Les sites P2P passent à la contre-offensive  
 
Par Andy Sullivan  
 
WASHINGTON (Reuters) - Les sites de partage de fichiers sur internet, ou "peer to peer" (P2P) qui permettent notamment aux usagers de copier gratuitement de la musique, passent à la contre-offensive avec des actions de lobbying auprès des décideurs de Washington et d'Hollywood.
 
Des réseaux comme Kazaa, Grokster ou LimeWire veulent convaincre l'industrie et le monde politique qu'il est préférable de travailler avec eux plutôt que de chercher à les diaboliser.
 
Depuis que Napster a introduit le concept, en 1999, des millions d'internautes se sont connectés à ce genre de sites pour copier de la musique, des logiciels ou des films, causant, selon l'industrie du disque, une baisse importante de ventes de CD.
 
Les éditeurs de musique ont multiplié les actions en justice contre ces sites P2P et menacent dorénavant de poursuivre les internautes à titre individuel. Parallèlement, des parlementaires ont condamné ces sites au motif qu'ils mettent la pornographie à la portée des mineurs et qu'ils exposent les usagers aux virus informatiques, au piratage et à d'autres risques en matière de sécurité.
 
Les responsables des sites visés estiment dorénavant qu'il est temps pour eux de faire entendre leur son de cloche.
 
Le président de Grokster, Wayne Rosso, explique que les industriels ne négocieront pas s'ils n'y sont pas contraints. "La seule façon pour nous de les amener à la table des négociations, c'est de faire entendre la voix de nos usagers au Congrès", dit-il.
 
Groksters et plusieurs autres entreprises P2P vont rendre publique d'ici deux mois un groupe de soutien dont le discours consistera à dire que le peer-to-peer constitue un nouveau et prometteur mode de distribution pour du contenu légal et non un canal d'infraction à la législation sur les droits d'auteur.
 
De leur côté, les deux sociétés qui se tiennent derrière le très populaire réseau Kazaa financent un groupe qui tentent d'attirer les fabricants de matériel informatique, les fournisseurs d'accès à internet et les industries du divertissement ainsi que les autres acteurs du P2P.
 
La Distributed Computing Industry Association vient de tenir sa première réunion à Los Angeles avec des représentants de l'industrie du disque et d'autres acteurs du secteur "sans qu'on en vienne aux mains", a souligné son patron, Marty Lafferty.
 
Bien que le groupe ne compte à ce jour que deux membres payants - les propriétaires de Kazaa, Sharman Networks et Altnet -, il envisage déjà d'ouvrir des bureaux à Arlington, en Virginie, où il ne sera séparé de Washington, la capitale fédérale, que par le Potomac.
 
Cette association soutient que l'industrie du divertissement a tout à gagner à travailler avec les réseaux P2P et que comme la télé par satellite a su régler les problèmes initiaux de piratage ou comme la télé par câble a su convaincre les gens de payer ce qui était jusqu'alors gratuit, les réseaux peer-to-peer, au final, évolueront.
 
Un discours qui laisse sceptique la Recording Industry Association of America, qui regroupe les cinq plus grands labels.
 
"Il semble curieux que des entreprises qui facilitent délibérément des activités illégales ouvrent un bureau à Washington pour défendre leur droit à le faire", a déclaré l'organisme professionnel dans un communiqué. "C'est apparemment une réaction à l'intérêt que porte le Congrès aux problèmes croissants de piratage, de sécurité et d'atteintes à la vie privée provenant de l'utilisation abusive des réseaux peer-to-peer".