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Auteur Sujet :

La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.

n°43713698
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-10-2015 à 11:15:32  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 41.

 

https://zupimages.net/up/18/04/ikfj.jpg

 

Thèbes dormait, les vivants sommeillaient et les morts reposaient dans leurs bandelettes au fond des sarcophages. Seth veillait sur chacun d’eux, dans l’atmosphère poussiéreuse des caveaux, y compris sur la sépulture du devin Tahosétlafer, momifié soigneusement et placé dans son ultime demeure avec tout l’apparât nécessaire par Ramassidkouch, afin de masquer son forfait aux courtisans qui n’avaient pas suivis Néefièretarée dans sa course vers le sud. L’illustre défunt détenait à présent à la place de son cœur une minuscule pierre rare taillée en forme de scarabée bleu-marine. Avant de le placer dans son cercueil de bois, les embaumeurs avaient décidé de tester sur lui une nouvelle technique de momification, ils l’avaient donc cuit longuement à la vapeur avant de le recouvrir abondamment de paprika, ce qui donnait au corps une belle couleur orangée. Descendu par dessiccation à moins de 5% de matières grasses pour limiter la peau d‘orange, on l’avait rendu bien raide à coup d’amidon de blé. Ensuite, l’estimant encore trop riche en viande, les officiants l’avait plongé tout entier dans une cuve de 15% grec, pour qu’il profite des vertus alcalinisantes et du souffle divin du raisin. Roulé dans la farine et le natron après un dépistage bucco-dentaire gratuit, on avait viré chaque organe et bourré le corps d’antioxydants à base de sélénium et d’isoflavones de soja Phénicien. La momification terminée, on mesura la hauteur totale du cadavre, la longueur de son entrejambe, la largeur de ses épaules, un charpentier tailla sur-mesure un coffre en bois dur recouvert de peintures amusantes ; puis on avait enfin envoyé Tahosétlafer aller se faire peser son âme suppliciée cent pieds sous la terre noire.

 

Toutefois, grâce à leur méthode innovante et l‘utilisation révolutionnaire du paprika, les embaumeurs avaient si bien travaillé à préserver la vitalité du devin pour lui permettre de revenir un jour d’entre les morts, qu’il en était effectivement revenu plus tôt que prévu. Ce soir-là, avec un bruit de sarcophage qui s’entrouvre, le couvercle du cercueil de Tahosétlafer bâilla pour laisser passer la main bandée de sa momie. Entouré de sa gaine de lin isolante taillée dans un vieux drap au métrage important, le fantôme avait la peau foncée et les poils clairs, les yeux fixes et hagards comme des baies de poivre noir, il se leva de son coffre et marcha dans sa tombe d’un pas saccadé. L’idée d’être mort le faisait enragé, car cet état lui donnait une idée très négative de sa personne. Alors, il se pinça férocement pour être bien certain qu’il ne foulait pas les champs d’Ialou en compagnie d’Osiris, mais il se rendit compte que la vie ne l’avait pas encore quitté. L’évaluation se révéla encore plus terrible lorsqu’il perdit un orteil en se cognant le pied sur le petit vase canope en albâtre qui contenait ses couilles. Décharné et le ventre creux, engoncé dans son cocon de bandelettes immaculées qui le serraient aux entournures, Tahosétlafer incarnait une créature qui n’était cependant plus lui-même, mais transcendée par une énergie surnaturelle et redoutable, car il avait de son vivant été doué de magie. La transformation physique qu’il arborait maintenant n’était pas la chose la plus évidente, puisqu’il affichait déjà dès l’enfance sur sa tronche les traits d’un macchabée. C’était en lui que pulsait à présent une colère sacrée, une ire maléfique que sa renaissance gonflait d’un courroux dévastateur. Son thorax vide enduit de résine exhalait un air vicié et corrompu, ses os craquaient avec rudesse lorsqu’il agitait en avant ses mains aux doigts cernés de doigtiers plaqués-or. Insidieusement, un désir de vengeance chatouilla peu à peu son âme tourmentée et suscita en lui une grande excitation, dans l‘alchimie des émotions provoquées par son étonnante résurrection. Il apprécia une dernière fois l’aspect décoratif de son sarcophage, lequel aurait dû constituer son étroite pièce à vivre pour l’éternité, puis il grimpa péniblement les marches pour quitter à tâtons son tombeau. Il jubila, car le soleil intense qu‘il allait bientôt retrouver déclenchait en lui une irrésistible attraction. Mais la splendeur de Rê n’éclaira pas sa face squelettique, malheureusement, car il faisait nuit et seules quelques hyènes dégoûtées fuirent à toutes pattes dans le désert en l’apercevant debout à l’entrée de la sépulture. Le désert offrait à la momie une fraîcheur sèche et sans vent lorsqu’il quitta le tumulus pour s’engager maladroitement dans les dunes, ombre parmi les ombres évoluant sous les étoiles qui n’étaient dans le ciel que de minuscules points lumineux. Le spectre hideux avançait en adoptant un rythme heurté à chaque enjambée, gonflé d’une vitalité nouvelle, tout en exhalant une intense odeur de charogne qui s’envola par-dessus les palmiers jusqu’à Djerba la douce.

 

Dans le palais endormi Ramassidkouch ronflait. Voilà bien longtemps qu’il ne circulait plus dans les rues de Thèbes qu’il contribuait chaque jour à ruiner. Son char lumineux reposait inutilement au garage, en dépit d’un dernier contrôle technique favorable. Il enlaçait à présent dans son lit ses nombreuses maîtresses, de jeunes filles qu’il faisait capturer par sa garde pour leur mordre les fesses à pleines dents, comme si tous ces petits culs n’étaient pour lui que de simples canards rôtis. Dans la pierre sombre et polie, il s’était fait sculpter partout de hautes statues le représentant en train de bouffer les balloches d’hypothétiques ennemis. Car en parfait rusé, il s’était acoquiné avec les plus dangereux, en arrosant de bijoux d’or, de turquoise, de lapis-lazuli et d’améthyste les ambassades Hittites qui circulaient à présent dans la ville comme si elles étaient chez elles. Mais Ramassidkouch n’était-il pas Hittite lui-même ? De plus en plus lourd, l’amas des impôts excessifs ne dormait que peu de temps dans les gros vases de cornaline du trésor, une grande partie étant dédiée aux satisfactions triviales de l’époux de la reine, ainsi qu‘à ses besoins fort peu naturels. De temps à autre, il sectionnait les pénis des hommes de la cour qui osaient le regarder de travers, puis il violait leurs femmes dont il faisait graver leur noms sur sa ceinture, pour que tous s’en souviennent. Il profitait à mort de l’absence de la reine et jouait sans vergogne des richesses de l’Egypte, dont il ne voulait pas forcément laisser dans l’histoire de celle-ci une trace anonyme. La tête ornée de la somptueuse couronne des rois Double-Faucons Yaka, l’usurpateur se vautrait avec délice et impudence dans le berceau de l’institution pharaonnique laissé vacant par sa moitié, le vin aux lèvres et la banane comme un harpon. Déjà, se voulant moins con que sa femme qui se faisait construire une immense tombe dans un bled perdu et éloigné du confort urbain le plus élémentaire, lui avait ordonné de bâtir pour son compte dans la banlieue Thébaine une sépulture gigantesque aux quarante chambres funéraires, copie-conforme du palais royal dans lequel il roupillait cette nuit-là comme un bienheureux. Il avait pété dans la soirée une bonne jarre de bière concoctée par les moines du temple de Talkontoupoli réputés pour ce savoir-faire, en compagnie d’une petite brune affolante et d’une Germaine blonde aux seins magnifiques. Germaine avait d’ailleurs à présent son joli bras passé sous la nuque du roi et l’autre posé sur les reins de la brunette à peine majeure, laquelle avait eu bien du mal à s‘endormir, tracassée par le fait d‘annoncer à ses parents qu‘elle serait bientôt enceinte.

 

Discrètement, quelques esclaves qui ne dormaient pas balayaient avec célérité dans la chambre les trognons de céléris-raves et les nombreux tessons de céramique qui jonchaient le sol, aéraient la piaule des remugles de la veille et se rinçaient les yeux devant le tableau charmant des minettes du roi dénudées. Devant de telles scènes qui changeaient chaque nuit, pas un des domestiques ne regrettait son oued, même s‘il était payé à coup de lance-pierre pour faire le ménage.

 

https://zupimages.net/up/18/04/qj7j.jpg

 


Message édité par talbazar le 24-01-2018 à 10:33:43
mood
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Posté le 30-10-2015 à 11:15:32  profilanswer
 

n°43728078
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 01-11-2015 à 08:32:23  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 65.

 

https://zupimages.net/up/18/04/all9.jpg

 

Il se propulsa ventre à terre dans le couloir Monsieur de Condé pour accueillir les flics. En passant devant l’accueil, il donna son congé pour la semaine à France Loisirs, avec effet immédiat, histoire qu’elle n’aille pas dévoiler la découverte de ce doigt dans les mauvaises oreilles. La jeune fille ne se le fit pas dire deux fois, vu qu’elle avait quelques projets personnels à exécuter, comme se farcir avant deux jours son épatant voisin du dessous, affublé d‘un gosse de trois ans et d‘un ado de quinze pour qui elle faisait régulièrement la baby-sitter. Elle rangea ses chaussons roses dans un des tiroirs du bureau, puis attrapa sa veste en jean accrochée sur une perche à perfusion. Sans trop d’état d’âme, elle planta immédiatement la fiche du client dont elle était en train d‘assurer l‘arrivée, un quidam avec une douleur supérieure à 8 sur l’échelle visuelle analogique, d‘après Florence Calmann-Lévy qui l’avait examiné.

 

– Ah au fait, docteur Jason, je vous ai réservé votre vol pour Athènes.

 

– Merci France, merci beaucoup, à la semaine prochaine.

 

Cependant, plusieurs heures après son coup de fil, Mensinq et Denoël n‘étaient toujours pas là. Jason n’osait pas les rappeler, mais il bouillait d’impatience de les voir arriver, afin qu’ils prennent livraison de cette maudite came entreposée dans son coffre. Son poul et sa tension passaient un sale quart d’heure, il craignait par-dessus tout de voir la bagnole de Danielo Fillipachi se garer sur le parking de la clinique. Il alla se passer de l’eau froide sur la figure, puis il croisa Cassandra désemparée par le silence obstiné de son fiancée. Concerné malgré lui par cet évenement familial, Jason se demandait comment faire pour lui coller en douce une dose de cheval d’antalgique, avec un bénéfice pour lui essentiellement fonctionnel, parce que ça n’était pas le moment qu’elle vienne le faire chier avec son mec. Il avait plongé le doigt de ce dernier dans l’incinérateur et tout ce qu’il attendait à présent de Cassie, c’était de pouvoir l’embrasser tendrement sur la bouche, mais il devrait probablement attendre un peu.

 

– Allons, Cassandra, nous sommes tous des adultes, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Je n’ai pas de meilleur baromètre à vous offrir que ma propre intuition. Etes-vous bien certaine que Jean Flammarion ne soit pas en réalité un pédéraste latent ? Son silence reviendrait peut-être à vous lancer un message univoque. Vous ne l’avez pas trouvé plus coléreux ou plus distant envers vous, ces temps-ci ?

 

– Non, ce n’est pas normal. Elle offrait au toubib un grand désarroi émotionnel, avec un risque certain d‘effondrement. Autant pour lui, elle digérait mal la théorie psy.

 

L’arrivée impromptue d’une petite ambulance devant l’entrée semait un peu d’agitation, elle intrigua le chirurgien et coupa court à son dialogue avec l‘aide-soignante. Il distinguait par la grande baie vitrée un simple Véhicule Sanitaire Léger qui n’avait pas son gyrophare allumé. Mensinq et Denoël l’accompagnaient dans une voiture de police qu’il garèrent à ses côtés. Un corps complètement empaqueté, visiblement décédé, fut dégagé de l’ambulance et engouffré dans la clinique pour prendre la direction de la morgue. Adoptant un discours non verbal, Mensinq fit signe de l’extérieur à Jason pour qu’il les suive. Lui glissa dans la main de Cassie la carte de visite d’un life coach de ses bons amis, avant d’aller retrouver les flics. Poussée cependant par une étrange et horrible intuition, la belle rousse lui emboîta le pas de sa propre initiative. Alors qu’ils déambulaient dans le couloir Paris Hilton qui menait aux frigos, Denoël déclina dans l’oreille de Jason le CV du mort qu’il venait d’étudier, ce qui expliquait son retard :

 

– Des gamins qui jouaient dans un terrain vague sont tombés sur ce gars là, un certain Jean Flammarion.

 

– Il est bien mort ?

 

– Aucun doute là-dessus, on extraira les balles pour l’enquête, vous pourrez même vous en charger. Ce qui nous intéresse avant tout, c’est sa relation avec la demoiselle qui nous suis.

 

– Ils sont fiancés.

 

– On avait déjà intégré l’hypothèse, figurez-vous. Mais on est là pour poser les bonnes questions, pas pour y répondre nous-mêmes. Il bloqua le brancard en posant sa main sur l’épaule d’un des infirmiers qui le poussait. Mademoiselle L’Harmattan, reconnaissez-vous cet homme ? Il dégagea un coin du linceul.

 

Touchée au coeur, Cassandra se décomposa à la vue du visage de son Jean aux tempes ensanglantées. Broyée par une intense douleur, elle lâcha la bride à sa peine et se mit à pleurer abondamment. Elle aurait voulu crier, sans pouvoir y parvenir. Jason la prit doucement par les épaules. Il l’a soutint fermement jusqu’à la salle mortuaire, où le préposé accusa froidement réception de son nouveau pensionnaire, en dégageant sa bombe insecticide pour faire de la place sur son bureau. Cassie sanglotait plus que jamais, Mensinq la toisait sans rien dire, Denoël essayait de cerner au mieux la menace dont la clinique faisait l’objet, en harcelant le toubib de questions. Croyait-il que la raison de Jason Halrequin allait exploser sous le poids d’un trop lourd secret ? Jean Flammarion, lui, ne dirait plus rien.  

 

– Ce qui nous intrigue le plus, voyez-vous, ce ne sont pas les bastos loin d’être perdues, en tout cas pour lui, mais ça : il dégagea la main droite du cadavre pour montrer à Jason qu’il manquait l’annulaire. Ce doigt là a été coupé post mortem, un peu bizarre, non ? Si celui qui l’a tué a fait ça, ce n’est sûrement pas pour l’empêcher de se gratter l’oreille.

 

C’est bon, pensa Jason, la stagiaire France Loisirs est maintenant virée pour de bon. Cassandra ne pouvait plus parler, elle nageait quand à elle dans un océan de chagrin incommensurable, le commissaire Mensinq la fit asseoir sur une chaise, un peu peiné de la voir outrancièrement hors service. Comme à regret, il se tourna vers le docteur :

 

– A quand remontent les menaces dont vous dites faire l’objet de la part de Danielo Filipacchi ?

 

– Hier. Il m’a ordonné de lui rendre la drogue, en menaçant de s‘en prendre à mes employés.

 

– Et ce voyage en Grèce que vous projetez, une coïncidence ?

 

– Oui, il est prévu depuis longtemps. C’était faux, mais invérifiable, car la conférence sur le régime des Crétoises aurait bien lieu.

 

– Bon, fit Mensinq, on va reprendre la schounf pour couper l’herbe sous le pied de votre soit-disant tourmenteur. Je trouve personnellement que votre clinique nourrit trop les potins depuis quelque temps, docteur Halrequin. Il baissa sensiblement le ton. J’imagine que si je vous demande ce que vous pensez réellement de Mademoiselle ici-présente, je me dirige tout droit vers la page blanche.

 

– Que voulez-vous insinuer ?

 

– On entend dire beaucoup de choses vraies et fausses sur la mafia, et puis on s’aperçoit en définitif que certains meurtres doivent tout à un excès de jalousie.

 

https://zupimages.net/up/18/04/s28u.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/04/a8ff.jpg

 


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:20:16
n°43737408
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 02-11-2015 à 11:41:47  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 04.

 

https://zupimages.net/up/18/04/686k.jpg

 


– Et après ?

 

– J’ai vécu l’enfer, les gars m’ont poussé dans la cale où se trouvait installé un laboratoire bourré de machines étranges. Des cornues, des appareils scintillants, des microscopes, des fils électriques et des tuyaux partout. Comme je voulais partir, Perry m’a maintenu durement et Gros Bill m’a cogné dessus, plusieurs fois. Et puis le vieux fou leur a demandé de me sangler sur un lit médical. Pendant ce temps-là, il transvasait des liquides dans des tubes en verre, il avait vraiment une sale gueule. Gros Bill l’appelait toujours Hubert, mais Perry l’a nommé plusieurs fois docteur Van Degaffe. Il menait le bal, c’était lui le chef, il me terrifiait.

 

– Précise un peu, il ressemblait à quoi, ton savant ?

 

– Bien flippant, je te dis. Très petit, 1,50 m à peine, avec un rire maniaque, les cheveux blancs en bataille, une apparence de clodo et des lunettes aux verres trifocaux. Je n'ai rien compris à ce qu’il faisait. J’ai aperçu une cage dans un coin qui m‘a collé la trouille, dedans il y avait un rat fluorescent avec quatre pattes minuscules de poulet et des embryons d’ailes, qui couinait sans arrêt. Le cinglé a allumé des écrans, je me suis encore un peu débattu mais j’étais fermement attachée ; j’ai encore pris une baffe de la part de cette ordure de Perry et puis le taré m’a injecté un truc avec une drôle de seringue. Il m’a mis un casque bizarre sur la tête, j’ai nagé dans le brouillard un bon moment, mais je suis toujours restée consciente.

 

– Nom de dieu !

 

– Comme tu dis. Quand le vieux fou a connecté un truc sur le casque, j’ai eu l’impression d’être fricassée sur une chaise électrique. Cet espèce de heaume en verre m’explosait la tête. J’étais clouée de souffrance et je vivais un moment super douloureux. Le Van Degaffe n’en avait rien à foutre, il matait ses écrans avec obsession et les autres se taisaient en le regardant faire. Je n’avais plus de force et très mal aux yeux. Et puis ce taré de toubib s’est esclaffé : « tiens, d’après son ADN, notre miss a des origines vendéennes. » Le téléphone de Gros Bill a sonné, il a dit « ok les gars, vous pouvez venir ». Aux autres, il a dit « c’est les artificiers ». J’ai fait un long rêve où tout était blanc, un cauchemar, en réalité. Le cinglé a continué ses expériences tranquillement, plus personne ne faisait gaffe à moi mais je dérouillais, tu peux me croire, j‘avais le sentiment que ma poitrine se déchirait, je manquais d’air et je pensais qu’ils étaient en train de me tuer à petit feu.  

 

Martin la laissa souffler sans rien ajouter, en essayant de son côté d’organiser au mieux ses pensées. Sa locutrice peinait à dévoiler les siennes, mais de toute évidence, elle venait d’être la victime d’une étrange expérience. Et que venait faire le Gros Bill là-dedans ? Après cette brève coupure, Vaya Condios eut encore plus de mal à parler. Des larmes abondantes s’échappèrent de ses yeux tristes en raies transparentes. Il se leva de son siège pour lui sécher la joue d’un doigt et la prendre tendrement dans ses bras, elle se laissa docilement enlacer. Son corps tremblait contre lui, comme un petit oiseau affolé et fébrile. Il remarqua sur son bras des traces d’injection, la peau était toute gonflée à l’endroit des piqûres. Il n’avait pas de raison de croire qu’elle délirait, forcé de constater qu’elle lui déclinait une histoire épouvantable et parfaitement réelle. Il la poussa doucement à continuer son affreux récit.

 

– J’étais tétanisée, plus bonne à rien, le docteur Van Degaffe s’est penché sur moi :

 

– Allons mignonne, c’est terminé. Il a fait un signe aux autres et on m’a détaché, mais je tenais à peine debout, plus besoin de me claquer pour que je reste tranquille. Quatre nouveaux types se sont pointés, tout le monde s’est tiré alors je me suis retrouvée seule, c’est là que j’ai piqué le carnet sur une table, pour me prouver que je n’avais pas rêvé et garder une trace de ce que je venais de vivre. L’un des nouveaux arrivants est venu me chercher, je n’ai pas revu les autres, puis ce connard ma trimballé dans le cargo en me disant de fermer ma gueule ou ils me tueraient, que déjà on me laissait en vie et que c’était un beau cadeau. Il m’a montré le revolver qu’il planquait sous son manteau, avant de m’éjecter dehors sans ménagement. Voilà, c’est ce qui s’est passé dans ce foutu bateau.

 

Il ne voulait pas lui demander un nouvel effort, car pour le moment, il pensait en savoir assez pour donner du grain à moudre à la PJ. Il pouvait sentir la peur intense de Vaya encore blottie entre ses mains. Elle accomplissait sur elle-même un effort suprême pour oublier le souvenir du traumatisme qu’elle venait d’évoquer. Elle poussa des reins pour s’enfoncer plus loin dans le divan, à la recherche d’une hypothétique protection.  

 

– Il faudra te conduire à l’hôpital pour te faire examiner.

 

– Non, ça va aller, je vais m’en remettre. J’ai peur de l’avenir, ils sont dangereux, c’est tout. Je n’aurais pas du t’en parler.

 

– Faut pas le cacher, tu cours sans doute un grand danger si on met la police au courant, mais il le faut, tu comprends ? File-moi ce carnet, tu as bien fait en le chipant.

 

Elle se dégagea de lui pour aller chercher son sac. Martin regarda l’objet plus attentivement, mais son contenu lui paraissait toujours aussi nébuleux. Des formules et encore des formules, rien d’autre, quasiment aucun texte. Parfois un quadrillage incompréhensible, avec abscisses et ordonnées, des bordures et des marges griffonnées de chiffres barrés, des annotations en pattes de mouche illisibles, des ratures nerveuses, bref, un fatras impossible à décoder pour le profane. Longtemps, Smith le manipula dans tous les sens, puis il l’enfourna dans sa poche, avec l’intention de le garder. Lorsqu’il leva les yeux vers Vaya, il vit qu’elle venait de s’endormir, il alla chercher un plaid chaud pour lui recouvrir le corps. Elle était vraiment jolie. Le téléphone sonna, c’était les flics.

 

– Allo Martin ? Juste pour te dire, plus besoin de surveiller le bananier Ex-Stasi, il vient de sauter au large, avant de couler par le fond.

 

https://zupimages.net/up/18/04/fyf0.jpg


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:21:25
n°43775350
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-11-2015 à 14:31:10  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 12.

 

https://zupimages.net/up/18/04/g65l.jpg

 

Sur Mars la Rouge, le dôme du président parait bien ridicule en comparaison de la cloche transparente et gigantesque qui abrite le congrès du Conseil Martien Défédéré, énorme structure comprenant cinq étages et son vaste amphithéâtre. La récupération inespérée des otages, sans coup férir, a ému Nikos Sirkisi, lequel sauve ainsi provisoirement son poste, mais provoque également un immense satisfécit chez l’ensemble des cénazteurs. Lorsqu’il se présente devant son auditoire attentif, au son d’un concert de musique sacrée de son éminence, il fait un geste pour calmer les guitares électriques afin de prendre la parole.

 

– Mes amis, chers cénazteurs, nous avons comme vous le savez été contraints de décréter la loi martiale sur Mars, car notre guerre contre les indépendantistes prend une ampleur inattendue. Mais nous venons de déjouer une abominable prise d’otages, en procédant à la récupération du couple enlevé et les terriens Basile et Emeline Decock seront très bientôt parmi nous.

 

– Quand pensez-vous que pourra reprendre l’exploitation des gisements d’hallunium, monsieur le président ?

 

– Rien ne sera possible tant que ne seront pas anéanties les forces rebelles. Je viens cependant de mettre au point, en collaboration avec le général Digoule, une formule gagnante. Comme vous le savez, les lois défédérales de la guerre nous interdisent l’usage des robots, mais j’ai certainement mieux sous la main.

 

Sirkisi fait signe d’approcher à un gaillard colossal à la musculature invraisemblable, dont l’expression de la face signe le croisement entre un humain, certes, mais aussi et surtout avec quelque animal stupide. L’athlète silencieux, nu comme tout le monde, reste planté aux côtés du président en souriant d’un air niais. Sa langue oscille quelque temps contre le plancher buccal avant de sortir deux secondes, puis il ouvre sa glotte pour laisser à son larynx le loisir de faire éclater un gros rire puissant. Les muscles de son cou se tendent alors d’une manière impressionnante.

 

– Mes chers administrants, je vous présente Flash Gourdin, incarcéré jusqu’à ce jour pour 450 meurtres, parfois sexuels, mais toujours particulièrement odieux, au pénitencier stellaire de la planète 4887BN-Henrico Macias. Comme vous le savez, les condamnés à l'incarcération sur ce monde sont réduits à l’état de légumes et voient leur esprit transformé en holocast interactif, stocké dans une banque de données à la disposition de la justice, car tel est le tragique destin qui attend les supers-criminels identiques à notre ami. Mes chers concitoyens, Flash Gourdin est à présent une merveilleuse et implacable machine à tuer, totalement pilotée à distance par l’armée, qui contrôle parfaitement ses circuits neuronaux.

 

– C’est pas un peu dangereux d’employer un ex-bagnard bourrin, débile et con ? objecte en levant le doigt un jeune cénazteur de Pavonis Mons, dont Sirkisi enregistre aussitôt mentalement la tronche pour mieux s‘en souvenir.

 

– Pour nous non, puisqu’il est notre création complète, comme je vous le dis. Son crâne ne renferme à présent que du pâté de cervelle que les militaires modèlent à volonté. Ils jouent particulièrement sur ses hormones liées à l’amitié et au sentiment maternel, pour qu’il nous soit entièrement dévoué. Mais une fois qu’il sera infiltré par nos services chez l’ennemi, avec pour mission d’éliminer le leader charismatique Fanch Yoland et sa femme Karela Borounie, nous décapiterons impitoyablement par ses soins et d’un seul coup toute l’essence de la rébellion. Privés d’ordres, de stratégie et de leur chef, les mineurs retournerons alors sagement creuser leurs tranchées pour votre compte.

 

La présentation du super-héros enflamme le congrès, conquis par la fabuleuse idée. L’époustouflante manœuvre, consistant à vouloir dégommer l’état-major ennemi de l’intérieur par ce fleuron de l’armée, est saluée à l’unanimité par les cénazteurs et les administrants présents, puisque ce Flash Gourdin présente à l’évidence toutes les apparences physiques pour venir à bout du projet. Cet obus humain névrosé allait être programmé pour tomber en plein sur la gueule de Yoland, ce qui terminerait rapidement cette guerre insensée pour le plus grand bien du commerce interplanétaire, si grandement impatient. Chacun loue ainsi debout, en applaudissant longuement Sirkisi, la capacité de l’appareil judiciaire galactique, parce qu’il a su transformer le cerveau de l’autre crétin dangereux en docile espace participatif, sans perdre en aucune manière la richesse particulièrement violente de son contenu. A l’issue de ce discours rassurant, plus aucune polémique ne semble pouvoir remettre en cause le gouvernement du président du Conseil Martien Défédéré. On se lance toutefois mollement dans un rapide débat afin de savoir si Flash Gourdin doit obtenir ou non le statut de fonctionnaire, et puis chacun rejoint son dôme personnel, Sirkisi comme les autres. De son côté, incapable de réfléchir par lui-même et insensible aux attentes sociales le concernant, Flash Gourdin est reconduit dans sa cage en compagnie de quelques mannequins anorexiques chargés de l’occuper. Dans le XZ-7 Space Ship Force One qui le ramène chez lui, Nikos peut être satisfait. L’annonce du parachutage de Flash Gourdin sur celui qui a levé le drapeau de la révolte répond admirablement aux questions empressées des classes possédantes, et il peut raisonnablement espérer être le président qu’on louera plus tard pour avoir résolu de belle manière cette inédite crise historique. Il ne faut surtout pas transformer le système financier interplanétaire, mais le consolider. Il admire avec gourmandise les implants mammaires de Suzanne qu’elle pose coquinement sur son nez, avant de remettre la donzelle sur ses pieds. Au bout d’un moment, il la délaisse pour appeler sa femme Jolie Goyette dans son implant, puis il regarde le paysage que lui offre le hublot de l’appareil, une vaste plaine martienne ocrée, tapissée dans le lointain par quelques dômes dévastés. L’habitat bienheureux de Mars se truffe à présent de ces ruines éparses, car Fanch Yoland, en lui déclarant une guerre totale, n’hésite plus à détruire les habitations. Cette vision de désolation envoie un message alarmiste au président, en lui signifiant qu’une riposte vigoureuse et d’envergure ne doit plus trop traîner.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:22:53
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talbazar
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Posté le 07-11-2015 à 16:46:27  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro en 69.

 

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A chaque pas qu’accomplissait monseigneur Robert Laygros en déambulant dans son palais, toutes ses ouailles craintives satisfaisaient à l’usage de la proskynèse, en s’aplatissant sur le sol comme des merdes devant lui, comme s’il incarnait Kramouille elle-même. On appelait vulgairement cette coutume servile « l’adoration du pourpre », vu que le visage de Robert était devenu fortement rubicond en raison de son excès du vin et du manger. Lui n’avait rien à secouer de toutes ces courbettes excessives, et il foulait tranquillement des poulaines sur les mains de ses sujets, plus monarque que le roi lui-même, en relevant sur son front gras le diadème hors de prix symbolisant sa pieuse fonction. Le silence s’imposait naturellement à son passage, pour laisser place à de nombreux murmures vindicatifs, une fois les lourdes portes refermées. De nombreuses statues à l’effigie de l’évêque ornaient chaque aile de la cathédrale, sculptures pompeuses qui recevaient sur leur socle l’urine de nombreux téméraires, car certains se soumettaient ainsi en se soulageant d’une manière symbolique à de plus pertinentes adorations, au péril évident de leur vie et celle de leur famille. Il cocottait donc salement la pisse dans tous les vestibules. C’est donc en se bouchant le nez qu’on débarqua dans le grand bâtiment abritant le harem sacerdotal, afin d’en admirer les plaisants rouages. 350 jeunes femmes dans une large gamme moderne et classique, mais forcément soumises au désir de leur maître, illustraient dans ces appartements la vie privée de Robert qui n’avait rien d’opaque. Témoignant pour sa part d’une incroyable humanité, il leur permettait de temps à autre de s’habiller. Le choix des cinq élues chaque soir pour chauffer sa couche offrait tous les jours aux recluses une part de suspense non négligeable, puisqu’elles n’avaient par ailleurs pas grande chose d’autre à foutre ni à penser. Lui se la jouait diantre cool, mais il se montrait particulièrement vulnérable aux grosses poitrines, aussi les gueuses à petits seins s’offraient plus que les autres le bonheur de quelques vacances. Il les voulaient cependant toutes sans exception bonnes, altruistes, instruites, en adulation devant lui et très respectueuses de sa paire. Elles avaient toutes au pied de son trône de fer entre treize et seize ans, remplies de crainte et de terreur, tant l’évêque était doué pour découvrir la nuit la petite faille de chacune, sachant que pas une de leur ruse ne pouvoist faire tampon.

 

Alanguies devant leurs grands miroirs à roulettes, vêtues de leurs légères tenues très chic de l’après-bain, elles s’efforçaient malgré tout de garder le sourire devant lui, histoire de préserver leur propre existence et la cohésion familiale. Sans même parler de la bagatelle, le moindre dérapage leur permettait d’ailleurs de servir d’engrais aux roseraies splendides des jardins de la cathédrale, et leurs os terminaient en farine entre les meules de la boulangerie, offrant ainsi au harem de renouveler son offre de chair fraîche. Messire Robin suivi par ses amis de la commanderie du temple pénétrèrent donc en petite queue leu-leu dans cet antre de joie sacrée, où l’évêque de Mouyse mettait moins à nu les âmes que les jolis corps de ses jeunes favorites. Il régnait ce jour-là dans le lieu une certaine agitation, vu qu’on venait de décrocher quelques pendues qui avaient voulu, par cette manière inventive, faire une bonne blague à leur curé. C’était bien de la triche, car le plaisir de les dépuceler le soir même lui passerait sous le nez. Prompt au pardon, il claqua dans ses mains grassouillettes à son arrivée, histoire de remettre un peu d’ordre et de dignité, puis il présenta une par une ses petites amies à ses invités, ce qui nécessita une bonne partie de la matinée. Robin qui boit remarqua à cette occasion que les blondes figuraient parmi les victimes du prélat en forts contingents. Les chevaliers rendirent ensuite leur bonjour aux gardiens armés de lassos, puis les jeunes femmes repartirent tranquillement faire tourner joyeusement leurs rouets, avec sans doute une certaine nostalgie du village de leurs parents, tapis dans les forêts profondes aux feuillages épais.

 

– Ha m‘amie, fit Robert au pied d’une pauvre nattée qu’on décrochait en pleurant du plafond, je te chastie, mes cui chaut ? Quanqu’an dit a fol petit vaut ! Des fois messires, voyez-vous, j’en ai plus que ras-le-bol de leur crise d’ado. Les gardes recouvrirent la défunte en linceul avant de la confier au jardinier. Bien, comme vous m’êtes bien prud’hommes de m’avoir apporté votre Œil de dinde, il va sans dire que vous pouvez piocher à loisir par folle passion au milieu de ces damoiselles, car vous formez comme je vois les meilleurs chevaliers du monde. Par Kramouille, elles ont tant de science amoureuse qu’elles vous rendront certainement les besaces douloureuses au réveil ! Il comptait bien en vérité découvrir quelques secrets magiques liés au bijou sacré, par quelques imprudentes confidences recueillies sur l’oreiller.  

 

Robin regarda tour à tour Bouyave, Percevalve, De Ladaupe, Gauviens et Braillard, en réprimant fort mal quelque criement de rigolade. Jeanne-Mireille en charriait de son côté d’abondantes larmes de rire tout le long de ses joues. Robin la poussa du coude pour qu’elle arrête, puis il se tourna doctement vers l’évêque afin de lui répondre avec un air navré :
 
– Hélas, fit-il enfin, en reprenant mal sa contenance tout en vérifiant au passage la bonne tenue de son rouge à lèvres, votre pieuse sainteté, nous que voilà sommes bons moines et d’honnête ascendance, complètement repliés vers l’intime devant lequel nous nous courbons, car nous vivons dedans l’amour de tous les hommes, et nous ne prenons au grand jamais concubine pour la bataculer.

 

 Il passa sous silence que Bouyave et Gauviens avaient tout de même tendance à parfois s’égarer, comme pouvait le prouver l‘épisode guère lointain survenu à l’auberge du Poney Puant. Laygros fut contrarié par cette révélation, car il les voyait bien se faufiler le soir même dedans ses petites copines. Il lui semblait bien évident que ces marauds ne voulaient point lui révéler les secrets avantageux de son trésor, il s’en montra si courroucé qu’il en pinça discrètement pour calmer sa fureur la plus proche de ses jouvencelles, pauvre petite déjà bien abîmée par ses saltos arrières de la nuit dernière. Mais l’évêque continua néanmoins de faire devant les autres contre mauvaise fortune bon cœur.

 

– Vous faites fort bien, mes amis, votre refus n’est point blasphème, tant il est véridique que la lubricité nous rend si vulnérable au démon. Soit, il sera fait comme vous l’entendez, mais passons maintenant en ma cave où j’aurai mieux à vous servir, car j’ai quelques sublimes tonneaux de vin de Mouyse qui n‘attendent que vous pour être entonnés. Croyez-m’en, une fois liché en bouche avec quelques olives, personne n’a jamais eu envie de recracher un si bon breuvage !

 

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bon week-end à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:28:38
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Posté le 10-11-2015 à 16:21:56  profilanswer
 

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Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 42.

 

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Peut-être en signe de mauvais présage, la statue sacrée à l’effigie de Chons oscilla à l’aube sur son socle avant de s’écrouler sur elle-même. Réveillé par le vacarme, Ramassidkouch se leva pour marcher au milieu des ruines éparpillées, effrayé par l’incident qui alertait son cœur superstitieux, puisque l’ouvrage était supposé préserver le palais Thébain des esprits malfaisants. En tant que Germaine, Germaine se vouait à d’autres dieux et se contenta de quitter le lit pour faire tranquillement dans son pot de céramique. Elle se garda cependant bien de rire, lorsqu’elle distingua l’effroi visible tracé sur les traits du pharaon par procuration, à la vue des nombreux débris, car seul restait intact le grand socle de granite rose. Sur la terrasse vers laquelle l’époux royal se rendit ensuite afin de respirer un air plus frais, quatre colonnes s’étaient fendues en menaçant à tout instant le toit qu’elles soutenaient de s’effondrer. La petite brunette féconde et Germaine s’éclipsèrent sans rien dire, laissant le mari de la reine à sa perplexité. Une porte claqua violemment dans son dos, les torches vacillèrent au souffle d’un vent mauvais et il sembla au roi que la fontaine du jardin se remplissait de sang. La vue de cette eau vermillonne acheva de convaincre Ramassidkouch qu’il se passait quelque chose d’anormal entre ses murs privés. Impressionné par le miracle visuel, il s’assura encore qu’il ne rêvait pas, mais la sensation désagréable persista en lui avec suffisamment de force pour venir insulter son intelligence. C’est plongé dans ce sentiment d’inquiétude irrationnelle qu’il se trouva tout à coup face à face avec l’horrible momie ricanante de Tahosétlafer.

 

– Salut à toi fils de pute, seigneur du monde de fils de pute, soleil gardien de la vérité de fils de pute, approuvé de Phré de fils de pute, alors comme ça, on trompe la reine, on met le pays à genoux et on assassine lâchement son grand vizir ?

 

– Tahosétlafer ?

 

–  Non, c’est la frangine d’Hérode le grand.

 

– Mais comment est-ce possible ? fit le monarque en pleurant son désespoir devant l‘apparition surnaturelle. La momie dégageait dans la pièce une lumière aveuglante.

 

– Ben depuis le temps qu’on momifie les gens pour qu‘ils renaissent, ça devait bien arriver. En attentant, je ne sais pas ce qui me retient de te flanquer un de mes canopes dans la gueule. Enfin bref, je suis un homme nouveau et pour toi, c’est le jugement dernier de toute manière. Je viens de quitter ma tombe pour te tenir au courant.

 

– Je promet de me pencher sur le sort des laissés pour compte, en guise de rédemption, si il n’y a que ça pour que tu retournes t’allonger dans ton sarcophage.

 

– La vache, t’es super plausible, voilà qui me donne furieusement l’envie de creuser la question. J’avais quand même de mon vivant une vision moins foutraque de l’Egypte. Est-ce que tu sais que si tu ne m’avais pas tué le premier, j’aurais épousé Néefièretarée ?

 

– Tu te trimballais déjà un physique de momie de ton vivant, faut pas rêver.

 

– C’est pour ça que je vais faire un truc qui ne va pas trop te plaire, mais qui va m’arranger.

 

– Tu veux de l’or, des gonzesses ?

 

– C’est pas très utile aux morts, seigneur du monde de fils de pute, non, je vais plutôt m’offrir ton corps, en essayant de supprimer quelques kilos, t‘es trop gros. Bon, on cause, on discute et pendant ce temps là, la clepsydre dégouline.

 

Ramassidkouch tenta de faire un pas en arrière pour se sauver, mais il fut rapidement rattrapé par le monstre qui lui serra le cou d‘une poigne implacable. Le sang coula des yeux du roi à gros bouillons, sa salive abonda sur ses lèvres, aussi amère qu’une eau salée, puis il avala la dernière bouffée d’air de sa vie. Toujours solidement attaché à lui, le corps momifié du vizir se disloqua au sein d’un jaillissement extraordinaire, canalisé instantanément en un rayon de lumière vive qui fonça en piqué dans la bouche grande ouverte du défunt. Tahosétlafer s’arrogea de cette manière mystérieuse l’apparence physique de sa victime. Plus rien ne subsistait dans la chambre de son ancien corps à lui, sauf peut-être une puissante odeur de ranci et de paprika qui s‘envola en remugles épais jusqu‘à Bab El Oued. Ce superbe duo d’acteurs à l’avantage du momifié resurfacé n’eut cependant aucun témoin, alors que Tahosétlafer-Ramassidkouch se leva ensuite lentement pour se soulager de sa bière de la veille dans le pot de Germaine, en le faisant déborder sur les tapis. La nouvelle entité n’était cependant ni l’un ni l’autre, mais un hybride à la mobilité relative atteint de somnolence, aux cheveux secs et dont la peau à l’épiderme congestionné n’offrait pas le signe d’une hydratation optimale. Une mystérieuse pathologie gastrique lui faisait régurgiter constamment des gaz et ces sempiternelles éructations firent comprendre au cerveau embrumé de Tahosétlafer que, quelque part, il avait peut-être loupé son coup en s‘appropriant d’une manière plus négative que positive l‘esthétisme discutable de l‘autre soleil gardien de la vérité de fils de pute.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:31:12
n°43828785
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Posté le 11-11-2015 à 09:53:21  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 13.

 

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 Dans leur cabine exigüe du So long sucker, Emeline et Basile activent les procédures pour s’inscrire au chômage, puisque la Pig Broz les a viré sans indemnités ni reclassement. Il est bon de retrouver un peu de gravité dans ce vaisseau, avec des hauts et des bas, mais ils ont surtout très hâte de regagner le confort de leur cube terrien. En méditation devant le hublot triangulaire, Basile se laisse un instant distraire par les superbes halos sporadiques qui environnent par intermittence les ailettes de dissipation thermique. Propulsé par ses gros moteurs zionniques, le transbordeur a retrouvé une vitesse de croisière et remorque docilement derrière lui, à bonne distance, la petite Marie-Jeanne.

 

– Si tu veux mon avis, Emeline, je ne suis pas fan du vert de tes cheveux, le bleu t’allait mieux.

 

– Ils n’avaient pas d’autre couleur sous la main, dans ce rafiot.

 

Une  minuscule lumière rouge palpite au dessus de la porte, pour indiquer la sollicitation d’un visiteur. Basile introduit un gars maigrichon, lequel les invite cordialement à le suivre jusqu’au poste du pont principal où les attend le commandant Merval. Ils le retrouvent les pieds posés sur ses écrans, occupé à fumer le cigare. Un ronronnement diffus, particulier et plaisant s’échappe de quelque part dans ce cockpit, inaudible dans les autres parties du vaisseau. Jusqu’à ce que Basile comprenne sa provenance, en apercevant en train de roupiller sur un siège le chat gris du second Jhon Piol Balmundo. Merval est un vieux briscard de l’espace, un type qu’on a dû cryogéniser plus souvent qu’à son tour. Il gratte sa longue tignasse puis se tourne vers le couple en le voyant arriver :

 

– Alors mes naufragés, tout se passe bien à bord ? n’hésitez pas à me demander quoi que ce soit, si vous avez besoin de quelque chose. Vous savez, on vous attend avec les honneurs sur Mars, personne ne nait héros, on le devient, alors profitez-en le temps que ça dure. Quelque soit la planète, ces cons d’administrants ont toujours préféré la compromission au courage. Sur Mars, Fanch Yoland leur mène la vie dure, on dirait.

 

– Croyez-vous qu’une approche de Mars soit sans danger pour vous ?

 

– Le général Digoule m’avait ordonné d’attendre l’arrivée des Shaleclairs Thunder Flash X-40 envoyés pour nous escorter. Finalement, j’ai négocié un compromis en modifiant ma trajectoire. Nous quittons le Bras de Persée pour l’Eperon d’Orion, où nous les retrouverons. En plus, on gagnera du temps, même si je n’aime pas trop naviguer dans cette région bourrée d‘étoiles de merde.

 

– Tant mieux, fait Emeline en bottant le cul du chat pour s’asseoir à sa place, nous tout ce qu’on demande, c’est de retrouver au plus vite notre tour terrienne et puis basta.

 

– Tout ça n’est pas si simple, Sirkisi insiste bien pour vous récupérer avant, afin de vous exhiber au congrès, vous avez malgré vous quitté les coulisses du conflit, et cette prise d’otage ratée vous met à présent en pleine lumière. Pour une fois que les événements basculent en la faveur des cénazteurs, on peut le comprendre, le président.

 

Jhon Piol Balmundo s’introduit à son tour dans l’habitacle, il leur titille les tétons selon l’usage, en guise de bonjour. Il n’a qu’une vingtaine d’années et pourtant il semble avoir mérité d’occuper sa haute fonction. Son chat se précipite sur ses genoux lorsque son jeune maître prend place à son tour dans un des fauteuils de commandement.

 

– Commandant Merval, j’enregistre une perturbation anormale du champ magnétique devant nous.

 

– Ok, soyez paré à virer, les pluies de météorites n’ont parfois rien de théoriques. De son côté, il agit dans le même temps lui-même sur le siphon des tubes à gammaétron. Hé bien, fait-il à l’adresse du couple, j’espère qu’aucun de vous deux n’est allergique à la poussière d’astéroïde !

 

Toutefois, le So long sucker ne répond pas correctement. Merval consulte dans son implant les archives de sa mémoire, mais rien n’indique qu’il aurait pratiqué une manœuvre erronée. Balmundo semble préoccupé de la même manière, mais Emeline et Basile n’entendent rien au problème, le pilotage d’une fusée de tourisme interplanétaire n’ayant pas grand chose à voir avec celui d’un transbordeur galactique.

 

– Tiens bon, Jhon, fait Merval, on rétrograde au cas où. Dans son implant, un gars de la com affolé lui signale la panne soudaine et totale des antennes grand gain.

 

Des signaux d’alerte allumés en série font tout à coup leur apparition sur les tableaux de bord, les indicateurs signalent entre autre que l’astronef accuse subitement une énorme perte d’énergie, une réduction drastique de la largeur d‘impulsion d‘injection sur les propulseurs. Autrement dit, une anormale et sévère couille dans le pâté. Merval n’a cependant pas le loisir d’essayer de comprendre. Affolé, il voit se profiler devant son étrave un phénomène qu’il a toujours redouté de croiser. Là, devant ses yeux, sans qu’il ne puisse plus faire varier à temps sa trajectoire, il aperçoit dans le lointain un trou noir primordial superpassif, plus colossal que l’anus d’un dieu. L’objet est d’une concentration de masse si compacte qu’il attire irrémédiablement le So long sucker vers son centre, par l’effet d’une force gravitationnelle inouïe. Les signaux de danger redondants ont alerté l’équipage qui se retrouve en catastrophe sur le pont trois. Le bruit court rapidement entre les hommes qu’il faut se tenir prêt à abandonner sans délai le cargo, en se réfugiant dans tous les Spacetugs disponibles, dont les masses moindres peuvent peut-être permettre de fuir le danger. Toutefois, dans un premier temps, personne ne s’affole malgré l‘explosion subite d‘une petite antenne tumélatrique située sur la jonction amovible d’une carapace de dérouillage ; on attend juste les ordres du commandant ou ceux du second. Quand on précise la présence concrète d’un trou noir, c’est très différent et les gars se précipitent effectivement à toutes jambes vers les taxis de maintenance, sans attendre le feu vert, y compris ces enfoirés de la milice qui en monopolisent précipitamment deux pour eux seuls, avec armes et bagages. Emeline et Basile cours eux aussi dans les couloirs encombrés de robots impassibles, car Merval et Balmundo, visiblement courroucés d’être plongés dans une telle stupéfiante urgence, ont ordonné au couple de les suivre sans trainer.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:32:34
n°43842572
talbazar
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Posté le 12-11-2015 à 20:40:49  profilanswer
 

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Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 05.

 

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– Ok, on se verra dans la matinée, j’ai des choses à vous dire, N’Dyé.

 

Bien que le policier lui demanda de développer, il raccrocha en remarquant que Vaya ne dormait plus. Puisqu’elle semblait être incapable de trouver le sommeil, il alla lui préparer un café. Le plaid posé sur les épaules, tout en jouant doucement de sa bouche sur le rebord de sa tasse, la belle brune le taquina sur le bordel qui régnait dans son appartement, c’était bon de la voir se préoccuper de choses aussi légères, après ce qu‘elle venait de lui révéler. Il marmonna quelques indignations pour la faire sourire, puis il reconnut la fragilité du dossier devant l’évidence des faits, tout en lui avouant être célibataire, mais elle refusa de considérer cet état comme une circonstance atténuante. Cette discussion anodine les amenait à une amicale complicité qui les porta à se regarder longtemps dans les yeux. Déclaré coupable, il abdiqua volontiers et s’excusa du désordre ambiant, puisqu‘il lui fallait bien partager l‘expertise de cette femme exquise.

 

– Tu ne m’as pas dit ce que tu faisais pour gagner ta vie ?

 

– Je suis barmaid au Tripoli, tu sais, ce genre d’endroit où la nuit des filles lâchent leurs tripes au lit. Il ria de sa blague idiote pour lui faire plaisir. Mais attention, moi je ne m’occupe que de servir au bar. Le vrai cocktail pour mes clients, c’est souvent médocs, alcool et dépression, tu vois. C’est d’ailleurs là que j’ai rencontré Perry.

 

.  Il ne connaissait pas le Tripoli, ses propres cabotages nocturnes ne l’ayant jamais envoyé jusque là. Mais il se doutait que dans ce genre de club, la poésie n’avait pas grande place, alors que la chair louée et le faux-cuir devait y tenir le haut du pavé. Il prévoyait déjà de se renseigner sur l’endroit, maintenant qu’il savait pouvoir être servi au bar par Vaya en personne. Peut-être même qu’il y passerait un bon nombre de ses soirées. Il s’en voulait de n’avoir pas pu empêcher que Vaya tombe entre les mains de mystérieux sadiques imbéciles. La proximité de cette femme dans son loft le troublait, mais surtout l’enchantait. Elle se versa elle-même un nouveau café :

 

– Il y a souvent des concerts de qualité, le boss paye bien les chanteuses. Il y a aussi des danseuses, pour assurer d’autres festivités visuelles. Le boxon sert surtout à couvrir les cris tarifés des collègues œuvrant dans les salons. C’est les samedis dimanches un club échangiste, aussi. Tu n’y a jamais mis les pieds ? Enfin je suis bête, je t’aurais certainement remarqué !

 

Était-ce là l’aveu déguisé qu’il lui plaisait aussi ?

 

– Non, mais j’irai.

 

– Ok, je paierai ton verre. Mais rien qu’un, pour les autres, tu raqueras. Bon, je vais rentrer chez moi, maintenant. Je te remercie pour tout. Garde le carnet si tu veux, mais s’il te plait, laisse-tomber les flics, je perdrais mon boulot à cause de cette embrouille et c’est le seul que j’ai.

 

La simple idée de la voir partir le faisait chier quelque part. Il se rendit soudain compte que Vaya était comme une étoile venue par miracle pour éclairer sa nuit. Elle aussi semblait troublée et ne se pressait pas, mais elle se leva pourtant en affichant un air de sagesse accablée. Lorsqu’il l’embrassa sur la joue, il la devina à fleur de peau, elle tourna la tête pour lui donner ses lèvres. Pas facile après ce baiser fiévreux d’avoir un discours clair. Il la raccompagna jusqu’à la porte, en posant une main sur ses hanches. Elle disait qu’elle voulait marcher, que tout allait bien à présent, que le bain lui avait fait du bien et qu’elle avait déjà trop abusé de lui. Il insista, elle l’embrassa à nouveau, longtemps, puis elle fouilla dans son sac et lui refila la carte de visite du Tripoli.

 

– Je t’appellerais, Martin. Quand viendra ce jour-là, tu n’auras pas besoin de plan, tu sais déjà où j’habite.

 

Il la retint contre son torse un peu trop fermement ; elle lâchait sans retenue par toutes les fibres de son corps la confiance qu’elle mettait en lui. En guise d’argument minimal, elle cligna joliment des yeux. Après son départ, la réalité fit son retour en force dans l’appartement, qu’il décida aussitôt de ranger un peu. En fin de matinée, il passa chez les flics faire son rapport, mais il savait déjà qu’il oublierait de raconter l’histoire de Vaya, comme si elle n’avait jamais existé. Une force obscure le poussait à la retenue, puisqu’un récit détaillé ouvrirait la cage aux fauves, prenant le risque que la jeune femme soit la première à être dévorée dans l’arène. Il ne voulait pas en prendre la responsabilité, s’estimant capable de la protéger, puisque, pourquoi se mentir, il voulait la revoir très vite et l’aimer. Il montra cependant aux flics les photos des visiteurs du cargo qu’il avait shooté au cours de sa veille. Aussitôt reconnus, les noms des inconnus s’égrenèrent sans souci sur les lèvres de l’inspecteur Barracuda N’Dyé : Le Baron, Prince Ahmed, Bonno Landru, Carlos Glaçon, du beau monde bien connu des services et cerise sur le gâteau, d’anciens potes de Gros Bill. N’Dyé remercia Martin pour les vilains lapins qu’il sortait de son chapeau. Ce dernier était de son côté content de pouvoir coller un nom sur les tortionnaires de Vaya. Il garda pour sa pomme La Hache, La Teigne et le Perry Goret.

 

– Tous spécialistes des explosifs, ce sont certainement eux qui ont fait sauter le bateau. Des gars doués, il ne reste surement plus un boulon du rafiot, mais on va vérifier. T’aurais pas entendu ce qu’ils se disaient, des fois ?

 

–  Non, juste que j’ai compris qu’ils parlaient d’un certain Van Degaffe, tu connais ?

 

–  Ben ouais, bizarre, c’est le nom d’un taré évadé de son asile psychiatrique qu’on n’arrive pas à retrouver depuis.

 

–  Je peux voir sa fiche ?

 

–  Hum, c’est délicat, bon, tu regardes et moi je ne vois rien.

 

Il tapa sur son ordinateur et Martin eut d’amples détails sur ce fameux docteur. La photo en premier correspondait bien à la description qu’en avait faite Vaya. Un vieux binoclard blanchi avec une bonne tête de dingo. Le reste du dossier lui colla une barre à l’estomac.

 

« Après avoir passé son Bac à huit ans en candidat libre, Hubert Van Degaffe l’obtient accompagné de la mention spéciale « difficile de faire mieux ». Il intègre ensuite plusieurs Universités prestigieuses dans lesquelles il ne tarde pas à faire cours à la place des profs. Il est ensuite embauché dans un laboratoire privé après sa découverte du Tétaréthylblond pour lequel il dépose un brevet en son nom personnel. Injecté, ce produit serait selon lui essentiel à un procédé de changement de race qu’il nomme l’Adénochrome-électrobiologique. Pour des raisons éthiques, le laboratoire ne donne pas suite à ses travaux et le renvoie. Le docteur Van Degaffe n’en continue pas moins ses travaux dans plusieurs pays, et publie de nombreux articles officieux sous le pseudonyme d’Offbridge Ofligonnes, dans lesquels il affirme être l’inventeur du Chromosome Z, gonosome issu des gomettes 3D, nouvelles cellules qui permettraient de changer par simple programmation le sexe d’un individu. Poursuivi par Interpol après la mort douteuse de deux ou trois cobayes, Van Degaffe est finalement retrouvé et interné en hôpital psychiatrique. D’après les rapports médicaux, Hubert Van Degaffe aurait noirci avant son évasion des milliers de pages sur sa recherche du clone adénumérique, par une opération qu’il nomme adénoplastie planifiable, et qui vise à modifier l’apparence extérieure d’un humain par programmation d’un ADN synthétique. Ses divagantes, dangereuses et mystérieuses recherches sur la structure moléculaire auraient selon lui pour but ultime d’établir une procédure scientifique visant la jeunesse éternelle, pas seulement apparente, mais réelle. »

 

–  Ben notre guignol, fit Martin en s’éloignant de l’écran, il a pas seulement pété un watt, il a cramé son transfo. Je pense faire une petite visite amicale à cet asile qui l‘hébergeait, pas d’inconvénient ?

 

–  Ho ben, si tu gardes un double pour nous de ce que tu peux trouver en fouinant, nous autres, on n’est pas au courant.

 

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Revue de presse

 

Aujourd'hui : enterré vivant.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:35:47
n°43901517
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-11-2015 à 06:33:52  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 66.

 

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Alors que Jason volait librement vers Athènes en laissant la clinique aux mains expertes du docteur Gründ, alors que Cassandra se murait en sanglotant dans son deuil affreux, Babette et Gwendoline faisaient face à l’horreur de leur enfermement. Chacune se sentait comme une petite mouche prise au piège d’une toile d’araignée, enjeu impuissant d’un complot qui les dépassait, avec la trouille intense d’être immolées d’une minute à l’autre sur l’autel sanglant du grand banditisme. La lumière se fit, un des hommes de Filipacchi vint leur passer un bandeau sur les yeux, en leur intimant de se lever. La vessie de Babette lui posa sur le champ un problème humiliant.  

 

– Allez les morveuses, debout, on va se promener.

 

Les cœurs cognant de panique, elles furent embarquées sans un mot dans une voiture puis, au bout d’une randonnée éreintante, lâchées en pleine forêt. Mais aucun coup de grâce n’eut heureusement lieu. Au bout d’une longue attente silencieuse, Gwendoline osa surmonter sa peur et parvint à enlever avec les dents le mouchoir qui aveuglait sa collègue, puis elles réussirent conjointement à se débarrasser de leurs entraves. Elle se trouvaient en plein bois, seules et isolées sur le flanc d’une montagne où flottait un maigre brouillard, scrutant un paysage qui ne leur disait rien, ni à l‘une ni a l’autre. Peu vêtues, elles avaient froid, grelottant dans la fine brume qui floutait les sombres troncs des sapins, des fûts malingres cherchant le soleil, lesquels perçaient partout la pente autour d’elles comme des crocs menaçants. Les bandits avaient disparu, elle peinèrent malgré tout à s’en convaincre vraiment. Affolées, fracassées par la terrible aventure qu‘elles venaient de vivre, leurs visages tendus par l’anxiété, elle se mirent finalement en marche pour trouver peu-après un petit sentier qu’elles redescendirent prudemment, mais sans trainer. Elle rejoignirent au bout d’un moment une route sinueuse, pour être prises en charge par un camion dans lequel Gwendoline, en recherche d’un peu de sécurité, se colla pratiquement par réflexe contre le chauffeur bien rasé. Babette se blottissait en revanche contre elle, préférant le réconfort moelleux de l‘infirmière à celui plus rude de la portière. Un coup d’œil dans les rétroviseurs leur prouva que l’horreur ne les avait pas rendue plus belles, mais qu‘elles affichaient chacune des visage décomposés, genre phase terminale de coqueluche non soignée. Le conducteur ne montra aucun symptôme de prétention, prouvant au contraire une infinie patience, sans aucune volonté de leur faire quelques allusions grivoises ou sexuelles, tout juste lâchait-il dans l’espoir de les faire un peu marrer quelques potacheries de routier helvétique innocentes. En dépit du scénario des faits largement développés pour lui expliquer ce qu’elles faisaient en simple chemise sur une route d’altitude et déserte, elles ne  parvinrent pas à le faire pleurer. Propulsé dans la descente sévère où son camion roulait, il se contentait tout au plus de piler d’une manière attentive sur ses freins. De toute évidence, il prouvait de cette manière l’illégalité d’une certaine surcharge de sa remorque. Comme il avait les yeux très bleus, Gwendoline le trouva beau, affublé d’un romantisme intemporel, somme toute un brave cadeau de la providence, bien qu‘il osa griller sous son nez cigarette sur cigarette. Dans les cahotements de la cabine climatisée, il avoua souhaiter pour bientôt la victoire des conservateurs, Gwendoline cherchait rêveusement un certain réconfort moral en pensant à Jason et Babette désirait simplement pouvoir un jour voir mourir ses ravisseurs et leur déchirer auparavant les couilles avec les dents.

 

Elles furent accueillies au commissariat par Mensinq et Edith Plon, auxquels elle s‘empressèrent de déballer avec emphase leur mésaventure. Mensinq leur demanda tout de suite si par hasard le routier n’avait pas essayer de les violer et que si elles le voulaient, elles pouvaient porter plainte contre lui, vu qu‘elles étaient là. Elles étaient épuisées, elles avaient faim, soif et voulaient au plus tôt rentrer chez elles, ce que le commissaire considéra comme de mauvaises réponses. Edith tempéra les prémices d’une mauvaise ambiance en commandant des pizzas et du soda pour les jeunes femmes. Pendant qu’elles mangeaient, elles apprirent l’assassinat de Jean Flammarion et sa plus importune conséquence, à savoir le veuvage prématuré de Cassandra. Une mauvaise nouvelle qui risquait fort, selon les cogitations secrètes de Gwendoline, de remettre la rouquine dans la course pour conquérir le cœur de Jason, avec l‘avantage pour elle d’une tragédie personnelle. Merde, se disait la blonde infirmière, pourquoi donc ne suis-je pas moi-même enceinte de lui avec certitude, disons environ de cinq mois ? D’ailleurs, elle était aussi crevée à présent que si elle venait d’accoucher, c’était un signe. Elle frôla l’indiscipline en écoutant Mensinq remettre sur le tapis cette histoire de cocaïne. En réalité, c’était Babette qu’il cuisinait avec voracité, puisqu‘à elle, il ne demandait rien. En sachant Cassie libre comme l’air, ce qu’elle ressentait au plus profond de son être était écoeurant. Pourquoi n’envoyait-on plus jamais les fiancés officiels faire la guerre quelque part au loin, au Vietnam ou ailleurs, en laissant leur fiancée rongée par l’incertitude et le manque de nouvelles ? C’était moche de reconnaître que Cassandra allait vivre son drame certifié avec trop de proximité, ferrant le docteur Jason qui se ferait évidemment un devoir de la consoler, voir même de l‘envoyer dans son lit. Toutes ces réflexions remplies d’amertume ne l’aidaient cependant pas beaucoup à accepter l‘idée que Jason pouvait la bouder. En dehors de ces considérations très personnelles, à aucun moment elle ne s’interrogea vraiment sur l’homicide navrant qui venait de frapper subitement Flammarion. Sous l’emprise d’un choc inimaginable, Babette assise à ses côtés la regardait à présent médusée, car Mensinq venait de lui signaler la dénonciation de Gwendoline à son encontre. Une accusation écrite et signée qui n’était pas faite pour relâcher la tension dans ce bureau, où elles s’insultèrent copieusement en poussant de hauts cris, jusqu’à ce que Mensinq leur intimât brutalement de se taire. Il était à deux doigts de les aborder physiquement, mais il céda à la paresse en réalisant qu‘elles allaient peut-être écrire un livre pour raconter leur enlèvement. Un ouvrage bien vendu qui citerait sans doute son nom, sans compter que Plon lui suggéra, gentiment comme toujours, d’y aller plus mollo avec ces présumées coupables, car elle sentait venir la beigne à l‘horizon des trente secondes.

 

– L’une de vous deux, sinon les deux, a certainement collé de la schounff dans le sac de L’Harmattan. Vous m’emmerdez, moi j’ai plus grave que vos histoires de cul, j’ai désormais le meurtre crapuleux de Jean Flammarion sur les bras. Ce n’est pas sa fiancée qui est morte, alors ok, d’accord, oublions cette malencontreuse histoire de sac, entendu, on en parlera plus. Vous restez néanmoins à ma disposition.

 

Et il déchira devant leur nez les aveux de Gwendoline, comme si sa feuille n’était qu’un vulgaire ticket de loto perdant. Il n’avait pas besoin de voir ces harpies venir embrouiller plus longtemps son enquête, vu qu‘il avait désormais pour s’occuper un vrai cadavre sous le coude. Il ne chercha même pas dans les yeux de Gaston Denoël, qui venait de les rejoindre, le moindre soupçon d’une quelconque approbation, c’est dire s’il était sûr de lui.

 

– Votre patron est en Grèce, fit à son tour l’inspecteur des stups. Or si Filipacchi vous a libéré, c’est qu’il a disposé d’une taupe dans la clinique et qu’il a su que la dope avait été transférée chez nous. Il ne faut pas rentrer dans vos foyers, c’est trop dangereux, mais nous devons néanmoins assurer votre protection. Nous allons blinder de flics votre lieu de travail, pourquoi ne pas y résider en attendant qu‘on mette la bande sous les verrous ? pour nous, ce serait plus facile d‘avoir un œil sur vous.

 

– Le docteur Halrequin ne va pas trop aimé ça.

 

– Il est en Grèce. Et puis, vous êtes peut-être toujours en arrêt maladie, mais vous m’avez l’air plutôt en forme. Profitez-en pour oublier votre enlèvement en reprenant le boulot.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:39:16
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talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 22-11-2015 à 14:13:58  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro en 70.

 

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Ils descendirent plusieurs niveaux, furetant par quelques étroites traboules pour rejoindre l’aile nord du noviciat de La basilique cathédrale de Sainte Kramouille, par ailleurs nécropole imposante des anciens rois de Mouyse et abbaye royale. L’évêque y fit une visite très remarquée, surtout lorsqu’il prit le temps de consulter quelques aveux signés par deux ou trois novices bientôt condamnés. D’autres n’avaient pas attendus l’accord de Robert et s’étaient déjà jeté dans l’eau des douves, vu l’imperfection de leurs alibis. Dans cette citadelle sacrée, on entendait plus souvent se dire adieu que bonjour. En traversant les vastes salles où flottait partout une odeur tenace d’encens froid, leurs pas faisaient craquer les riches boiseries et quelques servantes qui jouaient de l’aiguille en titillant la pelote près des fenêtres baissèrent la tête respectueusement. Leur élégance discrète offrait un contraste apaisant avec l’ambiance austère qu’offrait l’enfilade de chaque appartement aux voûtes parfois vitrées. Seule le harem de cette ruche bourdonnante offrait le répit de ses étoffes vives, de ses parfums et de sa jeunesse tourbillonnante, parce qu’ils venaient colorer et pimenter d’une insouciance plus joyeuse la froideur ordonnée du gigantesque complexe architectural construit à la gloire de Kramouille. On quitta les quartiers d’habitation pour descendre dans une cave immense où dormaient des centaines de barriques remplies de vin de Mouyse. A l’entrée fermée d’une lourde grille, un hallebardier tamponna leur laissez-passer, puis Robert se fit un devoir de remplir lui-même quelques pintes à 48 pouces du Roi. Jeanne-Mireille opta pour la chopine, de peur d’en avoir trop. Puis on savoura en silence le trésor gouleyant par de longues gorgées, malgré le risque de se transformer assez vite en boudins gonflés. Robert rusait et se trempait à peine les lèvres, car son intention n’était pas de céder à l’ivresse, mais de tirer les vers du nez aux chevaliers au sujet de son cadeau.

 

– Ah messires, quand on pense que mon pisse-froid de prédécesseur voulait remplacer la bonne la vigne de mon abbaye par la culture du concombre. Encore heureux que le roi de l’époque n’ait pas cédé à son infâme batelage.

 

Chacun des templiers goûtait avec plaisir le rendez-vous festif en s’avalant sans chipoter ni se faire prier de grandes goulées d‘un pinard excellent. La perspective impeccable des murs de briques rouges commença cependant peu à peu à se gondoler singulièrement devant leurs yeux. Ils furent bientôt tous pris dans les rets d’une heureuse charmogne avinée.

 

– Hola mes beaux sires, fit Robin en trinquant, comment vont à présent mes doux compagnons de tente ?

 

– Pas trop mal, lui répondit Gauviens en se séchant la lippe, car ce nectar n’est point guiguet et descend divinement en gargamel pour appeler à renouveler une suite sans respit.

 

– Fort bien mes amis, allez-y, point de ma part n’aurez jamais le gosier sec, leur proposa Robert, en ordonnant que l’on défonce prestement pour eux une nouvelle futaille.

 

– Icelui est encore plus savoureux, lâcha en bagayant Bouyave, avant de s’appuyer sur une barrique bien cerclée pour parvenir à tenir debout.

 

Après avoir liché plusieurs nouvelles chopes, Jeanne-Mireile pleine de joïance grimpa sur un tonneau en troussant sa jupe pour faire sa boufonne, puis elle empoigna son luth et chacun la mira avec délectation leur donner l‘aubade. Robert fit son galant en applaudissant plus fort que les autres la débraillée. L’ambiance de la cave devint aussi joyeuse qu’un jour d’accordailles. Le vin coulait à flot sur les bliaux et les chevaliers accompagnèrent leur amie en se lançant dans un réjouissant quadrille. Puis l’on fit la chenille en se pinçant le croupion avec grand plaisemment, sous les yeux faussement amusés de l’évêque, car il brûlait quand à lui de leur faire avouer les secrets qu’on prêtait à l‘Œil de dinde. Un sourire trompeur éclairait constamment son visage, mais l’agacement lui tordait le cou malgré-lui, car son vin coûtait cher.

 

– J’ai beaucoup d’admiration pour vous, mes amis, mais vous savez que j’ai grand dommage de vous voir repartir sans tout connaître des magies que renferme notre bijou. N’auriez-vous pas en souvenir, même partiel, quelques tours propres à cette noble merveille ?

 

– Ho le manche de ce sceptre possède comme je sais quelque bienheureuse vertu que j’ai pu savourer, fit Jeanne-Mireille en se fendant d’un geste obscène, ce qui fit aussitôt marrer ses compagnons hilares. Robert rêva un instant de lui mettre un coup de boule, mais il préféra pourtant se montrer modéré.

 

Robin qui voyait double tordait son cul comme un vers de jardin, Braillard mirait triple et Bouyave s’acharnait à vider pinte sur pinte. Gauviens faisait le jongleur, en essayant de rattraper sa chope au vol. Il régnait grande beuverie dans la cave où un valet de la servantaille se présenta bientôt en rampant au pied du garde,  muni d’un seul message à l’attention de son évêque. Il tenait dans sa main tremblante un ordre du palais cacheté du sceau royal.

 

– Votre sainte seigneurie, on annonce dans la ville l’arrivée d’une tribu Zgomatix qui campera en banlieue de Mouyse. Le roi Vazy Métoian ordonne qu’on livre à ces hommes quelques bonnes barriques de votre treille.

 

– Qui commande ces chafouins ? demanda Robert avec un air préoccupé.

 

– Olbo Zgeg au gros pif, du pays de la Godée. Ils viennent au nombre de 10.000  prêter main forte contre l’armée du Fion, lorsqu‘elle se présentera à nous.

 

– Triste époque, fit Robert à ses bourrés, le scénario qui se prépare me fait pleurer. Je ne comprend pas l’attachement du roi envers ces bandes de barbares lâches et perfides. Bon toi, parles peu et agit, va chercher de l’aide pour conduire huit barriques de mon vin dans le campement de ces voleurs.

 

 Yvan de Ladaupe se tourna dans le dos de l’évêque pour balancer dans un hoquet sur les planches mal rabotées. Pas jalouse, Jeanne-Mireille fit de même. Robin malgré sa pressante ivresse cogitait, car il se demandait si le Zgomatix à grand nez qu’ils avaient enterré dans l’herbe drue et cet Olbo Zgeg à gros pif n’était pas une seule et même personne, ce qu’il trouvait fort fâcheux. Puis il se pencha à son tour. Robert Laygros n’avait point ses secrets convoités et pour le lendemain, la crise de foie clouerait les chevaliers au lit.

 

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bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:42:55
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Posté le 22-11-2015 à 14:13:58  profilanswer
 

n°44053618
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 29-11-2015 à 11:13:00  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 06.

 

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Par chance, Vaya ne travaillait pas au Tripoli ce soir-là, elle passa donc sa soirée chez elle à se faire les ongles et soigner ses bleus. Guy Ness, son perroquet gris du Gabon, samouraï du ciel mais pas kamikaze, animal à l’œil de velours doué de grande gueule et de raison, accroc aux pistaches, voletait partout et claquait bruyamment son gros bec dans le salon en houspillant sa maitresse :

 

– Combien de fois faudra te le dire, tu sors avec n’importe qui !

 

– C’est bon Guy, occupe toi de ta cage, elle pue.

 

– Je suis pas grand fan des jeux de combat. File moi des pistaches.

 

– J’en ai mis dans la cuisine.

 

Guy s’envola vers la coupelle promise sans rajouter un mot, pendant que Vaya commandait un livre photo constitué intégralement de portraits d’elle et de son oiseau.
Ils s’étaient rencontrés dans une animalerie du quartier avant de succomber au même coup de foudre réciproque. Voilà déjà cinq ans que Guy et Vaya partageaient leur appartement, au sein d’une collocation parfois agitée. C’était un drôle de piaf, le perroquet Ness, né en captivité mais très jaloux de son indépendance, qui pouvait parfois se montrer tendre et joueur avec sa maitresse, en toute intimité. Ils appréciaient les mêmes ambiances musicales, les mêmes séries Télé et se lançaient le soir des défis palpitants au Scrabble. Ils n’imaginaient plus une vie l’un sans l’autre, c’était trop tôt pour le perroquet et sans doute trop tard pour Vaya. Pour elle, lui avait sans regret renoncé à son ambition de devenir perroquet d’un gardien de patinoire. La jeune barmaid l‘emmenait parfois avec elle derrière le bar, où Guy sur son perchoir égayait les lieux de sa voix graveleuse, non sans faire chier certains clients entreprenants, parfois avec une réelle efficacité comique. Guy du Gabon appréciait les cuisines généreuses et créatives mais sa vraie gourmandise, dont il était insatiable, c’étaient les pistaches grillées qu‘il décortiquait du bout de son  bec solide avec expertise. Après avoir transformé la cuisine en champ de bataille, l’animal repu comme un junkie revint dans le salon pour se percher sans façon sur l’épaule de Vaya. Elle hésita un peu avant de lâcher sa confidence :

 

– Guy, j’ai rencontré quelqu’un.

 

– Oui, j’avais compris, un plouc du genre tape-dur, faut croire.

 

– Mais non, je te parle pas de Perry. Le gars dont je te cause est un privé, un type qui s’appelle Martin Smith. Il a été bien secourable avec moi et m’a conduit chez lui, j’avais perdu ma clef.

 

– Cette manie aussi de m’enfermer, ça t’apprendra ! ça éviterait à l’avenir les frais d’un serrurier, si tu me faisais confiance pour garder la baraque en ton absence.

 

– Justement non.

 

– Vous avez couché ?

 

– Tu crois que je te le dirais, hé, c’est quoi ce bruit ?

 

Un bref et mauvais son de verre brisé venait de s’échapper du cabinet de toilette. Vaya s’y précipita pour tomber nez à nez sur Perry, lequel la toisait méchamment en affichant un rictus mauvais, un pied de biche rouge à la main. Il venait tout juste de s’introduire par la fenêtre de la salle d’eau, après en avoir cassé le carreau en simple vitrage. Moulée dans son peignoir qu’elle tiraillait sur son ventre nerveusement, Vaya était trop surprise pour avoir peur de lui, mais la gueule menaçante de son ancien amant qui s’approchait maintenant dangereusement n‘était pas non plus faite pour la rassurer. Sachant qu’elle ne résisterait pas à une attaque frontale de ce poids lourd, elle arqua son dos en reculant, il avança d’un pas résolu :

 

– Où t’as mis le carnet ?

 

– Je ne sais pas de quoi tu parles. T’es qu’un flambeur, connard.

 

– Joue pas ce jeu idiot, on aurait pu parfaitement en rester là après-tout, mais je te demande pas maintenant de me donner la réplique, je veux que tu me rendes immédiatement ce calepin, c’est tout. Je ne suis pas ici pour me lancer dans un dialogue gratuit et je sais que tu as ce que j‘exige.

 

Il se montrait nerveux, violent et de mauvaise humeur, Vaya osait à peine le regarder dans les yeux, car elle se doutait n’y trouver qu’un paquet de haine résolue à son encontre. L’affrontement ne pouvait tourner en la faveur de la jeune femme. Il plongea sur elle en tordant d’une main puissante et ferme le col du peignoir sur son cou. De l’autre, il n’avait pas lâché son pied de biche pour autant. Une expression féroce venait de tomber sur la tronche de Perry comme un rideau de fer, il frappa du poing droit, Vaya s’écroula sur le sol, propulsée par le coup effrayant.

 

– Le carnet.

 

Dégommée comme une vulgaire quille de bowling, Vaya resta par terre sans réagir, la lèvre saignante. Perry s’approcha à nouveau, mais cette fois, il leva son outil sur elle, impossible de deviner à son expression fermée s’il bluffait, ou s’il avait vraiment l’intention de passer à la vitesse supérieure. Elle le savait bien capable de faire un massacre, vu que dans le cargo il avait déjà gagné en la frappant brutalement quelques galons dans l‘infamie.

 

– Mais lâche l’affaire, Vaya, file moi ce putain de carnet, ou je vais te réduire en bouillie !

 

Elle ne sut rien faire d’autre que pleurer. Malgré elle, le corps de Vaya n’avait pas d’autre moyen d’exprimer sa trouille, elle se roula en boule. Soudain, déboulant du salon, Guy plongea sur la tête de Perry en gueulant de colère comme une oie. Surpris, frappé durement par le bec tenace et vengeur, labouré par les griffes acérées, l’homme lâcha son arme par une sorte de réflexe protecteur, en essayant de se débarrasser du volatile déterminé. Le perroquet s’acharnait en cherchant les yeux, fouillait, piquait comme un aigle, revenait constamment à la charge dans un éclair tourbillonnant de plumes hérissées. L’outil dangereux gisait à présent devant le visage de Vaya, elle s’en empara vivement sans réfléchir outre-mesure, comme un noyé au désespoir s’empare d’une branche salutaire. Le cerveau de la jeune femme n’exigeait qu’une seule action, elle balança à la volée un coup sur Perry, puis un autre, et encore un autre, en visant la tête. Guy se gara vivement d’un coup d’aile pour ne pas s’interposer aux trajectoires démentes. Mue par une seule énergie de survie aveugle, Vaya avait tellement la rage qu’elle mis un certain temps avant de comprendre qu’elle venait d’exploser le crane de son agresseur. Ce dernier était étendu mort dans le couloir et un coulis de sang s’échappait à présent en abondance sur ses cheveux blonds. Il avait les yeux fermés. Quand bien même ce salaud fut gratifié de voyance dans l‘avenir, il n’aurait sans doute pas cru un tel acharnement, ni une telle résolution de Vaya possibles. Guy Ness, héros des airs satisfait, se dandinait comme un paon fier en graillant de la voix sur le cadavre :

 

– C’est bon, ma poule, tu l’as tué.

 

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Revue de presse.

 

Aujourd'hui : cabale au Lycée Talbazar.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:50:02
n°44116876
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-12-2015 à 14:26:00  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 14.

 

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Une certaine panique est à présent à l’œuvre dans le transbordeur, au sein d’un sauve-qui-peut fébrile que le commandant n’est plus vraiment à même d’organiser. Il regrette un instant de n’avoir pas eu le temps d’emporter dans sa fuite son « Space Captain Trophy » dont il est si fier, puis il se rassure en se disant qu’il en demandera une nouvelle copie en rentrant sur terre. Dans le hangar dépressurisé désormais largement ouvert sur l‘infini, les Spacetugs disponibles sont pris d’assaut par des équipages anxieux, tous équipés de leurs scaphandres spatiaux, alors que résonne en continu le hurlement strident des sirènes d’alerte maximale. Une soudaine et brutale explosion se fait entendre dans le So long sucker, vraisemblablement au niveau du contrôle-couple du rotor de queue. Kishi Kikurséwawa, son pote Charlie Badelaire et un pilote expérimenté du nom d’Arnold Montburg hèlent vivement Merval dans son implant pour l’inviter à bord du remorqueur, qu’ils ont réquisitionnés pour eux-mêmes :

 

– Par ici mon commandant, grimpez vite à bord !

 

Au milieu de la confusion indescriptible régnant sur la plateforme, Merval, Balmundo, Emeline et Basile ne se font pas prier davantage, ils s’élancent hardiment sur la passerelle d’accès pour s’introduire dans l’engin, dont Badelaire referme après eux l‘écoutille. Au pied de l’appareil, éclairé par le halo progressif du réacteur que Montburg vient d’allumer, un robot Liliput N.P. 5357 lui demande poliment dans son implant l‘autorisation de monter dans l‘appareil. Après avoir signalé au mécanirob une fin de non recevoir agrémentée d‘une bordée d‘injures, le pilote fait pivoter son vaisseau sur lui-même et l’élance dans l’espace, à une vitesse fulgurante. Ils rejoignent ensuite rapidement l’essaim blanc des Spacetugs déjà positionnés à l’extérieur. De catastrophiques déflagrations sporadiques ont gravement endommagé le transbordeur à plusieurs endroits, c’est à présent clairement visible pour les naufragés silencieux. Merval fait consciensement l’appel de ses hommes, il semble que tous soient sauvés, mais il leur faut à présent s’éloigner au plus vite de l’influence négative du trou noir, lequel tente d‘aspirer irrémédiablement vers lui le lourd vaisseau de charge. Echappés parmis les premiers, les deux Spacetugs occupés par les gars de la milice sont déjà en difficulté, et peinent visiblement à se dégager de l’énorme masse du vaisseau-mère. Dans l’étroit cockpit de leur chaloupe de l’espace, Emeline et Basile les regardent tournoyer sur une trajectoire devenue totalement aberrante. L’un des remorqueurs bourré de bidasses fini par s’écraser sur le flanc du So long sucker, désintégré par un éclatement flamboyant et bref, certainement décuplé par les explosifs embarqués par ces cons.

 

– Merde, fait Merval aux autres, nos taxis n’auront pas la puissance suffisante pour se dégager.

 

– Il y a peut-être une solution, lui répond Jhon Piol Balmundo, en tout cas pour nous autres. La Marie-Jeanne peut nous aider, on s’en rapproche et ses réacteurs zionniques sont plus puissants que les flammèches de notre rafiot.

 

– Abandonner mes hommes à leur sort ? Jamais !

 

Deux nouveaux Spacetugs viennent pourtant d’entrer en collision avec le transbordeur, il est clair que la situation se montre dorénavant désespérée pour ceux qui le frôlent de trop près. De son côté, Montburg fait l’impossible pour se dégager le plus possible du cargo, puisque chacun devine qu’il va exploser sous peu. Un nouveau choc violent emporte la raison de Merval, il ordonne aux Spacetugs proches d’eux de rejoindre la Marie-Jeanne, s’il le peuvent. A la merci de l’attraction du gigantesque navire désemparé, peu sont à vrai dire en mesure de le faire. Lancé dans un ultime combat avec ses commandes, Montburg met les zions pour se rapprocher de la petite fusée d’Emeline et Basile. Ils évitent de justesse un Spacetug erratique qui coupe au passage le câble de remorquage reliant la Marie-Jeanne au So long sucker. Libérée, elle tournoie un instant sur elle-même, en proie comme les autres à l’influence démentielle de l’intense champ magnétique qui règne dans la zone. L’accident prend à présent une tournure spectaculaire, lorsque trois nouveaux Spacetugs percutent le transbordeur avec fracas, au sein d‘une gigantesque déflagration cosmique, dont le souffle a l‘heureux effet d‘accélérer le rapprochement du Spacetug de Merval vers la Marie-Jeanne. A l’issue d’une véritable prouesse technique de la part du pilote talentueux, le commandant et ses compagnons sont bientôt à même d’embarquer dans la fusée. Mais ils sont visiblement les seuls. Le choix n’est plus à faire, il faut se résigner à prendre place dans cet astronef à la climatisation défaillante. C’est rapidement chose faite. Emeline prend alors le relais et se précipite au pas de course pour rejoindre son poste de pilotage, engoncée dans sa combinaison étanche, un peu contrariée par son string nylonique qui lui rentre désagréablement dans les fesses. Aucun Spacetug n’a eu l’opportunité de les suivre, il faut désormais se résigner à prendre un maximum de distance avec le phénomène. Une énorme flamme bleue s’échappe des réacteurs, poussée arrière maximale, la fine fusée ronfle et s’échappe puissamment du désastre terrifiant, dans lequel chacun peut deviner que les autres vont maintenant perdre la vie. Merval se tait, il est d’humeur sombre devant cette réalité tragique qu’il n’a su éviter. Quand à eux, il leur faut désormais prendre contact au plus vite avec les trois Shaleclairs Thunder Flash X-40 de l’armée défédérale martienne qu’il était convenu de rejoindre. Il envoie sans attendre à leur intention un Mayday répété.

 

– Je l’avais bien dit à Digoule, fait ensuite un Merval plus morose que jamais, que cette saloperie d’Eperon d’Orion était un territoire de merde, dans lequel on ne devait pas s‘aventurer.

 

– Je doit pouvoir réparer la clim, annonce le spécialiste Kishi Kikurséwawa, en s’affairant immédiatement sur ce problème spécifique, aussitôt secondé avec attention par Basile.

 

Devant leurs yeux effarés, le So long sucker éloigné explose enfin dans son intégralité, mais la poussée occasionnée par cette puissante dislocation incandescente les éloigne finalement encore plus de la tragédie. Ainsi, fuyant désormais l’influence du maudit trou-noir sur de nombreux lumi-lomètres, il est estimé avec certitude que, bien qu’évoluant sur une route inconnue, la Marie-Jeanne sauvée par sa chance insolente se trouve heureusement hors de danger avec ses passagers.

 

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Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : nu couché devant un hublot - Georges Hanna Sabbagh (1923 )

 

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Bon week-end à tous.


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:55:24
n°44160929
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 09-12-2015 à 15:31:31  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 43.

 

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Alors qu’un dangereux spectre à l’esprit confus s’installait sur le trône à la place de Ramassidkouch, Néefièretarée terminait tranquillement ses heures de Heb Sed. Le jour se levait pour annoncer un jour radieux et le Royaume du soleil s'éveillait à peine, lorsque Trêmouatoli déjà toilettée et vêtue de sa robe en pilou s’approcha d’un pas feutré au chevet de sa maîtresse. Avec une candeur narquoise, la servante fit semblant de ne pas regarder Phimosis en train de faire l’amour à la reine pendant que celle-ci dormait. Souriant et le muscle rond, posté derrière la pharaonne comme un sphinx hiératique, le scribe remplissait le derrière de son amante avec une exubérante volupté, usant d’un engin d’une taille statistiquement très supérieure à ceux des africains du nord. Tous ses mouvements purement techniques se justifiaient sans doute, bien que la reine confinée dans ses rêves insouciants restât parfaitement immobile. Quand il eut terminé son affaire après avoir accéléré cadences et fréquences, le Kouchite soulagé relâcha ses points de fixation et se tourna sur le côté, en faisant au passage un clin d’œil amical à la confidente. Ainsi s’ébrouait presque chaque matin le palais lové dans son luxueux confinement, pour offrir dans la chambre royale le tableau d’une charmante routine quotidienne, puisqu’on s‘y amusait comme on le pouvait. Enfin dégagée du sommeil par ce face à fesses amoureux, Néefièretarée salua ses amis en leur souhaitant le bonjour, puis elle frappa dans ses mains gracieuses afin qu’on lui apportât sur le champ de la purée de poulet et du blanc d’artichaut, petit déjeuner conforme à l‘époque.

 

– T’es chiant Phimosis, fit-elle en grattant les démangeaisons occasionnées pendant la nuit par ses morpions sacrés, un peu de poésie devrait avoir plus de place quand j’ouvre les yeux. Je désavoue politiquement l’action peu diplomatique que tu viens de mener avec fermeté. Mais, dans le souci de calmer les choses, ce fut son tour de lancer un clin d’œil complice à Trêmouatoli.

 

Ils déjeunèrent sur la terrasse ensoleillée, entourés de jolies esclaves aux formes généreuses, taillées selon le modèle en vogue de la dynastie, plus d’une centaine de servantes aux corps neufs et au rire cristallin, gamines chargées de mettre la table et de la débarrasser avec humilité. Un petit berger teint au henné leur joua gentiment de la flûte, avant de prendre dans la gueule des dizaines de commentaires malveillants, puis de se faire happer par le guépard royal caché sous la table. On laissa le félin se rassasier à loisir du petit plouc mélomane. Histoire de réenchanter le réel, un claquement de doigts sec de la part de Néefièretarée ordonna aux filles de travailler plus fort et plus dur que jamais, sans oublier de danser pour elle en balayant la place.

 

– J’irai bien faire plage, mais Jérijône et ses prêtres ont organisé une ultime procession dans la ville et un dépôt d’offrande à mes pieds pour clôturer définitivement le heb sed.

 

– Sans oublier de courir dans un champ en brandissant l'Imyt-per, O Maîtresse des Deux Terres, rajouta d’une manière impromptue Merdenkorinnanâr en venant les rejoindre sans formalité.  

 

– Une journée bien crevante, encore, ouais. Vivement qu’on embarque sur le Nil, j’en peux plus de ce bled.

 

A la recherche d’un court instant de connivence avec sa prestigieuse bien-aimée, Phimosis jouait le beau gosse romantique et chantait doucement une berceuse  de son pays pour endormir à nouveau la reine, mais sa ruse de brigand du plumard échoua, car Néefièretarée désormais d’attaque filait déjà se préparer en compagnie de Trêmouatoli, revêtue quand à elle comme toujours d’une robe écarlate. Elles redescendirent plus tard les grandes marches qui donnaient dans la rue principale, suivies d’une belle brochette de notabilités abruties mais prestigieuses, par ailleurs incompétentes à faire autre chose. Acclamée par la foule sur un ordre explicite de l’armée, la pharaonne s’installa sur son char fleuri pour entamer une longue procession qui contourna largement l’énorme chantier naval de Tépafou. Il faisait beau, les ibis volaient, Trêmouatoli se caressait les seins et Phimosis faisait pareil avec ceux de la reine. Les porteurs défoncèrent un moment par mégarde l’entrée d’un atelier de poterie, dont l’artisan salua sa majesté au passage en agitant les bras avec une approbation froide. Par un simple jeu de regard, Néefièretarée ordonna donc sèchement à ses porteurs d’arrêter de faire les cons et de se cogner aux murs, tout en conseillant amicalement au potier d’en profiter pour arnaquer son assureur. La reine jugea ainsi du caractère éphémère des sentiments, puisque le bras du céramiste lui proposa en guise d’hommage une figure plus obscène et nettement moins cordiale. Ils abandonnèrent le malchanceux aux glaives des soldats pour déambuler longuement dans la grande rue de Tépafou au milieu de ses ruines ancestrales, que l’on peinait parfois à différencier des habitations et des tombeaux enfouis dans le sable. L’archétype architectural était partout le cube, au pied duquel la foule clairsemée formait une houleuse pulsation blanche. Avec un certain soulagement, la pharaonne ordonna aux chefs de ses porteurs, Masérati-fé-vroum et Jèpéess, de rentrer au palais.  

 

Là se pressait la cohorte veule des donateurs venus déposer leurs cadeaux, des machins plus ou moins inutiles dont les nobles savouraient là l’occasion rêvée pour les refourguer. En gage de fidélité, Néefiertarée hérita donc de lots de carrelages dépareillés, d’esclaves philosophes cons comme des manches, d’ibis empaillés, de recettes magiques pour agrandir ses seins et ses territoires,  de fripes visiblement déjà portées, d’une scéance de consultation gratuite chez le devin du temple d’Ouséret et d’un disque solaire orné de l’uraeus pour jouer sur la plage avec ses copains. Sans doute éblouie par autant de marques de respect, la pharaonne ordonna que l’on colle en remerciement à tous ces bienfaiteurs un gros luth de Babylone bien dans leurs fions, puis elle ordonna à Jépéess de la porter dare-dare dans la campagne, près d’un champ de melons. Tous les spectateurs présents se mirent alors à battre des mains, surtout les soldats sur les spectateurs présents. Alors elle quitta ses sandales recouvertes de bouse pour faire le tour du terrain en courant, son fameux Imyt-per au creux de la main, ceci afin de symboliser devant tout le monde qu’elle prenait possession de tout le territoire égyptien. Les paysans toujours pragmatiques chuchotaient entre eux à mi-voix que c’était un gâchis, et qu’on aurait au moins pu coller une charrue au cul de la reine pour tracer des sillons. Le point culminant qui termina la journée intervint lorsqu’elle tira des flèches vers les quatre points cardinaux pour repousser les forces maléfiques, ce qui fit trois veuves parmi des chameliers en train de glander sous les palmiers. Désormais c’était bon, à l’issue de ces heures le heb sed se trouvait parfaitement clôturé et Néefièretarée put enfin décrocher sa fausse barbe pour la jeter définitivement au panier.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 08:58:03
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talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-12-2015 à 09:32:31  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 67.

 

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Il ne restait que quelques heures à vivre au docteur Halrequin, avant de quitter Athènes. La conférence sur le régime des crétoises n’avait duré qu’une demi-heure, au cours de laquelle il avait tout  engrangé sur les techniques relatives à la greffe de moelle graisseuse. Aussi avait-il largement eu le temps de faire un peu de tourisme : Sirtaki, Ouzo et ruines antiques. Il envisageait son retour à la clinique Saint Bernard avec un brin d’angoisse, même s’il savait que le Docteur Gründ traitait sans doute correctement les affaires. Il craignait par dessus-tout un danger pour Cassie. On l’avait tenu informé de l’enlèvement de Gwen et de Babette, puis de leur libération heureuse, mais Jason ignorait si Filippachi ne mettrait pas d’autres forfaits criminels à éxécution, ne serait-ce que pour se venger d’avoir été filouté. En fouillant les petites annonces, il avait trouvé un boulot de repasseuse de treillis à New-York pour France Loisirs, laquelle avait bondi de joie à l’idée de partir vivre une formidable expérience aux USA, surtout que le docteur prenait l’intégralité des frais à sa charge, y compris le futur loyer de la jeune fille, dans un appartement avec vue sur un mur. Elle ne serait donc plus là à son retour, ce qui éviterait qu’elle aille chanter dans les oreilles de Mensinq sa petite histoire d’annulaire coupé. Gründ avait déjà remplacé l’étudiante de l’acceuil par une jeune fille effacée du nom de Véronique Bayard, laquelle tenait tellement à devenir secrétaire médicale qu’elle pratiquait le soir en secret, sur ses cuisses, d’odieuses scarifications. Dans une boutique de souvenirs, Jason acheta une brassée de petit drapeaux grecs fabriqués en Chine pour les offrir en cadeau à son personnel. Il contempla longtemps la grande ville séculaire étalée à ses pieds, en se disant qu’il reviendrait peut-être dans cet endroit un jour, en passant avec tendresse son bras sur celui de Cassandra. N’était-elle pas libre à présent, après la mort de son fiancé ? Somme toute, si les flics éteignaient pour toujours la menace des trafiquants de drogue, les projets de Jason pouvaient s’envisager sous les meilleurs auspices. Il s’enhardissait d’une telle confiance dans l’avenir que dans l’avion qui le ramenait en Suisse, il enleva ses chaussures.

 

Comme il était dépassé par ses honoraires, il fallait bien qu’il se ratrappe, aussi la première chose qu‘il fit en reprenant son poste à la direction de la clinique fut d‘augmenter son salaire et ses tarifs. La restriction budgétaire lui fit également remettre à plus tard l’installation d’un beau parcours de golf dans le parc entourant l’établissement. Ce dernier fourmillait de flics en civil, lesquels prenaient aussi bien l’habit d’infirmier que la place des malades. Mensinq et Denoël avaient littéralement transformé la clinique en forteresse, pour raison de sécurité. Cette situation apporta quelques cafouillages regrettables, lorsque Jason amputa par erreur les jambes parfaitement saines de deux fonctionnaires de police occupant respectivement les chambres 156 et 78. Il avait encaissé avec un œil mauvais le fait que Cassandra, Gwendoline et Babette prennent gratuitement leur quartier privé au sein de la clinique, puisque selon ses conceptions, c‘était la clientèle d‘abord. A présent, il ne pouvait cependant pas se permettre de contrarier la police en quoi que ce soit. Désormais, comme il le constata avec amertume, les filles jouaient en solo et se faisaient cordialement la gueule, chacune évitant l’autre avec soin, en dehors des soins. Terrassée de chagrin, Cassandra n’avait même pas trouvé le courage de charger violemment ses collègues à propos de leur criminelle accusation. Elle se contenta simplement de les éviter au maximum, mais il lui restait encore à subir la terrible épreuve de porter Jean en sépulture, dès que le déroulement de l’enquête l’autoriserait. Ce fut cinq jours plus tard qu’on retira Flammarion du frigo pour le conduire en terre. Par solidarité avec l’aide-soignante, tout le staff de la clinique était présent aux funérailles. Cassandra avait masqué son doux visage ravagé par les pleurs sous une triste voilette noire, Gwendoline réfléchissait à la couleur de la chambre de son bébé, si jamais elle et Jason verraient à un moment donné un enfant leur venir, même s’il ne lui avait à peine dit bonjour depuis son retour. Babette se tenait en retrait cachée par les autres, craignant d’en lâcher trop en se permettant de sourire. Mensinq et Denoël gardaient les abords du cimetière à l’intérieur d’un fourgon blindé. Complètement rétabli, le père Albin Michel présidait la cérémonie funèbre, après avoir finalement renoncé à profiter de l’occasion pour placer judicieusement dans son discours quelques réflexions personnelles utiles sur la circoncision. Il remonta le cortège en vélo, avant de s’emparer de son goupillon pour l’ultime cérémonie de la mise au caveau. Un enterrement, c’était surtout un travail du regard  :

 

– Mes biens chers frères, veillons dans l’attente de la fin du monde, lorsque les anges du ciel rassembleront les élus locaux et que la mer agitée tremblera de crainte. Puis, voici qu’apparaitra dans les cieux un globe mystérieux qui vous fera regretter du fond du cœur les fautes des autres. Entre ici, Jean Flammarion, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui trafiquaient peut-être la dope dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé. C'est la descente funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Guillaume Tell, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres démaquillées. Aujourd'hui, personnel de la clinique Saint Bernard, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de son doigt en moins, ses lèvres qui ne parleront plus ; ce jour-là, elle était le visage de la Suisse. Amen.

 

On allait descendre le cercueil de Flammarion sous les applaudissements, lorsque Cassandra hurla sa peine à pleins poumons. Elle s’avança vivement pour embrasser le cénotaphe dans son délire vibrant puis, vaincue par une immense détresse morale, elle tomba dans les pommes, victime d’une hyperventilation désastreuse. Jason se précipita aussitôt vers elle, soulevant la voilette pour vérifier que son larynx n’était pas obstrué par un corps immigré, il dégrafa son délicieux soutien-gorge vert anglais et déboutonna lentement son pantalon pour faciliter sa respiration, ensuite il pratiqua doucement un savant massage cardiaque d’une manière si sensuelle que Gwendoline en devint verte de jalousie, puis elle jura tout haut lorsqu’elle vit le toubib pratiquer sur la rouquine un long bouche à bouche. Alors que Cassandra reprenait ses esprits en modulant un pauvre son déchirant, la langue de Jason salutairement placée sur la sienne, ce dernier constata avec peut-être une nuance de regret qu’il n’aurait pas à s’emparer fermement de la cuisse magnifique de l’aide-soignante pour la placer en position latérale de sécurité. Il la soutint pour qu’elle tienne debout, elle s’abandonna dans ses bras en dodelinant sa pauvre tête, puisque Jason lui commandait gentiment de tenir bon avec courage jusqu’à la fin. Un truc beaucoup moins évident pour Gwendoline qui enrageait de voir son amour rendu aussi servilement esclave des circonstances, et qui fulminait de voir cette truie rousse aussi outrageusement dorlotée par le boss, aussi pénétrée par la grande porte dans une telle incongruité inaugurale, car c’était bien la chose qu’elle redoutait tant de voir justement arriver. Babette gardait un air crispé, voir indifférent, mais elle voyait bien la face décomposée de Gwen, elle en comprenait la raison et sa propre conclusion en était qu’en ce qui concernait la blonde infirmière, c’était en quelque sorte bien fait pour sa gueule si celle-ci crevait de jalousie, peut-être même à l’intérieur encore plus terrassée et démolie que l’autre con qu’on collait à présent enfin au fond de son trou.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:00:02
n°44191135
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 12-12-2015 à 16:06:43  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 71.

 

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Si monseigneur l’évêque Robert gardait la tête froide car il avait peu bu, les chevaliers en revanche se prenaient dans la cave leur cuite de l’année. Jeanne-Mireille s’était dépoitraillée, puisqu’elle avoit trop chaud, donnant là l’occasion à ses compères de mirrer qu’elle avait des mamelles fort belles et généreuses. La gueuse agissait comme les autres et buvait désormais de grosses pintes sans plus compter. Son éminence monseigneur Laygros confirma en bafouillant que notre dame de Kramouille protégeait toujours les seins et s’en colla malgré lui, d’une manière peu discrète, sainte trique au passage. Robin pissait sur ses godasses et tous voyaient que chevalier Gauviens n’allait pas trop tarder à s’écrouler. Il fallut convenir qu’on en avait assez.

 

– Fort bien mes généreux, fit Robert, si vous y parvenez, montons les marches pour respirer un air qui sera moins vicié.

 

Tous applaudirent le propos en levant dernières choppes, puis l’on se mit à rire à gorge déployée, comme si l’évêque venait de sortir la plus poilante des gaudrioles. Aucun ne pouvoit marcher droit et ce fut belle misère de grimper péniblement l’escalier à spirale, afin de quitter la vaste cave mise en pagaille. Jeanne-Mireille s’habilla à regret, après avoir convenu avec messire Gauviens de toucher pour voir, puis on se mit en branle dans les couloirs, suivant bras-dessus bras-dessous en rigolant ce cher Robert qui voulait leur montrer son trésor personnel. Il rabroua d’un geste vif chevalier Braillard qui insistait gratuitement pour lui donner bisous. La salle fort bien gardée le jour comme la nuit jouxtait celle des archives, mais seul Robert avait le droit d’y pénétrer. Les soldats firent la gueule en voyant s’approcher les éméchés, puis se bouchèrent le nez, car Robin venait de s’asperger avec sans doute trop de force d’une bonne essence de violette pour cacher son vomi. Goguenards, Yvan de Ladaupe et Guy Bouyave marchaient à reculons. Jeanne-Mireille se gonfla la poitrine en proposant aux fers-vêtus de toucher pour voir, puis on pénétra l’un après l’autre en se poussant du coude dans la grande salle du trésor, aux murs épais pourtant munis de grandes fenêtres décorées de vitraux. En dépit de la brume qui occultait à présent leur cerveau, ils furent émerveillés par le contenu fabuleux des grands coffres que Robert entreprit d’ouvrir patiemment devant eux. Il n’y avait pas d’autres meubles. La même clef condamnait toutes les lourdes malles, lesquelles livrèrent aux yeux des templiers un contenu époustouflant, en faisant étinceler dans la lumière des torches des émeraudes, des rubis, des saphirs à foison, des diadèmes en diamants mirifiques, des calices en or massif, de la vaisselle d’argent à profusion, des colliers de rares perles à moules provenant des rivages difficiles de l’Hyperbourrée. Robert piochait avidement des mains dans ses richesses, faisant rouler sur le sol des monnaies par centaines, son gros visage transfiguré de loi divine, car ou se trouvait son trésor était aussi son cœur. Etalant largement devant eux tous ces joyaux, il demanda aux joyeux drilles de bien lui prêter l’ouïe :

 

– Mes gentilshommes, je laisse au noble roi Vazy Métoian le soin de borner les peuples et les frontières de Mouyse, j’ai quand à moi la charge de baliser les âmes, mais les affaires terrestres ont cependant leur prix, et l’argent me fait des gens fidèles quand ils ont peu de foi. Notre Dame-la-Grande Kramouille commande hélas bien souvent de fouetter durement vilains et commerçants, quand ils se montrent par trop réticents à faire offrande. Toutes les murailles de ma belle cathédrale coûtent si cher à entretenir ! Je sais bien que vous-mêmes avez grand fief à Kiess, en votre commanderie, et que je ne puis vous offrir territoires, mais vous avez loisir de prendre ici quelques bonnes richesses pour vous offrir un avenir meilleur, par le don généreux que je consent à vous offrir, en échange des secrets de l’objet que vous avez apporté ici.
 Il s’approcha ensuite d’un autre coffre, pour en dégager l’Œil de dinde enveloppé dans un beau drap de soie. En dépit de leur ivresse, les chevaliers voyaient bien qu’il brandissait le faux sceptre devant eux comme on brandit une arme.

 

– Hélas, votre éminence, affirma Robin pour lui répondre au nom des autres en se retartinant d‘un peu de poudre aux joues, nous ne sommes point bourgeois cultivés avides de richesses, mais pieux guerriers de pauvreté et bras armés de notre sainte Kramouille. Accepter vos cadeaux nous serait comme avaler des cuillérées de poivre. J’ajoute en dernière fois que les magies de l’Œil de dinde nous sont complètement inconnues. Il s’exprimait les larmes aux yeux, car la corruption de Robert le faisait bidonner. Pour faire marrer ses potes avinés, Jeanne-Mireille avait placé de travers sur sa tête une couronne de pierres précieuses que l’évêque lui commanda sèchement de reposer.

 

– Très bien, fit Robert d’un ton mordant, car il se trouvait atteint de rage silencieuse, je constate avec moult regret que votre sublimation vous mène en fausse route, convenons-en et n’en parlons plus. Il replaça la pieuse relique à sa place d’un geste brusque et courroucé.

 

Non sans malice, Robin et ses amis s’apercevaient que la colère qu’il avait de ne point pouvoir les acheter le tendait comme un arc. Robert claqua ses coffres avec rage, puis il chassa rudement de la salle les chevaliers, quand à eux toujours aussi grisés. Cette fois, une partie des gardes leur traça le train, alors qu’ils descendaient aux tréfonds du palais par des couloirs peu engageants, en se perdant dans quelques sombres croisements inédits. Yvan vocalisa à tue-tête une paillarde célèbre issue de Kiess, aussitôt secondé en répond par Gauviens, Jeanne-Mireille échevelée touchait pour voir le garde le plus proche, et Robin discutait âprement de phallus avec messire Braillard. Un gros bordel revenait en force dans les couloirs, sous le coup de grisou d’une cuite renouvelée. Toutefois, la pièce caverneuse que leur montra ensuite Robert sans les prévenir leur cloua le bec spontanément. Il étaient à présent rentrés dans un horrible cabinet des rugosités, au milieu duquel deux bourreaux taciturnes et habillés d’étranges falzars surveillaient leurs grands feux de braises. Partout, sur les murs en grosses pierres, le sang avait giclé à profusion et, planté par le cul sur un chevalet de cruauté, un pauvre hère pouilleux aux entrailles visibles étaient en train d’expirer sa vie. Un autre manant eshidé s’était fait méchamment éborgner de l’œil gauche, mais il n’avait même plus la force de crier. Dans tous les coins se voyaient de pénibles instruments pour arder, estriller, toster, ou encore chapeler par grande grevance les pauvres gueux que Robert soumettait ici à terrible question.
 
 Monseigneur s’empara d’ailleurs distraitement d’une grosse trucquoise, qu’il fit semblant d’examiner avec attention :

 

– Voyez, mes bons compaings, ce qui peut advenir aux fols dingos qui auraient coquardie de ne point répondre à mes légitimes interrogations. Mes bourreaux que vous voyez présents n’ont point leur pareil, dans tous le royaume de Mouyse, pour peler l’inconscient avec leur canivet.

 

– Morbleu, fit Robin, Kramouille nous épargne d’une telle malaventure !

 

– Adonc, mes chers alcoolisés, vous devriez tout de même à ne point me faire languir trop longtemps sur la chose que je vous demande, car on ne sait jamais ce que peut m’inspirer le sentiment d’être trahis. Allons, maintenant il est grand temps pour vous d’aller cuver. Entrez en reposance et plongez à présent dans vos couches, vous et votre coureuse de remparts, car ce n’est point l’heure ce soir de jouer entre nous de vile chamaillerie.

 

Hélas, une fois revenus en dormitoire, les pauvres ivrognes tombèrent dans un profond sommeil, au cours duquel les gardes épiscopaux s’emparèrent facilement d’eux en les tirant du lit, pour les conduire ensuite inconscients au sous-sol, afin de les jeter ensembles dans un hideux cachot.

 


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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:01:27
n°44214360
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 14-12-2015 à 20:14:10  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 07.

 

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Le lendemain, Vaya resta prostrée toute la journée chez elle sans pouvoir agir, puis elle appela enfin Martin au téléphone. Elle déballa son sac sur un air affolé, en se concentrant sur l’essentiel, ce qui justifia une envolée immédiate du privé chez la brune. En tant qu’ancien flic, il était depuis longtemps rodé aux scènes de crime, mais la première chose qu’il détailla en observant l’ex de madame allongé dans le couloir, fut de s’estimer sans modestie nettement plus beau que lui. Ce constat issu d’une curiosité légitime le rassura. Ensuite seulement, il fit le topo du carnage. Si Perry avait survécu à sa moche branlée, il aurait sans nul doute été obligé de se contenter de bols de soupe pendant un an pour parvenir à s’alimenter. Le pied de biche lui avait salement démoli la gueule en lui désaxant la mâchoire, mais c’est un coup porté sur le haut du crane qui avait certainement emporté la victoire au finish. Un peu de cervelle sanglante avait d’ailleurs enjolivé la tapisserie. Dans son action irraisonnée, sa meurtrière avait saisi l’outil par une seule extrémité, en donnant ainsi sans même le chercher plus de force à ses frappes. Guy Ness voletait dans l’appartement en faisant quelques commentaires énervés, où il insistait avec pas mal d’orgueil sur le rôle prestigieux qu’il venait de jouer dans l’affaire. Vaya n’avait plus la force de lui intimer l’ordre de la boucler, Martin le fit lui-même sèchement, avant de l’enfermer dans la cuisine, soudoyant le perroquet d’une poignée de pistaches. Malgré la rudesse de propos à son encontre, le volatile en profita sur un aveux sincère pour le juger cool, mais le privé cessa de lui prêter attention et claqua la porte. Un long silence épais régna dans le salon où l’homme et la femme se retrouvèrent ensuite, histoire de faire le point. D’une manière parfaitement naturelle, Vaya alla se blottir contre le large torse de Martin pour y quérir un réconfort nécessaire, comme si elle pouvait trouver en lui le liant salutaire qui lui permettrait de recoller les morceaux éparpillés de sa propre vie. Elle était à l’évidence sous l’emprise d’un affolement visible et désastreux. Il lui apporta le soutien plein d’assurance de ses bras et lui caressa tendrement les épaules. Cette femme sortait puissamment de l’ombre pour jaillir dans sa vie avec l’éclat et le retentissement d’un feu d’artifice. Après tout ce qu’elle venait de subir en si peu de temps, il craignait juste de l’abîmer davantage, mais il devait improviser sous le coup d‘une certaine urgence. Comme il la trouvait plus craquante que jamais, ainsi plongée dans sa détresse, il caressa doucement les boucles sombres de ses cheveux relativement courts qui fuyaient entre ses doigts, tout en l’abreuvant de mots apaisants. Ils éludaient entre eux toute tension sexuelle pour se contenter d’un partage autrement nécessaire et Martin ne cherchait rien d’autre en cet instant qu’à la rassurer. Au-delà de cet échange intime et secourable, Martin devinait pourtant que du côté de Vaya, l’offre s’avouait bel et bien physique. Il en fut sincèrement touché. Malgré tout, il se dégagea un instant d’elle, à peine, pour la regarder dans les yeux au risque de s’y perdre :

 

– Qu’est-ce qu’il foutait chez toi ?

 

– Il voulait le carnet.

 

– Bon, faut s’en débarrasser.

 

Elle ne fit qu’une seule grimace, mais elle était poignante. En dépit de la menace bien réelle qu’avait incarné Perry, Martin voyait bien qu’elle avait beaucoup de mal à intégrer les conséquences de son geste. Un bruissement énervé derrière la porte de la cuisine ramena Guy sur la scène. Il était presque huit heures du soir et la nuit était largement tombée. Martin libéra le perroquet qui cessa de faire son excentrique pour écouter sagement le privé lui donner mission.

 

– Guy, on a besoin de toi, tu vas surveiller la rue en la survolant, le temps qu’on colle le corps dans ma bagnole.

 

– Bien reçu, chef, je vais faire le guet.

 

Aidé par Vaya, Martin se lança dans l’action en s’emparant du macchabée, qu’ils firent glisser sans trop de peine jusqu’au hall d’entrée. Le perroquet voleta à l’extérieur en surplombant la voie. Lorsqu’elle fut totalement déserte, il fit passer le message et le cadavre encore mou fut collé sans problème dans le coffre de la grosse Ford blanche. Martin invita Vaya à s’asseoir côté passager, puis il démarra pour quitter la ville et longer les hautes falaises de la côte. Content de lui, Guy les accompagnait, ramassé sur la plage arrière. Ils s’échappèrent des lumières urbaines en silence, puis ils s’arrêtèrent dans un coin désert au-dessus de la muraille rocheuse, au pied de laquelle une houle déchainée frappait sans relâche les récifs déchiquetés. Eclairé par l’unique lumière des phares, Martin balança le corps de Perry dans les tourbillons écumeux ; tendus par leur effort, Vaya et le détective respiraient quand à eux à pleins poumons le vent puissant du large. Ils restèrent un instant dans la nuit d’encre qui leur masquait la limite du vide dangereux. Vaya enlaça spontanément son équipier sous le coup d’un intense coup de fouet nerveux, puis elle chercha sa bouche afin de lui donner un baiser brûlant. Ils remontèrent sans plus tarder dans la voiture pour retourner en ville, le perroquet faisait semblant de dormir, plaçant une sorte de mimique virtuose dans son œil de peluche. Vaya tremblait encore de peur ou de froid :

 

– On va le retrouver.

 

– Ne t’en fais pas trop pour ça, même un type comme Perry a le droit de se suicider, et puis, avec les fréquentations qu‘on lui découvrira, pas la peine pour nous de s’acharner à brouiller les pistes, ses meilleurs amis l’auront peut-être poussé, histoire de contempler la mer de plus près. C’est toujours dangereux d’avoir des amis crapuleux. Il posa une main insistante sur sa cuisse frémissante gainée de soie, elle parut soulagée.

 

– Je commence à dix heures au Tripoli.

 

– Il n’est pas question que tu y ailles.

 

– Si Martin, il le faut. Viens avec moi, si tu veux. J’ai besoin de te savoir près de moi.

 

Martin pesta en silence en gardant les yeux rivés sur la route, mais il savait bien que désormais, le sort de Vaya s’enlaçait au sien. La jeune femme venait de démolir avec brio le bastion de son célibat. Ils prirent directement la direction du club de nuit, avant d’y pénétrer par une entrée de service gardée malgré tout à l’intérieur par un cerbère africain, à qui Vaya présenta brièvement Martin. Le gars hocha la tête vers le privé, fit la bise à la belle et les laissa rentrer. Elle convia son ami à se diriger vers le bar pendant qu’elle partait se changer avec Guy sur l‘épaule. Quelques clients peu nombreux, trois ou quatre habitués, étaient déjà en train de s’installer, mais d‘autres allaient les suivre rapidement, dont un bon contingent qui venaient là uniquement pour les putes. Quand elle revint peu de temps après, alors que Martin s’accoudait au bar de la grande salle quasi déserte, elle triomphait, moulée dans une belle robe bleue ciel avec un large décolleté qui la magnifiait à maudire et jamais elle n’oubliait de sourire en jouant de ses pommettes, même à ce type qui patientait lui aussi contre le zinc, tout en la matant vicieusement comme un tordu. Elle posa Guy sur un perchoir chic, égrenant dans sa petite gamelle dorée quelques pistaches pour l‘occuper. Déclamant une invite délicieuse, un long zip séparait le dos de la robe fusiforme pour descendre jusqu’aux fesses de la miss et former un bombé délicieux. Le tissu fin se tendait et moulait ces dernières d’une manière affolante, chaque fois qu’elle se penchait au gré de son service. Prise en étau dans l’espace étroit délimité par le bar, Vaya se montrait hautement désirable, mais elle affichait cette grâce voluptueuse un brin inaccessible qui la plaçait à l’évidence bien au-dessus de ses collègues filles de joie. D’ailleurs, avec elle, les vigiles baraqués pourtant mal embouchés faisaient curieusement profil bas et s‘adressait à elle avec un respect appuyé. Lorsqu'elle eut pris la commande de l‘autre blaireau, ses bras nus d’une apparente fragilité secouèrent avec vigueur un shaker en inox qui semblait trop lourd pour elle. Seulement voilà, pensa Martin, elle avait tué son mec, cet exploit là n’était pas forcément à la portée de n’importe quelle jeune femme. Après un dernier sourire lumineux à l’autre con et sa tête de clown triste, elle se planta enfin devant Martin pour prendre sa commande.

 

– Qu’est-ce que tu vas prendre ?

 

– Un gin anisé, s‘il te plait.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:02:48
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talbazar
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Posté le 16-12-2015 à 12:41:59  profilanswer
 

Salon des inventions.

 

Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : Le ventilateur anti-job.

 

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Si vous êtes salarié d’une grande entreprise du service public spécialisée dans le transport ferroviaire, il se peut que votre espace de travail ne suffise plus à conduire vos affaires privées. Mais pas question de faire fi à la projection chez vous de votre dernier Blu-Ray en charmante compagnie, sous prétexte que vous faites partie d’une génération décimée par les heures réglementaires, lesquelles vous obligent à être forcément présent en chair et en os au boulot. La solution existe, nous le savons bien, il suffit de s’octroyer un arrêt de travail de la bonne longueur. Ce qui, grâce à notre sympathique invention d‘aujourd‘hui (que le centre de bio-recherches du pro-fesseur Talbazar a nommé le ventilateur anti-job), devient nettement plus facile à faire qu’à dire à votre hiérarchie. Les acquéreurs motivés autrefois tristement porteurs sains vont naturellement se bousculer devant ses pales puissantes à deux niveaux de vitesse, spécialement étudiées pour expulser sur vos voies respiratoires la vérole de l‘année. Nos chercheurs ont associé à l’appareil un astucieux diffuseur programmable, permettant de projeter en aérosol un choix de plus de 125 bactéries et virus susceptibles de vous offrir la maladie de votre choix, argument irréfutable que validera évidemment votre médecin traitant, et même celui du travail, pourtant peu exigeant. La chimie organique ingérée par le vent de la machine, sans aucune pyrotechnie assourdissante, n’a absolument rien d’un placebo. Elle vous propose au contraire la garantie absolue d’attraper dans les turbulences aériennes, aux effets prévisibles, une crève salutaire, dont on pourra à loisir provoquer la répétition, pour un prolongement optimal des arrêts de travail. Il suffira pour cela sans doute de varier le type d’infection, mais on peut parfaitement garder la même toute l’année. Tout un microcosme trépidant et pathogène distribué en dosettes est de toute façon intégré à ce ventilateur anti-job aux salutaires rotations, mais vous êtes le seul à porter votre préférence sur l’une ou l’autre maladie.

 

L’effet turbo-dynamique du ventilateur anti-job va loin et profond, il vous colle une heure après l’exposition le teint cireux et le corps à l’horizontale, d’une manière authentiquement dysfonctionnelle, ce que tout médecin sérieux et compétent pourra logiquement vérifier, avant d’attraper par contagion une bonne chiasse à son tour. Notons que son indisposition passagère, dont il devrait logiquement vous remercier, devrait le ravir et lui donner enfin l’occasion inespéré de décrocher lui-même de ses gardes astreignantes. N’oubliez pas de lui réclamer la gratuité des soins, pour service rendu. Une fois positionné assis bien dans l’axe du courant d’air chaud délivré par l’appareil à oscillation automatique, l’engin vous assure une double orientation du flux pour ne pas vous louper. Grâce à la haute technologie Sickness Benefit Multiplier du ventilo, les virus et bactéries issus du doseur de pestilence vont s’infiltrer immédiatement dans les recoins les plus reculés de votre organisme, afin de vous offrir le repos idéal, agrémenté de tremblements et fièvres totalement expressifs. De quoi vous permettre enfin, en toute sécurité, d’échapper au cadre bien trop formel de votre emploi. Quel bonheur, grâce à cette machine essentielle, de tituber sur preuve, de faire enfin partie de l’immense confrérie des employés qu’il faut remplacer pour une durée d’un mois renouvelable, ce qui aura de quoi faire grincer tous les jours les dents de vos collègues moins chanceux, hélas sans aucun bénéfice pour eux.


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:06:22
n°44262808
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 19-12-2015 à 10:37:15  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 15.

 

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Sur Mars la Rouge, Fanch Yoland est au combat du côté du front de gauche d’Utopia et s’approche avec audace d’une ligne vaguement visitée par l’ennemi, en compagnie de sa courageuse femme Karela Borounie, dont le scaphandre anonyme masque ses longs cheveux bruns et ses beaux yeux verts. Lui cramponne un lourd Atom Splitter Ray Gun et elle se contente d’un pistolet laser X-1 Space Blaster, mais les indés qui les accompagnent sont très solidement armés. Sans nouvelle de Soisig Lagadec et des otages, ils se doutent de l’échec du Project C et s’attendent naturellement à une riposte d’envergure de la part du général Digoule. Au-delà du plan, Karela se montre particulièrement affectée du silence de son amie. Ils progressent dans un sable dur de basalte gris, où chacun de leur pas fait voler autour d’eux de fines poussières rouges très légères. Leur objectif les conduit vers le flanc d’une haute dune sur lequel git l’épave démantelée d’un Cragstan Space Tank défédéré. A bonne distance encore, Karela passe au scan les restes de l’engin, pour annoncer verbalement à Fanch que l’équipage est mort ou absent. Depuis leur engagement clandestin, tous les rebelles ont retirés leurs propres implants corporels et utilisent pour communiquer entre eux un codage radio sophistiqué qui le rend difficile à intercepter par l’ennemi. C’est cette capacité à brouiller les fréquences officielles qui assure pour l’instant à la révolte des mineurs un succès fulgurant. De nombreux programmeurs et crypteurs indépendantistes les ont en effet rejoint, avec une telle compétence qu’ils ont pu se permettre d’embrouiller temporairement Grand Contrôle martien, non sans quelque fierté pour Yoland. Mais seule une stratégie de guérilla permanente leur offre en réalité de gagner des points sur le terrain, face à l’énorme déploiement des forces gouvernementales liguées contre eux. Pour éviter d’être repérés et échapper aux bombardements de surface, les mineurs évidemment spécialistes en excavation ont creusé un gigantesque réseau de tunnels secrets sous le sol de Mars, quittant l’abri des cavernes uniquement pour lancer leurs brèves attaques sur les dômes. Tant que Sirkisi ne reçoit pas de renforts terriens, ils peuvent considérer avec optimisme le résultat de leur action visant à miner sa réponse armée et déstabiliser sa présidence. En dépit de la puissance phénoménale qu’ils affrontent quotidiennement, la ruse et l’acharnement des rebelles se montrent pour l’instant grandement payants pour leur cause. Il est cependant heureux pour ces derniers que les lois de la guerre interdisent pour les combattre l’usage de robots guerriers.

 

Les débris du Cragstan lachent autour d’eux une nuée fuligineuse qui sévapore rapidement, mais qui semble indiquer que son immobilisation est récente. Fanch est prudent, car il se peut que l’équipage soit posté dans les environs, hors de portée de scan. Les indés sont quand à eux à une heure d’émergence surface lorsqu’ils pénètrent dans le brouillard épais diffusé par les ruines en carbonacier du tank éventré. Toujours pas de réponse, Fanch et Karela investissent prudemment l’épave arme au poing, pénétrant dans l’appareil par la béance qu’offre sa porte latérale démantelée. A l’intérieur de l’habitacle préservé mais désert, on note que les défédérés ont eu le temps d’enfiler leurs scaphandres, puis on fait au plus vite pour s’emparer du préenregistrement de son ordre de mission étrangement non descellé, et extraire ensuite les précieuses batteries énergétiques de fusion à sous-zions. D’autres récupèrent pendant ce temps l’ensemble des armes amovibles et munitions qu‘ils peuvent découvrirent. Bien entendu, il y en a peu, les autres ont sur ce point en partie fait le ménage. L’engin a explosé sur une mine traçante lâchée le matin même, ce qui l’a stoppé net dans sa progression, alors que ses chenilles abordaient la dune pour grimper la déclivité. Sur le sol alentour, aucune trace des soldats qui le conduisaient, sans doute en raison d‘un usage de souffleurs portatifs utilisés pour masquer celles-ci. Bien qu’ils soient près des vestiges, une cinquantaine de guerriers aguerris, tous hommes et femmes natifs de Mars, cette incertitude rend les environs quelque peu dangereux pour les rebelles. Ils ont encore huit heures d’oxygène disponible, mais il ne faut certainement pas trainer dans le secteur. En s’extrayant de la machine fumante, Fanch ordonne le retour immédiat aux tunnels. La poussière épaisse colle aux scaphandres lorsqu’ils progressent sous les surplombs sableux, au pied desquels s‘amoncellent des milliers de roches d‘un brun-rougeâtre. Même en se sachant à découvert et vulnérables aux engins aériens, ils avancent sans panique et Fanch et Karela ouvrent la marche d‘un pas résolu. A l’arrière, un jeune musculeux optimiste sifflote pour tous une mélodie joyeuse, avec une sorte d’insouciance impertinente. Son leitmotiv est repris par sa voisine, avant que Fanch leur ordonne enfin de la boucler.

 

Deux petites silhouettes qui percent le ciel orange leur amènent la réalité en pleine figure. Ils se plaquent au sol à l’ombre d’un gros rocher, alors que la paire de légers Scootkijets Stratosniff Powerjet XT- 7 et leurs quatre occupants les survolent à pleine allure. L’un deux amorce un orbe serré et rapide, prouvant qu’il a repéré les indés, puis l’autre patrouilleur le rejoint aussitôt. Fanch et le siffleur tirent leurs salves sans attendre. Les Scoots plongent à touche touche en réponse et tirent à la volée, deux rebelles se font hacher par les lasers, le scaphandre éraflé d‘un autre le condamne à mort dans la seconde, il n‘y a jamais de blessé sur le champ de bataille martien. Alors que les véhicules s’élèvent presque à la verticale, le pilote de l’un d’eux est touché, son engin tombe au sol en générant au milieu des caillasses volcaniques un éclair bref mais puissant. L’autre mange à son tour les tirs concentrés des Atom Splitter Ray Gun qu’il parvient par miracle à éviter, mais après avoir occis un autre indé, son tireur meurt atteint dans le dos par les courts rayons jaillissant par salves d’une X- 1 Flashy Ray Machine gun. Le Stratosniff atteint au passage dans sa structure lache un tir perdu déclenché par le pilote et va s’écraser à son tour. Bilan pour Yoland, quatre hommes tués, mais deux Scoots ennemis proprement dégommés. Ils accélèrent à présent, puisque l’apparition aérienne possible d’un ou plusieurs Panzigs Space Rocket SR-1007 changerait totalement le rapport de force. Cette portion du ciel martien ne laisse jamais trop longtemps les attaques impunies. On laisse les morts sur place et on se tire. Ce qui les réunit à présent et les ramène vers l’abri n’est rien d’autre que l’impulsion d’un formidable instinct de conservation, et plus personne n‘a l‘idée de siffler. Quatre potes tués, mais quatre bidasses également hors service. D’un point de vue humain c’est match nul, pense Yoland, en scrutant l’horizon d’un gris bleu que le soleil peine à percer, mais du côté matériel, deux Scootkijets et un Cragstan collés dans la poubelle, ça donne l’avantage. Ils contournent le bord d’un petit cratère peu profond, avant de repérer dans le lointain cinq silhouettes humaines qui marchent à pied, perdues dans l’immensité désertique. Ce foutu connard d’équipage du tank éliminé. Soutenu par un autre, l’un d’entre eux semble claudiquer. Un type probablement vêtu de sa combi à l’arrière de l’appareil, mais qui peut remercier sa chance de cocu.

 

– On laisse aller, fait Fanch, on laisse aller. On rentre.

 

– Ils nous ont vu aussi, je le jure, fait un homme en réponse. Ils vont appeler un Panzig sur nous.

 

– Ouais, mais je te parie qu’en nous comptant ils en chient quand même dans leur combinaison, rajoute un autre sur le ton chargé de mépris d‘une sorte de camaraderie militaire.

 

– C’est bon les gars, j’ai dit qu’il faut rentrer. Il ordonne cependant de planter dans le sol un brouilleur à grand rayon d’action.

 

Il ne peut voir les traits de Karela derrière sa visière dorée, mais il sait qu’elle au moins l’approuve. Il a hâte de dépiauter ses trouvailles issues de l’épave, afin de savoir ce que foutait là ce Cragstan isolé. En dépit du risque permanent de voir une tempête de feu tomber sur eux, ils continuent sur un terrain de plus en plus accidenté, marchant d’un pas de moins en moins alerte, car une certaine fatigue commence à les envahir. Pendant encore plus d’une heure, ils contournent laborieusement les obstructions rocheuses, maculant au passage leurs scaphandres d’argile et de mica, puis ils subissent sans prévenir dans leurs radios l’agression orale d’un tract parasite de la SGL (Sanchez-Gomez-Lopez) Corporation, fleuron de l'industrie des extraordinaires minéraux extraterrestres attractifs extraits et tractés dans l’espace. Une saloperie de propagande verbale venue au petit bonheur la chance s’installer en grésillant sur leur fréquence pour les appeler à capituler. Sans doute l’effet pervers du brouilleur qu’ils ont laissé derrière eux, et qui a laissé passer cette chiure jacassante des administrants. Un mauvais moment à passer et puis, avec soulagement, ils sont accueillis par quelques sentinelles enthousiaste qui gardent l’entrée d’un tunnel foré dans un grand mur de roche. C’est seulement en pénétrant dans l’étroit couloir que Fanch remarque enfin l’éraflure zébrant la base du casque de Karela, une petite égratignure de plastique en fusion qui ne l’a pas heureusement percé.

 

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Bon week-end à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:09:57
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talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-12-2015 à 10:47:17  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 72.

 

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Au sein de la ville Troglobite de Bozob, le logis de Brakmar à la braguette velue dans lequel pénétra en son entier la communauté de la gnôle était une vaste caverne très bien aménagée. La grotte noircie de fumée de trouvait elle-même divisée en plusieurs pièces à vivre et pouvait passer pour l’habitat typique du Troglobite moyen quelque peu aisé. Suspendant son mouvement, une petite femme rousse au visage grêlé de taches auburn quitta sa cuisine où pendaient des jambons, en essuyant ses mains sur son tablier afin d’accueillir son homme et ses invités :

 

– Hey tête de pissette, décâlisse, ostie de gros con, t’en vlà revenu ? C’est’y quoi donc là que ton gang de doupirates ?

 

– Wesh wesh, cousine, tranquille. C’est des gars là qu’on a trouvé en route, qui voudraient gosser à rejoindre l’ostie de volcan du Guilidoris, histoire de cueillir de la pinette.

 

– Ça va t’y ben là-dedans ?

 

– C’est ce que j’ai dit. Bon Alignore, chu ben tanné, j’ai ma journée dans le corps, fais pas ton agace pissette avec nous autres, t’as t’y rien à manger à ct’heure ?

 

– Tu tombes comme il faut, j’ten ai fait des roulades au beurre de Rachid, venez-en tous avec moé dans la salle du manger.

 

– Ok mes gars, fit Brakmar, en s’adressant aux autres lorsqu‘ils entrèrent dans une grotte attenante, tirez-vous une bûche, pis asseyez-vous là.

 

Mirlen et la communauté ripaillèrent joyeusement des mets inconnus que leur servit Alignore Dequitainé, petite femme joviale, visiblement ivre d’amour et embrasée de passion pour son solide mari. De grande lampes à l’huile de biquette, portées par de grandes broches de fer massonnées dedans les murs et disposées un peu partout, éclairaient la pièce en offrant une agréable clarté. Un instant, un jeune garçon très maigre aux yeux sombres qui lâchaient une expression d’arrogance même pas curieuse, affublé d’un grand corps mince sans graisse ni muscles, les pommettes creuses avec un nez aux narines pincées, se montra à l’entrée, avant de disparaître promptement. Brakmar parut soucieux, puis il s’adressa aux autres :

 

– C’est mon fillot, Monoïsurmékos. J’pet ma cosse avec le gamin, y veut rin manger. Pis y s’en fout ben de comment y est peigné.

 

Mirlen le tchatteur alchimia une anorexie chronique résultant d‘un conflit paternel, mais s’abstint de tout commentaire. Brakmar éludait déjà sa problématique familiale pour siroter joyeusement sa corne de bière à la santé de sa mie :

 

– Alignore, les gars, est y est du Périgard, une ostie de village caverneux proche de Bozob, mais depuis que je l’ai enlevé d’son père, chuis radieux.

 

– Tu me vois de proche, là mon chum, lui répondit Alignore en lui roulant des yeux doux, ostie de sacrament, ben c’est tout de même. Visiblement sincère, elle n’était pas même de moitié dans la raillerie.

 

Helga, Mirlen, Belbit, Erald et William levèrent à leur tour leur boisson pour porter toast aux amoureux. Brakmar s’employa au dessert à leur peindre plus en détail jusques soleil couchant les réalités de la vie quotidienne dans Bozob :

 

– Décâlisse, icit c’est pas trop correct de regarder les hommes de dessous la ceinture, en plus de tsa faut rien dire sur la taille des pieds de nous autres, ça nous file tout croche et aussit faut pas coller jamais vos doigts, même par erreur, d’ein bizoune des filles, même que c‘est des greluches en tabarnac ou bien pas. Faut pas taponner à nos cheveux ni des uns ni des autres sans vous être lavé les paluches, à cause que ça nous fait brailler en joual vert, pis tsu vas te prendre un pain. Ne crissez surtout pas avec le plat de la main, même pour joker, de tsu les fesses du monde sans y demander. Faque le sang peut couler si les gens d’une maisonnée y se sentent insultés. Icit, faut pas offenser en ciboire les gens comme nous-autres, tsu m’écoutes-tu ?

 

– Oui, fit Mirlen, parlant au nom de tous. Avez-vous royauté ?

 

– Pour sûr qu’on a, sa majesté Karbone Quatorze est le très illustré quatorxièsme roi de nous autres Troglobites, dont la généalogie royale date par estimation des premiers coups de pioche de la construction de Bozob. Ct’un aristo plein de noblesse qui taxe juste par administration nos échelles à trois sol en fonction des échelons, on l’verra demain. Il a un frèrot bâtard qui se nomme Raklur de Bidet, nomade en maudit, un crisse de plein d’marde qu’est chef d’un super clan de la montagne, pis qu’est une malédiction pour les guerriers Troglobites, parce qu’y a juré de tuer son frère qui l’a évincé du trône. Si Karbone veut la paix à ct’heure, c’est ben loupé.

 

Mirlen remarqua que la belle Alignore piqua un terrible fard à l’évocation de Raklur de Bidet, la voix lui trembloit d’ouir ce nom, et elle se leva d’un coup pour débarrasser nerveusement la table. Un silence pesant s’imposa en son absence. L’ombre de Monoïsurmékos, adolescent empreint de mélancolie maladive, et qui délaissait de manger depuis le saillir de son enfance, glissa brièvement dans un couloir pour aller la rejoindre. Afin de détendre l’atmosphère du festoiement soudainement assombrie, Belbit grimpa sans façon sur un boteau de paille pour leur jouer de sa flûte ; et bien que ces deux-là n’aient toujours pas conclu de paix véritable, Helga ouvrant bien grand le museau l’accompagna au chant avec une joie canaille, de sa voix délicate, voulant prouver à tous que Kramouille existait ce soir-là. On oubliait un temps le pauvre hivalanoué toujours blessé et confié aux médecins dans une autre caverne. Comme Mirlen le magicien voyait loin, il fut saisi de quelque effroi en devinant à la posture d’Helga que cette dernière était peut-être bien proche d’allaiter.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:11:57
n°44302836
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-12-2015 à 15:41:36  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 68.

 

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Babette Gallimard lâchait l’affaire. C’était même tellement visible que Gwendoline l’avait parfaitement aperçu envoyer presque une ébauche de sourire à Cassandra. Rien que pour ça, la blonde infirmière aurait bien giflé la brune aux gros nichons, si elle n’avait craint d’attraper dans ce geste quelques stupides luxations des métacarpo-phalangiennes. De toute façon, elles ne se parlaient plus, puisque Babette ne digérait toujours pas la dénonciation de Gwendoline à son égard. Elle aussi sentait sa plaque palmaire la chatouiller, à chaque fois qu’elle rencontrait l’autre cruche dans les couloirs. Une connivence naissante était d’ailleurs née entre Babette et le docteur Gründ, pendant l’absence de Jason. Celle-ci saisissait donc la moindre occasion pour se trouver en présence du toubib remplaçant, lequel trahissait dans son physique de viking barbu une ascendance probablement allemande. Un type avec un agenda splendidement chargé et forcément à l’aise dans les endroits où le smoking serait de rigueur. Elle assistait près de lui, le touchant presque avec ses seins généreux, à tous les briefings journaliers. Ils traversaient côte à côte les ateliers thématiques de la clinique, rendaient visite aux patients alloués au chirurgien, et les sourires francs que lançait Adam Gründ à l’infirmière procuraient à celle-ci une bienfaisante sensation générale de relaxation. Avec l’efficacité d’une gomme de bureau, il anéantissait complètement le moindre désir de Babette pour Jason. La plus évidente preuve de cette nouvelle donne se lisait dans la manie obsessionnelle de la brune d’avaler constamment du chocolat sans modération. Quand bien même les tanins du cacao stimulaient malheureusement sans vergogne ses fibres musculaires intestinales, avec un effet fluidifant effectif sur son transit. Puisqu’un obus ne tombe jamais deux fois dans le même cratère, et qu’elle avait constaté que Jason baisait comme un pied, il n’était pas possible qu’Adam ne la fasse pas jouir un jour. Bien entendu, ils n’en étaient pas encore là, mais leurs tentatives de séduction réciproques allaient tout de même bon train. Dans le couloir Ivanhoé, lui retenait gentiment sa respiration et s’abstenait poliment de tout commentaire sur l’intolérance digestive et les troubles gastriques de l’infirmière, dont il frôlait tout de même les fesses, pour se convaincre qu’elle ne souffrait pas de quelque désastreuse et invalidante hernie acquise. Il tomba juste, forcément par une première pression à froid, sur un significatif mais rassurant symptôme prémenstruel. Ils croisèrent le père Albin Michel près des sanitaires du second étage, à qui ils rendirent un salut courtois. L’aumônier paraissait d’une jovialité très cordiale qu‘il semblait mettre à cœur de vouloir partager :

 

– Jésus a dit « venez à moi, je donne », et puis il a finalement ajouté « restez où vous êtes, je déconne ! », bien le bonjour et bon courage à vous deux, mes amis.

 

– Je constate que vous-êtes en progrès, mon père, vous ne boitez presque plus.

 

Ils le quittèrent en souriant pour s’engager dans l’ascenseur et grimper un nouvel étage. Ils restèrent l’un en face de l’autre dans l‘espace exigu, très proches, à se dévisager mutuellement sans baisser les yeux.

 

– Savez-vous Babette, que l’ananas et la papaye font la digestion facile et le ventre plat ? Tout en se pinçant le nez, il révélait là une généreuse envie de l’aider.

 

– Oui, je le savais, Adam, comme je n’ignore pas que leur effet se termine avec un arrêt du traitement. En reprenant son souffle, il lui laissa galamment le passage pour qu’elle sorte de la cage.

 

Lâchant par volonté dans le ton de sa voix une sonorité caressante, elle restait en face de lui devant la porte de sa chambre du troisième étage, la main posée sur la poignée de la porte, malaxant malgré elle en longues frictions ce pommeau innocent, l’estomac noué comme si elle avait bouffé une tonne d’escargots. Elle rêvait de lui avouer qu’elle venait de se tailler pour lui la chatte aux ciseaux, qu’elle aspirait de tout son cœur venir se glisser sans façon dans son planning de ministre pour qu‘il la prenne en levrette contre son bureau, et qu’elle avait de plus en plus de mal à garder le cap et les cuisses froides devant lui. Elle se doutait à peine qu’il avait lui-même envie, en cet instant, de la mordre gentiment au mollet. Elle lui lâcha un doux sourire de mère amante, puis elle s’engouffra dans sa piaule austère, hélas contigüe à celles des deux autres branleuses. Allongée sur son lit, une certaine fiction embrouilla la piste rose de ses sentiments, lorsqu’elle ferma les yeux pour imaginer le docteur Gründ en bistrotier nu et revêche jouant sur elle d’une cravache véritable, alors qu’elle-même, jeune serveuse déshabillée fraîchement débarquée de province, affublait son visage d’un mystérieux masque à plumes brésilien.

 

Jason opéra son dernier malade de la journée secondé par Gwendoline et Justine Pol. Un fils de fermier qui s’était malaxé la biroute avec une trayeuse mécanique, vu que le simple nom de l’appareil l’excitait. Tout se passa au mieux et le chirurgien quitta le bloc 01 avec la blonde sur ses pas, laquelle n’en finissait plus de se moquer cruellement du jeune patient. Elle n’avait guère à se forcer pour  incarner avec conviction la jeune femme amoureuse. Quand bien même elle devait s’avouer qu’il n’avait pas été avec elle un vrai génie du pieu, au cours de cette malheureuse soirée arrosée, il frappait constamment dans ses ovaires pour claironner un tohu-bohu sensuel, intense et peu subtil.

 

– A demain Gwendoline.

 

– A demain Jason.

 

Envahie d’une exceptionnelle dévoration amoureuse, en proie à une sorte de contemplation presque magique, elle le regarda rêveusement se diriger vers son hélicoptère. Il se déhanchait comme Marlon Brando dans l’Equipée sauvage. Quand on aime quelqu’un on le retient, lui avait déclaré sa mère à l‘issue de son propre troisième divorce, mais, pourtant régulièrement inondée d’amour pour son directeur, Gwendoline manquait cruellement de ce courage. L’infirmière se trouvait néanmoins de plus en plus horrifiée de voir l’ascendant que prenait Cassandra sur les jours de Jason. Cette salope de veuve toujours dans la peine recevait de la part du boss abondance de compréhension, affection, compassion souriante, alors que Gwen ne rêvait pour l’aide-soignante que de lui botter son joli cul de mannequin roux, pour lui faire dévaler à toute bringue une mortelle pente enneigée. Au moment où Jason allait décoller au son d‘un vrombissement assourdissant, l’hélico explosa brusquement sur le parking, éjectant violemment le patron sur le toit d’une voiture proche. Tétanisée, Gwendoline fut prise d’une horrible confusion mentale. L’hyperviolence du spectacle de l’appareil en train de brûler au milieu d’une épaisse fumée noire la laissa aussi impuissante et vulnérable qu’une pauvre cible de jeu de tir. Tous les flics présents dans la clinique se précipitèrent en courant à l’extérieur, suivis par une grande partie du personnel. Les plus avisés hurlaient de se méfier d’une seconde explosion, puisque l’engin détruit et menaçant s’environnait de hautes flammes crépitantes. Par chance, propulsé à grande distance du sinistre, Jason était toujours bien vivant en dépit de son incroyable acrobatie, mais il présentait un trouble certain de la conscience, avec un évident déficit sensoriel et moteur. Avant qu’il ne plonge dans des ténèbres inquiétants. Aussi, comme il soupçonnait quelque lésion du rachis cervical, le docteur Grûnd penché sur son patron imposa immédiatement un avis chirurgical immédiat, du fait d’un risque hémorragique plus que certain.

 


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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:17:28
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Posté le 25-12-2015 à 14:52:02  profilanswer
 

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Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 44.

 

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Allongée sur son confortable divan à glands, Néefiertarée, maîtresse de la Haute et de la Basse Egypte, puissante reine de Phénicie et de pas mal de bleds accessoires, passait la soirée à ne rien faire avec l’aide de ses serviteurs. Des incantations sacrées fusaient sur les toits de Tépafou pour célébrer le crépuscule naissant, lequel baignait d’or l’horizon en plongeant la ville dans un magnifique bain d’ombres sépia. Les grands palmiers aux troncs mordorés paraissaient célébrer en l’encadrant une haute pyramide à degrés en construction, mais déjà bien visible de la terrasse du palais de la pharaonne. L’édifice signait l’œuvre éclairée de l’architecte Salvashar, ce qui promettait quelques frayeurs pour les générations futures. Elle se leva en enfilant ses babouches en cuir de gerboise afin de se pencher à son balcon et se rassasier du spectacle apaisant. Dans la ville bientôt assoupie, des paysans éreintés montaient des ânes et rentraient chez leurs voisines, pendant que d’autres fellahs erraient tranquillement dans le soleil couchant déjà parti tringler Osiris pour la nuit. Quelques nobles ruinés se pendaient avec leur linge aux fenêtres de leurs logis en brique et des enfants poursuivis par les prêtres couraient dans les ruelles terreuses en criant pour appeler leur mère. De longs troupeaux de vaches ramenaient leurs bergers bourrés de lointains pâturages, la reine les voyaient zigzaguer au milieu des gerbes sur la piste cahotante et se pencher sur le bord des cuvettes. Chanteurs et danseurs profitaient de la réduction du temps de travail récemment mise en place pour utiliser ce temps de repos en allant se rendre au chevet de quelque cousin fraîchement trépané. Un calme inhabituel régnait donc dans le palais où, dans la vaste chambre de la pharaonne, l’emblème du soleil dessinait un grand cercle ocré sur le plâtre du mur chaulé. Les dignitaires attachés à la cour venaient de passer la journée à pleurer qu’il fallait un nouveau vizir pour l’Egypte, après le décès avéré de Tahosétlafer. Néefiertarée leur avait donc proposé Phimosis pour qu’il tienne ce rôle éminent, mais beaucoup objectaient que le scribe ne correspondait pas exactement au profil du poste, par comparaison et toute compétence égale, avec leurs propres fils et neveux, insinuant surtout lourdement que le scribe était noir et Kouchite. Un tiers d’entre eux gisaient donc à présent dans le désert proche, sous un amoncellement de pierres et de sable, puisque les crocodiles sacrés profitaient eux aussi de leurs heures de RTT. Trêmouatoli vint la retrouver, vêtue d’une robe rouge largement échancrée. La belle esclave tournait distraitement entre ses doigts un beau pied de lotus blanc. La reine lui avait offert de somptueux bijoux quelle arboraient à présent fièrement, et notamment un splendide gorgeron de pierres précieuses qui masquait complètement ses épaules frêles, en magnifiant sa nuque délicate. Comme la jeune femme trainait à son aise partout dans le palais, Néefiertarée profitait à loisir des confidences que lâchait en riant son amie sur un peu tout le monde, et la reine s’amusait beaucoup d’apprendre chaque soir les secrets de la mère rouge. La longue silhouette élancée du guépard royal glissa un instant silencieusement dans la pièce, à la recherche de quelques coussins pour s’y allonger et sucer tranquillement la main d’un des cuistots qui pendait de sa gueule. Trêmouatoli s’empara d’une grenade juteuse en piochant dans une corbeille habilement tressée :

 

– Tu sais qu’on ne t’appelle plus autrement que la Pelée du Nil ?

 

– Ce qui nous change de la Belle est velue. Faut qu’on se tire d’ici. La cité d’Halopolis n’est quand même pas si loin.

 

– Tes bateaux sont prêts ?

 

– Presque, mais Pubi Senfouyî n’est pas souvent décuité. Il m’a promis qu’on allait vivre sur le Nil le rêve fabuleux d’une croisière haut de gamme.

 

– Dis-donc, tu y crois, toi, à la vie après la mort ? Elle coupa en parlant la grenade avec un  petit couteau, pour en offrir la moitié à sa prestigieuse amie.

 

– T’es conne !

 

Néefiertarée rappela au passsage à son esclave qu’elle incarnerait pour toujours la lumière des siècles à venir. Elles éclatèrent d’un rire joyeux, tout en tachant leurs robes par les éclaboussures du jus écarlate de leur fruit. Le guépard se leva nonchalamment pour aller chercher à manger dans les cuisines, il revint peu-après en trainant un alléchant quartier de pâtissier. A présent, un petit vent frais venu du désert balayait Tépafou endormie, ce qui agitait gentiment les draperies soyeuses de la chambre pharaonique. Les femmes frissonnèrent un peu, tout au plaisir de leur badinage nocturne. Elles sirotèrent ensuite à petites gorgées un bon pinard de Tarfaya.

 

– Phimosis n’est pas avec toi ce soir ?

 

– Non, il profite de sa réduction du temps de travail pour rendre visite à sa cousine trépanée, c‘est humain et naturel. Quand je pense que les courtisans ne veulent pas de lui comme vizir et le traitent de nul, alors qu’on a pas encore inventé le zéro !

 

Néefiertarée gratta dans sa petite culotte de coton blanc sa faune exhubérante. Syphilis et ses potes morpions reçurent parfaitement le message en allant se réfugier au creux du nombril. Trêmouatoli s’amusa un moment avec un ravissant gnomon au socle lourd posé sur la table de chevet, et qui servait plus de presse-papyrus qu’à la mesure du temps. Elle reposa l’objet décoratif, puis alluma une petite lampe dont la flamme tremblante éclaira le ravissant réseaux de fissures du plafond. Néefiertarée jeta les restes de la grenade par-dessus son épaule, puis se rinça les doigts dans l‘eau d‘un fragile cratère illustré de malicieux babouins.

 

– Merdenkorinnanâr est persuadé que Ramassidkouch essaie de me tuer. Moi je penche plus pour les Foufounais ou les Hittites. T’en penses quoi, toi ?

 

– Les seuls à t’en vouloir vraiment pour le moment, c’est tes grévistes de Larnak. Je te rappelle qu’ils ont stoppé la construction de ton mausolée subtile et complexe et que le chantier pharaonique est toujours en stand-by à cause de leurs conneries. C’est quand même le but de ton voyage, il ne manquerait plus que ta momie se retrouve sans-abri. Mais tu devrais voire un devin pour être certaine.

 

– Tahosétlafer, c’était le meilleur, mais il n’est plus là. Les autres ne sont bons qu’à me piquer du fric. Elle déplissa nerveusement sa longue tunique à fourreau, tout en s‘aidant d‘une plume d’oie pour calmer l’irritation de sa petite chatte rasée, afin de rétablir l‘Ordre cosmique.  

 

– Les atermoiements politiques font le terreau des comploteurs, je vais nommer Phimosis grand vizir de l’Egypte, un point c’est tout. La stabilité de son amour m’inspire, dans le monde aveuglé des apparences.

 

– Je croyais qu’avec lui ça n’était qu’une histoire de cul ?

 

– Exactement, c‘est pour ça que ça rend les choses plus faciles. Mais je compte bien sur lui pour qu’il secoue les fesses de notre alcoolique torturé d’architecte naval, pour que cet ivrogne termine mes bateaux au plus vite. Pubi Senfouyî fait traîner son chantier, parce que je suis une femme. Chaque fois que je lui rend visite, il se cache avec impudence sous ses draps, en prétextant de dormir. Avec son nouveau pouvoir du vizir, mon scribe va lui balancer dans la gueule les foudres de la réalité et lui rationner sa bière, par exemple. Terminée la hype insolente de ce pochetron. C’est un excellent constructeur de navires, Pubi Senfouyî, mais un beau raté contemporain.

 

– Une histoire d’enfance chaotique, il paraît.

 

– Je ne veux rien savoir. Toute liberté s’éprouve dans la plus noire solitude, c’est un prêtre d’Anubis qui me l’a dit. Sa mission effectuée, je donnerais cette tête brûlée de picolo aux crocodiles, pour solde de tout compte. Du coup, mes bestiaux sacrés prendront en même temps l’apéro.

 

Trêmouatoli doutait que la reine mette un jour cette menace à éxécution, mais leur précédent sentiment d’euphorie se mêla quand même brièvement d’un peu de spleen. Pour se changer les idées, elles se goinfrèrent donc d’une grosse pastèque bien mûre, en crachant sans façon les pépins sur le lit. Néefiertarée dégagea un beau jeu de Sénet qui trainait sous le lit, avec un plateau qui représentait un véritable trésor d’ébénisterie. Tout en jouant, la pharaonne posa ses yeux merveilleux dans ceux de son amie :

 

– Et toi, au fait, comment vont les amours ?

 

– Je me suis tapé hier soir tes porteurs de litière, Masérati-fé-vroum et Jèpéess aussi. Les deux en même temps, histoire de ruer dans les brancards. Je vais te dire un truc, Jèpéess, il est monté comme un cheval.

 

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Joyeux Noël à tous [:misillsam]

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:21:26
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Posté le 26-12-2015 à 14:28:01  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 08.

 

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Vingt minutes plus tard la boite était bondée. Une volée de filles se pointa en riant et chacune vint donner son bonjour à Vaya, en filant au passage une caresse sur le crâne grisonnant de Guy Ness. Avec une lassitude blasée de chef de rayon, la barmaid les présenta une par une en les nommant spécialement pour Martin : Maria Goulue, Vénus Jade, Nicotine Queen, Wanna Toktouyou. Le mignon petit troupeau à peine habillé se dispersa en riant pour rejoindre les salons. Peu après, une arrivée massive de quidams se bouscula au bar en continu et Martin eut bien du mal à jouer du coude pour préserver un peu d’espace vital. Soudain débordée, Vaya l’avait quitté pour servir les gus à l’opposée et lui tournait le dos. Un homme que Martin eut l’impression vague d’avoir déjà vu s’installa d’autorité à côté de lui, mais ce simple geste écarta trente secondes l’un des pans de sa veste de marque. Suffisant pour que le privé aperçoive le bout d’une crosse de revolver dépassant de la ceinture en serpent. Cette vision l’alerta, car cette façon de porter un gun signait forcément le mauvais gars. Côtoyer un type armé lui colla une pression instantanée, avec une certaine fraîcheur dans la nuque. Il se félicita de sentir au fond de sa poche le poids de son propre Nickelé 11 mm, qu’il avait emporté pour se rendre chez Vaya. Cette dernière se retourna pour venir vers eux, elle figea immédiatement son geste en fixant le voisin de Martin, et les traits de son visage souriant se décomposèrent en une grimace de stupeur apeurée. Le nouveau venu la fixait durement, projetant d’un seul regard sur elle un message silencieux de sombre menace. Avec un effort surhumain, Vaya prit sa commande d’une voix quasi atone, avant de lâcher vers Martin une brève œillade traquée. Comme il observait l’inquiétant manège, l’étincelle se fit dans le cerveau du détective, car il reconnu ce type qu’il avait pris en photo en train de grimper la passerelle de l‘Ex-Stasi. Carlos Glaçon, un triste drill à la bouche carnassière, visiblement pas trop craintif dans la vie, mais plutôt du genre à vénérer une certaine indifférence haineuse à l’égard de tout le monde. Ses yeux métalliques qui ne perdaient aucun des gestes de Vaya s’embuaient avec constance d’une colère froide et larvée. Pas trop la gueule d’un sympathique prêtre-ouvrier, plutôt celle d’un affreux cafard de quartier haute sécurité, avec un pétard sans doute bien chargé dans le froc. Tout pour incarner, par une attitude muette démontrant une évidente et féroce envie de cogner, une mise en danger explicite, en particulier pour Vaya. Martin leva son verre en essayant de le distraire. L’autre à la barbe revêche tourna la tête vers lui, sans la moindre expression. Le Carlos n’était pas venu au Tripoli pour socialiser. Avec une apparence véritable d’imbécile heureux, Martin se donna la peine d’insister en avalant sa gorgée de gin :

 

– Vous savez pourquoi les mafieux préfèrent les baptêmes aux mariages ?

 

– Non.

 

– Parce qu’ils préfèrent les parrains aux témoins.

 

Le truc fit doucement marrer Guy Ness. Carlos l’oublia toutefois dans la seconde et recommença à surveiller intensément Vaya, posant dans toute son attitude que la conversation était définitivement close, et même qu‘elle n‘avait probablement jamais eu lieu. La lumière de la salle baissa d’une manière significative, puis un crépitement d’applaudissements enthousiastes salua l’apparition d’une chanteuse sur la scène. Un pingouin hilare la présenta en la nommant Câline Grosby, puis la fille tripota deux secondes son micro, alors qu’un gros type lançait l’intro sur son vieux piano. La blonde nana fastueuse était si grande que Martin se demandait s’il n’avait jamais vu une femme avec une taille pareille ; mais en réalité, c’était ses jolies jambes emballées de bas roses qui n’en finissaient pas de monter jusqu‘aux hanches. Elle tricota d’ailleurs des genoux d’une manière fort savante avant de chanter, ce qui calma tout net un auditoire déjà fasciné. Martin s’était tourné sur son tabouret pour la regarder, mais il sentait le Carlos dans son dos, ce qui le maintenait dans une sorte d’alarme nerveuse. Câline donna le coup de grâce dès la première note, elle avait en effet une voix fabuleuse. Elle balança Ain't nobody's business avec une chaleur sensuelle, en gardant son buste élancé droit comme un i. C’était triste et magnifique, mais pas un des mecs qui l’écoutaient n’avait envie de pleurer. Elle enchaina ensuite avec I need a little sugar in my bowl, précédant probablement une bonne partie du répertoire de Bessie Smith, qu’elle recomposait à sa manière de sa présence féline et sa voix tiède. Elle jouait de ses longues guiboles découvertes en traitresse, ça donnait aux balancements de son cul admirable un air hypnotisant de métronome langoureux. Martin pivota un peu, histoire de saisir son verre presque vide, mais il voulait au passage jeter un œil sur le Carlos. L’enfoiré ne décollait toujours pas de Vaya, elle était devenue vraiment très pâle. Guy picorait ses pistaches en alternant avec des amandes, sans se douter de rien. En apercevant un autre quidam chuchoter dans l’oreille du flingueur, Martin oublia la chanteuse, parce qu’il remettait également ce curé de messe-basse sous le patronyme de Bonno Landru, un petit fauve humain à l‘aspect soigné. Et donc ils étaient désormais deux, cette nouveauté formait sans aucun doute, au final, une saleté de paire de flingues dans les environs. Cette fois, Vaya semblait bien à deux doigts de s’écrouler derrière son zinc, pourtant, un brin flageolante, elle continuait tant bien que mal à s’efforcer de sourire aux clients. Mais Martin voyait bien que son cœur était très loin d’y être. Il chercha longuement son regard sans le trouver, histoire de la rassurer, mais elle évitait avec conscience de poser ses prunelles sur lui. L’évidence de la situation périlleuse lui collait sans aucun doute une trouille innommable. Cette fois, Guy sembla percevoir l’embrouille, sans pour autant parvenir à clarifier son analyse, mais le jaco cessa néanmoins sur le champ de roucouler. C’est à peine si Martin prêtât ensuite attention au cirque outrageusement sexy d’Holy Ghost, une brune incendiaire avec une perruque rouge et un corps souple bien travaillé, vêtue d’un impudique string panthère, en train de taquiner sa barre pole dance sous les yeux salaces de ses admirateurs peu à peu travaillés par l’alcool. Ce soir-là, le privé inaugurait le Tripoli dans un climat plus que tendu qui s‘éternisa jusqu‘à la fermeture, et qui le laissa isolé comme un con accoudé au bar en compagnie des désastreux. Mais pas question de laisser Vaya seule avec eux. Les trois gorilles du boxon vinrent au bar boire un café, en se demandant ce que foutaient encore là les retardataires, puis ils se levèrent finalement ensemble, en se plantant devant les emmerdeurs.

 

– Faut y aller, maintenant, les gars.

 

– Je ferme mais Martin m’accompagne, fit promptement Vaya en pointant son ami du doigt.

 

Immédiatement alertés, Carlos et Bonno toisèrent le détective en traçant sur leurs groins une expression malveillante. Ils échangèrent entre eux un bref regard, comme s’ils s’interrogeaient sur la marche à suivre. Finalement, ils bougèrent à regret en remettant chacun leur manteau pour dégager. Martin savait pourtant qu’ils n’avaient aucunement l’intention de se barrer sans avoir cuisiné Vaya. S’il avait pu poser sa main dessus, Martin aurait senti que le cœur de la petite battait la chamade comme un tambour d‘armée.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:23:44
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Posté le 28-12-2015 à 16:21:17  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 73.

 

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En l’espace d’une seule nuit, le bedon d’Helga se mit en effet à enfler comme si elle était grosse de huit mois. Elle accusait disait-elle une agaçante lourdeur des jambes. Affolé, le chevalier Erald alla quérir Mirlen pour le conduire à son chevet. Le vieux mage palpa tétines et pubis de la miséreuse en appliquant son doigt humecté, puis du plat de la main, avant de pouvoir se prononcer devant ce mystérieux signe avant-coureur d’enfantement. Il éluda complètement déficience en fer et anémie. Car la teinte prise par les joues d’Helga ne pouvoit l’hasarder :

 

– Douce Kramouille, Helga, vous êtes aussi gonflée que si vous alliez pondre des bessons, mais je te créant qu‘il n‘y en a qu‘un à venir, car j‘ai senti ses pieds.

 

– Mais c’est impossible, mortecouille, je ne peux choir enceinte aussi rapidement !

 

– J’avoue ne rien y comprendre moi non-plus, bachelette, mais c’est un fait. Et tôt, tu auras enfançon.

 

Erald écoutait l’incroyable jactance, mais il se montrait fière de sa prochaine épousaillée. Il racontait à tous que fort et vigoureux comme il était, il n’était guère étonnant qu’il mette au monde un petiot si pressé d’arriver. Mirlen le prit à part dans un coin de la chambrée :

 

– Je crois trouiller bien autre chose, chevalier Erald, car je pense cet enfant issu de maléfice et conçu lors du viol de ta dame par la coutume des Onkulés. Je la crois engrossée en raison du sacrifice, ce jour où elle fut appelée la déesse du vieux, pendant ce fameux rituel de la flemme sacrée.

 

– Vous voulez dire que ce vieillard Ayam Api serait le père du mioche ?

 

– Tout porte à le croire, monsieur l‘involontaire cocu, et cela m’escagace, car cette grossesse accélérée ne peut produire qu’un enfant mutant. La distorsion pelvienne de votre mie m’en assure.

 

– Peut-être faudrait-il aller quérir un médecin troglobite, pour confirmer. Il était pâle et grandement désemparé par cette effrayante et horrible nouveauté.

 

– Il n’est point nécessaire, Erald, car je suis certain d’avoir raison.

 

Pendant qu’ils causaient de la sorte, Helga tendait ses fesses ramolottes, puisqu’elle était en train d’accoucher sur le lit. Elle alerta la maisonnée de Brakemar par ses criements, Alignore portant bassine vint aussitôt la seconder. Tous ceux de la communauté se rejoignirent à son chevet, sauf Belbit qui se tourna sur sa couche pour mieux ronfler. Le gosier d’Helga braillait des choses obscènes, étrillée qu’elle semblait comme poularde en train d’être plumée vivante. Son mal n’était pas fabliau, et maitre Mirlen avait vu juste, elle expédia un jeune garçon au regard décidé, grand comme un mioche d’une année. Erald voulait absolument le coller en latrines sans même lui dire adieu, mais sa promise lui demanda miséricorde, puisque Noël ! Noël ! un fiston lui était nouvellement né. Bien qu’affreusement déchirée du bas-ventre par l’effort insensé, elle bisouillait le gentil bébé sur les deux joues en mère comblée, en le posant avec douceur sur son sein où s’effilochaient ses cheveux malmenés. D’une façon fort irrationnelle, ce nouveau-né devenait pour elle le héros de sa propre peur. Mirlen se pencha sur elle, il n’y avait plus de doute, ce gosse trop vite grandi n’avait point les traits du chevalier Erald, mais ceux du vieillard Ayam Api. Ce gamin là était dans sa nature forcément atteint de sorcellerie Onkulé. Bien qu’il soit déjà presque prêt à marcher, ce grand têtard était pour ainsi dire né prématuré et ses yeux bougeaient très bizarrement. Alignore voulait chasser tout le monde, car elle disait qu’il fallait à la mère et l’enfant un ostie de repos réparateur. Ivre de rage, Erald tournait en rond en proie au pire cauchemar, les autres firent de leur mieux pour le consoler et calmer une colère que néanmoins, ils comprenaient très bien. Pour l’assouplir, William lui demanda patience, alors que Brakemar lui recommandait d’oublier au plus vite le triste épisode nocturne, que cte ciboire de  maudit nourrisson allait passer une grande partie des prochains jours allongé, et que pendant ce temps-là, il ne le ferait pas chier. Pis qu’y serait ben temps après tout ça de le noyer. Mais, bien qu’il n’en dise rien, le troglobite pestait fort en lui-même de devoir héberger chez lui un rejeton d’Onkulé, visiblement frappé de démonerie inquiétante. En son état fébrile, Hega Tétipayday se trouvait prise de frissons, avec congestion du visage et courbatures, elle réclama d’une voix fiévreuse de rester seule avec son bébé mignon, qu’elle disait vouloir appeler Jacky-Kenedi qu‘on nommerait certainement aussi le vaillant hardi, car il serait selon elle un futur chevalier plein de noblesse, puisque pour un naissant, il remuait déjà beaucoup dans son lit. Comme elle voulait lui donner sein pour l‘abreuver de sa lactance, il lui déchira férocement son téton, car ce petit avait déjà des dents bien implantées. Poussé par Mirlen et porté par William qui se lassaient d‘un tel spectacle, Erald fut conduit hors de la chambre, aussi décomposé qu’un homme conduit en dernière heure à l’échafaud. Brakemar et Alignore se demandaient comment ils allaient bien pouvoir gérer tout ça en gardant bonne humeur. Quand à lui, Monoïsurmékos n’avait absolument rien perdu de l’étrange événement. Au matin, un guerrier frappa à la porte de Brakemar à la braguette velue, en lui disant que sa majesté Karbone XIV le faisait mander et lui ordonnait de se présenter à lui avec toute sa maisonnée.  

 

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Revue de presse.

 

Aujourd'hui : élection de Piss Rance.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:25:54
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talbazar
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Posté le 30-12-2015 à 12:46:25  profilanswer
 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 16.

 

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– Tu as eu chaud, Karela.

 

– Comme tu dis, on transpire tellement dans ces scaphandres autonomes ! Après avoir dévissé son casque endommagé, c’est à peine si elle prête attention aux inquiétants dégâts qui auraient pu la tuer.

 

Tout en sifflant avidement sa canette de frais Banga-Banga, elle fanfaronne bravement, mais Fanch se rend bien compte qu’une grande fatigue rend tristement d’argent pâle le beau vert de ses yeux. Une fois débarrassé lui aussi de sa combi, qu‘il confie à une jeune recrue responsable-pressing, il embrasse tendrement sa femme sur les lèvres. Quittant les sas pressurisés en compagnie de la troupe harassée qui vient d‘effectuer la périlleuse sortie, ils longent un hangar spacieux à structure gaufrée-galvados. Derrière ses baies transparentes s’abritent des engins hétéroclites, dont beaucoup sont en réalité de précieuses prises de guerre. A côté de nombreuses pièces détachées soigneusement magasinées, on distingue surtout des Draxel Space Tanks, des Cragstan Space Tanks, et même un énorme Space Whale Ship ; véhicules au sol bien entretenus qui côtoient néanmoins un nombre plus réduit de machines aériennes, comme deux Panzigs Space Rocket SR-800 et plusieurs Scootkijets Stratosniff Powerjet XT. Pourtant, en dépit de l’avantage que procure les appareils volants, Fanch n’autorise leur décollage qu’en cas d’extrême nécessité. Sa guerre de commandos colle au plus près du terrain d’Utopia, issue de l’incroyable ramification des tunnels qui abritent les indépendantistes. Ces galeries profondes, ingénieuses et colossales, ont en fait été creusées patiemment bien avant l’insurrection, issues d’une planification méthodique élaborée par Fanch et Karela, lesquels descendent à présent au dixième sous-sol en se tenant la main. Ils livrent en passant le bilan des morts aux officiers sortant d’un hall du mess de ce secteur, en précisant les noms d’une femme et de trois hommes. Le quotidien dans les cavernes et les couloirs est rythmé par le bruit incessant des dispositifs qui autorisent cette vie souterraine. Une énorme centrale calorifère, une autre qui ventile de l’air sous-condition, des chambres à poche oxygénée contigües au vaste hangar de l’entrée, en passant par les zones d’époussetage, jusqu’aux quartiers de vie. Toutes les portes coupe-feu métalliques et coulissantes sont pressurisées et mènent, une fois traversé les barrières de gaz et d’humidité, aux sections de cultures maraîchères, aux chambres individuelles de 30 m², aux cuisines communes, aux toilettes malheureusement partagées, aux salles de décontraction sportive, aux aires de récréation infantile et aux cantonnements publics. Bien que constamment en état d’alerte, une vie aussi normale que dans les dômes de surface s’est ainsi parfaitement organisée pour les combattants, au cœur de ces nombreux sanctuaires secrets parfaitement identiques. Pour le moment hors d’atteinte du gouvernement Défédéral Martien, qui ne soupçonne même pas l‘ampleur d‘un tel extraordinaire maillage sous ses pieds. Imperceptibles au fond de canyons immenses, les excavateurs rebelles continuent d’ailleurs sans relâche à creuser de nouveaux repaires, fouillant avec acharnement les profondeurs rocheuses, hors d’atteinte des violentes tempêtes naturelles et des attaques surprises.

 

Un robot M2R accueille Fanch et Karela dans leur appartement personnel du niveau 10, qui leur sert également de centre de commandement. Des étagères de fleurs séchées authentiquement terriennes courent le long des murs palastifonnés pour les égayer. Sur la proposition de leur accommodant serviteur métallique, ils acceptent d’avaler chacun une pilule du jour-même aux champignons crus agrémentés d’amandes grillées, puis une autre de Carpaccio de cabillaud synthétique aux essences de vanille naturelle. Sans les préoccuper, un strident signal d’alerte avertit d’un encombrement maximum des toilettes d’un entrepôt du niveau 02. Nus comme l’exige la tradition interplanétaire, ils s’installent confortablement sur un invisible canapé virtuel, lovés amoureusement l’un contre l’autre. Ils se repassent alors l’holovid de l’excursion du jour, filmée par les cams grand angle de leurs scaphandres, mémoire visuelle disponible en trois dimensions et où figurent en bonne place l’attaque et la déconfiture des avionneurs défédérés. Le massacre des camarades leur serre en revanche tristement les entrailles. Le M2R utilise son système de repérage laser sur les jambes de Karela pour lui proposer une dépilation rapide, elle le laisse faire gentiment. Une mauvaise évaluation des paramètres entraine également celle d’un mollet de Fanch, qui envoie de son côté avec humeur le robot se faire rouiller. Pour toute réponse, le robot émet un bruit sec semblable au claquement d’un élastique et termine en dix secondes sa séance sur Karela, applique sur la peau lisse un gel apaisant, puis il part bouder en silence dans son coin, n‘ayant visiblement plus les circuits pour proposer autre chose, bien qu‘il reste parfaitement disponible pour accomplir sur demande un éventuel maillot.

 

– Soisig est morte, j’en suis certaine, fait Karela en se caressant distraitement la cuisse.

 

– Puisqu’un ouvrier de transbordeur t’as répondu, c’est que la Marie-Jeanne a été interceptée. Project C a échoué, oui, fait Fanch en câlinant sa femme. Une larme furtive vient de couler au coin du bel œil émeraude de celle-ci.

 

– Soiz était une femme courageuse et ma meilleure amie.

 

– Je sais, Karela. Peut-être que cette prise d’otage n’était pas ma meilleure idée. Mais l’aventure continue, il nous reste une victoire à obtenir.

 

– C’est la guerre, oui, bien sûr.

 

Malgré ce fatalisme affiché, Fanch voit bien que le chagrin de son amie se fait tout de même douloureux. Il gambade gentiment un doigt sur ses seins, usant de ce geste doux pour briser le cercle vicieux des pensées négatives. Non sans courage, elle s’efforçe alors de ne plus souffrir, en offrant à son homme un sourire généreux, puis elle glisse son pénis au creux de sa main, histoire de l‘endurcir. Grâce à la science des mouvements et l’efficacité des enchainements, ils sollicitent l’endurance de leur système cardiaque pour faire longuement l’amour, avec cette illusion d‘être suspendus dans le vide. La plaisante activité physique chasse pour un temps toute autre réflexion. Le langage des gestes amoureux balaye en effet celui des langues, puisqu’une bonne baise restera toujours le meilleur allié pour maîtriser son stress. Sans qu’on le lui demande, M2R s’occupe enfin de la musique d‘ambiance, en déchainant à pleine puissance une compilation de quelques airs de brutal-rock des riffs privés de son éminence. Plus tard, un officier en charge d’un quart de nuit annonce à Fanch par radio qu’un Sharsherman Flash Space Patrol AK-740 vient étrangement de décrocher de son orbite pour se crasher dans les proches environs, visiblement par accident. En raison de leur extrème dangerosité nucléaire, ces puissants véhicules de guerre galactique n’ayant pas vocation à mener des combats dans l’atmosphère d’aucune planète, la nouvelle ne laisse pas d’intriguer Fanch et Karela. Comme ils demandent de plus amples renseignements, on leur confirme qu’un décryptage élaboré fait provenir avec certitude ce vaisseau mystérieux directement du pénitencier stellaire de la planète 4887BN-Henrico Macias.

 


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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:30:44
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talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 01-01-2016 à 08:06:51  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro en 69.

 

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Après son opération, Jason fut conduit au troisième étage, dans la chambre 265. Mensinq ouvrit une enquête immédiate pour déterminer la cause de l’explosion, en éliminant selon l’expertise tout disfonctionnement mécanique ou une suspicion de crash, puisque l’appareil n’avait pas encore décollé. La source policière abonda donc dans le sens d’un attentat crapuleux, mais il n’était pas besoin d’être grand clerc pour suspecter une vengeance de Danielo Filipacchi, sur la tête de qui fut immédiatement lancé un mandat d’arrêt international. Le docteur se réveilla trois jours plus tard au milieu d’un champ de fleurs et d’une véritable orangeraie, avec Gwendoline à son chevet en train de croiser les doigts sur un splendide chapelet en perles de chine véritables. L’agression physique de la boîte crânienne de Jason avait été relativement importante. La présentation physique du mandarin enturbannait donc à présent sa tête dans un spectaculaire bandage, d‘où seuls les yeux et la bouche dépassaient, ce qui le faisait ressembler, du moins dans le secret des pensées de l’infirmière, au richissime maharadjah Passedhouala du Boukistan. La cinétique du choc avait bien démoli le toubib, 17% au score de Glasgow, avec en plus un bras salement cassé en fracture ouverte et une spectaculaire déviation des vertèbres. Si une période d’observation se montrait nécessaire, on ne déplorait pas trop de casse au final, compte tenu de la violence subie. Il pouvait bien perdre la tête, il ne perdrait pas Gwendoline, l’infirmière constatait que ses souffrances étaient les siennes et elle s’efforçait de passer le plus de temps possible à ses côtés, quelquefois en compagnie du père Albin Michel qui connaissait par cœur les chansons de Sœur Sourire et ne se privait jamais de les lui fredonner. Babette s’était vu méchamment rabrouée par un discours sec, véritable éloge de la démotivation, lorsqu’elle avait proposé d’apporter quelques soins, et Cassandra n’avait même pas eu l’occasion d’entrouvrir la porte de la 265 sans se faire cruellement aboyer dessus. Gwen la blonde s’était muée en chienne de garde, montrant les crocs à la moindre approche de ses collègues féminines auprès du patron. Dans le couloir Walt Disney situé au dernier étage de la clinique, elle occupait pour sa part la chambre 287, Cassandra la 286 et Babette la 288, elles étaient donc en quelque sorte voisines de leur malchanceux patron. Le docteur Gründ avait remplacé Jason au pied levé, fort de sa solide expérience, ce qui ravissait en particulier une Babette Gallimard toujours prête à se montrer utile à ses côtés, ce qu‘elle démontrait par un judicieux choix de lingerie fine et coûteuse renouvellée. Sur les pas d’Adam, elle affichait plus que jamais un air lunaire, bombait outrageusement son impressionnant décolleté, découvrait coquinement son épaule, usait d’une voix fragile pour lui proposer un café et cherchait toute occasion pour s’emparer de son adresse mail. Lui prolongeait volontiers tout travail en sa compagnie, opérait le même patient deux fois de suite, chantait rien que pour elle l’opérette dans les blocs sanglants et téléchargeait un nombre époustouflant de vidéos pornos très salaces en rentrant chez lui tout seul le soir. Babette et sa paire de gros seins était à l’évidence de moins en moins intermittents dans la plupart de ses songes nocturnes. Mais son surcroit de travail l’accaparait cependant à plein temps.

 

Ray-Ban sur le pif, trench sombre et cravate noire, le commissaire Mensinq rentrait et sortait dans la clinique comme dans un moulin. Il déambulait en solitaire dans les couloirs, encourageait ses collègues qui quadrillaient en nombre tous les étages, leur martelant qu’il existait dans cet endroit maudit un processus global de criminilisation et que l’auteur de l’attentat pouvait toujours se terrer dans n’importe quelle chambre. Il pointait une certaine utilisation abusive de la timidité de la part des infirmières, il usait outrageusement de son statut de fonctionnaire pour ouvrir brutalement toutes les portes, menaçait constamment de garder à vue un malade sur deux et faisait planer plus que jamais sur le centre de soin une tyrannique pression sécuritaire. L’heure était selon ses directives au combat et au déchainement de force. La jeune et discrète Véronique Bayard en avait la chair de poule à chacune de ses apparitions. Plus que jamais, l’apprentie secrétaire médicale s’enfermait dans les toilettes pour se labourer les cuisses avec son cutter, en versant des trombes de larmes muettes par ses yeux au bleu glacier, puis elle se masturbait frénétiquement avec un étui de cigare qui avait appartenu à son grand-père paternel. Sa seule consolation derrière le bureau de l’accueil était de se perdre chaque jour dans la petite carte postale de New-York, envoyée par France Loisirs pour souhaiter bon courage à tous, et que Gwendoline avait épinglé au milieu des nombreux faire part postés en remerciement par les familles endeuillées. Si le verso de la carte s’illustrait classiquement des buildings de la Grosse Pomme, le recto se couvrait de multiples traces de rouge à lèvres venues enrichir l‘écriture, puisque France l’avait abondamment embrassé. Quand Véronique à l’histoire douloureuse rangeait son emballage cubain pour revenir encore haletante de ses affolantes escapades dans les sanitaires, elle n’était plus, pour une bonne demi-heure, qu’un pauvre insecte mort assis sur sa chaise. Engluée dans le psychosyndrome de sa fièvre érotique, elle en émergeait finalement peu à peu, en se gavant d’un coupe-faim toujours disponible au fond de son sac, enfin prête à recevoir avec amabilité l’humanité souffrante qui se présentait devant elle. Suite à l’accident du docteur Jason, journalistes et même simples curieux se succédaient également sans faiblir, avides de détails croustillants à raconter, les uns à leur employeur, les autres à leur entourage, et le docteur Gründ avait fort à faire pour les envoyer chier.

 

Un soir, Cassandra déjoua les plans de Gwendoline en rendant visite à Jason, alors que la blonde était finalement aller dormir dans sa propre chambre. Sans frapper, l’aide-soignante s’introduisit au sein de la 265, puis elle referma la porte doucement, avant d’aller s’asseoir sur le lit. Jason ne dormait pas, enfermé dans un carcan rigide, le bras plâtré et la tête momifiée aussi grosse qu‘une citrouille, il posa son livre dévoilant les secrets de la monnaie immatérielle où s’exposaient quelques vaines chimères économiques, pour offrir à l’aide-soignante une caricature de sourire. Son cœur bondissait en réalité d’allégresse sous le coup de l’émotion que provoquait en lui la contemplation de la splendide jeune femme. Malgré tout, il opéra dans la seconde un retour critique incisif sur son zizi ramolli par les traitements, considérant que sa relation avec Cassie ne pouvait à cette heure ne rien démontrer d’autre qu’une simple conversation partagée. Il essaya de se redresser par un mouvement de rotation couchée, en ramenant son bras valide le long du corps, histoire de diminuer l’instant d’inertie et n’en tira qu’un bref mais pénible cri de souffrance. Cassandra estima en silence la contrainte, puis elle ajouta que la vitesse minimum pour réussir un tel mouvement n’avait sans doute pas été atteinte. Elle démontrait tant d’intelligence, et c‘était tellement généreux de sa part de lui faire part de son analyse. Son parfum vanillé dégageait dans la chambre un bouquet volatile dont Jason eut quelque mal à déterminer les composés constitutifs. Il était en tout cas plus beaucoup plus agréable que les effluves bon marché diffusées par Gwendoline. La belle rousse perdit un instant son regard sur les images en couleur du cortex préfrontal ventrolatéral de Jason affichées partout sur les murs, comme des posters de Bob Marley dans une tanière d’ado. Le grain velouté de la peau de Cassandra accrochait si bien la lumière que la jeune femme injecta pas mal de vasopressine dans le sang du chirurgien, pour venir confirmer chez lui une suspicion monogame. Son amour pour elle le happait sans lui laisser de repos.

 

– Comment allez-vous, docteur Jason ?

 

–Vous me voyez encore bien groggy, mais je suis très heureux de vous voir, Cassandra. Etes-vous bien installée dans vos pénates de la 286 ? Je prendrais des dispositions, si tel n’était pas le cas.

 

– Babette et Gwendoline sont un peu bruyantes, surtout entre 21 h et 07 h, mais je m’autorise quelques micro-siestes réparatrices en journée. Rassurez-vous cependant, la vue sur la montagne est époustouflante, les draps sont frais et le matelas est merveilleux.

 

– Tant mieux. Je suis tellement content que vous puissiez apprécier les lieux. Il se demanda avec une certaine angoisse si elle lui en voulait d’être encore en vie, alors que son Jean Flammarion ne reviendrait plus.

 

– Vous avez eu beaucoup de chance, Jason, vous n’êtes pas passé loin de connaître le sort de mon pauvre Jean, qui ne reviendra plus. Tout en parlant, elle se pencha pour carresser affectueusement le plâtre immaculé du bras engourdi de Jason.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:32:47
n°44373390
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 03-01-2016 à 08:59:21  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 74.

 

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On se mit donc en marche sans tarder vers le palais de l’illustre roi des Bozobis. Brakemar et Alignore avaient déployé des trésors de patience pour convaincre leur fillot Monoïsurmékos de les suivre, vu que sa majesté l’avait expressément ordonné. Dame Helga n’était pas du voyage, puisqu’elle restait seule alitée, à choyer d’amour ce fameux nourrisson dévoreur de tétons qu‘elle défendait du mépris d‘Erald comme une louve outragée. Bien évidemment, Hivalanoué au bide recousu n’était pas là non plus. L’énorme façade du palais de Karbone XIV, sculptée d’une profusion de moutons décapités, se plaquait sur la falaise pour offrir à ses pieds une plaisante vue panoramique sur les grands canyons qui parcouraient le profond gouffre du Poingé. De charmantes tourelles rondes aux toits pointus surplombaient les arrivants de quelques toises, les unes masquant des escaliers, les autres à coup sûr des latrines, et l’on pouvait jurer que quelques avinés devaient parfois en confondre l’usage et la destination. Des bannières cramoisies défraichies aux couleurs de Bozob pendaient partout aux murs. Le son grave d’un tambour en peau de vigogne résonna tout à coup aux terrasses fortifiées pour annoncer les arrivants. A l’approche de la communauté, quelques guerriers munis de casques à cornes, occupés dès matin à fumer de l’herbe sur un talus, vinrent nonchalamment pour les talonner. La haute muraille abrupte les écrasa de sa masse lorsqu’ils stationnèrent devant les austères portes en bois de Kajo. Une sentinelle aux longs cheveux noués en nattes gardait l’entrée en se dandinant sur ses semelles de paille ; il salua ses collègues enfumés, puis posa en bougonnant son bouquet de fleurs des champs pour les laisser rentrer, puisqu‘il avait mission. Un silence imposant régnait à cette heure dans Bozob, la ruée de la foule affairée n‘aurait lieu que plus tard sur les corniches. Quelques pourceaux roses barbotaient cependant bruyamment dans les flaques boueuses, d’autres se répandaient en pièces détachées sous la forme de beaux jambons fumés accrochés aux auvents des maisons caverneuses. Par une échelle solide, on pénétra enfin au premier niveau de la grotte royale, où les belles voutes ouvragées résonnaient du moindre pas. Quelques murs couverts de tentures délicates étaient de briques, soigneusement maçonnés pour offrir quelque continuité aux tunnels ramifiés par savante ordonnance. Des têtes empaillées d’élans, de rennes, de lamas et de poissons-chats égayaient toutes les salles percées de lucarnes. Comme il y avait partout des tabourets recouverts de peaux d’ours, ce palais enterré n’avait rien à envier au luxe sévère des châteaux forts de Fion, bien qu‘il semblât proclamer une certaine solitude du Roi Karbone le quatorxièsme. Celui-ci voulu bien les recevoir dans la salle du trône installée encore plus haut. Là, quelques serviteurs des trois sexes dormaient encore sur le sable aux milieu des balayures, mais personne n’eut l‘idée de bien vouloir les réveiller. En compagnie de sa petite bourgeoise de femme Naphtaline Dumuzdorsay, de sa fille Agrippepine, mais aussi de son conseiller et trésorier principal Tréponème le Pal, Karbone était donc en train de porter de l’eau après avoir scié un peu de bois. Habillé d’une chaude cape en poils, c’était un grand gaillard roux balafré qui balançait avec aisance une haleine incroyable. Ses autres fourrures étaient sales et rapiécées, montrant le peu de respect qu’il portait à l’étiquette. Après avoir présenté des chaises aux nouveaux venus, il botta enfin le cul d’un des domestiques pour qu’il apporte un broc et qu’on commence à boire, histoire de se trouer la tête par de nombreux coups de cornes. Brakemar et Karbone se firent un check rudement en se tapant mutuellement les phalanges :

 

– Wesh, ostie de moitié de gay de condom extra small, ça va t’y ben ou ben ?

 

– Tranquille, cousin, ben comme y faut, majesté de tabarnak de colisse de péteux. T’en voulais nous vouère, à ce qu’on m’a dit ?

 

– Ben ouais, chuis en problème avec c’te maudit ciboire d’avaleur de venu, c’te poche d’ivrogne Raklur de Bidet, mon frère bâtardé.

 

– Ben tiens, c’est pas nouveau c’t’affaire là.

 

– C’est qui ça, vous autres ? Comme s’il venait tout juste de s’apercevoir de leur présence, il désigna brusquement du doigt Mirlen et ses amis en se tournant vers eux.

 

– Des gars du Fion qui s’en vont par le Mont Chauve pour y fouiner un brin de pinette de tsu l’ostie de volcan du Guilidoris. Manque un qu’a troué son chandail à cause d’un grizzly mangeux de marde et pis une autre qu’était en balloune, avant de pondre chez moué un ben étrange p’tit criss de mioche.

 

– Ouin, c’est donc ben ce qu’on m’a dit. Totalement fucké ça les gars, comme idée, mais ben vaigniez en mes estats ! Bon, Brakemar, faut que je te cause, pis là, je vais pas m‘enfarger dans les fleurs de dessus le tapis. Naphtaline, ma blonde, arrête de faire la baboune et vint t’en donc icit nous servir à bouère.

 

Avec une moue pincée, la reine des Troglobites ordonna donc aux serviteurs de remplir toutes les cornes à ras-bord d’une excellente eau de vie. Elle semblait s’ennuyer fermement, sobrement moulée dans une longue robe à dentelles masquée d‘un beau tablier à carreaux. Belbit trouva que cette femme mûre encore fraîche dégageait dans son attitude austère un charme irrésistible, mais il était aussi certain que son mari le roi ne la faisoit jamais reluire en chambrée. Le nain lubrique lui décocha son plus gentil sourire. Aux côtés de la reine, sa blonde fille Agrippepine, au joli minois envahi d’acné, rougissait à la vue de Monoïsurmékos qu‘elle osait à peine mirrer, tout en tripotant nerveusement un pan de son poncho en laine de lama. De son côté, Tréponème le Pal ne semblait point décidé à causer, il portait juste la main sur les fils bouclés de sa longue barbe noire, pour en jouer rêveusement. Karbone colla sous le nez de Brakemar un parchemin froissé signé de Raklur de Bidet :

 

– Tiens, ça me fout en criss, t’en vois tsu la lettre que m’a envoyé c’te gros mongol de moitié de frère, par une ostie de câlisse de poulette messagère qu‘on va bouffer t‘à l‘heure, si Naphtaline a yé décidée de la cuire.

 

Brakemar à la braguette velue se mit donc à lire pour tous la missive à haute voix :

 

« Wesh cousin, mon tabarnak de semi-frangin le doupirate roi de Bozob, espèce de crisse de plein d'marde zoophile. Ton pédé d’hamster te fera plus que la gueule quand j’aurais scraper ta crisse de ville, toué l’ostie de débile qui transpire d’son cul en maudit ! Je sais ben que tu m'aimes de proche, ma p’tite chatounette, mais ça m'empêchera pas de te crisser mon poing dans face devant toute ta sale famille, après t'avoir tatoué avec mon épée des roses autour des nipples. Avant qu’tailles te faire fist-fucker par le rouleau à patoche de not ciboire de môman, j’men va te faire une crisse de révélation, que Monoïsurmékos, le gosse de Brakemar à la braguette velue, à y est pas de lui, mais de moué. Pis que je veux qu’y soille mon gentil dauphin quand j’taurais repris la couronne de Bozob, pasqu’y est un petiot de bâtard comme moué. Ben le bonjour à ta blonde qui sent le swing et ta pourrie de fillotte à petits totons, que je ferais violer à la chaîne par tous ceux de mon clan, comme ça ça te fermera ta grande charogne de trappe, décalisse. »

 

– Yark ! fit Brakemar en jetant rageusement le parchemin sur le sol, ostie de ciboire de crisse de tabarnak de câlisse de marde ! Il s’élança sur Alignore, en jasant qu’il voulait lui faire avaler sur le champ les cornes de cocu qu’elle lui faisait porter. Dis que c’est faux c‘te bullshit, ou ben je te dézippe ta fiole.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:34:22
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talbazar
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Posté le 04-01-2016 à 12:27:12  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 09.

 

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Lorsque Martin embrassa Vaya sur la bouche quand elle revint du vestiaire après s’être changée, elle eut un petit mouvement de recul involontaire, car sa lèvre était toujours un peu gonflée du coup reçu par Perry. Elle avait même au fil des heures enflé davantage. La jolie femme s’approcha pourtant à nouveau pour lui rendre cette fois sans faiblir un baiser passionné. Posé sur son épaule sans rien dire, Guy ne loupa rien de l’étreinte, mais il eut le bon goût de regarder ailleurs. Vaya avait peur, c’était visible :

 

– Ces deux types qui ne partaient pas, Martin, ils étaient sur le cargo.

 

– Je sais Vaya, Carlos Glaçon et Bonno Landru. Mais je suis là, ne t’inquiète pas. Il garda soigneusement pour lui le fait de les savoir armés.

 

– Je les ai drogués.

 

– Hein ?

 

– Avec du barbiturique liquide que les filles emploient quelquefois pour calmer les clients qui les font chier. Ces types m’attendaient, eux aussi veulent sans doute le carnet du cinglé, mais je leur ai collé une sacrée dose dans leurs verres. Pas trois gouttes, hein, mais tout le flacon !

 

L’information amusa Martin sans pour autant le rassurer. Ce mélange d’alcool fort et de tranquillisant devait en ce moment taquiner gravement les deux ordures, en pesant sacrément lourd sur leurs paupières. Ils quittèrent le Tripoli par la porte de service, après un dernier au-revoir aux videurs qui fermaient les lourdes. La rue étroite était totalement vide de passants, mais l’on n’était pas loin du petit-jour, une boulangerie était d’ailleurs déjà en train de s‘ouvrir. Vaya scrutait avidement l’alignement des nombreuses voitures garées contre les trottoirs, l’appréhension glissait sur son beau visage pâle un masque anxieux. Martin s’arrêta de marcher et attrapa son amie près de lui pour lui peloter les seins, c’était la première fois qu’il se l’autorisait, elle s’abandonna une minute à ce geste érotique, et puis elle s’écria brusquement :

 

– Là, Martin, ils sont là ! Elle désignait du doigt une grosse berline noire.

 

Martin pressa son gun dans la poche sans le sortir. Effectivement, les deux gus étaient affalés dans leur bagnole et semblaient dormir profondément. Ils devaient sans doute attendre le couple à la sortie de la boite, toutefois le cocktail médicalisé servi par Vaya avait fait son petit effet, en les envoyant illico et pour un bon moment dans les bras de Morphée. Martin usa cependant de beaucoup de prudence pour s’approcher d’eux. Carlos était au volant, mais sa tête aux abonnés absents reposait contre la vitre, avec la bouche grande ouverte. Bonno était complètement affalé sur le siège d‘à côté, et ces sales cons inoffensifs formaient un tableau assez touchant, bien que pas drôle du tout.

 

– On va chercher ma voiture, déclara Martin, en se dégageant de la fenêtre qu‘il scrutait avec attention, et puis on revient.

 

– Qu’est-ce que tu veux faire ?

 

– Les flinguer. Je n’ai pas l’intention de les laisser te battre au sang, voire pire.

 

Ils revinrent dans la Ford de Martin. La berline des dormeurs n’était pas fermée, la clef de contact pointée dans le démarreur ; il dégagea Carlos pour le coller à l’arrière sans ménagement. Puis il fouilla les deux zouaves, s’empara de leurs papiers et de leurs pistolets qu’il manipula en essayant de ne pas laisser ses empreintes dessus. Ensuite, il confia ses trouvailles à Vaya avant de lui donner les clefs de sa voiture. Il n’oublia pas non plus de vider également tout le contenu de la boite à gants.

 

– Suis-moi, on va voir la mer.

 

Il se mit d’autorité au volant de la caisse des bandits et démarra, Vaya et Guy le suivirent pas à pas dans la ville en train de s’éveiller. De temps à autre, Martin glissait un œil sur le côté ou jetait un autre au rétro pour mater ses passagers, mais ils savouraient benoitement en bienheureux leur overdose de sommeil artificiel. Bonno en bavait un peu du coin de la bouche. Les deux gars sentaient la sueur rance et Martin pria pour qu‘ils ne gerbent pas malgré eux sur les fauteuils. La Ford suivait docilement la route qui conduisait aux falaises, en maintenant bonne allure, même si Martin conduisait sans doute un peu trop vite. Son bide lui remontait par intermittence des relents détestables de Gin anisé. Carlos émit à l’arrière un bruit de respiration contrariée qui alerta le privé, mais il fut aussitôt rassuré ; le pied posé lourdement sur l’accélérateur, le détective avait grandement hâte d’en finir avec ses passagers. Donner ces mecs aux flics ne constituait pas pour lui une bonne solution, s’il voulait protéger Vaya, il savait bien qu’il ne devait pas trop en dire aux flics. La seule chose dont il se disait certain, c’était qu’en éliminant les deux raclures qu’il transportait, ça ferait toujours deux menaces contre Vaya en moins. La seule incertitude était de savoir comment, sans l’appui des condés, on pouvait arriver en triomphateur aux éliminatoires. Il faudrait qu’il parvienne à retrouver rapidement ce docteur Hubert Van Degaffe. Personne ne lui demandait après-tout de remplir ce contrat, mais il savait que Gros Bill et le dingo ne lâcheraient plus Vaya, ce qui constituait de la part de Martin un diagnostic brillant. Ce calepin énigmatique venait de le faire basculer tout entier dans un monde dangereux aux frissons garantis. Autant jouer le jeu, puisqu’il avait à présent les bonnes cartes en mains. Il était cependant conscient que la mise hors service des deux connards ne constituait qu’une étape, sans doute regrettable pour eux, de la mise en danger de Vaya et lui. Rétif à l’emprise du moindre sentiment de faiblesse, il n’était à présent qu’à quelques tours de roues pour combattre en partie la malédiction, par une logique implacable d‘annulation. Il se gara non loin du coin où il avait balancé Perry.  

 

Vaya se gara à côté, il sembla à Martin qu’elle hésitait à sortir du véhicule. C’était pas plus mal, il alla la voir pour lui dire d’attendre sagement, qu’il n’en aurait pas pour longtemps. Il fut toutefois ému, en découvrant que le doux visage de la barmaid formulait dans son expression une rigoureuse lucidité, laquelle ne révélait désormais plus aucune trace d‘effroi. Juste peut-être l’ampleur d’un certain sentiment tragique. Elle resta donc assise dans la Ford, épiant néanmoins le moindre fait et geste du privé. Ce dernier se fouetta le sang pour agir, il recolla le grand Carlos au volant à côté de son petit pote, attacha les ceintures, puis il alla jeter un œil au pied de la falaise. Il n’avait pas choisi cet endroit au hasard, le mur plongeait à pic dans une mer profonde, un tombant vertigineux privé de plage et de récifs, à cette heure de marée haute. Il repassa devant la Ford, où derrière le pare-brise, il vit Vaya utiliser le miroir du pare-soleil pour se remettre un peu de rouge à lèvres. Sans doute une manière bien à elle de calmer sa nervosité. Il ouvrit la portière pour lui demander de se lever, car il voulait prendre le volant, elle s’exécuta docilement. Martin fit demi-tour, plaça son pare-choc contre celui de la berline en le tamponnant et accéléra doucement, histoire que Carlos Glaçon et Bonno Landru soient à l’heure au rendez-vous que leur donnaient  les poissons pélagiques. Ils roulaient piano, en première, mais ils s’avançaient inexorablement du bord de la falaise, laquelle s’efforçait de rejoindre l‘océan dans sa ligne d‘horizon sous un ciel charbonneux. Comme prévu, le nez de la grosse berline de plus d’une tonne bascula sans hâte vers le vide, puis plongea vers les flots en compagnie de ses ronfleurs, par simple gravité. Plouf. Atteindre le sommet de la pyramide des âges, c’était pas donné à tout le monde, et surtout pas aux crétins armés. Avec ce con de Perry précédemment jeté là, la carte postale marine se muait en musée à ciel ouvert, ou plutôt immergé, des salopards du coin. Avec pour seul voisin un camping pas trop proche de cinq mille personnes probablement droites et honnêtes, mais après-tout, rien n‘était jamais sûr dans ce monde. Martin recula promptement sur le gazon aride et fit crisser les pneus lorsque ceux-ci retrouvèrent l’asphalte. Sable ou bitume, la Ford véloce les menait conjointement vers leur destin devenu désormais commun. Ils s’éloignèrent en silence, mais Vaya se colla sur lui en s‘abandonnant complètement. Elle joua un instant de la main avec le bas de sa jupe :

 

– Martin ?

 

– Oui ?

 

– J’ai envie que tu me fasses l’amour.

 

Guy Ness se blottissait aux pieds de sa maîtresse, il ouvrit son bec pour la première fois depuis qu’ils avaient quitté le Tripoli :

 

– Une eau à huit ou neuf degrés, pas plus.

 


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une fois n'est pas coutume, je vire quelques répétitions, mais c'est bien parce ça m'occupe.
Bonne Année 1914, au fait !
 


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:36:20
n°44393785
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-01-2016 à 10:27:04  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 45.

 

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Dans les ruelles désordonnées de Thèbes la jolie, les commentaires allaient bon train sur la crise économique. En cette année du règne plutôt malheureux de Néefiertarée 0I, l’épilée du Nil aux trente six morpions, la fête de Sed venait d’avoir lieu dans un petit bled perdu, ce qui remplissait les Thébains de rancœur et d’amertume. La maîtresse de la Haute et de la Basse Egypte, soit-disant l’égale des dieux, surtout les masculins, on n’est pas des machos de Romains, se foutait bien de la gueule du petit peuple avec cette réforme territoriale impromptue. Cette dérogation inédite aux coutumes ancestrales présentait surtout un terrible manque à gagner pour le clergé local. C’était une chose de favoriser la province en décentralisant, mais c’en était une autre de ruiner les somptueux et coûteux temples de la capitale. Voilà ce qu’entendait sous sa capuche Schrèptètnuptèt, la belle-sœur Hittite de la pharaonne, alors qu’elle glandait dans l’ombre des boutiques, occupée à faire son marché incognito en compagnie de son esclave attitré Mer-Amen Tesmich. A vrai dire, le bordel ambiant n’était sans doute pas pour lui déplaire. La sœur unique de Ramassidkouch obliqua vers sa droite en évitant une flaque de pisse d’âne, puis elle songea un court instant à inventer elle-même la poubelle, avant d’ordonner à son domestique de cogner sur l’entrée du logis d’un vendeur de tissu. La petite habitation en terre crue devait principalement servir à mettre son propriétaire à l’abri des intempéries saisonnières. N’obtenant pas de réponse, Mer-Amen Tesmich s’empara d’une grosse pierre qu’il lança de toute ses forces pour qu’elle aille frapper la porte peinte en bleue. Cette fois, un homme aux vêtements usés et déchirés se présenta pour ouvrir, échappant de peu à une deuxième volée de caillasse. Il ferma sa gueule quand il vit que Schrèptètnuptèt lui apportait du pain blanc, un sac de fèves sèches et une jarre d’huile. A l’instar de nombreux Thébains, la crise des denrées le mettait au régime. Sur le plan de l’actualité mondiale, l’occupation du nord de la Germanie par des tribus de Frisons et de Lombards à moitié sauvages n’apportait aucun réconfort au peuple Egyptien, qui s’en foutait même royalement. Même si la longue gestation précédant la naissance de l’Allemagne apportait quelquefois par convois un peu de métal de récupération, et puis de l’ambre de la baltique pour faire des petits colliers. Avec quelques mots tranchants comme un couperet, Schrèptètnuptèt calma la fureur de vivre de son hôte en lui ordonnant d’arrêter de se baffrer, puis ils allèrent s’asseoir sur un banc, qui constituait pratiquement le seul mobilier de la pièce mal éclairée, mais bien chauffée par le soleil. Valisansoùth était l’informateur privilégié de la sœur du roi, son chef espion chargé de l’informer sur le voyage de la reine, cette charge étant facilitée par le réseau de caravanes commerçantes qu’il présidait, car ces convois chargés de tissus pratiquaient à dos de chameaux et de barques d’incessants allers-retours du nord du delta au sud le plus profond de l’Egypte. Bien qu’actionnaire principal de son entreprise, le poids excessif des charges sociales ne rendait pas Valisansoùth riche pour autant, c’est pourquoi il appréciait les dons en nature de Schrèptètnuptèt. D’après les projets rassurants de cette dernière, elle lui avait promis que s’il était injustement méconnu, la chose ne saurait durer. Elle l’avait sorti de prison, alors qu’une tragédie avait bouleversé la vie du négociant, quand il s’était fait chopper à vendre des contrefaçons de pagnes Lybiens. Il avait donc envers elle quelques obligations, et notamment celle de strictement fermer sa gueule sur les noires magouilles de la noble femme par alliance. Elle le laissa avaler sa bouchée de pain, puis elle lui fit comprendre de ne pas en manger une autre. Mer-Amen Tesmich craquait d’ailleurs ses phalanges dans le dos du vendeur de draps pour qu’elle se fasse mieux comprendre.

 

– Alors, t’as de nouvelles anecdotes passionnantes sur le comportement, les amours et les idées de Néefièretarée ?

 

– Elle est sur le point d’embarquer sur le Nil, et le port de Tépafou est plein de soldats. Pas mal de petits patrons-pêcheurs essaient de s’échapper à la nage pour ne pas être enrôler comme rameurs. La populace se porte en foule pour payer les impôts nécessaires à la construction des bateaux, avant de se jeter à l’eau pour s’y noyer. Ainsi, de nombreuses chaloupes se remplissent de contribuables repêchés trop tard par l’armée. A Thèbes, la longue absence de la reine fait jaser et certains menacent de mettre le feu au palais ou de le démolir, par solidarité avec les grévistes du sud. L’oasis de Foufoune est encore agitée.  

 

– Vas-y, tu peux manger. Schrèptètnuptèt laissa trainer son regard sur la paillasse et la mauvaise couverture qui servait de lit à son espion. En lui refilant une boule de pain et un peu d’huile, elle s’en tirait à bon compte. De temps à autre, elle lui montrait aussi sa chatte, mais il n’avait pas le droit de toucher.

 

– La pharaonne a un nouveau mec, un scribe Kouchite, paraît qu’elle va le nommer Vizir sous peu. On raconte qu’ils cogiteraient déjà ensemble l’établissement d’une loi anti-grève.

 

– Bon, je te remercie pour les infos, surtout la dernière. Schrèptètnuptèt releva sa robe, puis la rabaissa avant de prendre congé.

 

Une fois dans la rue, elle claqua dans ses doigts pour appeler une litière-taxi et rentrer au palais. Les hommes de ce temps là étaient tellement cons qu’ils ne pouvaient imaginer qu’une femme puisse faire la guerre à une autre. Et surtout pas son imbécile de frère, qui ignorait que sa soeurette faisait de son mieux pour assassiner la pharaonne, puisque seul Mer-Amen Tesmich était dans cette sulfureuse confidence. L’actualité sociale se révélait chaotique, tant mieux, cela affaiblissait comme prévu la pharaonne et fomentait des troubles aux quatre coins du pays. Elle se félicitait d’avoir provoqué la grève des ouvriers chargés de construire le mausolée de Larnak, événement qui avait semble-t-il tout déclenché. Son plan était on ne peut plus simple, elle faisait l’amour avec son frère pour engendrer l’erpatrès, c'est-à-dire le futur héritier du trône, son propre fils, elle cherchait donc à éliminer la reine légitime, même si cette garce avait eu jusqu’ici une chance insolente, et puis on verrait après pour se débarrasser de Ramassidkouch. Le temps que son enfant grandisse, elle, Schrèptètnuptèt, futur splendeur des mondes, porterait sans partage la lourde couronne égyptienne. Ce grand con de Merdenkorinnanâr pouvait toujours se vanter de conquérir telle ou telle ville avec son armée, elle allait carrément devenir pharaonne sans même se donner la peine de quitter Thèbes. Avant de le quitter, elle avait chargé ce corniaud de Valisansoùth de recruter et d’envoyer vers Halopolis de nouveaux assassins, puisque cette ville serait d’après lui la prochaine étape de la souveraine. Qu’importait pour la comploteuse si une bonne quantité de son or disparaissait au cours de ces secrètes transactions. La litière, une Voisin C24 Carène avec bâche à bagages et quatre porteurs gominés dotés de doubles fourreaux concentriques, une caisse inouïe intégralement drapée d’aluminium Saxon, stoppa un instant pour laisser passer quelques types barbus déguisés en taureaux, des étrangers Akkadiens qui agitaient les bras pour jouer les dragons ailés en vomissant de l’eau. Des mésopotamiens de merde que Schrèptètnuptèt se jura de virer des rues de Thèbes quand elle gouvernerait seule l’empire, entourée de dignitaires, le mot la fit marrer, et d’innombrables serviteurs bien gaulés. Du coup, devant la vitesse de son cortège en train d‘accélérer, les hommes taureaux se replièrent partout en désordre pour s’enfuir. Un peu plus loin, un type lui tendit par la portière une tablette d’argile pour qu’elle signe une pétition afin de lutter contre le trafic d’ivoire, fléau notoire de la civilisation sumérienne. Comme Schrèptètnuptèt se foutait autant de la Sumérie que des problèmes de stationnement dans la capitale des Aduatiques Belges, elle ordonna aux porteurs de lui passer dessus, au son d‘un terme injurieux d‘usage courant dans la noblesse de cour.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:39:25
n°44405092
talbazar
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Posté le 06-01-2016 à 10:10:23  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 16.

 

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Dans le centre de commandement du dôme ultra-sécurisé des forces martiennes défédérées, le général Digoule observe l’Oberleutnant Yak Azmov passer de la théorie à la pratique en suivant scrupuleusement le protocole d’accès au cerveau de Flash Gourdin. L’implant spécifique de l’officier lui donne la clé du placard aux archives neuronales de l’envoyé aux forces spéciales, afin de bidouiller chacune des  pensées de l’ex-taulard comme on manipule chaque lame d’un couteau suisse. Le Sharsherman transportant ce dernier vient de s’arracher de son orbite secrète, muni d’un faux plan de vol, pour aller simuler un crash et débouler sans prévenir au milieu des collines de Nepenthes. Le temps des insultes passé, Flash semble en mesure de répondre correctement aux ordres, il s‘assure une nouvelle fois des faux ordres de mission de son expédition. Au regard des lois de la guerre, un Sharsherman spatial à la silhouette caractéristique bourrée de munitions, avec ses 356 000 HO de puissance zionnique, 184 mètres au maître-couple et 35 mètres de profondeur de cale ne saurait malgré tout être considéré comme une menace par l‘adversaire, et Digoule le sait. En revanche, son pilote qui incarne seul sa cargaison clandestine est sans doute de nature à provoquer un immense dégat dans l’état-major indépendantiste. C’est du moins ce que le plan prévoit, puisque le secret véritable de l’identité de Flash Gourdin semble l’autoriser.

 

Les deux belligérants seront logiquement censés se disputer âprement l’épave, c’est certain, et le général compte donner le change par l’envoi immédiat sur place de deux Panzigs Space Rocket SR-1007, mais l’essentiel est que Yoland puisse avaler le scénario concocté par les services secrets. L’appât d’un Cragstan Space Tank isolé dans les dunes minées d’Utopia n’était qu’un leurre préalable destiné à observer la capacité et le temps de réaction de l’ennemi, lequel a semble-t-il parfaitement mordu à l’hameçon. En raison de leurs méthodes de brouillage ultra-efficace, Digoule a cependant perdu toute trace de cette audacieuse patrouille ennemie, comme toujours mystérieusement envolée sans laisser de traces, en dépit d‘un rapport formel de l‘équipage du tank. Avec une belle formule, l’Oberleutnant Yak Azmov déclare qu’il a le sentiment d’essayer de canaliser un volcan humain dans son implant, lorsque le Sharsherman pénètre l’atmosphère raréfiée de Mars pour aller s’enfoncer profondément dans l’étendue sableuse, aride et ensoleillée, en creusant derrière son énorme coque un mégasillon. La brillance d’un ancien dôme désaffecté datant de la colonisation terrienne est visible au loin, mais la région de l’impact semble parfaitement déserte. Unique passager du monstre galactique et seul à ses commandes, Flash Gourdin reçoit l’ordre d’avaler sa pilule de breakfast du matin.

 

Le colosse aux épaules larges, à la barbe courte et fauve, aux narines ouvertes et à la chevelure rase d’un blond foncé, avec les yeux très enfoncés dans le crâne, s’équipe tranquillement de son scaphandre et procède à la refonte du relevé de son compteur d’eau, basé sur une estimation de sa prochaine consommation. Il reçoit constamment des instructions du QG défédéré, qui lui ordonne à présent de descendre rapidement en cale. L’opération devra être terminée en cinq heures. Il montera à l’assaut, puis il sera mis à la retraite peu après. Obéissant à une courte conversation mentale avec l’Oberleutnant Yak Azmov, Flash Gourdin ouvre la porte donnant vers l‘extérieur.

 

– Ok, c’est bon les gars, on the road.

 

Il doit impérativement s’éloigner sur une bonne distance, avant l’apparition des Panzigs du 62™ de ligne. Il ne porte pas d’uniforme militaire, seulement une vieille mais solide combinaison civile de bagnard, mais il tient en revanche dans ses gants un redoutable TZ-24 Sanitizor Tinkerbots, et deux Rymdpistol Space Gun sont couplés sur ses hanches. Dans son dos, il passe en bandouillère un lourd Wee Gee Ray Gun Gun. Sa puissante constitution physique autorise en effet un tel chargement, d’un poid considérable. Alors qu’en progressant à pied il laisse peu à peu derrière lui l’énorme vaisseau de guerre qui l’a mené ici, le centre de contrôle est obligé d’annuler promptement un tract audio insistant de la SGL, venu parasiter le flux des communications entre Flash et son manipulateur. Gourdin procède selon les instructions au réglage précis de ses caméras, puis il note sa prochaine étape, selon l’ordonnance prévue, et qui est d’attendre près du dôme ruiné l’arrivée de l’ennemi. Il faut marcher et Flash est bon élève. On lui rappelle avec insistance qu’il représente un principe, une cause, mais qu’il n’est pas juge de sa volonté ni de ses actes. Sa physionomie exceptionnelle lui doit l’adoucissement du régime de sa prison, ce qu’il a intérêt à soigneusement méditer, sans se permettre le moindre commentaire. En guise de réponse, Flash annonce qu‘il a toute les raisons d‘espérer un succès, par simple exultation du culte du héros et qu‘il accepte d‘affronter naturellement le plus dur sacrifice. C’est en définitif assez simplement défini dans son cortex, l‘ordre est formel et la force obéit, voilà tout. Jusqu’à ce que, en bon soldat mais sans la moindre autorisation, Flash Gourdin se mette lui-même en tête de vérifier le bon fonctionnement de son armement.

 

– Flash ? Tu fais quoi là ?

 

Sans répondre, le guerrier solitaire envoie un court rayon devant lui avec le TZ-24, sans savoir qu’il va ainsi atteindre une vieille mine personnelle ensablée et totalement imprévue. L’onde de choc le projette brutalement au sol, sans heureusement porter atteinte à l’intégralité de son scaphandre. Le phénomène brutal vient malgré tout de rompre gravement la fragile communication implantaire avec Yak Azmov et celui-ci doit admettre devant Digoule que le sujet est momentanément hors de contrôle. L’aigle enchainé ne répond plus.

 

– Vous vous foutez de ma gueule, Oberleutnant ?

 

– Non, mon général, je fais l’impossible, mais ce con vient de se prendre une mine et reste silencieux. Mais je conserve l’intégralité de son bornage, au moins, on le garde toujours en vue.

 

Le général Digoule imagine déjà le tableau que représenterait un échec de cette mission particulière devant le congrès. En guise d’exil sur une planète peaumée, le cercueil du président Sirkisi pourrait bien lui servir de valise. Le gradé regrette de ne pas avoir équipé d’un système auto-destructif l’homicidaire tout juste sorti de prison, au si effroyable passé et condamné par la justice à la perte partielle de son cerveau. Si ce connard de débile devient inopérant, il préfére nettement le voir mort qu‘entre les mains des indés. Le chef suprême de l’armée martienne n’est pas sujet à frémir, et pourtant il le fait en pensant à la réaction hurlante des administrants. Parce que l’organisation de tout ce projet sensible leur a coûté un max. Pendant deux longues heures, le QG essaie de rétablir le contact mental avec Flash Gourdin, en vain.

 

– Alors ?

 

– Non, il reste muet. En plus, il est trop près de l’épave et les Panzigs vont arriver. Peut-être devriez vous annuler leur vol, mon Général ? sauf votre respect.

 

– Il est trop tard sans doute. Et puis Yoland flairerait le piège, si nos forces laissaient un Sharsherman à l’abandon. Eux-aussi doivent guetter avec attention cet appareil, vous savez. Une aubaine en matériel pour eux, s’ils parviennent à s’en approcher.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:40:39
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talbazar
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Posté le 06-01-2016 à 16:40:46  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 75.

 

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– Très cher mon chum, lui répondit Alignore en collant fermement ses deux poings sur ses hanches, veux-tu que je te rappelle qu’à ct’époque t’étais jamais là quand tsu partais faire la guerre aux crisses d’Onkulés ? pasque t’avais dzi qu’on fasse un fun de break pour quatre ans, nous dzeux. Quatre années de maudites à s’envoyer des cibouère de manchons de brosse pis des carottes pelées, tsu vas t’en croire ça ? T’en vas t’en croire ? Ben non. Alors, tabarnak, on se ferme ma grosse gueule, là, hein ?

 

– Cré boudiou de marde, ah pt’ain ! j’men va te crisser une couple de 'tites claques sur la gueule, pis aussit je m’en va te tanner tout rouge tson p’tit cul de salope qui yé à tout le monde, faut t’y ben le croire, pasque ça me dit là devant la cour du roi que ma tabarnak de call-girl de blonde est yé qu’une maniaque à croquer d'la peau, pendant que je guerroie comme un dingo aux cannibales. Pis que le cibouère de gosse qu’on a, à yé pas de moué, m’étonne plus qui soit moitié de gland, tiens ! Chuis ben tanné de vouère ta face en vraie, maudite.

 

– Veux-tsu que je te dise un truc en passant ? T’as pas moitié les boules de Raklur à m’envoyer en joie. Là jamais eu son pareil pour m’picorer comme y faut ben la bizoune, c‘te criss de bâtard.  Pis Monoîsurmékos, c’est pas le seul fillot qu’on a élevé tout les deux depuis qu‘y nous est né, ptèt ? C’est mon fils autant que le tiens, câlisse !

 

– Allons les deux là, tabarnak, faut’y voir à se calmer un peu, fit Karbone, usant de son autorité pour séparer à grande peine les épousés, parce qu’ils en venaient à présent aux mains. Nous diviser donne raison à notre ennemi. A pas de raison qui vienne icit tranquillement me narguer pour enlever vot’ fils ou en faire son héritier.
 
 Mirlen, William, Erald et Belbit restèrent sans bouger pendant l’échauffourée, mais la scène de ménage les mit visiblement très mal à l’aise. Tréponème se leva finalement, car il était doué de bonne force naturelle, afin de seconder fermement le roi des Bozobis et essayer de calmer à son tour le mari outragé. Ils développèrent des trésors d’arguments, puis ils parvinrent enfin à le faire s’asseoir tranquillement corne en main, pendant que sa femme faisait de même à l’autre bout de la salle. Elle marmonna juste entre ses dents que ça y sera désormais l’hôtel du cul tourné, à maison.

 

– Bien mes amis, fit Mirlen pour détendre l’atmosphère orageuse, il se fait que j’ai grand-soif, à présent ! Tout le monde imita donc son geste lorsqu’il leva sa corne pour porter toast.

 

Lentement, chacun revenait à raison. La reine Naphtaline ne semblait guère concernée par le tapage ambiant, elle resta un moment les mains derrière le dos, puis quitta sa posture guindée pour aller s’installer tout près de Belbit, afin qu’il lui parle longuement du pays de la Godée, dont elle ignorait tout. Il la flattait en parlant de regards insistants qu‘elle semblait apprécier. Personne ne remarqua tout de suite que Monoïsurmékos et Agrippepine s’étaient éclipsés pendant l’empoignade. Les jeunes gens avaient grimpé en catimini l’échelle qui menait à la chambre peinte en rose de la fille du roi. Assis au côté du maigre garçon sur le grand baldaquin recouvert de peaux de chèvres et de lamas, l’adolescente faisait de son mieux pour consoler le fils de Brakemar de sa terrible infortune.

 

– Ho boy, sent toi ben à l’aise. Je vois ben que ça passé proche, mais ça leur quittera ben ct‘affaire là, à eux autres. Pis j’va te dire une chose, ton daron, a yé aussi tordu que le mien. Pis je te cause pas de ma criss de mère, qu’a un maudit manche de pelle carrément coincé dans cul.

 

– Sais-tu quoi, Agrippepine ? Souvent je te regarde à la fenêtre de ton château quand j’men vais baguenauder dans Bozob pour y smoker du pot d‘ssus talus. Ben j’me dit tiens, la fille du roi, à yé pas trop jolie, mais ct’une gentille et brave et pis avec un beau body.

 

– Chuis ben chanceuse alors, pasque moi c’est tout pareil de même, j’ai des bouffées qui me pognent en t’voyant. Icit tu vois, et pis là, et pis là ossit.

 

– C’est ben cool cette chose que tsu me dis là. Ce disant il se mit à farfouiller sous la robe de sa voisine, qui jouait pour de rire l’outragée.

 

– Hey, vous mon jeune, là, ben voyons donc ! C’est t’y pas un peu tôt pour m’envoyer des tapoches de tsu la bedaine ?

 

– Ok, ok, capote pas, mais je m’peux pu de savoir que tu m’aimes un peu, décalisse.

 

La voix de Naphtaline hurla cinq fois pour appeler sa fille, car on allait bientôt servir le souper. Ils descendirent donc à regret aux appels répétés, un peu estourbis par leurs joyeuses et intimes révélations. Avant de descendre, Agrippepine s’empara de la main du jeune homme et lui donna longuement baiser.

 

– Viens t’en donc, Monoïsurmékos, pour dire, on mange du bon manger icit.

 

Dans la salle à manger, une ambiance nettement plus conviviale était revenue et un riche couvert était dressé sur une grande table sans nappe. Comme Karbone avait demandé à sa femme de cuire la poulette messagère, elle avait ordonné à ses cuisiniers de leur faire des chapons en broche. On remercia debout sainte Kramouille pour le bon repas qui allait suivre, avec une pensée pour les pauvres qui n’avaient qu’à se démerder, puis chacun pris sa place, Alignore bien qu’encore boudeuse s’asseyant même aux côtés de son mari toujours grognon. Belbit s’était placé à gauche de la reine, et les enfants se tenaient l’un en face de l’autre. Le roi karbone leva sa corne en invitant tout le monde à se remplir la panse et festoyer :

 

– Allons mes gars, réjouissez-vous à manger c’te bon Kentucky de chez nous gossé avec des pétates frites, pis au dessert y’aura des beignets d’érable extra cream, pour ben se taper cloche.

 

Et le miracle eut lieu, puisque Monoïsurmékoss qui ne mangeait jamais repris trois fois des cuisses et cinq ou six beignets. Tout en ripaillant joyeusement, il allongeait la jambe pour chatouiller la fille du roi du pied, puis il la remonta beaucoup plus haut sous son affublement. La gueuse tomba en pâmoison et cessa tout à coup de mangeailler puis tourna sur sa chaise pour y danser la giguedouille, mais elle revint à elle prestement, en regardant le jeune homme avec un air de le gronder. Lui s’en alla d’un rire nerveux, car de toute la soirée, il n’eut pas d’autres yeux que pour sa mie bourrée d’acné.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:41:59
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talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 07-01-2016 à 11:31:28  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 70.

 

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– J’espère être rétabli pour la mise en service et l’inauguration officielle à la maternité de cette nouvelle unité que je vais mettre en place pour les bébés procrastinateurs nés avec deux mois de retard. Une première mondiale, vous savez. Le docteur Marabout me suggère d’y ajouter des séances d’excitation thérapeutique par heavy-metal pour ces enfants retardataires chroniques, mais j’hésite encore, du fait du surcoût qu’obligerait une nouvelle insonorisation des chambres.

 

– Vous travaillez trop, Jason, vous devriez lever le pied.

 

– O vous savez, je ne suis pas trop capable de lever grand chose, à l’heure actuelle.

 

La sincérité de cette allusion qu’il proclamait avec autant de spontanéité l’étonna lui-même. Cassandra était assise sur son lit, avec une telle proximité qu’il en était profondément remué. Véritable ode à la mode hospitalière, la blouse blanche relativement courte de l’aide-soignante dégageait ses longues jambes voluptueuses aux bas sans couture impeccablement lissés. Il lui posa doucement sa main valide sur le genou, qu’il caresssa à peine, elle n’eut pas de réflexe d’échappement. Elle pleurait sans doute encore tellement la mort de son homme qu’elle pouvait sans doute vérifier à chaque instant la validité de son mascara water-proof. Mais affichant désormais pour lui un visage lumineux, elle lui souriait en cet instant sincèrement, et Jason savourait avec un réel plaisir cette heure privilégiée en sa compagnie, plongé au cœur d’une intuition aussi miraculeuse que sans doute explicable, puisqu‘il était amoureux d‘elle. Il ébaucha un nouveau mouvement pour se rapprocher de cette femme au parfum enivrant, puis il abandonna cette douloureuse entreprise, souffrant d’abord, puis craignant de faire preuve d’un érotisme exagéré. Il laissa malgré tout trainer volontairement sa main contre la merveilleuse chute de ses reins. Il aurait pu croire que le résultat de son action était probante, puisqu’elle remua un peu les fesses, mais elle se leva tout à coup en souriant toujours.

 

– Puis-je emprunter un instant vos toilettes, Jason ? j’ai envie de faire pipi.

 

– Je vous en prie.

 

Elle passa dans le cabinet étroit jouxtant la chambre. Alors qu’il entendait se déverser tranquillement la petite fontaine intime de Cassie, la porte d’entrée de la chambre s’ouvrit lentement, pour laisser passer brusquement un individu visiblement mal intentionné, puisqu’il tenait un couteau dans sa main. Jason fut trop surpris sur le coup par l’intrusion dangereuse pour laisser échapper le moindre cri. L’homme plongea sur le lit afin de planter son arme dans l’abdomen du toubib, mais il ignorait sans doute qu’une grande partie du bassin s’enfermait dans un carcan rigide. La lame dérapa sur la coque plastifiée, et Jason lui projeta en retour son bras plâtré, ce qui fractura le nez de l‘agresseur. Alertée enfin par le hurlement que poussa subitement l’assassin, Cassie arriva par derrière et, comprenant le danger, elle s’empara d’un gros vase oblong posé à proximité, pour le balancer brutalement sur la tête de l’intrus. Elle appela au-secours en hurlant. Le remue-ménage fit sortir Gwendoline et Babette de leur lit, trois policiers déboulèrent enfin dans la 265, choppèrent le type et à l’aide d’une clef élémentaire, le mirent aussitôt hors d’état de nuire. Ils le fouillèrent et trouvèrent un revolver sur lui. Un des fonctionnaires interrogea  brièvement Jason sans prendre de notes. Gwen observait le tueur se vautrer au milieu des glaïeuls éparpillés et des morceaux cristallins, car Cassie avait carrément brisé le vase en verre épais sur la tronche du bonhomme. Avec son coup sur la gueule et son occiput ravagé, il venait de récolter au centuple ce qu’il était venu semer, mais grâce à l’intervention providentielle de la jeune femme, sa mortelle agression avait lamentablement foiré. Plantée au milieu de la chambre comme une statue antique, Gwendoline fixait intensément Cassandra avec un air mauvais, car elle venait de comprendre que cette dernière se trouvait déjà dans la chambre, et que la rouquine venait probablement de sauver inopinément la vie de Jason.

 

Ce dernier était pâle et interloqué, son geste presque involontaire avait douloureusement réveillé la fracture encore fraîche, et il souffrait le martyr dans son bras. Ses vertèbres aussi le torturaient horriblement. Il se doutait malgré tout qu’il venait de l’échapper belle. Babette se précipita pour aller chercher un anti-douleur. Aidé par ses collègues, un des policiers passa les menottes au mafieux muet qui lâcha sur eux un regard vénéneux, avant de le faire sortir sans ménagement. Un joli cadeau pour le commissaire Mensinq. A cette heure tardive, il régna pendant un bon moment dans le couloir Walt Disney un affligeant charivari. Gwendoline fit elle-même sa piqûre à Jason, loupa la veine pour la première fois de sa vie professionnelle, avec sur sa figure anxieuse une expression qui prouvait à tous qu’elle aurait voulu transformer Cassandra en pudding. Avant de partir dans les vaps, Jason regarda Cassandra avec une tendresse qui broya le cœur de Gwen. Le docteur appela affectueusement la rousse pour la remercier, mais ses yeux déjà absents prouvaient qu’il était déjà en train de partir dans le coltar :

 

– Merci Cassie, merci beaucoup. Vous avez fait preuve d’un énorme sang-froid. Savez-vous que le Glaieul en latin s’appelle Gladiolus ce qui signifie petit glaive ? On ne pouvait trouver une fleur mieux nommée !

 

On laissa le docteur Halrequin s’endormir, avec un policier en faction devant sa porte et deux autres dans le couloir, mais pour les femmes en grande excitation, il n’était plus question de se recoucher. Réunies par le sort tragique et peut-être soucieuses de commenter entre elles l’événement, elles se rendirent dans la cafétéria pour faire le point. La clinique Saint Bernard fourmillait de flics affairés malgré l’heure tardive, puisque l’attentat les mettait de facto en branle-bas de combat, ils déconseillèrent aux femmes de se balader sans raison dans les couloirs, mais elles passèrent outre et dévalèrent les escaliers en évitant l’ascenseur. De nombreux malades réveillés par les bruits lançaient de leurs chambres plus d’alarmes que celles du Titanic en train de sombrer. Les trois grâces les laissèrent entre autres aux mains expertes de Justine Pol et de Florence Calmann-Lévy, de garde cette soirée-là. Babette fit du café, alors que Gwendoline et Cassandra restaient debout, à se toiser méchamment comme deux lionnes en chaleur qui se croisent au cœur de la savane. Au bout d’un moment, dans l’univers acidulé de la petite pièce où s’affichaient plannings et circulaires, la blonde lâcha la question qui lui brûlait les lèvres :

 

– On peut savoir ce que tu foutais dans la 265 ?

 

– Je taillais une pipe au docteur Halrequin. Jolie bistouquette, d’ailleurs.

 

– Espèce de salope. Gwen n’avait pas l’esprit documentariste, et elle connaissait très bien l’anatomie sexuelle de Jason, mais cette rousse qui la scrutait à présent avec son air bravache la mettait hors d’elle.

 

– Il va falloir que tu arrêtes ton show avec le patron.

 

– Vous m’emmerdez, toutes les deux, et surtout toi, Gwendo. Je n’oublie pas les odieuses accusations mensongères que vous avez porté contre moi. Il n’échappe à personne que tu coures après Jason, mais tu te mets le doigt dans l’œil, ma grande, à défaut de te le mettre ailleurs.

 

– A part ça, fit Babette en se servant du café, ça ne vous dérange pas plus que ça ce qui vient de se passer ? On vient d’essayer de le tuer !

 

Elle n’arriva cependant pas à démêler la relation poisseuse que nouaient ses collègues dans l’atmosphère épaisse qui les entourait toutes les trois. Cassandra porta sa tasse à ses lèvres à son tour.

 

– Tes angoisses et tes névroses, Gwendoline, je m’en bat les reins. Jason ne t’aimera jamais, c’est une chose si difficile à comprendre ?

 

– Fais pas l’héroïne, avec un décolleté toujours à l’air comme le tiens, tout ce que tu risques d’attraper ici, c’est une bonne pneumonie. Tu manques de chair, depuis la mort de ton jules ?

 

En faisant monter la tension d’un cran, Cassandra se précipita pour gifler Gwendoline, mais elle fut aussitôt rudement entravée par Babette. La brune s’agitait également sous le coup d’une pulsion coléreuse, probablement pour des raisons différentes :

 

– Mais bordel calmez-vous toutes les deux, le docteur Jason vient de frôler la mort, c’est tout ce que ça vous inspire ? Vous auriez l’air malines, toutes les deux, en train de chioler à son enterrement.

 

L’allusion à une inhumation battit le rappel des souvenirs récents et douloureux de Cassandra, qui cessa tout à coup de vouloir porter atteinte physiquement à Gwendoline. Touchée coulée. Cette dernière était rouge de colère et tardait à se calmer, mais elle se contenta de lancer sur l’aide-soignante un regard glacé. Et puis elle s’effondra pour se mettre à pleurer. Sa voix n’offrait plus qu’un triste murmure :

 

– On était bien ici, avant que tu arrives, et puis tu es venu tout ruiner.

 

– Tu es douée d’un imaginaire compulsif, lui répondit Cassie en découvrant des dents blanches, mais tu auras beau te remaquiller, l’euphorie, c’est fini. Si jamais Jason me propose un jour de plonger dans son lit, je lui dirais oui.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:43:29
n°44431728
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 08-01-2016 à 13:39:44  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 46.

 

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Le pharaon intérimaire Ramassidkouch avait depuis longtemps remplacé le guépard royal par une jeune nubienne en laisse, au mépris du politiquement correct. La petite Davis était principalement chargée de lui passer sa coupe, tout en lui suçotant les orteils. Ce fut aussi la première à constater que quelque chose ne tournait pas rond chez son maître, après l‘invasion de la momie de Tahosétlafer dans le corps du mari de Néefiertarée. Dans le bureau ovale de son palais blanc aux portes d‘électron, le scandaleux Ramassidkouch-Tahosétlafer regardait s’affairer la jeune esclave stagiaire, et parlait aux scribes de lui mettre un cartouche contre le mur, pour services rendus. Barbouillé et hagard, le souverain à la double personnalité trainait ses robes partout entre le droit de cuissage et les belles colonnades papyriformes, en oubliant beaucoup de ce que l’ancien vizir et le roi avaient été tous les deux. Ils formaient à présent une étrange composante, un individu multiple qui avait bien du mal à résoudre sa nouvelle condition existentielle, car il n’oubliait jamais la froideur de son cercueil de pierre. Fort heureusement, sa petite sœur Schrèptètnuptèt était toujours là pour l’aider à gouverner au mieux de leurs intérêts communs. Le lendemain de la mystérieuse incorporation, elle s’était présentée à lui vêtue d’un unique voile transparent pour transcender sa nudité, en priant Angela Davis de regarder ailleurs. Le pharaon laissa tomber son rouleau de papyrus d’Hyradote le Grec pour regarder s’avancer vers lui la noble dame, avec qui il nourrissait apparement un rapport incestueux. A la grande surprise du réincarné et double souverain, la petite histoire s’emboîtait donc visiblement depuis un bon moment dans la grande. Il fallait faire avec, mais son côté Tahosétlafer n’avait rien contre, vu qu’elle avait des guiboles de folie et des miches à damner Osiris lui-même. Il n’était pas donné à toutes les momies le plaisir de s’abandonner charnellement avec une créature aussi splendide, quand bien même ils cocufiait déjà sans vergogne tous les maris Thébains. Tahosétlafer-Ramassidkouch goûtait nettement moins la sempiternelle présence obstinée de l’esclave de sa sœur, le musculeux Mer-Amen Tesmich, mais là encore, compte tenu de l’autorité naturelle que Schrèptètnuptèt avait sur tout le monde, il devait finalement s’en accommoder. Ce jour-là, la belle plante qu’incarnait la frangine eut cependant le bon goût de laisser son athlétique serviteur patienter dans le couloir. Elle s’approcha en ménageant ses effets, balança au passage un coup de pied à la poupée de chiffons d’Angela qui trainait par terre, jura que la gamine aurait dix coups de fouet pour avoir laisser trainer ses jouets et se présenta dans sa quasi-nudité, le rouge aux lèvres et aux joues, les cils noircis et les cheveux teints par Ioannes Ludovicus David, son coiffeur romain. Elle avait de grands yeux et une bouche d’une taille extraordinaire, mais un très joli petit menton.

 

– Salut à toi frérot, maître de la Haute et de la Basse Egypte, seigneur de Phénicie et de neuf autres contrées perdues, on se fait un petit caprice, rien que nous deux ?

 

– Ben du moment que la petite séance n’a pas trop de caractère public.

 

Au contraire, pensa plutôt Schrèptètnuptèt sans le dire, puisque je veux que tu me fasses un fils reconnu par tous ! Mais elle ne rajouta plus rien, et s’occupa plutôt de donner à son frère un peu de vigueur. Elle se voulait Nout, la déesse du cosmos en train de monter à cheval sur Geb, dieu de la terre né de Shou, peut-être dans les choux ; puis elle bafouilla bientôt être Tefnout, la débordante divinité de l’humidité. Puis elle hurla en avouant ne plus savoir très bien qui elle était, car quelque chose avait complètement changé dans le comportement habituel de Ramassidkouch. A tort, elle s’était imaginé incarner Athor, déesse de l’amour charnel, mais c’est lui qui décorait à présent comme un taré les murs de ses multiples projections, encore plus abondantes que les crues annuelles du Nil, sans omettre d’en garder autant pour elle. Une bonne sexualité était un signe glorieux de devoir religieux, mais bon, fallait pas trop pousser. Et pour pousser, il poussait en malade entre ses hanches, plutôt deux fois qu’une. Ses mains tâtonnantes amenaient toutefois l’égyptienne au bord d’un bienheureux supplice intolérable. Pendant trois heures, au cours d’assauts totalement inédits, Schrèptètnuptèt fut laminée, rétamée, secouée, ébranlée, harcelée, bousculée sur le lit de cet amant impitoyable, en qui elle n’avait jamais constaté autant d’enthousiasme pour la galipette en sa compagnie. Cette incroyable vigueur lui colla même un peu la trouille, elle retomba à moitié morte, toute luisante de transpiration sur la couche, les bras en croix, et sa sueur abondante se mêla à l’étrange et forte odeur de paprika dégagée par son frangin. Lui se contentait de lui décocher un étrange regard. Et puis, en dépit du désir d’intimité qu’il avait espéré, 174 notables cachés derrière les rideaux applaudirent à tout rompre la fameuse scène érotique et la cavalcade frénétique à laquelle ils venaient d’assister, sur l’invitation express de la sœur du roi. Comme tout ça restait dans la sphère privée familiale et qu‘ils étaient coutumiers de ces rencontres d‘alcôve, aucun ne suggéra que cela pouvait être un crime de lèse-majesté envers Néefièretarée, sauf deux, qui terminèrent plus tard dans le ventre d’un crocodile sacré, par ordre de Schrèptètnuptèt. Encore tremblante, elle s’alluma une clope après avoir chassé tout le monde, non sans demander qu’on apporte quelques friandises :

 

– Ben mon salaud, qu’est ce qui t’arrive ? je ne t’ai jamais vu aussi en forme. Il est vrai que son pénis était encore très long, comme elle pouvait l’apercevoir.

 

– Ma gazelle, fit Tahosétlafer-Ramassidkouch en reboutonnant son pagne pointu, son côté momie de vizir lui-même grandement satisfait par la rencontre inattendue, tout n’est qu’une question de registre et de conception de la poésie. Quand je te soulevais pour te caler contre le mur, tu m’as rendue un vague merci, mais c’est toi qui a violemment refusé, quand je me proposais de venir enfin, en me faisant le geste suppliciant de la bénédiction pour m’inviter à continuer. Ce que j’ai fait jusqu’à la septième vague, puisque j’ai compté.

 

– C’est pas faux, ouais, ouais, malgré l’endolorissement évident de mon trou du cul, les tremblements et les claquements de dents, en plus. Sans parler de mon entaille divine complètement démolie. Sans l’intermède du cinquième arrêt, par Osiris, je périssais !

 

C’est ainsi qu’ils passèrent l’heure d’après à manger des loukoums roses et verts, en confrontant leurs points de vue sur ce qu’ils venaient de vivre ensemble, et qui n‘avait jamais été. Schrèptètnuptèt frappa dans ses mains pour que Mer-Amen Tesmich leur fasse venir du cuissot d’antilope aux noix de cajou, puis, comblée, elle savoura sa grande idée qui satisfaisait si bien à cet instant là son secret désir de pouvoir et de puissance. La bouche encore bien pleine, elle tourna la tête pour regarder Ramassidkouch, envers qui elle imaginait après tout un destin fort différent du sien, lui balancer avec une expression bizarre un sourire insolent. Elle trouva même que la fatigue donnait à son petit frère un petit air de momie desséchée.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:44:45
n°44446840
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-01-2016 à 08:26:50  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 17.

 

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Allongé sur le sable froid dont il est isolé par son épais scaphandre, affreusement sonné par le souffle de l’explosion qu’il a déclenché, Flash est la proie d’une conscience diffuse qui tente de revenir peu à peu dans le brouillard mental de ses souvenirs. Il se revoit glandouiller puis bosser sans fin, dans l’ignoble bagne de la planète 4887BN-Henrico Macias, où il a vécu sans aucun libre-arbitre ces dernières années, tout juste bon à sodomiser sans merci les nouvelles recrues en guise de bienvenue. Ses souvenirs diffus le ramènent constamment à cette saleté d’incarcération, mais sa mémoire est à présent une bouillie sans nom, remplie d’images fugaces et peu consistantes. Il est déjà venu deux fois sur Mars quand il était enfant, lorsque son escroc de père a été exilé sans retour chez les rampants terriens, quand à elle, sa chère petite maman est morte peu de temps après tragiquement sur Io. Il a bien dû se démerder tout seul. Les visages de quelques quidams des deux sexes qu’il a proprement égorgé se rappellent à lui, sans trop s’incruster. Tout va bien maintenant, puisqu’il sait qu’il vient de s’évader de la prison en empruntant un des Sharsherman chargé de surveiller l’orbite du pénitencier. La chose est profondément inscrite dans sa mémoire, c’est donc qu’elle est vraie. Il est libre, mais il n‘a de certitudes que sur son présent immédiat et encore plus sur son lointain passé. Probablement le premier prisonnier de l’histoire à s’être échappé de BN/HM. Son cerveau tambourine un maelström de pensées désordonnées, bien que les circonstances exactes de son évasion lui échappent encore ; l’énorme vaisseau encore très proche est pourtant la preuve tangible qu’il vient de réussir à se poser sur Mars. Toujours couché et dévoré par la soif, il aspire avec avidité l’embout du tube intégré au casque qui le ravitaille en eau.

 

Autour de son corps rayonnent encore les tentacules des tuyaux de connexion au siège du Sharsherman, oxygène, radio, pression et température, qu’il n’a pas encore enlevé. En matière de dégâts apparents, la déflagration a flingué ses caméras et leur carte source, il ne filme et ne mémorise désormais plus rien. Des caméras ? Flash se demande par quel délire un scaphandre de bagnard comme lui peut bien en être équipé et puis rien à foutre, il se remet debout péniblement, presque écrasé par le poids du Wee Gee Ray Gun Gun qui lui barre le dos. Méthodiquement, il dévisse les tuyaux inutiles et les laisse tomber sur le sol. Il fait de même avec ces insolites et foutues cams inutiles. Au prix d’un atroce mal de crâne, de larsens stridents, d’acouphènes lancinants, un son de voix fugace pratiquement inaudible martèle ses tympans pendant quelques secondes, « un deux, un deux… » , puis s’éteint. Une hallucination audio qu’il met sur le compte de son accident et qu’il oublie aussitôt au gré d‘une bouffée cérébrale silencieuse. Pour le reste, ça ne va pas trop mal, il se rend compte qu’il est armé comme un tank et surtout qu’il n’est pas blessé, les flics déférés qui tenteront de le reprendre n’auront qu’à s’accrocher. Les premiers pas sont hésitants et sa démarche dans le chaos rocheux et désertique est gauche et maladroite, mais rapidement, Flash Gourdin reprend du poil de l’alien. Il suffoque une petite minute du fait que le tube de réglage qui court le long de son tibia se coince un instant, puis la pression redevient normale après un vigoureux tripotage. Il a de l’oxygène pour dix heures, plutôt cool, largement de quoi rejoindre un dôme pour le squatter, après avoir tué le propriétaire et sans doute violé sa femme et sa fille.

 

Alors qu’il progresse dans ce coin désert, une seule chose parvient à l’ étonner, puisqu’il croit n’avoir jamais été pilote de sa vie. Son amnésie est presque totale, mais une laborieuse tentative de raisonnement l’amène à penser que le Sharsherman Flash Space Patrol AK-740 qu’il a emprunté devait être programmé en pilotage automatique pour rejoindre Mars. Le fait de l’avoir sans doute décrocher lui-même de son orbite l‘ébahit. Il s’épate tout de même de ne pas avoir été intercepté avant, puis il cesse de cogiter vainement. Trop douloureux. Deux Panzigs Space Rocket SR-1007 font leur apparition au-dessus de lui en hurlant, puis s’échappent à une vitesse fulgurante. Repéré par de très grosses bêtes. Son cerveau ne lui envoie qu’un seul message, souhaiter la bienvenue à ces gars-là. Il court se mettre rapidement à l’abri d’un rocher, puis il épaule le puissant Wee Gee Ray, la seule arme en sa possession capable d’affronter efficacement une paire de Panzigs. Ces derniers reviennent à basse altitude et vitesse réduite, sans bizarrement déclencher le feu. Lorsqu’ils sont quasi stationnaires, Flash les laisse venir, s’attend à se faire carboniser sur place, puis il se dégage brusquement, campe sur ses pieds et tire en visant les ventres brillants, deux rayons autoguidés quasi simultanés, en plein dans le mille, les astronefs explosent en vol. Trop facile. De nombreux débris retombent au sol, et l’évadé manque d’en recevoir un bon paquet sur la gueule, mais il retrouve l’abri rocheux sans dommage. Il recolle le WGRGG entre ses omoplates, assure le TZ-24 Sanitizor Tinkerbots dans sa pogne et scrute l’horizon.

 

Ses pensées redeviennent subitement floues et le laissent hébété, en le privant d’initiative, avec pour résultat un désagréable sentiment d‘impuissance. Il aspire avidement son air en gonflant son torse massif, comme un type qui se noie, impossible de calmer l’effort qu’il vient d’effectuer. Ses semelles à isolation thermique arrachent le sol alors qu’il se remet en route vers le vieux dôme qu’il aperçoit en face de lui. Il devine aisément que cette destination fera de lui une cible facile, mais il est incapable d’intégrer une autre alternative, quelque chose lui ordonne de s’y rendre, un impératif qu’il prend naturellement pour sa propre volonté. Comment un taulard en fuite pourrait-il trouver des amis ici ? Pourtant sa confusion est telle qu’il sait qu’il ne doit pas tirer sur les hommes au sol qu’il peut rencontrer. Sa conscience est un bordel sans nom, et malgré-tout, l’indulgence dont il doit faire preuve est d’une clarté absolue. Sauf évidemment si les mecs se mettent à lui tirer dessus. Il se demande s’il n’est pas drogué, mais il ne peut se rappeler d’avoir pris un truc, il navigue à l’instinct avec une excellente conscience de son corps, mais un esprit complètement fuité. Sa chair constitue toujours un instrument solide, certes, mais son esprit en plein cafouillage la commande vraiment très mal. Rejoindre à tout prix un dôme à squatter, tuer l’homme, violer sa femme, se planquer, c’est quand même pas si compliqué. Et puis non, rejoindre finalement comme prévu (prévu par qui ?) les potes qui l’attendent avec certitude dans cette ruine inhabitée. Ne rien tenter contre eux, mais bousiller au passage sans merci le moindre objet défédéré, le seul ennemi que sa raison confuse soit en mesure d‘identifier. Un drone de la taille d’un moustique se positionne près de lui, mais en raison de son aspect extrêmement minuscule, Flash Gourdin ne se rend pas compte de sa présence.

 

Au QG de Fanch Yoland, grâce à ce microscopique espion, on ne perd rien des faits et gestes du rescapé sorti de l’épave du Sharsherman. Vingt à cinquante hommes équipent normalement ces engins de guerre, il n’est pas normal qu’un type seulement puisse en occuper un. On l’observe tirer à l’aveuglette et se faire projeter en arrière par le rayonnement spécifique d‘une mine. L’insolite de la situation les alarme tous, on discute du fait qu‘il n’est pas soldat et ne porte visiblement pas de bouclier ; Karela le croit mort, Fanch est incertain, puis le drone envoyé pour surveiller le gros véhicule reçoit l’ordre de flairer longuement ce bonhomme allongé, un beau spécimen de bagnard incroyablement armé, un prisonnier puisqu’il porte un scaphandre rouge aux marques distinctives du pénitencier BN/HM. Personne n’intervient du vaisseau pour se rendre à son secours, l’individu à l’implant muet semble bien étrangement l‘unique passager. Alors qu’il se relève péniblement et enlève un instant son lourd WGRGG pour soulager ses épaules, puis déconnecter ses cordons-sièges, on distingue dans son dos le matricule 50208. Karela observe comme les autres les images avec intensité, elle se tiraille pensivement le lobe de l’oreille :

 

– Les planètes pénitentiaires protègent trop bien leurs données pour qu’on puisse chopper un rapport sur ce vaurien, si c’en est un. Il porte des cams, c’est étrange. On est bien certain que ce vaisseau nous vient directement de 4887BN-Henrico Macias ?

 

– Oui, les données du plan de vol qu’on a intercepté sont formelles là-dessus. Voler un Sharsherman, quand même, ce serait un gars drôlement débrouillard, pour un légume. Jorg Glooniais, qui vient de parler, regrette pour une fois d’avoir enlevé son implant corporel, histoire de vérifier immédiatement quelque archive sur l’antécédent d’un tel cas de figure. Une première à ce que je sais. Une belle saleté de tueur décérébré, quoi qu’il en soit. Certains bagnards bossent quelquefois avec des caméras, c’est rare, mais moi ça ne me choque pas.

 

– On raconte que ces mecs sont lobotomisés par la justice, tout juste bons à casser de la pierre, comment l’un d’eux pourrait-il réussir à s’évader, en pilotant seul un Sharsherman orbital, en plus ? Disant ces mots, Karela se pince une nouvelle fois le bas de l’oreille à se l’arracher.

 

– Si c’est un fuyard, ça n’est pas un défédéré, fait Fanch, mais on ne bouge pas. De toute façon, les Panzigs de l’armée vont s‘occuper définitivement de son cas. Sans compter que cet engin crashé dégage peut-être sa surdose de radiations, le drone cast, ok, mais il reste muet là-dessus. Nous on ne bouge pas, cette épave est tentante, bien sûr, mais elle est loin. On ira l’inspecter plus tard évidemment. Ce type est dérangeant.

 

– On peut facilement sortir un Draxel Space Tank, insiste tout de même Jorg Glooniais, c‘est un engin rapide. En brouillant comme d’habitude nos positions. Un Sharsherman pas trop amoché, Fanch, tout de même !

 

– N’empêche, ajoute Karela, ce guignol reste dangereux, il est armé comme un bataillon.

 

L’arrivée des Panzigs apporte sans prévenir du nouveau et fait taire tout le monde. Ils l’observent descendre les astronefs en quelques minutes, sans aucune crainte de s’exposer. Cette action spectaculaire change la donne, il vient de clouer le bec d’une façon magistrale à l’ennemi.

 

– Ah ben merde, fait Glooniais, ce type a décidément des couilles, deux Panzigs à lui tout seul, imaginez un peu qu’il soit des nôtres !

 

– Ok, fait Fanch, peut-être qu’il le mérite, va pour un Draxel.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:46:36
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talbazar
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Posté le 11-01-2016 à 10:02:41  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 10.

 

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Après cet événement légèrement éprouvant pour les nerfs, ils rentrèrent tous les trois dans le loft de Martin, puisqu’il se savait pour le moment inconnu des autres. Sur une table du salon, le privé déposa son butin glané dans la caisse des cow-boys à présent noyés. Son pistolet resta sagement dans la poche de son manteau qu‘il accrocha à l‘entrée. Guy voulait revenir chez lui et fit son bordel un peu bruyamment, parce qu’on dérangeait ses petites habitudes, on le calma d’un sachet entier de biscuits apéritifs au bacon qu‘il commença à picorer en goinfre dans la cuisine. A cette occasion, Vaya découvrit en ouvrant le placard un autre pétard de 9 mm entre les nouilles et le riz. Plus tard, elle admira sans rien dire un gros 51 Remington sur la table de chevet. Ensuite, le couple excité quitta le perroquet pour se rendre dans la chambre. Ils avaient là finalement un doux compte à régler avec eux-mêmes. Assise sur le lit, Vaya croisa d’abord les jambes avec une forme d’étonnante pudeur, puis sans lâcher le privé des yeux, elle fit glisser malicieusement ses bas sur le sol. Elle descendit sa coquine petite culotte noire en dentelles avec cette fois un brin d’arrogance. Le temps est un joueur de poker habile et quelquefois chanceux, mais Martin avait bien l’intention de gagner cette partie contre lui, il balança ses cartes triomphantes en se mettant torse nu, puis il s’occupa de libérer pareillement les savoureux seins de Vaya. Ils les mangea comme on dévore deux fruits délicieux, ce qui le fit bander comme un damné. Alors qu’ils se couvraient tous les deux de caresses fébriles, ils s’égarèrent avec plaisir dans un labyrinthe de sensations, jouant tour à tour longuement de leurs corps énervés. Vaya, plus que troublée, très excitée, ouvrait plaisamment la bouche et Martin la fouilla sans attendre, en l’embrassant continuellement, puis il se glissa finalement en elle, savourant cette femme tellement désirable. Il se voulait doux, elle lui dénia cette attention et réclama d’emblée une relative brusquerie, le coinça fermement de ses cuisses en lui lâchant à l’oreille son prénom dans un souffle chaud, de plus en plus brûlant au fil de cet assaut impétueux. Elle abusa avec énergie de cet homme qu’elle désirait tout entier en elle, lui massacra de son côté gentiment ce corps sublime si totalement offert ; ainsi ils s’abandonnèrent mutuellement sur le lit à faire céder cette folle pression amoureuse, née dès le premier jour de leur rencontre. Dans l’éblouissement de cette flamme réciproque qui fusait enfin de l’ombre, la très jolie femme se découvrait un bel animal dans l’amour, au bout du compte ; étourdie d’être ainsi férocement trimballée, elle laissa échapper dans la chambre une chanson poignante. A l’aulne de leurs savantes caresses réciproques, ils prirent fougueusement la mesure de leur passion en massacrant sans pitié la literie au gré de bruissements sauvages. Et puis finalement, quand cessa tout martèlement, Vaya aux yeux humides et au sourire béat se fit plus câline, quand elle eut son content de plaisir, elle reposa alors avec tendresse sa tête enfin apaisée sur le puissant torse couturé d’un Martin satisfait. Sans savoir ce qui déclenchait réellement une telle hilarité, ils éclatèrent de rire au même moment. Ironisant sur l’intemporelle combinaison des cœurs, Guy siffla dans la cuisine qu’on le sorte de là, que c’était bien beau de baiser mais qu’on pouvait penser un peu à lui, parce qu’il avait depuis longtemps terminé ses biscuits et qu‘il en voulait d‘autres. Mais le détective s’endormit avec le glorieux sein rond de sa douce comblée dans la main, après l’avoir encore une ultime fois embrassé, terrassé lui-même de fatigue bienheureuse. En rajoutant l’envoi par le fond des deux tordus perceurs de coffre-fort, la journée commençait somme toute pas trop mal.

 

Il n’était pourtant plus question d’un holdup et Vaya s’était retrouvée contre sa volonté le cobaye d’une bien étrange expérience. Lorsque Martin se réveilla, il enfila un peignoir de dandy et se rendit dans le salon, où Guy regardait à la télé un documentaire exhaustif sur ces frimeurs colorés à grandes gueules de Toucans du Panama. Les papiers trouvés dans la bagnole des baigneurs ne donnaient pas grand chose, il verrait ça plus tard. Vaya se baladait à poil dans la cuisine en s’affairant à quelque occupation culinaire. Il s’approcha d’elle et lui posa brièvement une main sur le petit duvet de son sexe, puis il embrassa son amie en plongeant la tête sur sa nuque délicate, sans doute encore reconnaissant du plaisir qu’il venait de prendre en sa compagnie. Elle posa son couteau sur la table et le toisa d’un air soudain très sérieux :

 

– Faut que j’évite le Tripoli, hein ?

 

– Oui Vaya, ce coup-ci c’est grave. Faut que tu te mettes en arrêt, et tu vas vivre ici. Guy Ness lâcha aussitôt dans son coin un commentaire aussi rugueux qu’indéchiffrable.

 

– Je connais un médecin qui me fera ça. Mais faut que je prévienne la patronne, elle va pas mal râler, c’est sûr !

 

– Ta patronne ?

 

– Blanche Pearl, elle a hérité du Tripoli après la mort de son mari, c’est une veuve de 72 ans. Elle a encore pas mal de patate et elle empoigne les filles plutôt fermement dans sa vieille main.

 

Comme Martin lui caressait toujours les fesses, Vaya se mua en bastion inexpugnable et le repoussa fermement avec un sourire moqueur.

 

– A table, on va bouffer.

 

Après avoir obtenu son congé-maladie pour une très crédible chute dans l’escalier, Vaya s’installa donc chez Martin. L’endroit où avait basculé la voiture était un coin assez sauvage mais peu prisé des touristes en ballade, elle resta huit jours dans son jus avant qu’on ne remarque ses roues en l’air, Martin aurait parié pour moins. L’épave grouillait certainement d’un bon nombre de ses traces, mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. C’est toutefois sur une perspective de prudence qu’il reçut le coup de fil de Barracuda N’Dyé :

 

– Tu me connais, Martin, je fais mon possible pour sortir les inconnus du bataillon de la pègre. Je viens justement d’en récolter trois en train de prendre leur bain au pied de la falaise. En partie bouffés par les crabes, mais il en restait suffisamment pour mettre un nom dessus. Un dénommé Perry Gorret d‘abord, assassiné j’ai guère de doute, et puis hier j’ai rencontré Bonno Landru et Carlos Glaçon, qui ont quitté la route un peu brutalement. Avec dans le bide de quoi endormir un troupeau d’éléphant. Tu vois Martin, moi je découvre et je constate, mais je me demande si tu n’étais pas déjà au courant de ces faits divers ?

 

– Tout de suite les grands mots, Barracuda. Comme toujours, on utilise les services d’un détective pas très bien payé, pour que ce soit lui qui trinque.

 

– Je n’ai pas dit ça, Martin Smith. Mais faut qu’on se voit, tout ça ne sent pas bon.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:48:05
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talbazar
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Posté le 12-01-2016 à 08:36:09  profilanswer
 

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Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 1 - sur la queue du dragon. Extrait numéro 76.

 

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Complices d’amour en leur puissant castellum de Mouyse aux rues jonchées de pleurs, sorcière Gisèle de Lècheku et l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX, l’empaleur de Kiess, s’esbaudissaient sans plus finir de galanterie charnelle. Ils se levaient tard et se couchaient tôt, par joyeuses tentations de bousculades fornicatrices sous les opulentes tentures moirées. Gisèle goûtait moins d’être la dixième en bled paumé que d’être la première dame au château, aussi incarnait-elle le plus souvent possible pour le tyran sa déesse aux mille bouches, véritable héroïne de l’amour, avec tout le charisme et l’énergie d’une conquérante pleine de noblesse. Non sans un remarquable sens de l’honneur, car elle acceptait de sa membru vigoureuse autant de coups de fouet sur les fesses qu’elle lui prodiguait de pompeuses révérences au pied de ses genoux cagneux. Dans la salle du Trône, arquée sans façon sous le grand dais royal, elle le laissait lui laborer gaillardise avec un long pied de console en bois sculpté, sous les flatteries de sa véhémence coutumière et sa bonne jovialité. Elle lui disait en rigolant que c’était toujours ça que la reine Amanda n’aurait pas. Puis elle se rhabillait, laçant sa cotte en le flattant pour lui jaser qu’il était un roi exceptionnel, le plus subtil qui soit, car elle imaginait sans peine à ses côtés sa vie de future impératrice du Minouland, peut-être occupée à moderniser bellement la couronne, puisqu’elle n‘était point sottarde de poule.

 

– Ah, lui disait-elle charmée, on se mariera nous-deux au son de la chabrette, et puis tu me feras les enfants du bonheur, car j‘en voudrais dix en portée.

 

Lui la mettait physiquement encore et encore, mais il n’oubliait pas la grande science de la métaphysique dont elle faisait preuve, car la petite Marie Stetarte lui avait suggéré que sa sorcière s’était servi de magie noire pour rajeunir, ce qu’il ne pouvait croire. Il se disait à lui-mefme que la déposition de la veuve de Baristan ne pouvoit provenir que de vilaine rancœur dû à l’emprisonnement, et que tout ce qu‘elle lui avait narré n‘était qu‘une série d‘odieuses menteries. Il en avait toutefois en secret cassé tout net un éperon dans sa main à la pensée d’une certaine vérité. Car un jour, en la bisouillant sur le nez, il avait repéré sur elle un poil blanchi, imaginant aussitôt empoigner par tromperie à soy-mesme une menue drôlesse, crochue de membres raidis, toute ridée et vilainement moustachue, aux yeux chassieux, aux dents chancreuses et noires, au nez plein de morve et la voix tremblotante. Et cette vision d’horreur ne cessait de venir hanter dans son sommeil chacune de ses nuits. Le tyran avait cependant grande peur de ces noires idées, car Gisèle de Lècheku devinait tout. Il aurait bien voulu par vengeance écarteler Marie sur la grand-place de Mouyse, mais le splendide portrait qu’elle peignait de lui n’était toujours pas terminé. Un jour, les gardes de la grille vinrent l’avertir de l’arrivée dans sa banlieue d’Olbo Zgeg, le chef de la tribu des Zgomatix, avec ses innombrables télègues menées par de gros buffles sales, suivies par une marée de guerriers irascibles autant que chapardeurs. Tirant fort sur son frein, Olbo Zgeg au gros pif gara donc son cheval non ferré près du palais pour rencontrer Vazy, car il avait des choses à dire. Afin de s’accoisser, Gisèle alla passer sa longue robe noire ourlée de satin bleu, dont le tissu laissait fuir aux lumières des chandelles de beaux reflets d’argent. Assise sur le trône en compagnie du roi de Mouyse, elle en bâilla facile deux tours d’horloge, car aucun de la guette de daigna faire le guide au Zgomatix jusqu’à la salle d’honneur, puisqu’ils maudissaient tous les maroufles du pays de La Godée. Le barbare se présenta enfin devant le roi, accompagné de quinze barons, tous affublés de casques à cornes et de sabres effilés.

 

– Salut à toi, sieur Olbo Zgeg le grand tarbouif, on me dit que tu campes à l’orée de mon fief ?

 

– Comme convenu, messire l’Ovoïde, avec 10.000 soldats pour vous aider à guerroyer Amanda Blair, la reine du Fion.

 

– Si fait, et tu me voies bien aise de ta venue. J’ai donné l’ordre de porter dans ta tribu bon vin de la treille issue des caves de notre évêque monseigneur Robert Laygros.

 

– Grand bien merci. J’ai justement à vous parler de lui.

 

– Sa majesté le Saigneur des agneaux t’aurait-il refilé du vinaigre en douce, histoire de carotter ?

 

– Non point. Il se trouve qu’en baguenaudant dans la contrée de Kiess, j’ai rencontré des moines de la Commanderie d’Aufesse, une vague seigneurie de l'Ordure des Hospitalisés de Sainte Kramouille. Ceux-là m’ont fait bien vilain sort en forêt de la Kounass, mais j’ai par bonheur survécu. Ils m’ont dit apporter dans ta cathédrale une sainte relique nommée L’Œil de dinde, comme qui dirait bijou magique. Or, ce cadeau n’est qu’un faux, car j‘ai entendu dire.

 

– Foutrekramouille ! Fit Gisèle, car elle avait bondi. Je connais le pouvoir de ce sceptre ancestral atteint de sorcerie. Et ce Robert qui n’a rien dit, c’est un crime devant vous, Vazy !

 

– Allons, fit l’Ovoïde en regardant sa mie courroucée, calmez-vous, puisqu’on dit qu’il est faux.

 

– Contrefaçon ou pas, ce curé mérite raclée pour son silence, puisqu’il s’est bien gardé d’exposer la chose devant témoin. Moi seule pourrait vous dire ci ce bijou n’est pas valide. S’il était pur, c’est à vous seul qu’il reviendrait en prime.

 

Le chef des Zgomatix n’estoit point fâché de son effet, car il savourait la vengeance qu’il allait bientôt prendre sur Robin qui boit et ses amis. Le roi de Mouyse frisait moustache, bien embêté d’ouïr ces étranges jacasseries :

 

– Monseigneur l’évêque Robert Laygros est chef de la sacrée congrégation des rites de Notre Sainte Kramouille, point ne saurait prendre d’assaut l’archevêché, qui ne saurait être conchié. Même si j’en ai trop rien à braire d’être entendu en confession, il y aurait pour le peuple grand sacrilège à l‘ennuyer.

 

– Rendez vous-y et voyez-le, messire, pour en avoir le cœur bien net. Olbo Zgeg gratta son nez, qui descendait sur la poitrine. L’Œil de dinde n’est pas vraie relique, le blasphème provient des moines eux-mêmes, car je suis sûr que ces gueux insolents sont en fait de vils espions à la solde du Fion.

 

– Très bien, fit Métoian, merci beaucoup, monsieur le Zgomatix, vivez en attendant de mes bienfaits. Il me faut vérifier d’une façon plus formelle l’hypothèse avancée.  Demain matin, je me rendrai en cathédrale et vous ma douce Gisèle, vous saurez bien m’accompagner.

 

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Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : Image vintage, piquée du net.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:51:42
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talbazar
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Posté le 12-01-2016 à 19:17:12  profilanswer
 

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Aujourd'hui : Moins belle, la vie. Extrait numéro 71.

 

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A la suite de l’affirmation péremptoire de Cassandra, Gwendoline s’était effondrée. Sa consommation déjà conséquente d’anti-dépresseurs piochés dans les réserves passait chaque soir du simple au double, sinon, elle ne pouvait trouver un repos susceptible de la réparer. Elle continuait sa garde rapprochée auprès de Jason, mais les murs de la 265 ne résonnaient plus à présent que des éloges admiratifs qu’ils proclamait sans fin à l’égard de Cassandra, louant son courage et sa façon de s’asseoir. Petit cœur brisé par le désespoir, Gwendoline n’en pouvait plus de l’entendre lui parler de l’aide-soignante en termes aussi flatteurs. Il lui fallait puiser en elle des trésors de courage pour continuer à travailler. Elle tripotait désormais bandages et compresses les yeux dans le vide, ayant même renoncé à customiser sa blouse pour attirer l’œil de Jason. Elle avait d’ailleurs de plus en de mal à coordonner ses chaussures avec la couleur de ses fringues. Est-ce que sa vie aurait été plus chanceuse si, comme le voulait son ex beau-père, elle avait joué les modèles devant un photographe de mode ? En aucune façon, se disait-elle, puisque Jason aurait très bien pu de son côté être celui qui l’aurait prise nue devant son objectif, avec une garce d’assistante dans le genre de Cassandra agissant derrière les projecteurs. Une salope qui n’aurait gardé que les pires clichés au moment du tri. Jason était fou de s’attacher autant à de telles créatures. Savait-il que elle, Gwendoline Nathan, infirmière diplômée, déménagerait sans piper s’il le demandait à Dalanzadgad avec lui et les cinq filles qu‘elle lui élèverait ? À l’arrivée, se doutait-il qu’elle ferait l'école à la maison pour ses quatre grandes et sans doute la bonniche ? Et à chaque fois qu’elle y pensait, elle pleurait, mais jamais devant lui et plutôt qu’être amoureuse, elle aurait préféré être aveugle de naissance. Cassandra l’amputait tout simplement de toute séduction et la laissait dépressive, frustrée, si paumée qu’elle se sentait proprement exilée d’elle-même. Malgré-tout, à chaque fois qu’elle refermait la porte de la 265 en ayant fait au-revoir des doigts à Jason, elle avait presque le sourire aux lèvres de l‘avoir vu, l’esprit un plus léger de l‘avoir cotoyer, et elle affrontait le linoléum avec un esprit à peu-près apaisé. A condition de ne pas croiser trop tôt l’autre putain rousse dans le couloir 14/18. Elle avait toutefois obtenu de Babette que celle-là n’approche pas trop de la chambre du patron.

 

Père Albin Michel avait quand à lui d’autres chats à fouetter. L’éclésiastique urophile campait avec entrain près des sanitaires du premier étage, son Livre à la main. Il s’était fait répéter cent fois l’agression dont le docteur Halrequin venait d’être l’heureuse victime, uniquement pour s’imprégner des circonstances précises de son sauvetage par Cassandra, en se pourléchant avec gourmandise du simple fait d’imaginer ce moment précis où elle était allé se soulager sur la cuvette, ce qui lui importait largement plus que de la visionner mentalement en terrifiante et rousse Valkyrie vengeresse, puisque la violence engendre la violence, et qu’il y aura des tremblements de terre, des famines, des épidémies, et que tout cela ne sera qu’un commencement. Bien entendu, parce que tu m’as vu, tu as cru, et heureux ceux-là qui accepteront de croire sans avoir vu, certes, mais lui, il voulait voir. C’est pourquoi il avait discrètement percé les murs de toutes les toilettes des femmes de la clinique Saint Bernard. Ainsi, passant d’un étage à l’autre, visionnait-il dans le secret de son âme des pêches vraiment miraculeuses, lorsque certaines déversaient par leurs flancs et l’intermédiaire de leur petit mont des béatitudes, autant de bien-aimé liquide que l’on pouvait en compter dans les eaux du lac de Tibériade. Evidemment, c’était un peu risqué et il avait à chaque fois une petite pensée pour sa mère, mais sa grande manie paraphilique l’envoyait pour ainsi dire à chaque fois aux cieux. Avec les anges, qui ont peut-être un sexe, après tout. Il redoutait quand même un peu le regard suspicieux du médecin psychiatre Edouard Grasset, individu satanique qui proclamait ouvertement à chacune de leurs courtes entrevues qu’il n’avait pas la foi. Fort heureusement, cet athée mécréant possédait un cabinet en ville qui l’occupait beaucoup, compte tenu de la nature même des suisses à révéler de nombreux désordres. Le psy n’était donc présent dans la clinique que par courtes intermittences, pour y traiter notoirement les cas les plus ardus, en particulier dans la clientèle haut de gamme. L’aumônier était donc posté comme chaque jour devant les sanitaires du couloir Albert Schweitzer, lorsqu’il vit s’approcher Véronique Bayard, la petite stagiaire de la réception. Alors qu’il faisait mine se s’intéresser à quelque tubulure de perf posée sur un chariot, il la vit s’approcher vêtue d’un tailleur et de talons hauts, sans s’occuper de lui. La jeune fille de bonne famille chaussée de lunettes s’engouffra dans les toilettes et père Albin prit faction dans la cabine voisine, aussi étroite qu‘un confessionnal. En plein rituel zen Japonais, excepté que la pisse de mademoiselle allait remplacer le fameux thé pour l’aumônier. «Wa» pour l’harmonie, «Sei» pour la pureté, «Jaku» surtout, pour la tranquillité, mais sans doute laissait-il au vestiaire «Kei» l’inutile respect. Grisé par l’odeur de produit chimique, une grande fraîcheur l’envahit à la manière d’une douche intérieure, lorsque Véronique releva sa jupe longue.

 

Si tu ne viens pas au divin, le divin viendra à toi. C’est pourquoi il se penchait sur sa dure contorsion, l’œil rivé au petit trou dans le mur, car il attendait que se remplisse pour lui le bol sacré, en joignant les deux mains sur son petit Jésus qui venait subitement de grandir. Mais rien ne se passa comme il l’espérait, car Véronique s’affaira à remplir près de la cuvette un tout autre cérémonial, bien éloigné en revanche du « Cha no yu ». Elle avait posé son sac sur le sol dans lequel elle piocha pour en sortir un petit cutter de bureau avec lequel, loin de l’agitation du monde, elle se laboura superficiellement la cuisse. Si le but de cette automutilation sanglante était de se retrouver elle-même, elle perdit sur le champ son discret spectateur. Point de contemplation du Mont au clair de lune, aucun déchainement grandiose des grandes eaux de Versailles, il regardait cette idiote et sa tête bizarre hérissée de chimères se zébrer la peau avec son rasoir, partir vers le ciel à coup de lame sans doute rouillée, et la blague coupa court à toute divine érection. Père Albin veilla juste à ce que l’impie ne l’entraine pas davantage dans ses égarements, et il chercha à demeurer plus ferme dans sa foi. Véronique remisa son cutter dans son sac, fouilla pour y trouver quelques pansements, puis elle désinfecta ses nouvelles plaies d’un peu d’alcool, avant d’y coller ses sparadraps. Ses cuisses dénombraient une quantité incroyable de griffures plus anciennes. Sur cette terre, les bons et les mauvais devront par la force des choses vivre en contact les uns avec les autres, mais père Albin se crut bien condamné de punition éternelle, devant les agissements coupables de cette petite maso. Elle eut ensuite un autre mouvement pour s’emparer d’un étui de cigare, qu’elle se fourra là où je pense, avec sur le visage l’air d’être projetée dans la fournaise ardente et terrible de l’enfer. Prend garde, Véronique Bayard, pensa le père Albin en train de se finir en même temps qu‘elle, car tu bâtis ta maison sur du sable, les averses arrivent, les torrents s’écoulent, enfin normalement ils devraient, les vents se déchainent et ta maison s’écroule sur un monceau de ruines. Il laissa cette petite dingue sortir bien avant lui, elle n’avait même pas uriné.

 

Grâce à l’arrestation de l’agresseur de Jason, la police venait de remonter la trace de Danielo Filipacchi, avec la preuve qu‘il était bien responsable de l‘explosion de l‘hélicoptère. S’en était suivi une intense fusillade dans la suberbe villa Tessinoise du mafieux, qui avait trouvé la mort au cours de l’intervention, avec deux de ses hommes. Tout le reste de la bande était à présent sous les verrous. C’est pour annoncer cette très bonne nouvelle que Gaston Denoël et le commissaire Mensinq se rendirent au chevet du docteur Halrequin, afin de lui dire qu‘ils cesseraient bientôt de surveiller la clinique, et lui garantir qu’il n’aurait plus rien à craindre de cette histoire, mais juste à en ressasser le mauvais souvenir.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:53:26
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talbazar
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Posté le 13-01-2016 à 12:50:59  profilanswer
 

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Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 47.

 

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L’espion Valisansoùth comptait ses biftons dans la clarté tamisée d’une pauvre lampe à huile en faïence bleue, décorée par des hiéroglyphes de pub pour des bougies de litière. Raz-le-bol de voir la sœur du roi dépenser si peu, raz-le-bol de voir presque intégralement partir l’argent qu’elle lui donnait dans les poches des assassins qu’il embauchait jusque-là en pure perte. Raz-le-bol de la monodiète et des privations, assez de ma jeunesse en train de disparaitre sans devenir riche et célèbre, se disait le jeune chef d’entreprise sans femme ni enfant. Plein le dos également de la navrante pollution de Thèbes et de ses sempiternels embouteillages de litières aux heures de pointe, appelées ici les heures d‘obélisque. Plein le cul de toute cette branchitude méprisante et snobinarde du palais pharaonnique qui l’ignorait encore. Frange mal peignée sur le front et tempes rasées, il constatait qu’un quart seulement de cet argent que Schrèptètnuptèt lui avait prêté pour acheter des tueurs lui aurait été suffisant pour finir le mois de Mehir en beauté. Il l’aurait bien fait chanter, cette crâneuse, en menaçant de raconter partout qu’elle se faisait scandaleusement poutrer par son frère Ramassidkouch ; mais en réalité, tous les nobles de Thèbes le savaient, et ça n’était une révélation bien gardée uniquement pour la reine, partie bien loin dans le sud. Sans compter que l’esclave musclé Mer-Amen Tesmich cultivait à coup de tartes dans la gueule une efficace culture de l’aveu. Toute vérité n’était pas bonne à révéler et le non-dit protégeait précieusement sa patronne ; clarté et franchise sur ce point n’auraient finalement conduit Valisansoùth qu’à patauger dans un bassin sanglant bourré de crocodiles affamés. Intérieurement, il nourrissait cependant pas mal de rancœur, mais il n’avait pas d’autre choix que d’obéir à celle qui le payait. Il se demandait en revanche comment réagirait Néefièretarée à l’annonce de ce secret de famille. Nul doute que l’événement pourrait immanquablement la concerner, ça et le fait de savoir sa belle-sœur occupée à toutes les tentatives pour la trucider, ce qui ne devrait certainement pas lui faire plaisir.

 

Tranquillement, il opéra une sorte de mise à distance. Jusqu’à présent, pour lui, l’avenir s’arrêtait au lendemain, car rien ne pouvait se trouver plus déstabilisant que les variations des cours mondiaux du tissu antique. Son grand livre de comptes n’était bien trop souvent qu’un triste papyrus de souffrance. Ses poings se sérrèrent, un flot de sang se mit à envahir son crâne en faisant flamber ses yeux colériques à la vue de son chiffre d‘affaire, mais au lieu de céder à la crise nerveuse, il fut séduit par une logique brutale et doucement bercé par le lent engrenage de ses idées. Il se tourna et éteignit la lampe pour mieux penser. Dans l’obscurité, une idée principale vint particulièrement éclore dans toute cette cogitation qui s’installait en lui, il sua de sa chair et le soleil éclaira l’ombre, puisque dessiné sans doute en lui par l’aile bienveillante d’Horus, Valisansoùth fomenta le projet de descendre en personne dans le sud, pour rejoindre la ville d’Halopolis. Ou il tuerait Néefièretarée de ses propres mains, gagnant ainsi la faveur du palais Thébain et son poids en or, ou il révélerait lui-même à la pharaonne toutes les manigances menées contre elle, deux options qui lui permettraient à égalité de pouvoir s’offrir une belle villa, avec dans le garage une superbe litière germanique haut de gamme, à seize porteurs. Il ne lui resterait une fois rendu là-bas que l’unique embarras d’aviser laquelle serait la meilleure alternative. Question d’opportunité bien évaluée. Avec l’or confié par Schrèptètnuptèt, il pouvait largement se payer le voyage. Bien que leurs intérêts soient évidemment divergents, l’une ou l’autre femme le gâterait de baisers, tout en le faisant jouir de sa protection, mais il fallait bien la choisir. Le bonheur de vivre joua longtemps dans son corps avant qu’il ne s’endorme, tout à la joie intense de pouvoir s’offrir un jour un chapeau aussi délicieux que luxueux. Puis, lorsqu’il ferma enfin les yeux, il songea longtemps que sous l’azur flamboyant du ciel, l’une ou l’autre des deux royales gonzesses s’enfonçait petit à petit dans le sable mou du désert jaune, alors que lui en rajoutait des tonnes dessus avec sa pelle. Puis il dansait autour du trou qu’il venait de reboucher, avec la couronne d’Egypte sur sa propre tête. Mais bien entendu, tout ça n’était qu’un plaisant rêve.

 

N’empêche que le lendemain, il barra soigneusement sa porte bleue et s’en alla au souk pour y quérir un âne plus ou moins solide. Un bourricot d’occasion précocement vieilli à coup de badine sur la carlingue, mais encore bon d’usage et surtout pas trop cher. Une fois grimpé dessus, il fit marrer les gosses et l’admiration de quelques touristes gaulois, puis il prit la direction des faubourgs de Thèbes. Il avait dans son balluchon du fromage et des bananes, du saucisson, de la bière chaude et du gigot d’oie. Il n’avait qu’une seule certitude, c’est qu’il n’était pas rendu, et il priait Seth que Schrèptètnuptèt, et par dessus tout son esclave, ne s’aperçoivent pas trop vite de son absence. Le principe était de rejoindre l’une de ses propres caravanes près de l’oasis de Patatra, puis de se laisser porter vers son admirable destinée, la seule qui puisse lui permettre d‘échapper au présent tellement désespérant. Et pouvoir saisir enfin tous le bonheur de l’existence dont il rêvait depuis hier. L’âne avait de la volonté et bien souvent Valisansoùth dût lui obéir, ce qui n‘empêcha pas le bestiau de rester immobile des jours entiers sur la plaine sablonneuse, les yeux plantés dans ceux de l‘espion, aux prise à ce moment là avec de lamentables idées de méchoui de baudet. Une torche en feu plantée dans son cul se chargea tout de même de faire taire les ratées à l’allumage de la bête et la fit devenir finalement plus véloce. Ce n’est cependant qu’au bout de deux longues semaines que Valisansoùth atteignit Patatra, où se trouvaient installés les bédouins de sa compagnie auto-gérée, mais commandée ce jour-là par un type nommé Tépénib.

 

– Par Osiris, firent les chameliers en salopette en le voyant arriver, voilà le patron !

 

Assis sur une valise en cuir, Tépénib était en train de décrypter un papyrus de boules déroulé entre ses genoux. Il y portait ses propres annotations avec une tige de jonc trempée dans un charmant godet. A la vue de Valisansoùth, il remisa rapidement son ouvrage.

 

– Ah, mais salut à toi, Valisansoùth, qu’est-ce qui t‘amène ici ?
–  Un âne à moitié con. Tu as bien l’intention de te rendre vers le sud, non ?

 

– C’est exact, histoire de faire le plein de couvertures d’Assouan et de boubous d’Afrique, en échange de kilts écossais. On fait avec la crise, mais y’a une demande de kilts en Arabie.

 

– Bien, fit Valisansoùth, je vais donc descendre avec vous et vous tenir compagnie.

 

– C’est pas un problème, monsieur le directeur, fit Tépénib en matant un paysan nettoyer au loin son petit canal, j’ai de la place dans ma tente.

 

 Sa femme Amétatla jeta sur le sol sa brassée de fagots. Elle tira nerveusement les pans de sa perruque pauvrement décorée :

 

–  Ben tiens, je vois que personne ici ne me demande mon avis.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:56:33
n°44497588
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 14-01-2016 à 14:05:41  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 18.

 

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Grâce à l’expertise d’Arnold Montburg venu seconder Emeline et Basile aux commandes de la Marie-jeanne, la petite fusée en perdition joue malgré-tout de magnifiques loopings dans l’espace, mue par la formidable poussée de ses puissants réacteurs zionniques et leurs stupéfiantes accélérations. En dépit du froid intense qui n’empêche heureusement pas les instruments majeurs de fonctionner, la conclusion du pilote venu du transbordeur admet que le vaisseau terrien se présente comme une belle bête docile à souhait et très facile à manœuvrer. La radio anéantie par les ondes magnétiques virulentes du trou noir pose en revanche un sérieux problème et ne fonctionne toujours pas, de même que la vidéocast du bord ; l’équipage semble perdu dans un secteur inconnu de l’Eperon d’Orion, sans dramatiquement pouvoir communiquer avec quiconque. Pour cette fâcheuse raison, hors de portée du moindre implant, incapables de signaler leur position, ils n’ont par ailleurs aucune nouvelle des trois Shaleclairs Thunder Flash X-40 chargés normalement de venir à eux. La vérité les oblige à admettre qu’il dérivent dans un secteur galactique complètement isolé, sans doute largement éloigné de toute colonisation. Il n’y a guère de chance de croiser ici un transbordeur minier, comme le regrette du bout des lèvres le capitaine Merval, en offrant une image qui n’est plus que l’ombre de lui-même, car le commandant se montre sans le cacher douloureusement atteint par la perte du So long sucker et surtout de son équipage. Les holocartes visionnées n’offrent sur la position de la Marie-jeanne absolument rien d’optimiste. Une seule petite planète habitable parait relativement proche, ce qui représente tout de même pas mal d’értons, mais en dehors de son nom, 8495SK - Rolling Stones, les archives ne livrent pas grand chose, sinon qu’elle offre une atmosphère respirable, pas d’océan mais une couverture végétale colossale. Il est fort étrange qu’une défédération ne l’ai toujours pas prise en charge à ce jour.

 

Petit à petit, les passagers apprennent à se connaître et se racontent leur vie pour passer le temps. Jhon Piol s'intéresse par exemple ouvertement au dépucelage d’Emeline, qui le rassure en affirmant qu’elle n’a jamais regretté la perte de son innocence par un défloreur agréé, et Charlie raconte sans rire comment l’armée défédérée terrienne a refusé de l’enrôler après ses tests de recrutement, pour cause d’agressivité. Histoire de réparer ses propres conneries, Basile laisse tomber un temps la réparation de la clim à laquelle s’attèle toujours Kishi Kikurséwawa, pour débarrasser l’astronef des restes du Blauquevécé ; cette merde hideuse s’est en effet mise à fondre partout dans le cockpit en engendrant une purée nauséabonde, verte et dégueulasse. Aidé par Charlie Badelaire, heureux de son côté par la trouvaille de l’atomic pistol et l’autre lasergun dont il s‘est emparé, ils utilisent hardiment sanibrosses et raclopelles pour flanquer le cadavre éparpillé du monstre dans l’espace. Quand à elle, Emeline passe son temps à envoyer bouler Jhon Piol Balmundo, en lui reprochant d’avoir un peu trop souvent les mains baladeuses. Elle est cependant soulagée de devoir porter son scaphandre, tant que la climatisation ne refonctionnera pas. Elle rappelle aussi plusieurs fois à Jhon Piol, gentiment mais fermement, qu’elle est mariée à Basile et qu’ils ont, eux, un permis de pornifier dûment certifié par les autorités terriennes. Et qu’en plus, elle trouve l’ex-second du So long sucker moche comme un cul, sans compter qu’en comparaison l‘haleine du Blauquevécé n‘était rien à côté de la sienne.

 

Si lui avoue regretter son chat dont il semble faire aisément son deuil, l’attitude de son ancien commandant ne cesse en revanche de l’inquiéter. Au fil des jours, le capitaine Merval se montre en effet de plus en plus taciturne et reste prostré dans son coin, refusant d’avaler la moindre pilule alimentaire. Les yeux perdus dans le songe d’une dangereuse nostalgie, il semble insensible aux bricolages de l’équipe, ne participe plus à aucune conversation, et ne plonge dans la malheureuse aventure de ses collègues qu’avec une inquiétante et mélancolique indifférence. Cette attitude de la part de cet homme qui paraissait tellement solide ne laisse pas d’étonner les autres. La perte tragique de son bâtiment et de ses hommes semblent l’avoir pour ainsi dire déconnecté de lui-même. Si, au bout de quelque temps, la coexistence morose qu’il leur propose n’est en rien conflictuelle, elle plonge tout le monde à son égard dans un triste malaise. L’épaisseur de son personnage d’allure coriace semble en réalité s’être complètement dégonflée. Un matin, guidé enfin par un sursaut d’énergie que les autres approuvent, il semble quitter sa léthargie pour descendre en soute. Mais hélas, Basile s’aperçoit trop tard qu’il vient de pénétrer en sas, puis, sans avoir donné clairement d’explications à son geste de désespoir, il dépressurise et ouvre le flanc de la fusée sur sa mort en basculant dans le vide spatial. On le regarde un instant dériver près de la fusée, puis son corps flottant disparaît à la vue, avec ses souvenirs figés et ses regrets non-dits. Le cerveau des hommes n’est pas une machinerie équipée de valves pour en chasser culpabilité et chagrins. Sans doute avait-il en tête en accomplissant son geste irréparable, non pas les navrantes images du désastre engendré par le trou noir, mais une ultime vision de son Space Captain Trophy, affiché glorieusement dans le cargo sur le mur de sa cabine. Basile et Emeline, Arnold, Charlie, Jhon Piol et Kishi ne sont pas pour autant des marionnettes privées d’initiatives, et après avoir avoir encaissé ce nouveau coup du sort, ils essayent à présent de se concerter pour se tirer d’affaire. Le fait est que la situation délicate ne leur offre guère de possibilités. Une fois de plus, alors qu’ils se réunissent près du container des rétrofusibles et ses gros tubes de verre remplis d’électricité statique, Basile se montre obligé de mettre les points sur les i, lorsque l’ancien second du So long sucker se montre avec Emeline un peu trop tactile. Si ça ne fait pas rire la copine, ça n’a pas non plus l’air d’être gagné.

 

Un moment, Basile et Kishi, leurs scaphandres maculés par la collante cire de Désirium, apparaissent en sortant par la cheminée d’accès du second étage avec un air triomphal. Le premier, Kishi passe la tête par l’écoutille pour annoncer la bonne nouvelle :

 

– Cool, j’ai réparé la tuyauterie principale de l’isothermo, on peut se mettre à poil !

 

La Marie-Jeanne retrouve effectivement une douce tiédeur, et chacun se débarrasse enfin de son scaphandre, pour retrouver avec soulagement la nudité bienvenue en vigueur dans toutes les défédérations. En effet, se montrer en habits peut même, comme sur Terre, être puni d‘un dangereux plongeon chez les rampants. Si aucun article de loi de l’Ode civile n'interdit clairement de mettre des fringues dans les barres, l'article SKL-02 du code défédéral terrien énonce clairement que : « l'exhibition vêtue, non commandée par la nécessité de vêtements, imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards des citoyens, en dehors par exemple de toute tenue de pilotage ou combinaison spatiale nécessaires aux voyages intergalactiques, sera punie par une descente au sol de deux heures environ.» Mais en réalité, peu de monde désire se balader habillé sans savoir ainsi qu’il choquerait. Car il n'y a pas que la rigueur d’une loi défédérale pour empêcher de se promener tout habillé, mais aussi le sentiment obscur qu’il y aurait, dans cette pratique oubliée et choquante, quelque chose susceptible d’être cachée aux autres. Une heure plus tard, alors qu’enfin libérée de sa combi, elle est en train de vérifier sur un écran le bon fonctionnement de l’échangeur de chaleur zionnique secondaire, Emeline se retourne, puis s’immobilise devant Jhon Piol Balmundo, écarte les jambes, tend le bras et lui en colle une sévère.

 

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Revue de presse.

 

AUjourd'hui : il sortait sa saucisse.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 09:58:44
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morte la bête, mort le venin
Posté le 15-01-2016 à 08:39:36  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 01.

 

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Les vies et l’œuvre de Gaston Boudiou  (1953-2023)

Biographie préfacée par le pro-fesseur Talbazar

 

Créateur et directeur de la moyenne Encyclopédie interactive, député-maire (PS-3) de la ville de Troulbled, Expert Psyentifique, Docteur es-Sens, diplômé de la Faculté d'Enrir ( Costa- Brava), Spécialiste en Matières, Ancien interné des hospices de Kui-douze (Kuibekistan), Désagrégé d'histoires, Chevalier des Chiffres et des Lettres, Secrétaire perpétuel de l'Alcoolémie Française, revers de la médaille d'or au grand concours Lépine, Maître de confidences à l’Univers cité, renvoyé spécial d'une presse spécialisée, Anormalien, docteur des tas, professeur honoré de langues, Président Ouvrier Général des Entreprises H.A.R.D.I.E.S, Spécialiste des marchés fiancés, Grand Commandeur de la Légionnellose d‘honneur, Médaillé de l’Ordre Régional des Pannes Académiques, et Maître à pioncer.

 

Extrait n° 01

 

Préface

 

Dès sa naissance à Troulbled, Gaston Boudiou connut l’incommodité d’une entérite aggravée de constipation chronique suivie de coliques absolument désastreuses. A trois ans, il décida d’orienter son lit autrement, bénéficiant pour cela d’une mère courageuse et d’un père souvent à l’écoute, bien que toujours ailleurs. Ce fut le début d’une longue prise de décisions qui retentissent encore en nous, grâce à lui, avec un écho particulier. Biographe de référence des hommes de goût, en nous dévoilant la vie admirable de Boudiou, Talbazar fournit un témoignage aux révélations inédites, et le seul ouvrage sérieux jamais écrit sur le célèbre Troulbézeu. Il fallait parvenir à appréhender avec une certaine pudeur ce que cachait le conte de fée de l’existence d’un Gaston Boudiou au don de visionnaire, inventeur entre autre de l’allumette bipolaire, sans chercher à interpréter ce qui a vraiment existé. Surtout ne pas tomber dans le travers hagiographique que l’on a tant reproché au réalisateur Max Moildo pour son film « La continence perdue », et qui retrace avec la verve qu’on lui connaît les carrières extraordinaires de Gaston Boudion. Pas de détournement de l’histoire dans ce livre, donc, mais un récit lucide sur la figure incontournable du bar des Goélands que tout le monde regrette à Troulbled et dans le monde contemporain.
 
 Objectif dans son récit, Talbazar comble notre lacune, en ayant accès à toutes les lettres en version abrégées de Gaston Boudiou, dont la traduction en patois de Troulbled restera malgré-tout à jamais parcellaire. Il  reste le biographe le plus qualifié puisqu’il est certainement celui de sa génération qui connaissait le mieux Gaston. Cet ouvrage nous rend ce dernier enfin accessible et apporte beaucoup de lumière sur le sujet, sans le souci exagéré et permanent de l’exactitude, en cherchant par ses sources à nous faire partager la psychologie, les ressorts et les difficultés émotionnelles de Gaston Boudiou. Si cette généreuse biographie ne perd jamais le contact avec les faits, le lecteur qu’intéresserait la pensée de Gaston Boudiou devra sans doute chercher ailleurs, en prenant sans doute le risque d’en avoir certainement une vision déformée. Il y avait nécessité pour Talbazar d’établir une biographie systématique et structurée, avec toute la contrainte pesant sur l’historien et qui veut tout savoir sur une foule de détails, en dépit de nombreuses sources disparues. C’est l’intérêt que présente cet ouvrage substantiel qui ambitionne de reconstruire l’histoire d’un homme et de son époque, dont le lecteur francophone est si démuni. Mais ce que nul ne saura jamais restituer, c’est la propre voix éraillée de Gaston Boudiou lorsqu‘il commandait un demi.

 

Pro-fesseur Talbazar


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 10:00:43
n°44507571
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-01-2016 à 11:43:26  profilanswer
 

Salon des inventions.

 

Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : L'allumette Bipolaire.

 

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Le constat est peut-être navrant, mais il est parfaitement clair. Avant la fin de l’année, la dernière goutte de pétrole aura certainement disparue, selon une estimation conjointe assez précise de Mr l’abbé Julio et du pro-fesseur Talbazar. (L’Occident au bord du gouffre : champs pétrolifères sur la scène contemporaine et problèmes d’alcool induits / Abbé Julio - in J’aime Lire, éditions Bayard, peut-être 1968. ) Non seulement il deviendra impossible de continuer la fabrication des briquets jetables, mais nous n’aurons plus la possibilité de les remplir. L’assèchement prévisible des réserves pétrolières, qui n’ont sans doute aucun rapport avec les évènements orientaux actuels, est assez anxiogène, il n’est donc plus question d’arrêter de fumer. Seulement pour ce faire, il nous faut du feu. Sans briquet, l’humanité devra revenir aux bonnes vieilles allumettes, qui ont dans leur principe sympathique fait la preuve de leur efficacité. Dans nos appartements désormais privés de chauffage, on grattera nos petits bâtons pour allumer notre bougie afin de nous éclairer. Une fois qu’on aura fait l’impasse sur la médiocrité d’une civilisation aussi dépendante du pétrole, on cuira nos nouilles sur le feu de bois allumé au centre du salon, avant d’aller trouver refuge au fond de la piscine. Un principe d’économie régnera sur toute chose, y compris les plus insignifiantes, les allumettes aussi.

 

Prévoyant peut-être lui-même la disparition de la Sainte-Huile, L’idée d’une allumette bipolaire est d’abord née dans l’œuvre impérissable de Gaston Boudiou, et la Moyenne Encyclopédie doit rendre à Gaston ce qui est à César. Malheureusement, la feuille sur laquelle était tracé le plan unique de sa géniale invention aurait brûlé. Guidé au départ par la grande esthétique de l’objet, le pro-fesseur Talbazar s’est vite aperçu qu’il y avait là du neuf sous le soleil pour nous réchauffer. Reprenant ce projet idéal, il frétille et s’agite, puisqu’il est content. Sans aucunement se soucier de l’ère digitale, l’allumette bipolaire entre enfin sur la scène mondiale pour être commercialisée. Mais son principe de fonctionnement a été grandement amélioré. Beaucoup plus longue que le prototype imaginé au départ par Gaston Boudiou pour ne pas se cramer les doigts, elle utilise dorénavant un bois précieux, afin de décimer encore plus vite les forêts de Madagascar et de Bornéo. Notons au passage que l’allumette bipolaire est devenue l’alliée indispensable de la déforestation par brûlis. Un millefeuille à la complexité chimique innovante vient se superposer sur les deux extrémités de l’allumette, constitué principalement de nitroglycérine (glycérine et acide azotatique), de salpêtre, d‘argile, de sucre, de chlorate de potassium  KClO3 103 %, de souffre, de phosphore, du sulfure d‘antimoine athée et de cuillère à thé micronisée.
 
 Produisant une flamme par simple friction sur le frottoir de sa boîte, l’allumette bipolaire est réutilisable deux fois, grâce à l’innovation dont elle fait preuve, en ayant deux têtes fonctionnelles à ses deux bouts. Debout, Assis ou couché, chacun applaudira le fait de voir le volume de sa boîte divisé par deux, car c’est une autre incroyable conséquence de cette invention, si importante lorsqu‘on n‘a pas de poche et qu‘on pêche la baleine en mer de Chine pour nourrir ses enfants. Les flammes développées par l’allumette bipolaire sont d’une chaleur et d’une beauté simple, directe, exactement comme Madame qui, selon la vieille blague éculée, perd généralement la tête quand vous la frottez.


Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 10:01:23
n°44517366
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 16-01-2016 à 15:46:44  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 11.

 

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Puisque la police incarnait la loi jusqu’à nouvel ordre, Martin ne se voyait pas mépriser le droit sans que les flics ne deviennent pour lui un obstacle majeur à sa propre enquête. Il se rendit donc dans le pavillon de la chasse officielle aux brebis galeuses et autres ennemis de l’humanité. L’inspecteur N’Dyé l’attrapa dès son arrivée pour le conduire dans son bureau, dont il referma soigneusement la porte pour ne pas être dérangé. Sous une lampe qui crachait férocement son jet lumineux, il colla sous le nez de Martin des photos d’une pitoyable obscénité, lesquelles montraient de pauvres faces massacrées par leur séjour prolongé dans l’eau. Il les mit en parallèle avec les clichés que le privé avait pris en surveillant l’Ex-Stasi.

 

– Je l’avoue, fit l’inspecteur en les désignant, ils sont plus trop ressemblants, Bonno Landru et Carlos Glaçon, mais tu peux constater, c’est bien eux. L’autre, c’est un certain Perry Gorret et tiens toi bien, lui aussi est un pote de Gros Bill. En ce moment, on dirait que la côte sert de poubelle à malfrats, du genre décharge très sauvage, tu vois ?

 

– Les gens manquent de respect, ça c’est sûr.

 

– Martin, on a trouvé tes empreintes plein la bagnole.

 

– Tout le monde peut se gourer. Je ne savais pas que tu avais mes mimines dans tes fichiers, entre parenthèses, je vois qu’on ne peut plus faire confiance à personne, de nos jours.

 

– C’est pas très malin, comme esquive. Admettons que l’on soit en face d’un règlement de compte entre bandits, tu en penserais quoi, toi ?

 

– Que ça en fait trois de moins à perturber le sommeil des vieilles dames honnêtes.

 

– Ces gars-là donnaient plus de soucis aux transporteurs de fonds qu’aux vieilles taupes riches, et tu le sais bien. D’ailleurs, à mon humble avis, tu en sais beaucoup plus que moi là-dessus. Mais je te préviens, si je trouve encore un champion de crawl en train de barboter dans mes eaux municipales, je te considérerais comme son principal entraineur. Ceci étant dit, je suis prêt à croire que nos amis s’entretuent, mais j’aimerais quand même en savoir d’avantage sur leur raison.

 

– A mon avis, il ne s’agit pas d’une histoire de braquage, Barracuda, mais tout ça aurait plutôt un lien avec l’évasion du docteur Van Degaffe. Faudrait gauler ce type assez vite pour éviter de polluer la mer à nouveau et indiquer à ce barjot le chemin de la déchetterie, histoire de protéger le littoral.

 

– Le cinglé en blouse blanche ? Je ne vois pas trop le rapport avec la transformation de nos amis en sirènes, mais si tu le dis. Tu fous un peu la merde dans mon éthique, Martin. T’es pas droit dans tes bottes.

 

– Au moins, tu en as tranquillement trois refroidis sous les yeux, tu les préfères peut-être invisibles, à se mouiller impunément dans un grand bain de foule ? Il y a des hommes d’affaires que même le plus ambitieux des gars doit apprendre à ne jamais côtoyer. Si les autres lui en laisse le temps, bien entendu.

 

Il restèrent à se toiser longuement les yeux dans les yeux, comme deux duellistes de western prêts à faire feu. Mais ils étaient cependant de la famille, et Martin s’était largement fait un nom. Quand à l’inspecteur, avec son chapeau de marque et ses bretelles chicos, il ne portait pas aux pieds des sabots de péquenot. Smith voyait bien qu’ils allaient bientôt glisser vers l’entente cordiale, juste parce que N’Dyé n‘avait pas son content d‘infos, soucieux qu’il était sans doute de faciliter son propre avancement, en laissant au passage le privé prendre son kilo de prunes en premier. A côté de lui, Martin Smith faisait plutôt figure d’homme des cavernes. En revanche, il ne fallait pas trop compter sur le flic pour faire abondance de miséricorde. Il tapa brusquement du plat des mains sur son bureau :

 

– Je ne te demande pas de faire le ménage, mais de me rencarder, et pour l’instant je n’apprend pas grand chose. Je veux bien faire quadriller la ville, mais j’aimerai surtout bien savoir pourquoi.

 

– Laisse-moi courir pour le moment, Barracuda, met une fleur dans ton fusil, sans quoi la seule chose que tu feras, malgré tous tes moyens, c’est juste retarder l’heure du bilan. Fermer un peu les yeux, ça ne prouve pas qu’on dort profondément. Pour l’instant, on ne parle pas de fusillades tragiques dans les rues, ni de rivières de sang innocent, mais juste de trois plongeurs en apnée, des médailles d’or bien connues du fichier, qui plus est.

 

Barracuda N’Dyé laissa couler la diatribe, histoire de faire l’éduqué, mais en définitif, bien qu’il cherchât le bon mot, il n’avait pas plus envie que ça de riposter. De fait, coller Martin en taule ne lui servirait pas à grand chose non plus.

 

– Et quand tu seras cerné par la fumée, naturellement, tu seras le premier à crier « au feu les pompiers », c’est pas un peu facile ? Qui te dis que je sortirais le camion, Martin ?

 

– Je sais bien que tu te feras plaisir en allant me cueillir avec la grande échelle. Pour une raison que j’ignore, Gros Bill fricote en ce moment très sérieusement avec le fameux docteur Van Degaffe, ce sont eux les pyromanes auxquels tu dois d’abord t’intéresser.

 

Il se quittèrent là-dessus, sans plus rentrer dans les détails. Il n’était pas un mauvais bougre, N’Dyé, ni la moitié d’un con, même si la genèse du boulot de Martin lui paraissait sans doute un brin désordonnée. De retour au loft, le détective retrouva Vaya en train de souffler gentiment sur les plumes de Guitou. Un instant d’intimité touchante, mêlée de grâce futile, avec un peu de cocasserie aussi, vu que le perroquet était comme un gland couché sur le dos. Si Guy Ness ne se montrait pas trop digne ainsi posé, Vaya offrait en revanche le tableau plein de charme d’une reine de fantasme pleine de magie. Une vraie beauté fatale pour laquelle n’importe quel ange aurait lâché son dieu. Une jolie petite étoile qui brillait sans faiblir sous le ciel sombre de Smith. Elle cessa de faire le ventilateur dans le plumage de son piaf pour regarder Martin s’approcher.

 

– Je voudrais passer chez moi, Martin, j’ai vraiment besoin de fringues.

 

– Ok, mais toi tu restes là, c’est moi qui vais y aller.

 

Quand Martin se pointa dans l’appartement de Vaya, chaque pièce était complètement dévastée.

 

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Message édité par talbazar le 23-01-2018 à 10:03:12
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