Citation :
« J’ai toujours refusé de faire les choses au nom d’un groupe ou d’une communauté, malgré les nombreuses invitations et parfois injonctions qui m’ont été adressées. « Tu présentes bien, tu devrais prendre la parole ; tu as des idées et tu sais les défendre ; tu n’es pas comme les autres, ta voix sera peut-être plus écoutée ; ça pourrait aider les gens de chez vous si tu t’exprimais ? ; fais ça pour LA communauté ; fais ça pour TA communauté. » On voulait que je parle au nom des banlieusards parce que j’en étais une, des enfants d’immigrés parce que j’en suis une, des banlieusards enfants d’immigrés ayant réussi à faire des études supérieures parce que j’avais pu en faire, des femmes de cultures maghrébines et musulmanes qui ne sont ni des porte-étendards religieux, ni des « beurettes émancipées » ; ni des voiles sur pattes soumis, ni des « femmes des quartiers opprimées. » On voulait m’assigner à des groupes, m’octroyer de nouveaux frères et sœurs, et me rendre responsable de leurs bonnes ou mauvaises actions. La démarche était donc la même. Qu’il s’agisse de celle de personnes extérieures aux groupes auxquels on voulait me faire appartenir ou de celle de mes désignés « semblables », il était question que je sois le porte-parole, voire l’exception qui confirme la règle. Je ne me suis jamais considérée comme telle. Je ne me suis jamais sentie légitime pour parler au nom des autres et surtout, j’ai toujours eu en horreur toutes celles et tous ceux que les médias et politiques présentaient comme uniques et respectables interlocuteurs, souvent instrumentalisés à leur insu, occultant la diversité de profils et de points de vue des territoires et groupes au nom desquels ils devaient s’exprimer. Vous comprendrez donc que ce livre n’engage que moi, qu’il est un témoignage personnel et qu’il n’a pas non plus vocation à mettre tout le monde d’accord et à tenir un propos universel, irréprochable ou encore exemplaire. Je ne cherche pas non plus à bénéficier d’une quelconque approbation. Ce que j’y dis n’est pas figé dans le temps car heureusement, je suis un être qui change dans un monde qui change. Cela ne veut pas dire que je suis versatile et couarde, bien au contraire. Cela veut dire que je n’ai pas de certitudes et que je ne suis pas dogmatique, que la contradiction ne m'effraie pas, tant qu’elle est portée par des âmes honnêtes et disposées au dialogue. Cela veut dire également que j’assume et assumerai l’intégralité des propos de ce livre jusqu’à la fin de mes jours ! Si j’assume ce livre, je ne suis en revanche pas responsable de ce qu’en feront certains. Une fois qu’il sera sur la place publique, je ne serai plus maîtresse de mes propos. D’ailleurs, je vois déjà le type de personnes susceptibles de se les approprier et je tiens dès maintenant à leur adresser un message. • Je ne serai pas la caution de celles et ceux qui pratiquent une laïcité dévoyée, à géométrie variable, et qui l’utilisent afin d’exprimer leur étroitesse d’esprit ou pire, leur racisme. Une fois qu’ils découvriront mon ancienne carrière de voilée (désolée de vous spoiler l’histoire de ma vie qui va suivre !), ils se jetteront sur l’occasion pour utiliser mes dires et mon expérience afin de montrer l’obscurantisme de « mes frères et sœurs ». Pour avoir rencontré beaucoup d’entre eux, notamment lors de mes études, je sais que selon leur vision des choses, je suis et je resterai à jamais une « bougnoule ». Certes, une « bougnoule » cheveux au vent mais une « bougnoule » à qui ils continuent de faire comprendre qu’elle doit encore et toujours s’intégrer, que le prénom de son neveu est trop « connoté », qu’elle a un physique difficile à déterminer mais qu’il est sûr qu’elle n’est pas « d’ici », qu’elle est inquiétante à ne pas manger de porc, que sa voix doit sans cesse retentir pour dénoncer la misogynie, le machisme, le terrorisme qui caractérisent sa « culture » et ses semblables... Ils nient le racisme et l’islamophobie qui ont été des fléaux de mon quotidien durant de nombreuses années et qui continuent de l’être. Être debout après tout cela ne signifie pas que les discriminations qui ont pu en résulter n’existent pas. Au contraire, cela signifie qu’elles ont su me rendre plus forte. • Je ne serai pas non plus la caution d’une certaine frange des professionnels de l’antiracisme qui ont fait des discriminations un business et qui ne représentent qu’eux-mêmes avec un discours passéiste et haineux. On ne peut pas dénoncer le racisme en devenant soi-même raciste. Même si celui qu’ils contribuent à créer n’est pas ancré dans le système, n’empêche pas une certaine catégorie de la population d’avoir accès au marché du travail ou à un logement et n’en fait pas des sujets récurrents de contrôles au faciès, leur racisme n’en n’est pas plus honorable. J’ai eu l’occasion de croiser certaines personnes concernées et beaucoup d’entre elles avaient cette caractéristique très troublante : un passé où elles n’ont eu de cesse d’essayer de se faire accepter, en reniant parfois leurs origines ethniques et sociales, et un retour de bâton violent les poussant à se retrancher dans un discours détestable, essentiellement racial, semblable à celui qu’elles prétendent combattre et soi-disant porté par un retour authentique à leurs origines. Ces personnes ont pu me reprocher mon manque de militantisme ou ma naïveté sans même connaître mon parcours. Uniquement dans la posture, elles seraient les premières à vendre père et mère si le système qu’elles disent dénoncer leur offrait une place au soleil. À ces gens, je dis la chose suivante : je ne suis et ne serai jamais votre alibi parce que je ne partage pas vos opinions ni vos manières de faire. Il n’est pas trop tard pour changer, ayez l’honnêteté et l’intelligence de vous remettre en question. Je suis différente, comme tout le monde, avec mes qualités et mes défauts, ma cohérence et mes contradictions. Je suis une femme qui a des rêves et qui se bat au quotidien pour les réaliser. Je souhaite que toutes celles et ceux, sans distinction de race, de sexe, de classe, ou encore d’orientation sexuelle, qui se reconnaissent dans mon témoignage le comprennent comme une ode à la différence et un discours d’espoir, une manière de montrer que malgré les vicissitudes de la vie, malgré la bêtise humaine, il ne faut rien lâcher, être confiant et aimer son prochain. Je n’ai pas peur de passer pour quelqu’un de niais. J’ai une trop haute opinion de moi-même pour me préoccuper de ce que pensent les mauvais esprits et une trop grande estime pour mes seuls semblables, les humains, pour savoir que mon message sera entendu et apprécié. » Voici l'avant-propos de mon livre, "Différente comme tout le monde", qui sortira le 28 septembre. Il est disponible en précommande sur :
|