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Auteur | Sujet : La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar. |
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talbazar morte la bête, mort le venin | Reprise du message précédent : https://zupimages.net/up/18/04/ikfj.jpg Thèbes dormait, les vivants sommeillaient et les morts reposaient dans leurs bandelettes au fond des sarcophages. Seth veillait sur chacun d’eux, dans l’atmosphère poussiéreuse des caveaux, y compris sur la sépulture du devin Tahosétlafer, momifié soigneusement et placé dans son ultime demeure avec tout l’apparât nécessaire par Ramassidkouch, afin de masquer son forfait aux courtisans qui n’avaient pas suivis Néefièretarée dans sa course vers le sud. L’illustre défunt détenait à présent à la place de son cœur une minuscule pierre rare taillée en forme de scarabée bleu-marine. Avant de le placer dans son cercueil de bois, les embaumeurs avaient décidé de tester sur lui une nouvelle technique de momification, ils l’avaient donc cuit longuement à la vapeur avant de le recouvrir abondamment de paprika, ce qui donnait au corps une belle couleur orangée. Descendu par dessiccation à moins de 5% de matières grasses pour limiter la peau d‘orange, on l’avait rendu bien raide à coup d’amidon de blé. Ensuite, l’estimant encore trop riche en viande, les officiants l’avait plongé tout entier dans une cuve de 15% grec, pour qu’il profite des vertus alcalinisantes et du souffle divin du raisin. Roulé dans la farine et le natron après un dépistage bucco-dentaire gratuit, on avait viré chaque organe et bourré le corps d’antioxydants à base de sélénium et d’isoflavones de soja Phénicien. La momification terminée, on mesura la hauteur totale du cadavre, la longueur de son entrejambe, la largeur de ses épaules, un charpentier tailla sur-mesure un coffre en bois dur recouvert de peintures amusantes ; puis on avait enfin envoyé Tahosétlafer aller se faire peser son âme suppliciée cent pieds sous la terre noire. Toutefois, grâce à leur méthode innovante et l‘utilisation révolutionnaire du paprika, les embaumeurs avaient si bien travaillé à préserver la vitalité du devin pour lui permettre de revenir un jour d’entre les morts, qu’il en était effectivement revenu plus tôt que prévu. Ce soir-là, avec un bruit de sarcophage qui s’entrouvre, le couvercle du cercueil de Tahosétlafer bâilla pour laisser passer la main bandée de sa momie. Entouré de sa gaine de lin isolante taillée dans un vieux drap au métrage important, le fantôme avait la peau foncée et les poils clairs, les yeux fixes et hagards comme des baies de poivre noir, il se leva de son coffre et marcha dans sa tombe d’un pas saccadé. L’idée d’être mort le faisait enragé, car cet état lui donnait une idée très négative de sa personne. Alors, il se pinça férocement pour être bien certain qu’il ne foulait pas les champs d’Ialou en compagnie d’Osiris, mais il se rendit compte que la vie ne l’avait pas encore quitté. L’évaluation se révéla encore plus terrible lorsqu’il perdit un orteil en se cognant le pied sur le petit vase canope en albâtre qui contenait ses couilles. Décharné et le ventre creux, engoncé dans son cocon de bandelettes immaculées qui le serraient aux entournures, Tahosétlafer incarnait une créature qui n’était cependant plus lui-même, mais transcendée par une énergie surnaturelle et redoutable, car il avait de son vivant été doué de magie. La transformation physique qu’il arborait maintenant n’était pas la chose la plus évidente, puisqu’il affichait déjà dès l’enfance sur sa tronche les traits d’un macchabée. C’était en lui que pulsait à présent une colère sacrée, une ire maléfique que sa renaissance gonflait d’un courroux dévastateur. Son thorax vide enduit de résine exhalait un air vicié et corrompu, ses os craquaient avec rudesse lorsqu’il agitait en avant ses mains aux doigts cernés de doigtiers plaqués-or. Insidieusement, un désir de vengeance chatouilla peu à peu son âme tourmentée et suscita en lui une grande excitation, dans l‘alchimie des émotions provoquées par son étonnante résurrection. Il apprécia une dernière fois l’aspect décoratif de son sarcophage, lequel aurait dû constituer son étroite pièce à vivre pour l’éternité, puis il grimpa péniblement les marches pour quitter à tâtons son tombeau. Il jubila, car le soleil intense qu‘il allait bientôt retrouver déclenchait en lui une irrésistible attraction. Mais la splendeur de Rê n’éclaira pas sa face squelettique, malheureusement, car il faisait nuit et seules quelques hyènes dégoûtées fuirent à toutes pattes dans le désert en l’apercevant debout à l’entrée de la sépulture. Le désert offrait à la momie une fraîcheur sèche et sans vent lorsqu’il quitta le tumulus pour s’engager maladroitement dans les dunes, ombre parmi les ombres évoluant sous les étoiles qui n’étaient dans le ciel que de minuscules points lumineux. Le spectre hideux avançait en adoptant un rythme heurté à chaque enjambée, gonflé d’une vitalité nouvelle, tout en exhalant une intense odeur de charogne qui s’envola par-dessus les palmiers jusqu’à Djerba la douce. Dans le palais endormi Ramassidkouch ronflait. Voilà bien longtemps qu’il ne circulait plus dans les rues de Thèbes qu’il contribuait chaque jour à ruiner. Son char lumineux reposait inutilement au garage, en dépit d’un dernier contrôle technique favorable. Il enlaçait à présent dans son lit ses nombreuses maîtresses, de jeunes filles qu’il faisait capturer par sa garde pour leur mordre les fesses à pleines dents, comme si tous ces petits culs n’étaient pour lui que de simples canards rôtis. Dans la pierre sombre et polie, il s’était fait sculpter partout de hautes statues le représentant en train de bouffer les balloches d’hypothétiques ennemis. Car en parfait rusé, il s’était acoquiné avec les plus dangereux, en arrosant de bijoux d’or, de turquoise, de lapis-lazuli et d’améthyste les ambassades Hittites qui circulaient à présent dans la ville comme si elles étaient chez elles. Mais Ramassidkouch n’était-il pas Hittite lui-même ? De plus en plus lourd, l’amas des impôts excessifs ne dormait que peu de temps dans les gros vases de cornaline du trésor, une grande partie étant dédiée aux satisfactions triviales de l’époux de la reine, ainsi qu‘à ses besoins fort peu naturels. De temps à autre, il sectionnait les pénis des hommes de la cour qui osaient le regarder de travers, puis il violait leurs femmes dont il faisait graver leur noms sur sa ceinture, pour que tous s’en souviennent. Il profitait à mort de l’absence de la reine et jouait sans vergogne des richesses de l’Egypte, dont il ne voulait pas forcément laisser dans l’histoire de celle-ci une trace anonyme. La tête ornée de la somptueuse couronne des rois Double-Faucons Yaka, l’usurpateur se vautrait avec délice et impudence dans le berceau de l’institution pharaonnique laissé vacant par sa moitié, le vin aux lèvres et la banane comme un harpon. Déjà, se voulant moins con que sa femme qui se faisait construire une immense tombe dans un bled perdu et éloigné du confort urbain le plus élémentaire, lui avait ordonné de bâtir pour son compte dans la banlieue Thébaine une sépulture gigantesque aux quarante chambres funéraires, copie-conforme du palais royal dans lequel il roupillait cette nuit-là comme un bienheureux. Il avait pété dans la soirée une bonne jarre de bière concoctée par les moines du temple de Talkontoupoli réputés pour ce savoir-faire, en compagnie d’une petite brune affolante et d’une Germaine blonde aux seins magnifiques. Germaine avait d’ailleurs à présent son joli bras passé sous la nuque du roi et l’autre posé sur les reins de la brunette à peine majeure, laquelle avait eu bien du mal à s‘endormir, tracassée par le fait d‘annoncer à ses parents qu‘elle serait bientôt enceinte. Discrètement, quelques esclaves qui ne dormaient pas balayaient avec célérité dans la chambre les trognons de céléris-raves et les nombreux tessons de céramique qui jonchaient le sol, aéraient la piaule des remugles de la veille et se rinçaient les yeux devant le tableau charmant des minettes du roi dénudées. Devant de telles scènes qui changeaient chaque nuit, pas un des domestiques ne regrettait son oued, même s‘il était payé à coup de lance-pierre pour faire le ménage. https://zupimages.net/up/18/04/qj7j.jpg Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:33:43 |
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