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Les infortunes d'Abderrezak (article du Monde) c

n°128822
ElPedro
Virtual worker
Posté le 17-02-2003 à 16:16:07  profilanswer
 

Comme il y a eu un topic a ce sujet il y a qqes mois... cet article permet de comprendre toute l'affaire
 
Les infortunes d'Abderrezak
 
Comment un bagagiste de 26  ans a été dénoncé, arrêté, soupçonné de préparer un attentat, et emprisonné quatorze jours, victime de l'infernale machination montée par sa belle-famille. Récit d'un imbroglio.
Depuis sa sortie de prison, le 10 janvier, Abderrezak Besseghir n'a pas repris son travail de bagagiste à Roissy. Il est en arrêt maladie. Le jeune homme de 26 ans essaie de tourner la page sur les 14 jours pendant lesquels il est passé du statut de "terroriste" le plus célèbre de France à celui de "victime" de la psychose des attentats et d'une machination infernale. Les terribles jours qui ont séparé son interpellation, le 28 décembre 2002, après la découverte d'un arsenal dans sa voiture, de l'arrestation des membres de sa belle-famille et de leurs acolytes qui avaient tout organisé pour l'envoyer en prison.
 
Depuis, comme lors de la confrontation générale devant le juge d'instruction, vendredi 14 février, la petite bande se rejette la responsabilité de cette machiavélique vengeance familiale. Abderrezak, lui, voit un psychiatre deux fois par semaine et prépare un livre. Une forme de thérapie, sans doute, mais aussi l'occasion de trouver une compensation financière à ses malheurs et de dire sa vérité.
 
"Jeune de banlieue" d'origine algérienne, le bagagiste a la désagréable impression d'avoir été un coupable tout désigné à cause de ses origines et de la peur d'un attentat dans la période des fêtes. "Il y a eu un peu de racisme dans tout ça. Au début, l'enquête a été à charge et on nous a jugés sur nos apparences, sans croire ce qu'on disait", dénonce Ichem, l'un des frères d'Abderrezak, placé lui aussi en garde à vue puis libéré. "C'est vrai qu'il avait le profil du coupable idéal, reconnaît un enquêteur. Mais on avait affaire à une vraie énigme et on s'est donné beaucoup de mal pour prouver son innocence."
 
Dès le début, la machination piège la victime comme les policiers en faisant tout reposer sur le témoignage d'un homme au service de la belle-famille, qui déclenche la découverte d'explosifs et d'armes dans la voiture du bagagiste. Vers 6 h 30, samedi 28 décembre, un témoin se présente "spontanément" au poste de la police aux frontières (PAF) de Roissy. Marcel Le Hir, qui se présente comme "agent de protection rapprochée", dit avoir été intrigué, à 6 h 20, par le manège d'un homme sur un parking, près du terminal F. Il assure avoir vu "le canon d'un fusil d'assaut dépassant du coffre d'un véhicule", dont il a noté le numéro d'immatriculation. Son attention a été attirée, affirme-t-il, "par le bruit caractéristique de deux armes s'entrechoquant". L'homme précise qu'il est un ancien militaire : "Je sais reconnaître un vrai fusil d'une imitation."
 
Le récit paraît solide, et les policiers ne se posent pas trop de questions sur la présence incongrue de ce témoin providentiel à une heure aussi matinale. "Je ne connais pas beaucoup d'affaires de terrorisme qui démarrent avec un témoin qui se trouve là par hasard vers 6 heures du matin", ironise aujourd'hui Me Philippe Dehapiot, l'avocat d'Abderrezak Besseghir.
 
Toujours est-il que les policiers de la PAF, ce samedi 28 décembre, se mettent en planque près du véhicule. Vers 14 h 30, ils interpellent Abderrezak Besseghir, qui revient de son travail. Dans le coffre, ils découvrent, à l'intérieur d'un sac à dos noir, un pistolet automatique Randall, un pistolet mitrailleur de type Scorpio et plusieurs dizaines de cartouches de différents calibres. Placé en garde à vue, le bagagiste évoque immédiatement un complot de ses beaux-parents : "Ce sac ne m'appartient pas, je ne sais pas d'où il vient. Je suis sûr que c'est ma belle-famille qui essaie de me piéger."
 
Dans l'après-midi, les policiers du service régional de police judiciaire (SRPJ) prennent le relais de la PAF et retournent fouiller le véhicule en compagnie de son propriétaire, vers 18 h 30. La banale détention d'armes devient une affaire de terrorisme en puissance avec la découverte de cinq pains d'explosifs dissimulés sous la roue de secours. Les policiers trouvent aussi des autocollants propalestiniens et des pages d'un catalogue montrant des tenues de protection nucléaire, bactériologique et chimique (NBC) ainsi que des uniformes de pilote. Le bagagiste passe alors de l'incrédulité à la panique, en réalisant que le piège se referme sur lui. Les policiers notent qu'il "devient nerveux, s'agite de façon stressée, obligeant à faire appel à un renfort de fonctionnaires". Abderrezak maintient sa version, plus que jamais. "Ça doit être ma belle-famille, ils m'accusent d'avoir tué mon épouse", affirme-t-il en faisant référence à la mort de sa femme, quelques mois plus tôt.
 
Dans son agenda, également saisi, le jeune homme mentionne, avec une sobriété déconcertante, le drame qui a fait basculer sa vie dans le deuil puis dans la vengeance familiale. A la date du 8 juillet 2002, il a noté : "Accident domestique de ma femme Louisa à environ 17 h 30". Placé à l'époque en garde à vue, le jeune homme avait affirmé que son épouse s'était aspergée de white spirit et s'était immolée avec un briquet avant qu'il ne puisse intervenir. Elle était morte après plusieurs semaines passées à l'hôpital. "Décès de Louisa, à environ 10 h 30", a écrit son mari, le 2 septembre. A la rubrique "notes" de l'agenda, il s'épanche davantage. "Ce qui me déchire le plus, c'est qu'elle a voulu que j'assiste à son décès, écrit-il. C'est une image que j'ai et qui me tue à longueur de temps." La belle-famille n'a jamais cru à la version du suicide et elle a porté plainte, sans cacher sa colère devant la mise hors de cause de son gendre ni sa volonté de se faire justice elle-même.
 
C'est ce que le bagagiste tente désespérément de faire comprendre aux enquêteurs de la section antiterroriste de la brigade criminelle, qui ont repris la garde à vue dans leurs locaux du 36, quai des Orfèvres, à Paris, depuis le samedi soir. "Ma belle-mère s'est juré de m'envoyer en prison par n'importe quel moyen", explique-t-il. Lundi 30 décembre au matin, Abderrezak craque : il menace de se suicider, se tape la tête contre les murs de la cellule et s'arrache la peau au niveau d'un poignet jusqu'à se faire saigner. Le médecin de l'Hôtel-Dieu qui l'examine en fin de matinée juge son état compatible avec le maintien en garde à vue et note "un discours cohérent imprégné d'éléments interprétatifs de persécution" !
 
Le jeune homme passera quatre jours en garde à vue, interrogé trois ou quatre fois dans la journée, jusqu'à minuit voire 1 heure du matin. Dans Paris Match, il affirmera avoir été "giflé, frappé, insulté, humilié". Dans sa note d'observation rédigée mardi 31 décembre, l'avocate commise d'office qui lui rend visite à la 72e heure de garde à vue est plus sobre : "Le gav (gardé à vue) se plaint de n'avoir pu voir un médecin que lundi en fin de matinée alors qu'il l'avait demandé dès son arrivée. Le gav se plaint en outre d'avoir reçu une claque."
 
Me Dehapiot, qui a assisté le bagagiste à partir de la fin de sa garde à vue, affirme que son client "n'a jamais parlé de mauvais traitements". A la brigade criminelle, on reconnaît que l'enquête s'est déroulée sous une forte pression médiatique. Les nombreuses fuites ont d'ailleurs donné lieu à l'envoi par le juge d'instruction Gilbert Thiel d'un fax assassin dans lequel il disait en avoir assez de suivre les avancées de l'enquête dans la presse. "La pression, on a l'habitude et c'est notre réputation qui est en jeu dans une affaire comme ça, souligne-t-on à la brigade criminelle. On n'a pas maltraité Besseghir et ce n'était pas dans notre intérêt de le faire."
 
Seulement voilà, pendant toute sa garde à vue, le bagagiste le répète : il n'a rien à voir avec tout ça et c'est sa belle famille qui a tout manigancé. A la brigade criminelle, les avis sont partagés parmi la vingtaine d'hommes mobilisés sur l'affaire, mais beaucoup penchent pour la piste terroriste. Une perquisition chez la belle-famille est quand même organisée dimanche 29 décembre au matin. Sans résultat. Fatia Bechiri, la belle-mère, est entendue ainsi que son mari. Ses déclarations accablent Abderrezak Besseghir. Elle affirme que sa fille, Louisa, se plaignait que les Besseghir pratiquaient "le Coran des talibans" et l'obligeaient à porter le voile. "Je pense que Besseghir a tué ma fille, déclare Mme Bechiri. Je reconnais que j'ai déjà eu envie de le tuer, mais je n'ai jamais rien fait contre lui ou sa famille." Au passage, elle mentionne l'existence d'un oncle de son gendre qui ferait partie du Groupe islamique armé (GIA).
 
De fait, les enquêteurs retrouvent la trace d'un cousin germain membre de l'organisation islamiste algérienne, le bagagiste aurait pu agir pour son compte. A leurs yeux, la mort de Louisa est aussi un élément défavorable. Son mari a été innocenté après trente-six heures de garde à vue, mais les conditions du décès sont suspectes. Et, dans une logique d'éléments à charge, tout peut avoir un sens. "Même s'il n'y est pour rien, on se disait que le choc avait pu le faire basculer dans la religion", explique un policier. Les enquêteurs découvrent aussi qu'Abderrezak aurait commis de petits vols de bagages, et il finit par le reconnaître. "C'est une autre piste qui s'ouvrait, celle du banditisme. Il aurait pu rendre service à des voyous en faisant passer des armes", affirme un policier.
 
Dernier élément en défaveur du bagagiste, un chien dressé pour la détection d'explosifs marque l'arrêt au niveau de son vestiaire à l'aéroport, ce qui laisse supposer que l'arsenal aurait transité par cet endroit dont il avait seul l'accès. Il s'avérera que le chien s'est trompé, mais l'ordonnance de placement en détention provisoire, prise le mercredi 1er janvier, relève que "les explications fournies par M. Besseghir se référant à une machination orchestrée par sa belle-famille se révèlent peu crédibles confrontées aux vérifications et constatations par les services de police".
 
Malgré tout, une partie des enquêteurs doutent de la culpabilité du bagagiste. Le jeune homme n'a pas du tout le profil d'un islamiste : il est inconnu des services de renseignement, sa famille est parfaitement intégrée, il ne fait pas la prière régulièrement et il n'a jamais voyagé à Londres ou dans la zone entre l'Afghanistan et le Pakistan, comme la quasi-totalité des terroristes arrêtés. De plus, l'arsenal a été découvert à l'extérieur de l'aéroport alors que l'intérêt d'être bagagiste consiste à faire entrer des explosifs ou des armes en vue d'un éventuel attentat. "C'est une affaire exceptionnelle parce que beaucoup d'éléments pouvaient être pris dans un sens ou dans un autre, souligne un enquêteur. Mais il y a plein de choses qui ne collaient pas. Personnellement, je ne voyais pas Besseghir en terroriste, sinon on était à côté de la plaque depuis dix ans."
 
Dans le doute, tout repose finalement sur le témoignage de Marcel Le Hir. Convoqué à la brigade criminelle, lundi 30 décembre, pour confirmer son témoignage, l'ancien militaire reconnaît formellement Abderrezak Besseghir. Mais il est quand même placé en garde à vue. "Ou c'est lui qui mentait ou c'était Besseghir, souligne-t-on à la brigade criminelle. Il fallait crédibiliser son témoignage ou le démolir." Le Hir a un casier judiciaire qui éveille la suspicion des enquêteurs et ses explications sur sa présence à l'aéroport ne les convainquent qu'à moitié. Mais aucun lien n'est établi avec la famille Bechiri, et l'ancien parachutiste est relâché.
 
LES enquêteurs de la brigade criminelle se divisent alors en deux équipes : l'une chargée d'enquêter sur la piste terroriste, l'autre sur celle du complot familial. Un détail a attiré leur attention. C'est un coup de fil passé par Le Hir à un certain Patrick, à 4 h 38, le samedi 28 décembre, soit peu avant qu'il ne vienne faire son témoignage à la police. Ils convoquent ce Patrick en composant son numéro. Parallèlement, l'expert en assurances qui a établi un rapport pour les Bechiri sur le décès de leur fille dit avoir été contacté par l'intermédiaire de Patrick Pouchoulin, détective privé à ses heures et ami de la belle-famille.
 
Convoqué mardi 7 janvier en début d'après-midi à la brigade criminelle, le Patrick du coup de fil de 4 h 38 présente ses papiers : c'est bien Patrick Pouchoulin. Le lien entre Le Hir et la belle-famille est établi, c'est le tournant de l'enquête. L'ex-militaire et le détective privé sont placés en garde à vue et avouent avoir mis l'arsenal dans la voiture d'Abderrezak Besseghir, à la demande de ses beaux-parents et avec l'aide d'un oncle de Louisa. On ne l'apprendra que vendredi 10 janvier, à l'occasion de la remise en liberté du bagagiste. Le Hir explique aux enquêteurs qu'il a pris le risque de faire son faux témoignage au poste de police parce qu'il pensait qu'un simple coup de fil anonyme n'aurait pas suffit à faire déplacer les policiers. "Il n'a pas eu confiance dans la police de son pays", ironise un enquêteur. Heureusement pour Abderrezak Besseghir.

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Posté le 17-02-2003 à 16:16:07  profilanswer
 

n°41898362
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Forger pour devenir Vorgeron
Posté le 08-05-2015 à 02:06:53  profilanswer
 

ElPedro a écrit :

Comme il y a eu un topic a ce sujet il y a qqes mois... cet article permet de comprendre toute l'affaire
 
Les infortunes d'Abderrezak
 
Comment un bagagiste de 26  ans a été dénoncé, arrêté, soupçonné de préparer un attentat, et emprisonné quatorze jours, victime de l'infernale machination montée par sa belle-famille. Récit d'un imbroglio.
Depuis sa sortie de prison, le 10 janvier, Abderrezak Besseghir n'a pas repris son travail de bagagiste à Roissy. Il est en arrêt maladie. Le jeune homme de 26 ans essaie de tourner la page sur les 14 jours pendant lesquels il est passé du statut de "terroriste" le plus célèbre de France à celui de "victime" de la psychose des attentats et d'une machination infernale. Les terribles jours qui ont séparé son interpellation, le 28 décembre 2002, après la découverte d'un arsenal dans sa voiture, de l'arrestation des membres de sa belle-famille et de leurs acolytes qui avaient tout organisé pour l'envoyer en prison.
 
Depuis, comme lors de la confrontation générale devant le juge d'instruction, vendredi 14 février, la petite bande se rejette la responsabilité de cette machiavélique vengeance familiale. Abderrezak, lui, voit un psychiatre deux fois par semaine et prépare un livre. Une forme de thérapie, sans doute, mais aussi l'occasion de trouver une compensation financière à ses malheurs et de dire sa vérité.
 
"Jeune de banlieue" d'origine algérienne, le bagagiste a la désagréable impression d'avoir été un coupable tout désigné à cause de ses origines et de la peur d'un attentat dans la période des fêtes. "Il y a eu un peu de racisme dans tout ça. Au début, l'enquête a été à charge et on nous a jugés sur nos apparences, sans croire ce qu'on disait", dénonce Ichem, l'un des frères d'Abderrezak, placé lui aussi en garde à vue puis libéré. "C'est vrai qu'il avait le profil du coupable idéal, reconnaît un enquêteur. Mais on avait affaire à une vraie énigme et on s'est donné beaucoup de mal pour prouver son innocence."
 
Dès le début, la machination piège la victime comme les policiers en faisant tout reposer sur le témoignage d'un homme au service de la belle-famille, qui déclenche la découverte d'explosifs et d'armes dans la voiture du bagagiste. Vers 6 h 30, samedi 28 décembre, un témoin se présente "spontanément" au poste de la police aux frontières (PAF) de Roissy. Marcel Le Hir, qui se présente comme "agent de protection rapprochée", dit avoir été intrigué, à 6 h 20, par le manège d'un homme sur un parking, près du terminal F. Il assure avoir vu "le canon d'un fusil d'assaut dépassant du coffre d'un véhicule", dont il a noté le numéro d'immatriculation. Son attention a été attirée, affirme-t-il, "par le bruit caractéristique de deux armes s'entrechoquant". L'homme précise qu'il est un ancien militaire : "Je sais reconnaître un vrai fusil d'une imitation."
 
Le récit paraît solide, et les policiers ne se posent pas trop de questions sur la présence incongrue de ce témoin providentiel à une heure aussi matinale. "Je ne connais pas beaucoup d'affaires de terrorisme qui démarrent avec un témoin qui se trouve là par hasard vers 6 heures du matin", ironise aujourd'hui Me Philippe Dehapiot, l'avocat d'Abderrezak Besseghir.
 
Toujours est-il que les policiers de la PAF, ce samedi 28 décembre, se mettent en planque près du véhicule. Vers 14 h 30, ils interpellent Abderrezak Besseghir, qui revient de son travail. Dans le coffre, ils découvrent, à l'intérieur d'un sac à dos noir, un pistolet automatique Randall, un pistolet mitrailleur de type Scorpio et plusieurs dizaines de cartouches de différents calibres. Placé en garde à vue, le bagagiste évoque immédiatement un complot de ses beaux-parents : "Ce sac ne m'appartient pas, je ne sais pas d'où il vient. Je suis sûr que c'est ma belle-famille qui essaie de me piéger."
 
Dans l'après-midi, les policiers du service régional de police judiciaire (SRPJ) prennent le relais de la PAF et retournent fouiller le véhicule en compagnie de son propriétaire, vers 18 h 30. La banale détention d'armes devient une affaire de terrorisme en puissance avec la découverte de cinq pains d'explosifs dissimulés sous la roue de secours. Les policiers trouvent aussi des autocollants propalestiniens et des pages d'un catalogue montrant des tenues de protection nucléaire, bactériologique et chimique (NBC) ainsi que des uniformes de pilote. Le bagagiste passe alors de l'incrédulité à la panique, en réalisant que le piège se referme sur lui. Les policiers notent qu'il "devient nerveux, s'agite de façon stressée, obligeant à faire appel à un renfort de fonctionnaires". Abderrezak maintient sa version, plus que jamais. "Ça doit être ma belle-famille, ils m'accusent d'avoir tué mon épouse", affirme-t-il en faisant référence à la mort de sa femme, quelques mois plus tôt.
 
Dans son agenda, également saisi, le jeune homme mentionne, avec une sobriété déconcertante, le drame qui a fait basculer sa vie dans le deuil puis dans la vengeance familiale. A la date du 8 juillet 2002, il a noté : "Accident domestique de ma femme Louisa à environ 17 h 30". Placé à l'époque en garde à vue, le jeune homme avait affirmé que son épouse s'était aspergée de white spirit et s'était immolée avec un briquet avant qu'il ne puisse intervenir. Elle était morte après plusieurs semaines passées à l'hôpital. "Décès de Louisa, à environ 10 h 30", a écrit son mari, le 2 septembre. A la rubrique "notes" de l'agenda, il s'épanche davantage. "Ce qui me déchire le plus, c'est qu'elle a voulu que j'assiste à son décès, écrit-il. C'est une image que j'ai et qui me tue à longueur de temps." La belle-famille n'a jamais cru à la version du suicide et elle a porté plainte, sans cacher sa colère devant la mise hors de cause de son gendre ni sa volonté de se faire justice elle-même.
 
C'est ce que le bagagiste tente désespérément de faire comprendre aux enquêteurs de la section antiterroriste de la brigade criminelle, qui ont repris la garde à vue dans leurs locaux du 36, quai des Orfèvres, à Paris, depuis le samedi soir. "Ma belle-mère s'est juré de m'envoyer en prison par n'importe quel moyen", explique-t-il. Lundi 30 décembre au matin, Abderrezak craque : il menace de se suicider, se tape la tête contre les murs de la cellule et s'arrache la peau au niveau d'un poignet jusqu'à se faire saigner. Le médecin de l'Hôtel-Dieu qui l'examine en fin de matinée juge son état compatible avec le maintien en garde à vue et note "un discours cohérent imprégné d'éléments interprétatifs de persécution" !
 
Le jeune homme passera quatre jours en garde à vue, interrogé trois ou quatre fois dans la journée, jusqu'à minuit voire 1 heure du matin. Dans Paris Match, il affirmera avoir été "giflé, frappé, insulté, humilié". Dans sa note d'observation rédigée mardi 31 décembre, l'avocate commise d'office qui lui rend visite à la 72e heure de garde à vue est plus sobre : "Le gav (gardé à vue) se plaint de n'avoir pu voir un médecin que lundi en fin de matinée alors qu'il l'avait demandé dès son arrivée. Le gav se plaint en outre d'avoir reçu une claque."
 
Me Dehapiot, qui a assisté le bagagiste à partir de la fin de sa garde à vue, affirme que son client "n'a jamais parlé de mauvais traitements". A la brigade criminelle, on reconnaît que l'enquête s'est déroulée sous une forte pression médiatique. Les nombreuses fuites ont d'ailleurs donné lieu à l'envoi par le juge d'instruction Gilbert Thiel d'un fax assassin dans lequel il disait en avoir assez de suivre les avancées de l'enquête dans la presse. "La pression, on a l'habitude et c'est notre réputation qui est en jeu dans une affaire comme ça, souligne-t-on à la brigade criminelle. On n'a pas maltraité Besseghir et ce n'était pas dans notre intérêt de le faire."
 
Seulement voilà, pendant toute sa garde à vue, le bagagiste le répète : il n'a rien à voir avec tout ça et c'est sa belle famille qui a tout manigancé. A la brigade criminelle, les avis sont partagés parmi la vingtaine d'hommes mobilisés sur l'affaire, mais beaucoup penchent pour la piste terroriste. Une perquisition chez la belle-famille est quand même organisée dimanche 29 décembre au matin. Sans résultat. Fatia Bechiri, la belle-mère, est entendue ainsi que son mari. Ses déclarations accablent Abderrezak Besseghir. Elle affirme que sa fille, Louisa, se plaignait que les Besseghir pratiquaient "le Coran des talibans" et l'obligeaient à porter le voile. "Je pense que Besseghir a tué ma fille, déclare Mme Bechiri. Je reconnais que j'ai déjà eu envie de le tuer, mais je n'ai jamais rien fait contre lui ou sa famille." Au passage, elle mentionne l'existence d'un oncle de son gendre qui ferait partie du Groupe islamique armé (GIA).
 
De fait, les enquêteurs retrouvent la trace d'un cousin germain membre de l'organisation islamiste algérienne, le bagagiste aurait pu agir pour son compte. A leurs yeux, la mort de Louisa est aussi un élément défavorable. Son mari a été innocenté après trente-six heures de garde à vue, mais les conditions du décès sont suspectes. Et, dans une logique d'éléments à charge, tout peut avoir un sens. "Même s'il n'y est pour rien, on se disait que le choc avait pu le faire basculer dans la religion", explique un policier. Les enquêteurs découvrent aussi qu'Abderrezak aurait commis de petits vols de bagages, et il finit par le reconnaître. "C'est une autre piste qui s'ouvrait, celle du banditisme. Il aurait pu rendre service à des voyous en faisant passer des armes", affirme un policier.
 
Dernier élément en défaveur du bagagiste, un chien dressé pour la détection d'explosifs marque l'arrêt au niveau de son vestiaire à l'aéroport, ce qui laisse supposer que l'arsenal aurait transité par cet endroit dont il avait seul l'accès. Il s'avérera que le chien s'est trompé, mais l'ordonnance de placement en détention provisoire, prise le mercredi 1er janvier, relève que "les explications fournies par M. Besseghir se référant à une machination orchestrée par sa belle-famille se révèlent peu crédibles confrontées aux vérifications et constatations par les services de police".
 
Malgré tout, une partie des enquêteurs doutent de la culpabilité du bagagiste. Le jeune homme n'a pas du tout le profil d'un islamiste : il est inconnu des services de renseignement, sa famille est parfaitement intégrée, il ne fait pas la prière régulièrement et il n'a jamais voyagé à Londres ou dans la zone entre l'Afghanistan et le Pakistan, comme la quasi-totalité des terroristes arrêtés. De plus, l'arsenal a été découvert à l'extérieur de l'aéroport alors que l'intérêt d'être bagagiste consiste à faire entrer des explosifs ou des armes en vue d'un éventuel attentat. "C'est une affaire exceptionnelle parce que beaucoup d'éléments pouvaient être pris dans un sens ou dans un autre, souligne un enquêteur. Mais il y a plein de choses qui ne collaient pas. Personnellement, je ne voyais pas Besseghir en terroriste, sinon on était à côté de la plaque depuis dix ans."
 
Dans le doute, tout repose finalement sur le témoignage de Marcel Le Hir. Convoqué à la brigade criminelle, lundi 30 décembre, pour confirmer son témoignage, l'ancien militaire reconnaît formellement Abderrezak Besseghir. Mais il est quand même placé en garde à vue. "Ou c'est lui qui mentait ou c'était Besseghir, souligne-t-on à la brigade criminelle. Il fallait crédibiliser son témoignage ou le démolir." Le Hir a un casier judiciaire qui éveille la suspicion des enquêteurs et ses explications sur sa présence à l'aéroport ne les convainquent qu'à moitié. Mais aucun lien n'est établi avec la famille Bechiri, et l'ancien parachutiste est relâché.
 
LES enquêteurs de la brigade criminelle se divisent alors en deux équipes : l'une chargée d'enquêter sur la piste terroriste, l'autre sur celle du complot familial. Un détail a attiré leur attention. C'est un coup de fil passé par Le Hir à un certain Patrick, à 4 h 38, le samedi 28 décembre, soit peu avant qu'il ne vienne faire son témoignage à la police. Ils convoquent ce Patrick en composant son numéro. Parallèlement, l'expert en assurances qui a établi un rapport pour les Bechiri sur le décès de leur fille dit avoir été contacté par l'intermédiaire de Patrick Pouchoulin, détective privé à ses heures et ami de la belle-famille.
 
Convoqué mardi 7 janvier en début d'après-midi à la brigade criminelle, le Patrick du coup de fil de 4 h 38 présente ses papiers : c'est bien Patrick Pouchoulin. Le lien entre Le Hir et la belle-famille est établi, c'est le tournant de l'enquête. L'ex-militaire et le détective privé sont placés en garde à vue et avouent avoir mis l'arsenal dans la voiture d'Abderrezak Besseghir, à la demande de ses beaux-parents et avec l'aide d'un oncle de Louisa. On ne l'apprendra que vendredi 10 janvier, à l'occasion de la remise en liberté du bagagiste. Le Hir explique aux enquêteurs qu'il a pris le risque de faire son faux témoignage au poste de police parce qu'il pensait qu'un simple coup de fil anonyme n'aurait pas suffit à faire déplacer les policiers. "Il n'a pas eu confiance dans la police de son pays", ironise un enquêteur. Heureusement pour Abderrezak Besseghir.


 
Je découvre ce post de 2003 et à ma stupéfaction je ne distingue aucun mot sur la femme monstrueusement assassinée (brûlée vivante) de se sinistre individu. Ni sur les tristes circonstances qui ont amenées la justice Française (meilleure amie des délinquants) qui c'est empressé de protéger ce dernier, en concluant par un non lieu.
Une fois de plus, circuler il n'y a rien à voir.
Mes pensées et mon soutient vont à la famille de Louisa Bechiri qui endure des moments de douleur et un sentiment d'injustice, que je partage.

n°41898410
Nyymi
Virhe !
Posté le 08-05-2015 à 02:45:32  profilanswer
 

Remontage d'un fil vieux de 12 ans, belle performance [:audessusclesoleil:4]


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