c’est pas vraiment dur, il suffit de tirer son coup, fit Amétatla d’un ton menaçant, en s’approchant vers les hommes, un solide gourdin dans la main

 

– Du calme ma chérie, mon petit fennec adoré, on discute, c‘est tout. Tépénib arrêta sa femme en levant la main. Va plutôt chercher notre fille Aménorée, qu’elle inscrive par écrit le nom de Mer-Amen Tesmich dans l’organigramme de la nouvelle structure.

 

–  Ok, mais toi le Thébain en string, là, si jamais un jour tu oses nous attaquer en justice parce que ton droit d‘actionnaire ne serait pas par hasard respecté, je te préviens, je te pète les couilles.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:39:52
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talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 12-06-2016 à 15:08:53  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 29.

 

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Fanch se trouve dans l’impasse, puisqu’il sait à présent que le Space Patrol dans lequel il est réfugié ne décollera pas. Il se rend à l’avis de Jorg, approuvé par Karela, et sollicite sans plus attendre du secours à sa base enfouie. La tornade vient de déverser sur eux plusieurs tonnes de sable givré et Siguiline éprouve le sentiment néfaste d’étouffer à l’intérieur du vaisseau en sommeil. Estimant sans doute cette sollicitude indispensable, la jeune toubib s’affaire constamment auprès de Flash, attentive à ses moindres besoins, avec des attentions de mère pour son fils. Perdu comme un niais dans ses pensées fumeuses, lui joue sans arrêt avec sa prothèse en étalant un ravissement évident. Il peut avec cet appareillage broyer d’un seul coup, sans effort apparent, un caisson en plastavlar avec la même facilité qu’un valide casse un œuf de poule dans sa main. Du coin de l’œil, Jorg le regarde étaler ses exploits en pestant tout haut. De l’abri souterrain, sitôt l’ordre reçu, un Space Tank est donc lâché dans l’immensité martienne pour sa mission de repêchage à haut risque. Les trois rebelles indés à son bord n’ont pas été choisis au hasard, on les sait cogneurs et particulièrement teigneux. Un trio d’anciens mineurs belliqueux au palmarès guerrier déjà bien étoffé. Jeff Coupé, le pilote, Fifi Filons et Phil Martinet naviguent en silence, chenillant vaillamment entre les cratères plus ou moins creux en direction de leur objectif encore lointain. Un équipage réduit mais très motivé pour ramener le plus vite possible leur chef au QG. Une question d’honneur pour eux, à la vérité. Phil se tourne vers Jeff pour l’inviter à partager sa canette de Ouaodka glacée, d‘une marque rendue célèbre pour avoir un jour été bénie en personne par son éminence.

 

– Alors, monsieur le Gebirgsmütze de Cragstan, tu te rappelles quand-même que tu me dois du fric ? Un pari ça reste un pari, et je vois pas comment Fanch aurait su piloter un Sharsherman.

 

– Ne m’appelle pas comme ça, je ne barre pas pour l‘ennemi, après-tout. Ok, j’ai perdu, mais au lieu de chercher à me ruiner, retourne dans cette foutue tourelle, je ne peux pas tout faire. Et je n’ai pas besoin d’un navigateur tout juste bon à se toucher la nouille. Bascule au passage la poignée des étriers et occupe toi du régulateur d’adhérence, tout de suite, bougre de con.

 

Phil cogne brutalement du genou sur la manette suggérée avant de grimper aux échelons, alors que le Cragstan arrache avidement du sol ses ventrées de sable et de pierres en filant droit. L’équipage redoute un peu l’arrivée accidentelle d’une mine traçante qui n’aurait pas été désactivée, mais l’hypothèse semble cependant peu probable. Profitant du refus poli de Jeff, c’est finalement Fifi assis à côté de lui qui s’enfile le reste de la boisson, en vidant la canette cul-sec. Sans mot dire, le buveur passe sa langue sur ses lèvres humectées d‘alcool fort, les yeux perdus sur les monotones encaissements rocheux que proposent devant lui les doubles hublots ovales de l‘engin. Les verrières assombries munies de leurs volets de plastacier offrent d’une manière saississante au véhicule blindé une allure d’insecte beige et rapide, aussi opiniâtre que menaçant. Phil tousse dans la tourelle pendant trente secondes, à s’en faire méchamment péter la plèvre, à cause de la regrettable pollucondrie congénitale malencontreusement contractée un jour par son arrière-grand-mère sur la terre.

 

– Pas moyen de booster ce trainard ?

 

– Je suis déjà à fond.

 

– Je lui disais justement ça hier soir, mais tu sais qu’elle est vraiment bien foutue, ta frangine ?

 

– Ta gueule.

 

Les chenillettes obstinées brassent une quantité moindre de sable en abordant la base d’une colline rocheuse relativement élevée, alors que Jeff suit scrupuleusement la piste exigée par le commandement. Basculant à vitesse élevée sur l‘autre versant, ils sont enfin soulagés d’apercevoir enfin devant eux la masse grisâtre de l’épave endormie, avant de prendre contact avec leur chef, sur la fréquence secrète dédiée. Phil bascule à moins de 5 degrés l’inclinaison de la plateforme armée par une lourde X-1 Flashy Ray Machine gun à double canon.

 

– Check, 0,087, proche du repos, Phil, comme la position habituelle de ta bite, c‘est ma sœur qui me la dit.

 

– 400 mètres, 21 secondes. Rétracte maintenant en vitesse les hélicoïdaux, gros pédé.

 

– Je connais mon boulot.

 

Les suspensions du minuscule engin s’affaissent docilement en chuitant, lorsqu’il s’engage à vitesse réduite sous les disques des gigantesques tuyères zionniques du Sharsherman qui leur masquent le ciel. Sous leurs bas-volets, les six phares du Cragstan s’allument un instant automatiquement en s’engageant dans la courte zone brutalement chargée d’ombre. Jeff replie d’un poil sa banquette vers l’arrière, impressionné malgré-lui par l’élévation de la coque de l’épave contre laquelle il engage à présent son propre véhicule, puisque les dimensions de l’autre ridiculisent par contraste le modeste chenillé. Phil montre du doigt une porte latérale en train de s‘ouvrir. Un homme en combi lève aussitôt le bras vers eux.

 

– Voilà Fanch, probablement. Dis donc, Jeff, cette bébête-là est nettement plus grosse que la tienne, hein, pas de doute !

 

– Va falloir te tenir et rester correct, trésor, y’a des dames, là-dedans.

 

– Un foutu taulard évadé rallié à la cause, aussi, paraît-il.

 

– Un véritable héros, d’après Karela.

 

Ils n’ont pas besoin d’enfiler de scaphandre, le Sharsherman gobe le Crastan une fois déplié son plan incliné, puis l’ouverture se referme sans bruit. A l’étage, Karela et Jorg réactivent dans le cockpit le bouclier électromag, brièvement éteint le temps de la manoeuvre. Une fois la soute pressurisée et réoxygénée, Fanch se désape pour accueillir et saluer un par un ses hommes qui sortent à présent de leur machine.

 

– Ravi de vous voir, les gars.

 

– Va te falloir d’urgence un astroragiste, chef, ton gros rafiot perd de l’huile. En m’approchant, j‘en ai pris plein les chenilles.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:44:05
n°46102863
talbazar
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Posté le 16-06-2016 à 10:02:51  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 11.

 

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Puisque nous entendons, en toute bonne foi, faire un récit de vérité sur le caractère exceptionnel de la vie de Gaston Boudiou,  nous devons reconnaître qu’il ne se passa rien de particulièrement singulier dans son existence en 1961 et 1962. Nous faisons d’ailleurs cette affirmation sans honte, mais avec le plus grand courage et la plus grande honnêteté, sur la base d’informations fiables et de sources plusieurs fois recoupées. Nous constatons seulement que la consultation des grands titres de la presse d’actualité de l’époque, mais aussi des journaux locaux plus modestes, comme « La Gazette des éboueurs de la ville de Troulbled », ne le mentionnent nulle part. Cette sérénité dans l’existence de G. Boudiou n’est pourtant que de surface, puisque notre gamin de dix ans réfléchit déjà en secret à la découverte de nouveaux polymères, susceptibles d’entrer dans la découverte d’une formule chimique innovante, car il souhaite révolutionner la composition des élastiques servant à la bonne tenue des chaussettes. Ceci dans le but d’éviter, à lui comme aux autres, une douloureuse constriction des mollets. Ernestine tricote en effet beaucoup au coin de son feu, en lisant Modes et Travaux, de manière à garder en permanence les pieds au chaud à ses petits-enfants, surtout l‘hiver. Nous savons également que les vieux Boudiou ne portent pas leur argent à la banque, et que c’est dans un long bas de laine réalisé par mémé que dorment tous les revenus en espèces de la ferme. Ayant appris auprès d’Alcyme la fabrication de cet art charmant, Angèle a d’ailleurs agrémenté le bout de cette cagnotte d’un ravissant pompon rouge réalisé par elle-même. Là-dessus, papi Léon a affirmé en la voyant exécuter son ouvrage qu’à tous les coups, elle épouserait plus tard un marin. Celle-ci, en rêvant un jour de faire une splendide carrière au cinéma, réalise aussi pour elle et son frère de gracieux colliers en pépins de melon, soigneusement enfilés avec une épingle sur un fragile cordon. En dépit d’une crainte rémanente des cerfs en rut qui l’empêche de se promener seule dans la forêt, la sœur de Gaston ne semble plus traumatisée par son enlèvement, que tous, en ce début d’année 1963, s‘efforcent désormais d‘oublier.

 

Patriote, l’abbé Julio n’a guère apprécié de rendre l’Algérie aux Algériens. Tout comme il n’a pas de mots assez durs concernant l’essor éclatant de l’aviation commerciale, laquelle concurrence outrageusement son ministère en promettant désormais de mettre le grand ciel plus près de ses ouailles. Lui préfère le train, et se félicite d’avoir été invité par monsieur le maire pour apporter sa bénédiction à la nouvelle gare de Troulbled, lors de son inauguration. Comme tous les paysans des environs, les Boudiou se sont rendus en vélo à la sympathique manifestation, et Angèle sait bien qu’un jour, c’est dans la belle Micheline rouge et blanche qu’elle quittera la ferme sans retour pour se rendre à Hollywood. C’est à elle que le chef de gare confie le soin de faire éclater la bouteille de champagne sur la locomotive, et c’est Gaston qui tend le goupillon à l’abbé Julio pour lui faire bénir le nouveau train, au nom du Seigneur et dans une moindre mesure, de la S.N.C.F. Loin des envolées oniriques de sa sœur, au début de l’année 1963 Gaston devient porte-drapeau chez les scouts, histoire de se muer en sentinelle de justice et de respect, et éviter de se transformer plus-tard pour sa future fiancée en petit-copain violent. C’est du moins l’argument choc déployé par monsieur l’abbé auprès de mémé pour envoyer son petit fils sous l’uniforme, tous les jeudis après-midi. Bien que notre jeune héros retrouve dans cette institution para-militante catholique les enfants de Peaumé-le-Coin et Pleurotte-les-Bois, un pacte de non-agression lie désormais les louveteaux des différents bourgs au sein de leur local vétuste prêté gracieusement par la mairie. La troupe s’installe donc au rez-de-chaussée de l’ancienne maison-close de Troulbled, désaffectée depuis 1946, puis laissée à l’abandon par son ancienne propriétaire. De forts liens d’amitié vont désormais souder le scout Gaston avec ses nouveaux camarades. L’abbé Julio est bien entendu le grand ordonnateur des activités proposées, comme l’aide ponctuelle aux vieux paroissiens grabataires atteints d‘énurésie, la réparation bénévole du toit de l’église, ou les opérations de dératisation du local réalisées à coup de pioche. Mais son but est d’avant tout de veiller à combattre l’ennui, et empêcher coûte que coûte que ses jeunes puissent désirer partir un jour en Russie, ou vouloir embrasser par erreur la dangereuse carrière d‘honnêtes fonctionnaires. Un bon serviteur du Christ honorera toujours d’un meilleur enthousiasme le proctologue que le cheminot. Après sa promesse solennellement proclamée dans la cour, devant tous ses camarades au garde à vous et le torse gonflé de badges et médailles, Gaston va donc subir un entrainement plus ou moins intensif, tant physique que mental, couronné cinq mois plus tard par le grand camp de l’été, au cours duquel il passera une quinzaine de jours loin de ses grands-parents. L’abbé Julio leur promet pour cette grande échappée des enjeux forts, entrecoupés de rire et d’émotion, voir peut-être, s’ils sont bien sages, de mise en danger quasiment mortel.

 

L’objectif visé n’est pas très éloigné, mais il faut tout de même prendre l’autocar Chausson à Troulbled pour se rendre aux anciennes carrières de Briepue située à 43 km, au sein desquelles l’abbé assure qu’ils pourront tous graver leur nom dans la pierre. Ainsi, ils pourront imiter les grognards napoléoniens de la campagne d’Egypte et le legs admirable de leur patronyme sur les façades des temples millénaires. Ils apprennent au passage que la localité de Briepue est restée célèbre pour avoir fait naître un évêque au XVIIème siècle. N’oublions pas que si l’abbé Julio représente l’aumônier et leur chef scout bien-aimé, il n’en reste pas moins instituteur dans le civile. Il leur enseigne donc qu’au sein du vieux château médiéval partiellement ruiné, qu’ils visiteront certainement en prenant des notes, l’homme au masque de fer aurait passé sa lune de miel avec sa femme, avant d’être enfermé pour toujours. Une occasion pour leur mentor de rappeler aux jeunots la duplicité féminine, depuis l’impardonnable trahison d’Eve. Il déplore cependant vertement la traite des blanches, mis en relief par un fait divers paru au mois de janvier dans Paris Jour, et dont il fait circuler l‘exemplaire dans les rangs. La ville où ils se rendent a toujours cultivé son opposition à la domination des Corinthiens, des Byzantins, des Romains, des Vénitiens, des Mongoliens, et c’est sans doute cet esprit de rébellion qui a poussé l’abbé à choisir Briepue comme lieu de son grand camp scout estival. La récolte massive du crottin d’âne dans les rues pour servir d’engrais n’y joue plus aujourd’hui qu’un rôle anecdotique, surtout depuis la deuxième guerre mondiale et le départ des Allemands. Une salle de cinéma de trente places assises, le Ciné-Boum, perpétue chaque samedi et dimanche le lustre culturel de la petite cité, mais il n’est pas question pour les scouts d’espérer s’y rendre pour regarder un film, surtout avec Brigitte Bardot, les voilà prévenus. L’organisation annuelle de camps scouts dans ses carrières abandonnées constitue néanmoins le débouché principal de l’économie de Briepue. Gaston Boudiou voyage assis au côté de son nouveau copain, Jean Micheton, un gars de Pleurotte qui sait faire dix nœuds par cœur sans consulter de manuel. Comme les autres, les enfants portent fièrement la chemise bleue, le béret, le foulard au cou et la culotte courte. Ils ont pris chacun en totem l’animal qui les caractérise. Gaston a choisi le bison parce qu’il est futé, et Jean le renard parce qu’il saute sur toutes les poules. A présent, on chante tous en chœur et à tue-tête « Feu de camp, si chaud, si bon », en regardant défiler le paysage par la vitre de l’autocar, lorsque le chauffeur négocie un peu de silence avec l’abbé. Le reste du voyage se termine dans un bourdonnement de murmures prudents et le ronflement régulier du moteur Panhard 4 cylindres de 110 chevaux. En bon scout, Jean a sorti sa banane de son sac à dos pour la partager avec son voisin :

 

– Alors, Gaston, c’est vrai que tu as vu une soucoupe volante ?

 

– Laisse tomber.

 

– Et ta sœur, elle s’est bien fait kidnapper, raconte ?

 

– Laisse tomber. Merci pour la banane.

 

– T’es pas drôle.

 

Jean demanderait bien encore des détails sur l’événement qui a fait de Gaston un orphelin, mais il voit que sa question ne sera pas davantage honorée. Avec les doigts, la troupe excitée fait des cornes à Julio dès qu’il lui tourne le dos. On rigole, on se marre, le ciel est bleu et la nature est belle. Marité l’épicière leur a fait don d’un carton de gâteaux Gringoire, que l’abbé fait distribuer avec équité, mais le chauffeur hurle de ne pas coller de miettes sur les sièges. Peine perdue, évidemment. Et puis, youkaïdi youkaïda, on entre en fanfare dans la carrière, abandonnée depuis longtemps par les ainés.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:45:38
n°46133104
talbazar
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Posté le 19-06-2016 à 11:14:14  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 22.

 

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Il se trouvait désormais trop près pour renoncer à aller voir le bâtiment plus en détail. L’alignement des nombreux barreaux qui le clôturaient était cependant assez élevé, mais Martin s’estimait en mesure de pouvoir l’escalader. Non sans mal, il s’escrima à la tâche. Une fois avisé un arbre proche qui lui tendait généreusement de l’autre côté l’une de ses grosses ramures, il empoigna les fers de la grille. En équilibre précaire sur la barrière acérée, il agrippa la branche providentielle et descendit le long du tronc devenu accessible, pour franchir finalement l’obstacle. Le privé déchira au passage la poche droite de son costard, mais il avait entre-temps passé son arme à la ceinture. Il louvoya ensuite rapidement entre les sapins touffus pour se rapprocher de son but, puis le gravier de l’allée se mit à crisser un peu trop sous ses pas, avec pour conséquence de tempérer prudemment sa progression. Devenues proches, les statues dénudées agrémentant le parking toujours désert continuaient de le dévisager avec une obstination tenace. Il craignait plus que toute autre chose le déclenchement d’une alarme intempestive, mais seul le bruissement des feuillages agités par le vent livrait tranquillement un concert naturel et feutré. Une fenêtre s’éclaira au troisième étage, sans dévoiler de silhouette. La nuit était tombée et l’air rafraîchissait rapidement, Vaya devait vraiment grelotter dans la bagnole. En quelques enjambées, il rasa les murs massifs envahis par le lierre et se cala dans le renfoncement que formait la base arrondie de la tour. La Mercedes qu’il pouvait presque toucher dormait précisément en face de lui. Il la délaissa aussitôt lorsqu’il découvrit la présence d’un soupirail largement ouvert, lequel excita bien davantage sa curiosité. Peut-être l’avait-il dérangé, ou tenait-elle seulement à manifester qu’elle n‘approuvait pas cette intrusion, une chouette s’échappa en silence d’un des mâchicoulis qui bordaient en ligne le sommet de l’édifice. Il espéra que ce con de Guy n’ait pas lui aussi l’envie d’un vol nocturne, et que le perroquet resterait sagement comme convenu auprès de Vaya. Derrière deux volets mal rabattus, dont les panneaux désorganisaient l’harmonie de la façade, une seconde ouverture s’alluma, suivie d’une autre, encadrée celle-ci de jolies colonnettes qui débordaient du mur pour enrichir le décrochement d’un gracieux balcon.

 

 Martin hésita, puis il se laissa glisser facilement par le soupirail, pour atterrir sur le sol d’un réduit obscur. A l’extérieur, il entendit distinctement l’oiseau nocturne donner deux fois de la voix. Un grand silence régnait en revanche dans le lieu qu’il venait d’investir. Vu du château, hors des limites imposées par son jour artificiel, le reste du parc se noyait dans une noirceur absolue. Il lui fallait avancer dans la pièce à tâtons, au sein de l’opacité contraignante, il se demanda une seconde ce qu’il fichait en réalité dans cette galère et réalisa en même temps le degré de son audace. Et puis, à la suite de cette intrusion digne d‘un vulgaire cambrioleur, pourrait-il au moins sortir par la grande entrée, sans doute soigneusement verrouillée ? Il ne pouvait certainement pas l’espérer. Il ne savait pas au juste ce qu’il venait exactement chercher là, mis à part une évidente mise en danger. Une fois éteint ce sentiment fugace de s’être piégé lui-même, il ouvrit néanmoins la porte découverte en tâtonnant, avant de s’engager dans un étroit couloir, heureusement pourvu des lumières falotes qu’exige la sécurité incendie. Des interrupteurs étaient visibles également mais Martin les ignora, puisqu’il voyait à présent suffisamment où il posait ses pas. Il se rendit compte que sa progression le faisait arpenter un vaste sous-sol. Une entêtante odeur médicale titilla fugacement ses narines, avant de se dissiper un peu lorsqu‘il entama l’ascension d'un large escalier. Des voix d’hommes se rapprochèrent, il redescendit les marches en hâte, profitant d‘un virage pour ne pas être vu.

 

– Je te dis Borz, le poids idéal d'une belle-mère c'est deux kilos, urne comprise.

 

– Je m’en fous, Bob, je suis pas marié.

 

– Elle est comment ce soir ?

 

– Plutôt nerveuse. Tu as le tranquillisant sur toi ?

 

– Ouais.

 

– Vaut mieux.

 

L’odeur d’éther était totalement écœurante. Martin s’enfuyait à présent dans le couloir en essayant de ne pas faire trop de bruit, puis il tourna sur sa droite au moment où l’un des deux gus alluma les néons. Mis à jour par la violente clarté ricochant sur les murs propres et blancs, le privé contourna une civière sur roulettes posée contre le mur et se précipita sur une porte qui ne refusa pas de s’ouvrir. Juste à temps pour éviter d’être découvert. Attentif  au moindre bruit, il dégagea son Remington, enleva la sécurité et le tint fermement dans son poing. Les autres passèrent sans s’arrêter devant son abri, puis il les entendit farfouiller dans la serrure d’une pièce située à proximité. Il décoda distinctement le son de leurs voix.

 

– Fais gaffe, Borz, hier, j’ai bien failli perdre un doigt.

 

– Il serait plus prudent de la mettre en cage, non ?

 

– Tu n’es pas le patron, et moi non plus. De toute façon, Gros Bill l’embarque bientôt pour Hawaï, et ça ne sera plus notre problème.

 

Et puis un mélange de bruits divers bourdonna dans les oreilles de Martin, dont les poils se hérissaient malgré-lui. Un tourbillon d’idées hallucinées lui suggérait qu’il frôlait à ce moment précis la découverte de quelque événement important pour la suite de son enquête. Une unique appellation venait de lui faire franchir d’un bond pas mal de frontières. Sa périlleuse situation le ramena cependant à cesser de s’interroger plus avant pour se concentrer sur une réalité sérieusement abrasive pour l’esprit. Dans sa main crispée, son pétard se fit un poil plus lourd. Un cri strident traversa la cloison, un couinement animal bref et inquiétant. Les yeux de Martin sondèrent l’obscurité, puis il avisa un rai lumineux de faible intensité qui passait sous une ouverture percée dans un mur sur sa gauche. Il grillait d’envie d’aller dans cette autre salle, bien que sa raison lui soutienne avec force une vigoureuse éloge de la prudence. Il se dirigea pourtant vers cette porte et colla une oreille sur le bois peint. Il entendait des soufflements de bête, des crissements étranges, un tintement de gamelle, mais tout ce barouf ne semblait pas provenir directement de la pièce qui jouxtait son refuge, et les bruits incongrus s’en trouvaient un peu atténués. Les deux types refirent jouer la serrure, puis leurs pas indiquèrent qu’ils s’éloignaient dans le couloir, sans rajouter le moindre commentaire. Une soif de savoir submergea le privé, une curiosité désormais impossible à éteindre en lui, qui le força à pousser la porte. Elle s’ouvrit sur une sorte d’antichambre de laboratoire, faiblement éclairée par la douce luminosité provenant des écrans d’appareils étranges. Une grande baie vitrée perçait presque entièrement le mur qui lui faisait face. Des années de police, dont un certain nombre dédiées à la sécurité du territoire, l’avaient familiarisé avec les glaces sans tain, il sut immédiatement que le large miroir qui s’offrait à lui possédait une telle particularité. Lorsqu’il s’approcha, la glace truquée lui offrit la vision d’une pièce étroite baignant dans une unique et violente lumière rouge. Il distingua aussitôt une silhouette humaine chargée d’ombres sous le feu de l’ambiance écarlate. Une atmosphère rappelant une chambre de bordel, mais il n’y avait pas de lit, ni aucun autre meuble, et l’heure n’était pas vraiment à plaisanter. Une femme nue à l’abondante chevelure décoiffée lui tournait le dos, accroupie à quatre pattes sur le sol. Elle semblait grignoter avidement de la nourriture posée devant elle dans une écuelle en fer. Une chaine solide entravait l’une de ses fines chevilles, mais ses bras et ses mains semblaient libres. Bien que fasciné par ce spectacle quelque peu dégradant, une intense exaltation s’empara de Martin, puisque à elle seule, la présence de cette prisonnière venait prouver que la maison de retraite cachait bien une activité occulte et de toute évidence pas très nette.

 

L’inconnue se penchait à présent en relevant des fesses agréables, afin de pouvoir plonger complètement sa tête dans son écuelle, en émettant quelques râles gloutons. Une petite porte non vitrée percée en parallèle de la baie permettait d’accéder vers la recluse, le détective se fit donc, par ce moyen, un devoir de se rendre vers elle pour éventuellement la délivrer, tout en essayant par sa bouche d’en apprendre davantage. Mauvaise pioche. A peine s’était-il approché que la femme se redressa d’un bond, en tirant sur sa chaine mais avec horreur, son sauveur découvrit qu’elle n’avait pas un visage humain. La créature irritée affichait en effet l’hideux museau retroussé d’un rat colérique. Une ignoble et grosse tête de rongeur démentiel, piquée de grands yeux agressifs, exorbités, aux prunelles injectées, carmines et folles. Comme la chose se jetait sur lui férocement la gueule largement ouverte, Martin chercha à protéger instinctivement son propre visage, la femme-rat lui déchira la manche avec ses longues griffes et le blessa cruellement au bras. Le Remington hurla, un tir réflexe, salvateur, mais sans doute idiot, vu que la bête se trouvait enchainée et qu’il aurait suffit de reculer pour esquiver son attaque brutale ; mais il était trop tard. La balle éclata les longues et puissantes incisives jaunâtres du monstre, traversa son cerveau en maculant de sang l‘épaisse chevelure, puis l’immonde mutante tomba lourdement à ses pieds, tuée par un coup de feu probablement perçu dans tous les étages.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:48:37
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Posté le 21-06-2016 à 14:40:45  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La jet larguée - Extrait numéro 04.

 

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La chef de cabine Kinni Quelpapishi s’était planquée un instant dans le galley, et ce qu’elle avait alors fait couler dans son verre ne pouvait surement pas se faire passer pour du sirop d’érable. Le péché mignon de cette fille au grand front pâle se trouvait en effet être une addiction aux alcools, n’importe lesquels, mais sans aucune modération. A tout moment, elle assumait la même histoire : il fallait qu’elle écluse en douce whisky et rhum à outrance, mais la chose étrange consistait dans le fait qu’on ne la remarquait jamais réellement ivre-morte. Tout juste pouvait-on déceler quelque signe de son vice dans sa manière très personnelle de tournicoter ses cheveux châtains à la va-vite, pour se composer un éternel semblant de chignon négligé. Elle assurait malgré-tout un service très correct, même après avoir sifflé le contenu d’une barrique. Tout le monde s’était un jour interrogé sur la raison profonde qui la poussait à assouvir en permanence sa triste passion pour les spiritueux, avant de se mettre d’accord sur le constat qu’elle avait épousé un footballeur. La cuite permanente de l’hôtesse, qui approchait de ses trente cinq ans, semblait donc inhérente à quelque schéma tétéologique l’aidant à supporter le fait d’avoir épousé un petit beauf pathétique, agressif, vantard et méprisant, mais qui se pensait cultivé en société, d‘une manière proprement hilarante. Un défaut tenait cependant à la méthode elle-même, puisqu’elle se ruinait positivement les finances en remplissant ses valises de bouteilles avant chaque vol, par peur de manquer. Probablement par une sorte d’équilibre compensatoire mystérieux, Kinni était la seule à pouvoir rester droite comme un i au milieu de la travée, même en cas des pires turbulences. Elle avait donc le droit exclusif de ne pas s’asseoir ni de s’attacher, tout en se baladant tranquillement dans l’avion fortement secoué, puisque Steven avait un jour découvert que cette attitude stoïque rassurait merveilleusement les passagers. A condition bien entendu qu’elle ait digéré son dernier repas. Elle posa son verre vide, se sécha les lèvres d’un bref revers de poignet et retourna rejoindre Kurt et Loraine pour accueillir à bord les petits protégés de la Petro Jelly.

 

– Clean and search ok, lui fit l’un des nettoyeurs au passage, en s’apprêtant sans sourire à quitter l’avion pour aller rejoindre ses collègues déjà au sol.

 

Comme elle tentait de maitriser un haut le cœur à ce moment là, elle se contenta d’un petit signe de la tête, pour approbation, avant d’aller se planter à la droite de Kurt. Par besoin objectif, il lui prêta galamment son bras pour éviter qu’elle ne s’écroule. Le chef steward consultait une dernière fois la liste des embarqués, pendant que Loraine soutenait l‘autre épaule de Kinni, en essayant de ne pas respirer son haleine de flic. Ce n’était pas un avion transportant des touristes qui convenait à la chef de cabine, mais plutôt un Canadair alourdi de scotch écossais. Elle articula toutefois ses phrases d’une manière tout à fait compréhensible :

 

– Alors Kurt, comment est notre pax, aujourd’hui ?

 

– On devrait être tranquille, à priori. Outre les trois agents de la sécurité Boukistanaise que Summer s’obstine à qualifier d’espions, en première classe on a un producteur de films porno, trois de ses actrices, une star du rock en puissance et sa groupie préférée, un général d’infanterie avec son petit copain, l’héritier en titre des raffineries Tatol, une femme enceinte, un cardiaque, le patron d’une marque de slips, un gagnant du loto, le sosie monégasque officiel de Céline Dion, une actrice française anonyme très belle, très sexy, très intelligente, deux chercheurs du C.N.R.S, des frondeurs scientifiques spécialisés dans le bouturage et la floraison des cactées subtropicales, un docteur gynécologue spécialiste de la restauration de l’hymen, un député avec une call-girl, un vieil archéologue subaquatique et sa très jeune assistante, un prêtre de secte atrabilaire, un écrivain de biographies en exil fiscal, des associatifs défenseurs des droits des chiots de chenil, un restaurateur de serveur proxy, un présentateur météo juif new-yorkais, une directrice de magazine de mode boulimique accompagnée de deux mannequins mineurs anorexiques, et le reste en classe éco se compose des blaireaux habituels en congés payés, d’un chorégraphe et ses danseuses, d’un gamin qui s’élève tout seul et qui va voler pareil, d’un groupe de quinze syndicalistes d’une charcuterie industrielle envoyés sous le soleil par leur CE, de familles recomposées en vacances, de sans-papiers probablement Kilapilafons en reconduite aux frontières ou d’émigrés français vers Kilapile en regroupement familial.

 

Summer s’était sournoisement rapprochée pour jeter elle aussi un coup d’œil sur la liste.

 

– Pas de pompier dans la bande ?

 

– Non ma grande, fit Kurt, mais un haltérophile vénézuélien amateur aux abdos bien huilés, paraît-il.

 

–  Et ben celui-là, je le garde sous le coude. Je vais le briefer sur les procédures au cas où quelque chose clocherait pendant le vol. Quelque chose de grave, bien entendu.

 

– Mais oui, mais oui, c’est ça, ajouta Kinni d’un air ironique, tout en essayant de réprimer un hoquet aux senteurs maltées.

 

Après le départ du chef d’escale Ewing Balloon, les premiers introduits furent donc les fameux agents du Boukistan, qui vérifièrent scrupuleusement les badges du personnel chargé de les accueillir. Al Azif Youkhan, Abdoul Alhzobdarqred et Moktar Bouif se séparèrent ensuite pour occuper leurs places respectives, le premier à l’avant des secondes, le deuxième à l’arrière, et l’autre grimpa l’escalier pour rejoindre en première Pamela, Lola et Wanda, naturellement contraintes de se montrer sympathiques avec lui, pour ne recevoir en échange que le miroitement impersonnel de ses Ray Ban. Manquerait plus que ce gars-là fut armé ! mais s’il l’était, il en avait sans doute reçu l’autorisation. Loraine cherchait partout son carnet d’annonce qu‘elle avait perdu, tout en suspectant fortement Shirley de le lui avoir carotté. Summer tendait le cou pour essayer d’apercevoir son athlète, Kurt empêcha Kinni d’aller soit-disant vérifier la pression d’une bouteille, Steward déconnait avec le mégaphone pour faire marrer la fausse Céline Dion, histoire de comparer les dents. Sans interruption, Victoria et Kim balançaient à la chaîne des have a nice trip et des bonjour, bonjour sur l’interminable coulée humaine qui passait par la porte. « Salut les Barbies ! », fit l’un des charcutiers goguenard en baskets et gourmette, suivi d’une rafale de rires de la part de ses potes qui suivaient juste derrière, et ça c’était fait. Toutes les hôtesses tiraient la bouche à l’extrême en déformant leurs joues le plus possible, et Shirley se planta une fois en disant bonjour monsieur à une dame qui la méprisa en prenant un air outragé, mais celle-ci avait franchement l‘air d‘un bonhomme. Une flippée de l’altitude à l’expression tragique se décomposait déjà sur place en reluquant méchamment les hôtesses, comme si elles allaient lui faire un shoot d‘héroïne contre son gré. Des gamins impatients tiraient sur leurs parents pour qu’il avancent plus vite, quelques mecs profitaient de l’espace exigüe pour essayer de frôler mine de rien quelques nichons avant d’aller s’asseoir.

 

La grosse reine de la mode s’inquiéta d’emblée du menu, et demanda s’il était possible de prendre la part d’un des mannequins qui la suivait, Kurt la poussa aimablement du genou, au risque de ne pas retrouver sa jambe. On vérifiait les cartes, on regardait les tronches, on examinait en douce les comportements, on faisait face à l’imprévu en étudiant les profils et tout ce qui peut faire le mystère des êtres. On repéra en douce que le marchand de slips semblait trahir sur sa face accablée un cœur fraîchement brisé. Trop désespéré et malheureux pour se transformer pendant le voyage en trublion solitaire. Kinni remercia l’un des botanistes qui voulait lui offrir un peyotl en pot, et puis après avoir accepté ce cadeau, elle demanda à Steward d’aller bien gentiment ranger la petite plante d’un vert tendre dans ses affaires. Mescaline à l’escale, j’imagine, sifflota pour lui-même le jeune homme en s’éloignant. Summer s’éclipsa un instant avec l’haltérophile sud-américain lorsqu’il eut accepté sa potentielle mission de secours bénévole. Il s’écoula un certain temps avant de les voir enfin réapparaître. En passant dans les rangs, Loraine et Kinni distribuaient aimablement les fers à cheval et les pattes de lapins offerts gracieusement par la compagnie aux superstitieux. Pour la même raison, il n’existait pas non plus de rangée 13 à bord. Bien que déjà assis, mais hanté par le spectre d’une bombe, un gars en panique commençait à gonfler sévèrement, et comme il donnait vraiment trop de la voix, on jugea bon de lui refiler un verre d’eau, avec du bonsoir-madame dedans. Avant d’entamer une intéressante discussion avec son beau et charmant voisin, l’épouse de l’agité, en pleine séance de pré-marivaudage, remercia en particulier les hôtesses avec chaleur. Elle fit marrer tout le monde en déclamant haut et fort que la seule bombe à bord, c’était elle. Elle allait sérieusement déchanter, si par hasard elle croisait Wanda. Son voisin semblait quand même trouver la comique fort à son goût. L’avion n’avait pas encore décollé et pourtant, ça sentait déjà le fauve, mais ce n‘était pas forcément de la faute du pax qui bien au contraire empestait le gel-douche, puisque les oreillers et les couvertures qu’on lui proposait, et réutilisés à chaque vol, n’étaient jamais lavés. Quand on ne vit plus que des têtes dociles dépasser des sièges, Shirley referma la porte d‘un geste vigoureux, se coinça les cheveux, la rouvrit, la referma, avant que Kurt ne l‘invite à rendre à leurs propriétaires les quelques portefeuilles qu‘elle venait de subtiliser sans s‘en être rendue compte.

 

Dans leur cockpit, Steven et Jack s’activaient pareillement. Le commandant passait en revue les magazines qu’il avait embarqué et placé dans son vide-poche, pendant que le copilote glissait à portée de main ses grilles de mots-croisés. Puis ils procédèrent l’espace d’un quart d’heure au contrôle des systèmes, fuel quantité, prise mutuelle de leur pression artérielle, réglage de la radio sur « Rire et chansons », commande auprès de Victoria de deux décaféinés sucrés, et pas dans une heure. L’essentiel pour s’assurer une bonne stabilité en vol allait consister avant tout à pointer le nez de l’appareil dans la bonne direction.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:50:04
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Posté le 23-06-2016 à 11:06:34  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 08.

 

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Robin qui boit avait au cou le grand corps d’ivoire clair de Guy Bouyave et celui-ci lui soutenait coquinement la glorieuse parenté, car ils étaient tous deux preux de belle jeunesse et de grant vaillandise. Têtes inclinées et mains jointes, ils allèrent tranquillement à leur fin, derrières baissés en direction de la fenêtre et chefs tournés vers la profonde cheminée. Quand ils revinrent de pâmoison, Jeanne se planta devant la porte pour leur dire que li salopard de vaillant et gentilz roi siégeait, et qu’il avait un truc important  à leur dire. Vêtu de camelin et de pers devant tous ses barons, tout frotté d’huile de bonne coco des îsles de Godapat, Vazy pria son nain jongleur de bien vouloir cesser ses cabrioles, en voyant arriver dans la salle Jeanne-Mireille d’Arc et les six moines. On fit couler pour eux bonne vinasse d’un bel aquamanile en or, puis on leur proposa de leur servir de l’excellent pâté d’anchois volants, tout frais pêchés dans la mer de Cybrine.

 

– Ah vous voici, mes bons amis ! Vous êtes venus me voir du lointain Kiess, pour une expédition dangereuse que vous pouviez faire ou ne pas faire, afin de m’apporter votre précieuse relique. Il me semble qu’à présent, je vous suis redevable. Le tyran se gratta un instant une croûte au mollet, là où Marie Stetarte l’avait délicieusement mordu la nuit dernière.

 

Une nuée d’étincelles s’échappa de la bûche tisonnée par un page zélé, qui placardait au milieu de sa bouche des dents pareilles au porc adulte, du moins selon l‘opinion que partagèrent tout bas messire Gauviens et sieur Braillard. L’autre interrompit son travail de mâchoire, avant de s’ébrouer pour échapper aux flammes et se remettre dans le rang.

 

– Point ne faudrait qu’il baille ! chuchota Braillard.

 

– Si fait, messire Groin-Groin, railla Gauviens, en plissant comiquement son museau.

 

– Tout bas ! les gronda Robin, en les poussant rudement du coude par effet domino, afin qu’ils arrêtent leurs simagrées. Puisque le roi de Mouyse voulait semble-t-il ajouter quelques phrases pour jaser.

 

– Comme vous le savez, j’ai donné à Monseigneur Robert Laygros à la fois des vacances et sa sépulture. Mais un problème de taille se pointe à l’horizon, puisque la basilique est désormais privée de son administrateur. Or vous, mes bons moines, vous êtes fameux prestres de la milice de l'Ordure des Hospitalisés de Sainte Kramouille, et en particulier vous, Robin, car vous en êtes le chef. C’est pourquoi, en accord bien entendu avec le Cardinal Jobic Apérobique, grand maître en papoté de la passion de Kramouille et des prêtres majeurs de l’oratoire de l’ancienne Observance, j’ai décidé que Robin qui boit sera le nouvel archevêque de notre cathédrale de Mouyse, afin qu’il en reçoive, bien entendu en compagnie de sœur Jeanne-Mireille et de ses pieux compagnons de pieu, moult honneurs et grasse dîme. Impôt qu’il me reversera bien entendu au tiers. Je précise cependant que l’œil de Dinde restera dans mon coffre, et que vous ferez tout pour m’en apprendre les mystérieux usages.

 

Un jeune frère de la casquette du quart ordre de Sainte Kramouille, petite hirondelle de la congrégation de Mouyse, leva cependant son doigt pour contester.

 

– Majesté, vous omettez de dire que ces gars-là venus de Kiess sont de toute évidence indécents fot-en-cul et fesse-Mathieu, accompagnés de leur putrelle, car celle que vous dites n’est qu’une gaudrille de cabaret, comme chacun sait.

 

– Je donne ou refuse les faveurs, et en ce qui te concerne, pour toi, c’est terminé. Et sur le champ, Vazy ordonna qu’on l’embarque pour le décapiter, après l‘avoir collé au pilori sur la place du marché pour recevoir sur la tronche des produits périmés.

 

L’incident étant clos, puisque personne n’osa plus protester, Robin réclama de prendre la parole.

 

– C’est beaucoup d’honneur que vous nous faites, sire, en nous octroyant la couronne de votre basilique, mais que Sainte Kramouille nous absolve, il nous faut refuser. Nous sommes oncquemais dédiés en pauvreté. Mais je ne peux musser espérer de vous quelque grâce, qui nous siérait bien davantage. Lorsque vous nous avez délivré de la geôle, n’aviez-vous point parlé d’une fille du Fion qui peinturait fort bien, l’épousée de l’ancien vizir du Fion, semble-t-il ? Vous l’auriez enchartrée dans ce château, selon vos dires.

 

– Si fait. J’ai d’ailleurs à présent pour Marie Stetarte un bienheureux projet, car elle est à présent ma maîtresse. On dansera bientôt ici la gigue au son des sacqueboutes et des cornets, car je vais l’épouser !

 

Merde de merde, pensa Robin, car cette révélation déchirait sa pensée comme une méchante tempête vient détruire un hameau. De toute évidence, les plans des moines se voyaient contrariés. Il doutait à présent de sa mission, et  celle-ci prenait de toute évidence un chemin inattendu. Pour gagner du temps, il demanda de l’eau parfumée pour se laver les pieds. C’est alors qu’on fit rentrer dans la salle du trône la veuve de Baristan, châtelaine triomphante entourée de meschines atourées et de paiges immatures bourrés d’acné. Elle portait des béquilles et courbait son échine, car son maître l’avait merveilleusement fouettée de dures épines acérées. Elle se donnait en effet au roi de Mouyse à foison, et avait bien volontiers accepté de le marier. Ce dernier battit des mains à son arrivée et loua sa douleur et son talent d’artiste, car son tableau magnifique était à présent achevé. Le délicieux portrait ornerait certainement sous peu sa chambrée.

 

– Ah m‘amïete, bientôt, ja te baiseroie estroit, y compris au restrait, car je suis amoureux. Béni sera celui qui décrira en cent folios ta beauté ! Allons mes moines, vous êtes hommes doux et solitaires, et vous ne voulez point présider dans notre cathédrale, soit, mais vous assisterez bien entendu en loge d’honneur à mon mariage, qui sera dans trois jours.

 

En son fuseau vert-feuille avec poutre apparente, Robin tremblait de tous ses membres, sans en omettre un seul. Il regardait l’autre conne et tâchait de faire la part en elle entre folie et vanité. Ils étaient venus pour la délivrer des griffes d‘un tyran que dorénavant, elle comptait épouser. Il chanta en silence dans son cœur, longuement, dans l’espoir de toucher Sainte Kramouille. Ses copains n’étaient pas mieux logés, et tous regardaient avec méfiance la péronnelle de Fion qui venait de les dauber si cruellement, en affichant sa tentation de luxe et de vie mondaine. Ils auraient à causer longuement de cette affaire dans leur dortoir de pierre. Marie possédait sans doute d’indéniables talents, pour avoir emmener le tyran dans sa couche, avant de le faire si bellement flancher. A quelque chose malheur n’est jamais bon, mais Marie n’était point sorceresse, et c’était déjà ça. Elle s’approcha lentement en boitant de Robin, pour lui parler avec ostentation :

 

– Et donc vous voilà devant moi, j’ai joie sincère de vous offrir bisous, car mon futur époux ne cesse de me saouler d’éloges à votre sujet.

 

– Grand bien madame, c’est tout pareil que nous rendons hommage à la future reine de Mouyse et nous prierons pour elle demain matin aux Laudes. Il essaya un clin-d’œil, histoire de lui montrer par connivence secrète qu’elle pouvait encore s’échapper à l’aurore avec eux.

 

– Auriez-vous quelque poussière dans l’œil, messire Robin ?

 

La garce de fiérote n’avait donc point l’intention de quitter ce royaume maudit, et Robin ravala piteusement son échec.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:51:20
n°46211495
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Posté le 26-06-2016 à 11:09:17  profilanswer
 

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Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 58.

 

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L’oasis de Ipetasonthoûr n’était plus ce marais d’eau croupie, mais un bon plan immobilier fournissant temples, pyramides middle-class, sépultures à visiter sur RDV et disponibles en livraison immédiate. En cœur de ville, la pharaonne Néefièretarée farnientait dans sa belle villa située entre Thalassa et casino, profitant à loisir des grandes loggias et de ses somptueux jardins privatifs ouverts sur le Nil. L’affiche en papyrus de l’office de tourisme, dirigé par Hiphopérap, proposait en ce moment un festival sur les cultures du bassin méditerranéen, avec chanteuses inspirées, musique soufie et chorale afrobeat. La reine étincelante venait tout juste d’inaugurer la première rando pédestre sur les berges aménagées, qui permettaient au cours d’une plaisante promenade de se rendre directement vers l’esplanade du Temple de Seth. Les subventions du royaume au parc aquatique s’élevaient tout de même à 526897845 moutons et 9541 chèvres, en plus de celles du port de plaisance, vaste complexe en pierre taillé financé à hauteur de 655484 chameaux. Le vizir Phimosis faisait les comptes et les budgets, tout en gardant en tête que ce nouveau territoire correspondait sans aucun doute à un intérêt local supérieur. Un partage harmonieux de la voirie permettait d’apaiser la circulation entre litières, cavaliers et piétons et offrait toujours, les jours de marché, un milieu de vie des plus animé. Ipetasonthoûr affichait à merveille un certain reflet du vivre ensemble, en dépit de rares incivilités et quelques dégradations volontaires sur les chadoufs qui puisaient l‘eau des puits. Une tentative pour faire de la nouvelle ville le grenier à riz de l’Egypte était cependant restée sans suite, notamment en raison d’un manque de subvention.

 

Néefièretarée apposa délicatement son cartouche sur un document instaurant l’installation d’un nouveau coin pique-nique implanté tous près de sa nouvelle statue, sur 20 000m² de pelouse naturelle. Phimosis roula dans sa ceinture le papyrus qui officialisait le grand projet urbain, puis il claqua des doigts pour que leur soient servies collations et boissons. Le grand noir prenait la reine à bras le corps, et sa nouvelle fonction très à cœur. Plus pragmatique, le général Merdenkorinnanâr redoutait de son côté une possible invasion Hittite, contre laquelle il avait mis en garde mareyeurs et entreprises, mais il avait aussi pris soin de lancer en parallèle une grande campagne citoyenne sur le don du sang. Il n’y avait pas de raison que les soldats soient les seuls à se battre. Sur l’élévateur à bateau, le Pamalrâssé attendait sagement de reprendre sa croisière vers le sud. Néefièretarée glissa un marque-page dans son livre de Thot pour trinquer avec son amant et Merdenkorinnanâr. Le militaire qui lui faisait face ne cachait pas l’inquiétude que faisait naître en lui les nouvelles inquiétantes reçues de Thèbes.

 

– Ta belle-sœur a un fils désormais, cette naissance compromet ton avenir sur le trône, il faut l’éliminer. Sa voix sortait difficilement tant il était indigné.

 

– Qui ça, Schrèptètnuptèt ou son gamin ?

 

– Les deux, sans doute. Et ton mari avec, il paraît qu’il est devenu dingue et pratique des massacres gratuits dans toute la province. Il faut que tu retournes à Thèbes faire le ménage, il est encore temps. Cette question de succession est grave.

 

– Ah oui, l’alcool est un fléau, j‘ai toujours pensé que Ramassidkouch picolait trop. Elle se débarrassa du sable collé à son bras par la sueur chaude. Elle n’avait pas besoin d’un dessin pour comprendre que le général avait raison. Quel salaud quand même, me faire un gosse dans le dos avec sa sœur !

 

– Alors, tu renonces à ta virée vers Larnak ?

 

– Pas question. Ces cons de grévistes doivent se remettre au boulot et se grouiller de bâtir un monde à mon image en creusant ma tombe. La naissance d’un erpatrès, c’est humiliant d’accord, mais il encore au sein, ça laisse un peu de temps. Envoie un groupe d’assassins en mission, voilà tout. Depuis qu’on fait escale ici, tes soldats n’en fichent pas une ramée.

 

– Ce qui se passe à Thèbes est scandaleux, intervint Phimosis, il faut effectivement  te défendre sans attendre de cette manœuvre contre toi trop bien menée. Diable de gosse, certes, mais d’après nos espions, c’est surtout avant tout le jouet de sa mère, c’est elle, en réalité, ton véritable ennemi. Il s’approcha de la reine pour lui tapoter affectueusement le genou. Merdenkorinnanâr est dans le vrai. Il faut se concentrer sur ton job et tuer l’héritier sans attendre.

 

Par la vertu d’une admirable mécanique ondulatoire, des petits pas menus se firent entendre à l’approche de Trêmouatoli. En tant qu’esclave et confidente favorite de la reine, elle venait de mettre quelques clochards à la porte du palais. Des nostalgiques de la vie bédouine qui ne profitaient pas de la prospérité économique de la nouvelle Ipetasonthoûr. La jeune femme fit claquer le fermoir de son sac à main en lézard de Cilicie. Sa robe flottait autour d’elle en formant des plis majestueux, dans lesquels elle fouilla désespérément, car elle partageait les morpions de l‘épilée du Nil. Elle venait avec l’intention de se plaindre auprès de Phimosis, au sujet des nouveaux tarifs appliqués par les porteurs d’eau qui s’en mettaient plein les fouilles, mais elle vit que ce n’était pas le moment. Elle alla donc s’asseoir à son tour, après avoir carressé la joue de la reine.

 

– Bon, fit Merdenkorinnanâr, on reprend la croisière immédiatement et j’envoie un commando de quinze shardanes des sections spéciales à Thèbes. Il sera dirigé par un mercenaire romain en qui j’ai toute confiance, un dur à cuire qui s’appelle Vequetum Fourlanus. Un déserteur de la 20 ème légion Centurie Fox.

 

– Un romain, tu déconnes ? fit Néefièretarée en roulant de grands yeux.

 

– Justement, il nous assure une certaine neutralité. J’ai confiance en lui, je te dis. Grâce à son aide, je viens de régler admirablement un petit problème au sujet d’un trafic d’objets sacrés dans le temple d‘Isis. 654 prêtres corrompus éliminés en un temps record.

 

– Bon, j’insiste pour qu’il soit bien payé et qu‘on lui dresse un obélisque quand il aura fait le boulot. Que par son glaive vengeur le cobra de Sekhmet crache sa flamme sur ma saleté de famille. Je veux que ça saigne dans la pouponnière. Phimosis, remet le Pamalrâssé et les autres bateaux sur les flots, et va courir dans les bordels pour y trouver mon timonier, on reprend la croisière au lever du soleil.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:53:27
n°46234161
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-06-2016 à 21:28:15  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 30.

 

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Le soleil au zénith dessine dans le ciel gris un cercle imprécis et falot. A bord du Sharsherman immobile au milieu des rocailles, chacun profite des commodités offertes par le vaisseau spatial pour imprimer et avaler quelques pilules de cuisses de cannes aux échalotes. Dans une nef militaire, par principe, on mange toujours très bien. Phil Martinet fait passer ses deux gélules nutritives avec une lampée de sa canette de vin bleu, qu’il partage presque à regret avec Jeff Coupé.

 

– Faut le dire, à cantine dégueulasse, guerre mauvaise. Ce n’est pas le moindre avantage d’avoir trouvé ce zinc.

 

– Dites-donc, lance Jeff lorsqu’il a bu, ils roupillent ou quoi, les défs ? On est venus jusqu’à vous un peu trop peinards. Presque intimidé malgré lui, il regarde du coin de l’œil la grande carcasse de Flash Gourdin assis sur un siège, note au passage que l‘évadé semble indifférent à tout ce qui l‘entoure. Le pilote du Cragstan ne sait pas trop quoi en penser, il lui trouve juste une sale gueule, mais il a toujours eu un a priori férocement négatif sur les taulards galactiques en général.

 

– Ils vont se pointer, le calme ne va pas durer. Ils ne peuvent communiquer, mais ils connaissent parfaitement la position de cette épave. Et ils veulent sans doute se venger. Fanch ne se retourne pas pour répondre, il semble fasciné par l’image informe que tente de crachoter l’holocasteur du cockpit. Un message brouillé du commandement déféré, mis a mal comme le reste par la vigilance incessante de ses hommes. Il est impossible de discerner la moindre cohérence dans le chapelet d’éclairs lumineux qui dansent devant ses yeux.

 

– Bon, fait Jorg, fini l’étape gourmande inoubliable, maintenant on récupère le maximum des trucs utiles que l’on trouvera pour les ramener à la maison-mère.

 

– Oui, lui répond Karela, quel dommage de laisser cet engin à l’ennemi, une aubaine pareille ne se renouvellera sans doute jamais.

 

– Non, fait Flash en sortant de sa léthargie, on ne leur laisse pas. On le fait sauter.

 

Tout le monde se retourne vers le manchot couturé, lorsqu’il ponctue sa phrase en agitant sa prothèses au-dessus de sa tête, avec un moulinet identique à celui que fait l’aileron d’un requin perçant l’océan. Puis, dodelinant de la tête en raison d‘un tic qui ne le quitte plus, il laisse ensuite retomber lentement son membre d’acier. Son autre main dévoile encore des traces de cloques et d’ampoules effroyables, mais il n’en souffre plus.

 

– C’est pas toi qui commande, ici. Phil se croit encouragé dans son intervention par le regard méprisant que vient de lancer Jorg à la dérobée. Siguiline se mord la lèvre.

 

– Allons les gars, c’est ce qu’on va faire, en effet. Et maintenant au boulot. Joignant le geste à la parole, Fanch demande l’aide de Karela pour dévisser de sa niche un lourd cumulozithion. Une incroyable réserve d’énergie douce-tension dont profitera la base pour longtemps.
 
 Comme si leur chef avait donné le signal, le croiseur de l’espace se met aussitôt à fourmiller d’activités diverses mises en œuvre par chacun, dans le but de grapiller quelques appareillages essentiels, rares et précieux. Siguiline arpente scrupuleusement le secteur médical, et note pour Fifi chacune des choses qui l’intéresse. Elle ne dit rien lorsqu’elle le regarde empocher pour son compte un grand nombre de pilules de coïne. Ce guerrier a le droit d’être croyant, après-tout, puis elle se dit qu‘il projette probablement de les revendre au marché noir. Sans l’aide de personne, Flash piège le véhicule en vue du sabotage, suivant tout de même pour ce faire les consignes éclairées de Jorg, qui trouve une combine pour faire péter l’un des missiles HFR 412 à distance. Sachant que trente de ces monstres non déplaçables dorment en soute, l’explosion laissera dans le sol la trace d’un fameux cratère. Un truc à faire basculer Mars sur son axe, a plaisanté Phil, mais il sait lui aussi que cette puissance effective est la raison pour laquelle les croiseurs spatiaux ne s’invitent pas aux conflits planétaires. De la même manière que les robots guerriers ne sont pas de mise dans les guerres humaines, mais pour d’autres raisons. En attendant le tonnerre, on charge le petit Cragstan des trouvailles hétéroclites piochées dans le vaisseau, qui se montre par ailleurs généreux. Fanch et Karela procèdent à un inventaire scrupuleux des fortunes acquises. Tout en sifflotant « A trip to the moon », un cantique de son éminence, Phil remet son scaphandre en premier pour aller faire un tour à l’extérieur, après dévérrouillage du bouclier. Il se laisse un instant griser par la masse du Sharsherman, parce qu’elle s’élève au-dessus de lui avec une hauteur ahurissante. Le soleil fait reluire la carlingue d‘une manière aveuglante, mais il sait que s’il pouvait la toucher du doigt, sa paroi serait glacée.

 

– Hey, l’as des as, fait Jeff dans son casque, t’éloigne pas trop. T’as pas besoin de faire des kilomètres pour pisser dans ta combi.

 

– Ok ok, bien reçu, la pouf du bataillon, je n’ai pas l’intention de rester tout seul ici, paraît que ta sœur adore quand je met le feu dans sa sustente.

 

– C’est ça, vit tes rêves, avant que tu puisses pornifier avec ma frangine, on cultivera des bananes dans les cratères de Cimmeria, trou du cul.

 

– Je monte sur la coque, je verrais mieux le secteur.

 

– Agis comme tu veux mais fais pas le con. Fanch a dit qu’on lâchera une sonde en partant, de toute manière.

 

– Hey, Jeff, de toi à moi, t’en penses quoi de l’handicapé de mes deux, là ?

 

– J’aime pas le genre, il a l’air siphonné mais il est de notre côté et c’est pas à nous de juger. Vas t’amuser mais fais-vite, on va bientôt se barrer. Si tu es encore là-dessus quand ça va péter, tu vas percuter Pluton, fils.

 

Phil assure sa prise pour grimper les échelons saillants sur le flanc de la forteresse volante. Il est content d’accomplir cet exercice physique obligé, puisque aucun scaphandre martien ne posséde de dorsal, de toute manière. La gravité moindre lui facilite une ascension aisée, avant qu’il ne déambule sur le large dos du monstre, dont l‘impression de lourdeur est impressionnante. Une exquise lumière colore à présent de rose les ombres coulant sur la grosse masse bombée. Il profite d’un point de vue privilégié sur l’horizon de la planète rouge et distingue parfaitement le dôme abandonné. Au loin, deux barres montagneuses fort éloignées l’une de l’autre semblent s’interpénétrer par illusion, en gommant conjointement leur distance respective. De fins nuages poussiéreux et délités s’accrochent sans mouvement aux formidables arêtes érodées. Le coin propose un vaste panorama calme et tranquille, qui gonfle de gratitude le cœur du soldat, tout à la joie de se sentir un fière natif martien. Parce que c’est bien pour l’indépendance de ce monde qu’il se bat, puisque c‘est également l‘ambition de tous ses potes mineurs, qui ne se gênent à présent plus pour faire un doigt d‘honneur cinglant à la SGL (Sanchez/Gomez/Lopez) Corporation, monopole marchand des extraordinaires minéraux extraterrestes attractifs puis extractés et tractés dans l’espace. Sans se faire d’illusion, il sait toutefois que la beauté orangée de ce ciel limpide sera sous peu gâchée par l’inévitable irruption rageuse d’un squadron de Panzigs défédérés. Jeff l’appelle au bout d’un moment :

 

– Bon dieu, Phil, tu bronzes ? On ne t’as pas envoyé en mission-suicide, rapplique tes miches en vitesse, on se tire.

 

 De son perchoir, Phil voit s’ouvrir la porte, puis la passerelle qui libère le Cragstan. Il croit apercevoir que ce n’est pas Jeff, mais Jorg qui le conduit. Reprenant l’échelle, il les rejoint en suçant l’eau de son collecteur, dans lequel il a rajouté en douce un petit adjuvant non toléré mais pas du tout mauvais. On ferme la porte, tout le monde garde son scaphandre. De la taille d’une puce de chat, une sonde est lâchée afin de garder un œil sur l’épave, et puis Jorg fait crisser les chenilles.

 

– Lâche le fauve, Jorg, fait Karela en rangeant encore une petite caisse sur une plus grosse. Il faut dégager d’ici le plus vite possible. Flash s’est installé d’office dans la tourelle.

 

Nouvellement promue Panzigoberkanonier de son Panzig Space Rocket SR-1007, Sophia Marso reçoit dans son implant l’ordre de décrocher. Elle signale sa manœuvre aux Panzibéreten qui l’accompagnent, puis vire sur l’aileron gauche afin de neutraliser une microsonde balladeuse signalée près de la cible officielle. L’engin se sépare à une vitesse fulgurante des quarante autres qui composent l’escadrille. La sonde ennemie est muette quand à sa position, mais élargissant volontairement son vol, la pilote défédérée avise un minuscule éclat trahissant un véhicule en mouvement,  en train d’errer dans une zone fort éloignée du Sharsherman. Elle reçoit l’ordre de poursuivre et gérer le feu, car son commandant subodore une présence d’insurgés. Il faut manœuvrer très vite, se rapprocher, plonger et tirer en simultané avec ses deux Ray Guns Robo Hunter MIB Cosplay LARP, mais au moment précis où elle va cracher le feu, c’est elle et son équipage qui reçoit le tir de Flash de plein fouet, lequel les pulvérise instantanément dans un geyser de flammes. Lorsque en altitude l’essaim groupé de ses camarades passe en réduisant de vitesse à l’aplomb du Sharsherman, Jorg renseigné par la sonde déclenche avec une précision diabolique l’explosion du croiseur et les trente neufs appareils volent avec lui en éclat. L’équipage du Dragstan perçoit clairement le souffle de l’immense déflagration dans l‘atmosphère ténue puissamment ionisée, mais ils ont pris soin de se protéger à l’abri d’une haute montagne. Un colossal champignon de sable et de poussières s’élève pour former une monstrueuse colonne dans le ciel ébranlé. A l’emplacement du cratère nouvellement creusé, plus aucune création de l‘homme n‘existe et le vieux dôme ruiné lui-même a disparu. Fanch n’espérait même pas un tel zéro faute en éliminant d‘un coup l‘ensemble des Panzigs. Il félicite toutefois Flash pour l’efficacité de son engagement, mais le bagnard reste sans réaction. Nikos Sirkisi et tout son continuum militaro-marchand vient une nouvelle fois, en une seule seconde, de se prendre une beigne époustouflante.

 

– Think global, act local, se réjouit Phil en tapant sur l’épaule de Jeff, mais faut vraiment que je parle à ta sœur.

 

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Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 11:54:38
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