Et voilà le dix ! Tout frais, tout neuf, avec un colosse qui parle comme Garulfo dans l'entrée
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Malek se préparait à descendre, les yeux dans le vague, un demi-sourire aux lèvres, lorsque la porte explosa sous lui. Un pied sur la première marche de l'escalier, l'autre sur le palier, il resta immobile, figé sur place par l'apparition terrifiante. Les éclats de bois volaient dans toute la pièce comme des morceaux de verre, tranchants et pointus. Le vent s'engouffra dans la pièce avec un chuintement lugubre, et la théière que tenait Dani alla se briser sur le sol dans un bruit mat.
Le Banni s'était levé avec la brutalité d'une vipère qui se détend, et son épée était dans sa main. Mais, aussi rapide qu'il avait été, Dani l'était encore plus. Sans ciller, comme si rien ne sortait de l'ordinaire, elle pointa son arbalète sur le nouveau venu. Elle prit le temps de l'examiner de la tête aux pieds avant de donner un coup de pied désabusé dans un morceau de chambranle.
"Je ne sais pas ce que tu fais ici, tête de gnome, mais tu vas tourner les talons bien gentiment, si tu ne veux pas repartir avec un carreau dans l'?il. Qu'est-ce que c'est que cette façon d'entrer chez les gens ?"
"J'ai frappé" observa l'homme, montrant les restes de la porte. "Mais ce n'est pas très solide."
Dans un quartier aussi dangereux, avoir une bonne porte pouvait faire la différence entre la vie et la mort. Même si elle avait laissé les verrous ouverts précédemment, Dani n'avait pas lésiné sur la qualité. Elle avait choisi du chêne massif, épais de plus d'un pouce. Aucun homme n'aurait dû pouvoir l'enfoncer aussi facilement.
Mais la personne qui venait de rentrer défiait les lois humaines. Ses bras étaient larges comme des cuisses, et les muscles de son torse se contractaient alors qu'il avançait. Dans ses mains calleuses, il portait une arme qu'on était bien obligé d'appeler une épée, faute d'autre nom, mais qui avait autant en commun avec la rapière qu'un tigre avec un chat.
C'était une épée à deux mains, un de ces espadons qui avaient disparu depuis des années dans les brumes de l'histoire. On racontait que les anciens barbares qui peuplaient les plaines de l'Empire l'utilisaient avec habileté contre les cavaliers, tranchant dans le même mouvement homme et monture. Si Malek se souvenait bien des cours de stratégie qu'il avait pu suivre à l'Académie, ils avaient été abandonnés car l?arme était bien trop lourde et peu maniable. La lance ou la pique de guerre paraissait une solution plus efficace contre les cavaliers, sans même parler de leur maniabilité, et de leur utilisation contre des fantassins, également, dans un mur de boucliers. La lance avait fleuri, et l?espadon avait périclité. Plus personne ne s?en servait, désormais.
Pourtant, même pour un espadon, celui que brandissait l'intrus était totalement hors de proportion. Si l'on incluait le long pommeau, l'arme devait faire près de sept pieds, avec une lame large de près de deux paumes. Ca n'était plus qu'un énorme bloc de métal, de plusieurs pouces d'épaisseur en son centre, qui s'effilait progressivement pour devenir mortellement affuté sur les côtés. Le poids d'un tel objet devait dépasser celui de trois épées ordinaires, mais l'homme ne montra aucun signe d'effort alors qu'il se mettait en garde, à moitié caché derrière l'énorme glaive. Il souriait doucement, presque tendrement.
"Je t'aurai prévenu, flaque de moutarde pas fraîche !" cracha Dani avec sa verve habituelle. Elle serra les dents, et le carreau bondit de l'arbalète, comme mû par une vie propre.
Sans paraître y mettre le moindre effort, l'homme pivota sur le côté et tourna négligemment le poignet. Le trait rebondit contre la large lame avant de retomber sur le sol, inoffensif.
"Je n'ai pas de temps à perdre avec toi, femme. C'est l'homme que je veux tuer, et les deux gamins avec lui." Il sourit. "Il paraît que tu te débrouilles, soldat. Nous allons bien voir si tu sais chanter le sang, et l'acier."
Le Banni fronça les sourcils. Son visage habituellement inexpressif s'anima alors qu'il caressait lentement le fil de son épée.
"Chanter le? tu es un gladiateur ?"
L'homme sursauta. Ses yeux se plissèrent, alors qu'il se penchait pour mieux observer celui qui lui faisait face. La pâle lueur ne rendait pas les choses faciles, et il cilla plusieurs fois. Finalement, il se redressa.
"Honneur et Gloire à l'Empereur. Nous chantons le sang et l'acier?"
"?et le sable, et la mort" compléta Rekk. "Oui, tu viens de l'arène, je le sais, maintenant. Tu en as les marques. Et cette épée?"
"Il faut bien assurer un spectacle, vieil homme." Comeral posa un instant son épée, le temps de se gratter le crâne. "Tu connais toi aussi les mots rituels. Tu étais un gladiateur, toi aussi. Ca expliquerait beaucoup de choses"
"Autrefois" murmura Rekk. "Autrefois." Il se mit en position de combat, mais ses yeux étaient soucieux. "Ca remonte à très longtemps. Plus de trente ans, en fait."
L'homme eut un sourire désarmant de chaleur.
"Voilà une coïncidence amusante. Je sens que je vais prendre plaisir à notre combat, vieil homme. J'aimerais bien pouvoir dire que tes réflexes se sont relâchés avec l'âge, mais j'ai entendu parler d'un combat à Carnogel qui mérite le respect. Je pense que ce serait une erreur de ne pas y aller à fond."
"Je pense aussi."
Les deux hommes se jaugèrent du regard et, inexplicablement, se sourirent.
Malek parvint enfin à reprendre sa respiration. Il ne se souvenait pas depuis combien de temps il l'avait retenue. Probablement depuis l'irruption du géant.
"J'arrive !" hurla-t-il en dévalant l'escalier, tirant son épée dans la foulée.
L'intrus haussa un sourcil alors que Malek lui fonçait dessus, mais il tint sa position. Le jeune homme serra les dents. Cela faisait plusieurs années qu'il s'entraînait pour un moment comme ça. Il était la meilleure lame de l'Académie, et il avait passé plusieurs mois à s'entraîner sur la même botte.
Son épée jaillit en avant, comme une extension de son propre bras. La pointe visait le flanc, mais se détourna au dernier moment en un mouvement long et bas qui ciblait le jarret. Une attaque mortelle.
Le géant para la feinte avec négligence, puis envoya son coude dans le visage du jeune noble. Malek se jeta en arrière avec un cri, et ce qui aurait dû lui briser le nez ne fit que lui labourer le menton, l'envoyant rouler face contre terre.
"Ah, la fougue de la jeunesse" sourit l'homme.
Dans la petite pièce, Shareen reposa le baquet d'eau et fronça les sourcils. L'épaisse porte étouffait la plupart des sons, mais elle aurait juré avoir entendu des éclats de voix, et des bruits étranges. Une drôle de boule se forma dans son estomac. Ce n'était peut-être que son imagination, mais elle sentait soudain quelque chose l'oppresser, comme si une menace indéfinissable se posait sur elle. Machinalement, elle s'empara de l'épée qu'elle avait laissé sur le tabouret et s'approcha de la table.
Elle venait d'ouvrir la porte, prête à aller voir ce qu'il se passait en bas, lorsque la dague se glissa délicatement près de sa gorge. Une bouche s'approcha de son visage, le souffle chaud contre son oreille.
"Qu'avons-nous là? une jeune pucelle? une petite pièce d'or sur pattes" La voix était amusée, les accents riches et sensuels. "La chasse est bonne, pas de doute." Une goutte de sang perla à son cou alors qu'il appuyait. "Surtout, ne te débats pas"
Elle ne se débattit pas. Mais elle hurla.
Malek secoua la tête pour essayer d'éclaircir sa vision. Il se sentait vaguement nauséeux, et il lui fallut quelques temps pour récupérer son épée. Lorsqu'il se remit enfin sur ses pieds, ce fut avec surprise qu'il se rendit compte que Rekk et l'inconnu n'avaient toujours pas changé de position. Ce qu'il avait cru durer quelques minutes s'était finalement passé en une poignée de secondes.
Lentement, il se remit en garde. Et ce fut alors qu'il se préparait à attaquer de nouveau que le cri de Shareen résonna dans toute la maison.
Les deux guerriers cessèrent de se regarder pour lever machinalement les yeux au ciel, et Malek poussa un juron.
"Vas voir ce qu'il se passe" grommela Rekk. "Je m'occupe de notre ami le destructeur de portes"
"Mais?"
"Tu ne ferais que me gêner ! Va voir ce que Shareen veut !"
Malek ravala une réponse acerbe, et resta un instant en équilibre instable entre deux marches. En haut, la jeune fille continuait de crier. Il ne pouvait pas ignorer ces appels à l'aide. Et pourtant?
Etouffant une malédiction, il remonta les marches quatre à quatre.
"Un des gamins que je devais retrouver, n'est-ce pas ?" fit le géant sur le ton de la conversation. "Une pièce d'or pour lui, et une autre pour la fille. Shareen, c'est bien le nom que tu as donné ? Bah, qu'importe. Maintenant, ça se joue entre nous deux."
L'homme avança d'un pas, et Rekk recula, les yeux aux aguets. Il tendit son épée doucement en avant, comme pour sonder son adversaire, et bougea de côté lorsque le géant chercha à engager le fer.
"Tu m'oublies un peu vite, bâtard dégénéré !" cracha Dani en bondissant en avant. Elle avait rechargé son arbalète, et le carreau pointait directement sur le visage non protégé du géant. "Je t'ai raté la première fois, mais la vieille Dani ne fera pas deux fois la même erreur. Tu bouges, et tu meurs. Alors, fils de crapaud, qu'est-ce que tu choisis ? Lâche ton épée !"
"Une petite seconde" promit l'intrus, sans que son sourire ne vacille le moins du monde. Avec une rapidité stupéfiante pour quelqu'un de sa corpulence, il rabattit son épée devant lui et chargea sauvagement la grosse femme. Le carreau vint lui érafler le flanc juste avant que son épaule ne heurte Dani de plein fouet. Projetée en l'air, elle heurta le mur avec un bruit mat, et glissa sur le sol sans un son, assommée. Le géant s'inclina doucement. "Comme je le disais, ça se joue entre nous deux. Je vous prie de ne pas interférer plus avant."
Malek stoppa net alors qu'il entrait dans la pièce, et le sang reflua de son visage. Tout d'un coup, son épée semblait lourde dans ses mains.
"Et voilà le deuxième enfant. Deux pièces d'or. Petit à petit, je deviens riche"
L'homme qui venait de parler était mince comme une liane et portait comme seule armure une fine veste de cuir. Une rapière battait à son flanc droit, mais c'était une dague qu'il tenait dans sa main. Une dague posée sur la gorge de Shareen, assez proche pour faire couler le sang. Son autre main était posée sur la bouche de la jeune fille pour étouffer ses cris.
Malek sentit sa stupéfaction refluer, remplacée par une rage froide qui montait en vagues. Il s'était fait humilier. Il s'était montré inutile. Et maintenant? ça !
"Qui êtes-vous ?" siffla-t-il, la seule question qui lui montait aux lèvres.
L'homme s'inclina en une parodie de salut, mais sa main entraîna la fille avec lui, et la dague ne bougea pas d'un pouce.
"Eleon, mon garçon. Assassin extraordinaire. Voleur stupéfiant. Chasseur de primes étourdissant. Et je suppose que tu es Malek ?"
Le jeune garçon ne prit pas la peine de confirmer.
"Lâche-la et pars d'ici tout de suite. Peut-être que je t'épargnerai" gronda-t-il dans une excellente imitation du ton ferme de Rekk.
L'homme se contenta de hausser un sourcil.
"Oh ? J'ai une autre proposition pour toi, gamin. Une meilleure proposition. Tu lâches ton arme tout de suite, et peut-être que je ne la tuerai pas"
Malek serra les dents, et ses doigts se crispèrent sur son épée.
Au rez-de-chaussée, les deux guerriers ne bougeaient toujours pas, s'observant avec la curiosité de chats de gouttière. De gros chats de gouttière.
"Qui es-tu ?" fit Rekk, doucement.
Le géant rejeta sa tête en arrière, et rit. C'était un rire clair et musical, sans la moindre once d'animosité, un rire qui respirait la joie de vivre.
"Je suis Comeral, vieil homme. Retiens bien mon nom, car je suis celui qui va te battre. J'ai gagné tous mes combats dans l'arène, j'ai obtenu trois ans de suite le Cimeterre d'Or, et j'ai racheté ma liberté. Qui d'autre peut en dire autant ?"
A peine avait-il fini de parler qu'il changeait brutalement d'appui et bondissait sur Rekk. L'espadon fendit l'air en un arc de cercle mortel, et s'écrasa contre le sol, s'enfonçant de quelques pouces dans le plancher. Rekk profita de l'ouverture pour attaquer à son tour, mais le géant dégagea son arme sans effort apparent, juste à temps pour recevoir le coup d'estoc sur le côté de l'épée.
"Rekk a gagné quatre Cimeterres d'or" observa Rekk en se remettant en garde.
Comeral hocha la tête.
"Effectivement. Mais Rekk est mort."
Rekk sourit, dévoilant ses canines acérées.
"J'ai un petit secret pour toi."
Malek regarda son épée avec écoeurement. Il s'était cru le maître du monde, lorsqu'il avait gagné le trophée de meilleure lame. Il découvrait avec amertume qu'il en était rien. Lentement, sa main desserra sa prise, et l'arme vint heurter le sol avec un bruit métallique.
"Voilà qui est mieux" sourit l'assassin. Et il desserra sa prise.
Shareen saisit sa chance. De toutes ses forces, elle mordit la main qui la baillonait, et lança sa tête en arrière pour frapper le nez de l?homme. La dague s?approcha dangereusement de sa gorge, mais Malek se jeta sur son poignet. Bloquant le mouvement mortel, il envoya un violent coup de poing dans le visage de l'assassin, qui bascula en arrière avec un gémissement rauque.
Reprenant son souffle, Shareen s'empara de l'épée sur le sol. Elle essuya ses mains moites sur ses habits déchirés, et se mit en position vaguement agressive.
Eleon se rétablit avec la souplesse d'un chat, et sa rapière miaula en sortant de son fourreau. Il lécha le sang qui coulait de sa lèvre fendue, et sourit.
"Je crois que vous méritez une leçon, les petits"
La chaise se fracassa devant l'assaut foudroyant du géant, et Rekk recula de nouveau pour ne pas rester dans l'allonge de l'arme terrifiante. Ses muscles étaient tendus comme ceux d'un félin prêt à bondir. On pouvait presque l'imaginer les oreilles rabattues sur le crâne. Comeral éclata de rire.
"Je n'arrive pas à y croire. Moi, me battre contre Rekk la Légende ? Si on m'avait dit ça un jour ! Aaaah, fais-moi plaisir, vieil homme, montre-moi que tu es réellement lui, et que tu n'usurpes pas son nom ! Donne-moi un bon combat ! Fais-moi vibrer !"
Rekk haussa les épaules. Il avait l'épaule droite douloureuse après avoir paré un assaut plus violent que les autres. A une époque, le combat aurait déjà été fini. Mais, même pour le Faiseur de Veuves, le temps était impitoyable. L'âge sapait ses forces et ses réflexes. Comeral était moins bon que le Boucher dans sa jeunesse, mais suffisamment pour lui donner du mal trente ans plus tard. Rekk reprit son souffle, respirant profondément. Quelque chose le chiffonnait.
"Je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce combat. Pour l'or ? L'arène ne t'a pas rendu riche ?"
Le regard du géant se teinta d'amusement.
"Et c'est toi qui me pose la question ? Non, je ne suis pas riche, mais te faut-il vraiment une raison ? Tu as changé, Rekk, mon ami. Il n'y a jamais besoin de raison pour verser le sang. Les applaudissements et les hurlements de la foule nous suffisent !" Il cracha sur le sol sans se départir de son sourire. "Fini de parler, Rekk, ou qui que tu sois. Défends ton titre de meilleur épéiste que l'Empire ait jamais connu !"
Le gigantesque espadon s'abattit.
Les épées s'entrechoquèrent, et Malek repoussa Shareen derrière lui d'une main péremptoire.
"Ne te mets pas dans mes pattes !" cracha-t-il alors qu'Eleon revenait à l'assaut.
La rapière paraissait vivante dans les mains du mince assassin. Elle dansait dans la lumière des torches, et semblait disparaître pour réapparaître à l'endroit où Malek l'attendait le moins. Pourtant, le jeune noble était content, et la confiance remontait lentement en lui. Depuis plus d'une minute qu'Eleon lançait des assauts de plus en plus rapides et violents, il était encore en vie. Finalement, si on parvenait à oublier sa peur, tout était comme à l'entraînement. Malek plissa les yeux, cherchant à anticiper les mouvements de son adversaire en lisant dans ses yeux. L'homme tentait de surveiller Shareen du coin de l'?il, et ça le déconcentrait.
La rapière se porta sur sa gauche, et il contra. Elle vint lui balafrer le visage, mais il fit un pas de côté. Elle siffla vers son bas-ventre, et il la dévia d'un mouvement de poignet. Sa riposte obligea Eleon à reculer. Il ne souriait plus.
"Maudit gamin !" gronda-t-il.
Malek haussa les épaules.
"Je suis la première lame de l'Académie de Musheim. Je ne peux pas perdre contre un minable petit assassin."
Il se fendit, et Eleon bondit en arrière pour ne pas se faire embrocher.
Le Banni se jeta de côte, et la lourde lame pulvérisa la chaise qu'il avait occupé, quelques minutes avant. Ou était-ce quelques heures ? Il n'avait plus aucune notion du temps, mais Dani était toujours effondrée dans un coin, immobile. Il espérait qu'elle allait bien.
"Alors c'est comme ça, n'est-ce pas ?" murmura-t-il, se penchant en avant.
L'espadon revenait déjà à l?attaque, beaucoup plus rapidement qu?il l?avait prévu en comptant sur la lourdeur de l?arme. Prenant sa propre épée dans les deux mains, il para le coup, déviant la lame vers le bas, et dansa sur le côté.
"Trop lent, gladiateur, trop lent !"
Malgré sa bravade, ce fut un véritable effort que de maintenir son visage impassible alors que son bras s'engourdissait. Il tendit son arme pour riposter, mais l'espadon remonta vicieusement vers lui. De nouveau, il dut interrompre son attaque pour esquiver d'une habile feinte de corps. Il bondit par-dessus la table et retomba souplement sur ses jambes. La table explosa sous l'impact de l'assaut suivant.
"L'avantage de cette arme" gronda le géant, préparant sa nouvelle attaque, "c'est qu'elle ne te donne aucun répit. Tu cours trop ! Tu te fatigueras avant moi, Rekk."
L'espadon s'abattit de nouveau, et l'épée du Banni s'interposa de nouveau au dernier moment pour dévier l'assaut.
"On parie ? Chante avec moi !"
Il baissa la tête alors que la lourde lame sifflait de nouveau vers lui.
"Chante avec moi !" répondit l?autre en écho, reposant son épée sur le sol avant de tenter un coup d?estoc.
"Chante avec moi, le sang et l?acier !"
Un coup d'estoc.
"Chante avec moi, le sang va couler !"
Un coup de taille.
"Je mangerai ton c?ur !"
Une parade, une feinte de corps.
"Je boufferai ton foie !"
Une feinte au visage, bloquée de justesse.
"Il n?y a qu?un seul vainqueur !"
Un pas de côté et un assaut brutal.
"Et ce vainqueur?"
"C?est moi !" Rekk se fendit, frôlant la poitrine de son adversaire. Mais le coup avait été porté de trop loin pour être efficace.
"C?est moi !" Comeral engagea le fer brutalement, et repoussa Rekk à l?autre bout de la pièce.
Ils rirent tous les deux, dansant leurs lames au rythme de l'acier.
Shareen se leva doucement, tentant d'attirer le moins d'attention possible. Elle était une souris, une petite souris, et personne ne devait la regarder. Juste une souris, rien de plus. Sa main alla chercher, centimètre par centimètre, la dague que l'assassin avait laissé tomber sur le sol.
Eleon ne lui accordait plus un regard. Il était focalisé sur Malek, comme hypnotisé, et sa rapière ne bougeait plus aussi vite qu'avant. La sueur coulait sur son visage émacié. Il ne cherchait plus à presser son adversaire mais, au contraire, reculait pied à pied. Ses parades étaient de plus en plus désespérées, alors que le jeune noble poussait son avantage.
"Cette fois-ci, je vais t'avoir !" exulta Malek en bondissant en avant, balayant la lame de son adversaire.
Le poignard siffla sous sa garde, et s'enfonça de deux pouces dans son flanc. Le noble hurla et recula d'un pas, stupéfait.
"Il ne faut pas vendre la peau de l'Eleon avant de l'avoir tué, petit Malek" sourit l'assassin, la main gauche encore étendue après avoir lancé son couteau. "On s'expose à de mauvaises surprises."
"Je?" murmura Malek, et une bulle de sang éclata aux commissures de ses lèvres.
Eleon s'avança pour la mise à mort.
"Tu me déçois, Boucher !" gronda Comeral, allongeant une nouvelle botte. "Il paraît que tu as tué huit hommes à toi tout seul, lorsque tu étais à Carnogel. Tu étais meilleur que ça, lorsque tu les as battus. Montre-moi ce que tu as dans le ventre, si tu ne veux pas que ce soit moi qui t?éviscère ! Montre-moi que tu es vraiment le grand Rekk !"
Entre deux parades, Rekk parvint à hausser les épaules. Il ne répondit pas, économisant son souffle
"L?élève dépasse le maître, alors ?" tenta de nouveau le géant.
Le Banni profita de la brève pause dans les attaques de son adversaire pour se jeter en avant. Son épée s?abattit vers la tête de son adversaire, et Comeral leva son arme pour bloquer. Mais Rekk lâcha son arme, pivota, la rattrapa de la main gauche et frappa d?estoc à la poitrine. Le sang gicla pour la première fois.
"Tu parles trop, Comeral. C'est un défaut fatal, chez les gladiateurs."
Le géant recula d?un pas, fixant avec étonnement la tache rouge qui s?agrandissait sur son pourpoint.
"Tu as raison, je n?aurais pas dû te sous-estimer comme ça" murmura-t-il. "Ce mouvement? c?était magnifique?" Il se remit fermement en garde. "Ce n?est pas fini, Banni ! Ce n?est qu?une égratignure, et tu es épuisé ! Cet assaut sera le bon !"
Sans répondre, Rekk se remit en position, les yeux en alerte. Le cri de Dani le prit complètement par surprise.
"Meurs !" hurla la grosse femme, son arbalète de nouveau pointée vers Comeral.
Elle avait du sang sur le front, et son nez était brisé, là où Comeral l'avait frappée de l'épaule. La douleur devait être insupportable. Pourtant, elle se tenait droite, le lourd carreau pointé sur le large dos du chasseur de primes.
A cette distance, elle ne pouvait pas rater sa cible. Dans cette position, Comeral ne pouvait pas se protéger. Il s'en rendit compte au moment où le trait partait, et ses yeux s'agrandirent d'horreur. Il banda ses muscles comme pour repousser le carreau par la simple force physique, mais le carreau s'enfonça brutalement entre ses omoplates, ripant sur l'os pour perforer la chair.
"Je?" balbutia le géant, avant de mettre un genou en terre. Ses yeux étaient voilés par la douleur, et sa respiration se fit hachée. Le lourd espadon glissa de ses doigts sans forces.
Rekk s'approcha de lui, le visage sans expression. Il tourna autour de l'ancien gladiateur, observant d'un ?il d'expert l'angle de pénétration du carreau. C'était un tir magnifique. La robuste constitution du géant ne pouvait le protéger. La blessure était gravement handicapante. Elle serait mortelle si personne ne la soignait. Même avec des soins, l'homme pourrait perdre l'usage de ses jambes.
Le Boucher s'accroupit, et son épée vint se poser avec douceur sur la poitrine du colosse.
"Les spectateurs ont décidé, Comeral. C'est la mort qui t'attend." Il leva le pouce puis, lentement, le baissa jusqu'à ce qu'il désigne le sol.
"Je voulais?" commença le géant.
Rekk ne le laissa pas finir. Dans un mouvement fluide, il lui passa son épée à travers le corps. Le géant tomba comme une masse.
"Le sang est versé, les dieux sont apaisés" fit le Boucher. Une phrase rituelle qu'il n'avait pas prononcée depuis plus de trente ans, depuis qu'il avait quitté les arènes.
"Je voulais? un vrai duel" gargouilla Comeral. Il cracha un peu de sang, puis ne bougea plus.
Shareen se mordit la lèvre. Elle était tellement convaincue que Malek gagnerait? Mais Eleon avançait sur lui, et sa rapière avait l'air tellement menaçante. Elle n'avait qu'une dague, elle ne pouvait rien faire. Instinctivement, elle se recroquevilla dans le coin qu'elle occupait, priant contre toute attente pour qu'il ne la remarque pas.
"Quelle pitié" murmura l'assassin.
La jeune servante sursauta. Il parlait de Malek, bien sûr, mais les mots lui fouettèrent le sang. Malek avait pris sa défense, au péril de sa vie. Elle n'allait certainement pas rester les bras croisés sans rien faire. Si seulement elle avait appris à se battre lorsque Deria le lui avait proposé !
Serrant les dents jusqu'à ce que ça devienne douloureux, elle se leva et se plaça sur le chemin du tueur. Ses mains serraient la dague qu'elle avait récupérée. Un calme étrange descendait sur elle. Comme lorsqu'elle avait galopé pour la première fois, comme une bulle piquée par une épingle, la peur s'était évanouie. Il n'y avait plus en elle qu'une certitude amère de sa mort alors qu'elle levait son arme dérisoire.
"De mieux en mieux." Eleon resta un instant à la regarder, une grimace incrédule sur le visage. "La petite chatte trouve ses griffes. Il ne manquait plus que ça."
"Vous ne toucherez pas à Malek."
"Mais si, j'y toucherai. Et je te tuerai aussi, au passage. Alors sois raisonnable, lâche ce cure-dents, et laisse-toi faire tranquillement. Je te promets que ce sera sans douleur."
"Pas question"
Shareen se sentait froide de l'intérieur, comme si un glaçon poussait dans sa poitrine. Lorsque l'assassin bougea, elle le sentit à peine venir. Comme dans un rêve, une main s'abattit sur son poignet et la força à lâcher son arme.
"Tu vois, qu'est-ce que je te disais ?" fit gentiment Eleon. "Ca ne sert à rien de se battre. Tu es née pour être une victime et une otage. Tu ne peux rien y changer"
"Elle est née, et tu es mort" fit une voix froide dans l'embrasure de la porte.
Eleon se retourna brutalement. Sa dague était posée sur le sein de la jeune fille, et Shareen poussa un hurlement de frustration.
"C'est toi, le garde du corps, je suppose ?"
"C'est moi. Lâche la fille, et bats-toi"
Si Rekk avait paru dangereux depuis le premier moment où ils l'avaient vu, c'était la première fois que l'impression était aussi puissante. Ses yeux exprimaient une lassitude intense, mais aussi une violence si tangible qu'Eleon recula de deux pas avant de se reprendre.
"Me battre ? Si tu es là, c'est que tu t'es débarassé de Comeral d'une manière ou d'une autre. Non, je n'ai pas l'intention de me battre contre quelqu'un qui a vaincu quelqu'un comme lui. Moi, je suis un homme simple. Je cherche simplement à collecter une récompense pour prendre une retraite agréable. L'or, la boisson, les filles? toutes ces choses"
"La mort de ton compagnon n'a pas l'air de te peser."
"Comeral était un abruti à l'honneur hypertrophié. Je ne ferai pas la même erreur que lui. Un pas de plus, et je tue la fille." Rekk sourit, et avança d'un pas. Eleon recula. "Lâche ton arme. Je te jure que je vais l'égorger. Lâche ton arme, si tu veux la voir vivre"
Rekk haussa les épaules
"Non."
Eleon se lécha les lèvres.
"Non ?"
"Non. La vie de cette fille m'importe peu. Tue-la, si tu veux." Il sourit méchamment. "Mais si tu tues Shareen, tu seras mort avant d'avoir retiré ton poignard. Regarde mes yeux, et crois-moi. Je suis Rekk le Démon Cornu, Rekk le Boucher, et je suis revenu d'entre les morts."
Le silence dans la pièce était assourdissant. Malek hoquetait dans un coin, oublié de tous, ses mains pressant fébrilement sa blessure pour endiguer la perte de sang. Eleon se lécha les lèvres.
"C'est une plaisanterie, j'espère"
Rekk se fendit de nouveau de son ignoble sourire.
"Je compte jusqu'à trois. Un?"
Eleon regarda frénétiquement autour de lui. Il avait une otage. Normalement, il aurait dû avoir le contrôle de la situation ! C'était toujours comme ça, lorsqu'on avait une otage ! Alors pourquoi se sentait-il aussi oppressé, comme par la certitude de sa propre mort ?
"C'est ridicule" piailla-t-il. "Je t'ai dit de jeter ton arme !"
"Deux?"
Eleon recula d'un pas, entraînant Shareen avec lui. Un étrange tic nerveux agitait sa joue alors que Rekk avançait sur lui.
"Démon Cornu ou pas, je te ferai connaître l'enfer? un jour" cracha-t-il.
D'une violente poussée, il projeta la jeune fille vers Rekk et bondit vers la fenêtre. Le Boucher se lança à sa poursuite, mais il trébucha sur Shareen et poussa un juron alors que ses bottes entaillaient la peau de son front. S'accrochant comme un chat au mur, Eleon se? disloqua, il n'y avait pas d'autre mot. Ses os jouaient les uns contre les autres alors qu'il se pliait d'une manière impossible. La tête en avant, il disparut par la petite lucarne. Rekk poussa un juron.
Et le calme revint.
Rekk resta un instant à regarder Malek sur le sol, puis il poussa un soupr exaspéré et s'agenouilla pour lui offrir son épaule. Grâce à ce support, le jeune blessé parvint à descendre les escaliers, Shareen sur ses talons.
La maison était un véritable champ de bataille. La table était brisée par le milieu, les chaises étaient réduites en morceau. Il y avait une armoire renversée et éventrée, et plusieurs bouteilles s?étaient brisées également. Deux des lourdes colonnes de bois qui soutenaient le toit avaient été à moitié sectionnés par les violents coups d?espadon de Comeral.
Et, bien sûr, il y avait Comeral lui-même, affalé dans un coin de la pièce, une flaque de sang se formant sous son corps imposant.
"Deesse Laineuse?" fit Dani, ouvrant et refermant la bouche comme un poisson. Il ne fallut que quelques secondes pour qu?elle se ressaisisse, cependant. La grosse femme avait probablement vu pire, vécu pire. "Vous avez de la chance que le Guet ne s?aventure jamais dans cette portion de la ville. Mais on peut rencontrer bien pire, par ici. Poussez le corps sous ce tas de couvertures, vite, vite !" Elle se pencha avec inquiétude sur la blessure de Malek, mais se releva rapidement, soulagée. "Vivent les cottes de mailles, eh, mon garçon ? Ah, cesse de faire ton blessé comme ça, la lame n'a presque pas pénétré. Beaucoup de sang, mais pas grand-chose de grave. Tu auras du temps pour panser tes blessures plus tard, petit, pour l?instant viens m?aider à mettre ce grand échalas dans ma cave. On ne peut rien faire pour la porte, helas. Si c?est pas malheureux, du bon bois comme ça. Je vais nettoyer toutes ces saletés. Rekk, tu surveilles si ce monstre répugnant ne revient pas menacer la petite" Elle eut un sourire réconfortant pour la jeune fille. "Ca va, gamine ? C'est vraiment une manie chez ces brutes de s'attaquer aux faibles femmes."
Il était évident par son ton qu'elle parlait d'elle aussi. Elle cracha dans un mouchoir et essuya le sang qui coulait de son front. Shareen avait du mal à l'imaginer dans le rôle de la faible femme.
Quelques minutes sous la direction de l?énergique bonne femme suffirent pour que la maison retrouve un semblant de calme. Comeral fut traîné à la cave, et Shareen s?empara de son épée. Elle gémit devant le poids.
"Son arme pesait des tonnes ! Comment faisait-il pour la manier ?"
Rekk avait le regard dans le vide.
"Il s?est toujours battu avec des armes plus grandes que lui" fit-il d?une voix monocorde. "Ca plaisait à la foule, alors les entraîneurs de gladiateurs ont encore plus accentué ce côté. Il a dû commencer gamin, plus jeune que vous encore, mais déjà il devait manier des armes de cette taille, ou presque. Pour le spectacle". Il cracha. "Quel gâchis"
"Et cet Eleon, vous le connaissez ?"
"Pas du tout. Mais je le retrouverai avec plaisir pour lui trancher la gorge"
"Il ne reviendra probablement pas. Ca m?a l?air d?être le genre de personnes à ne pas prendre de risques, et utiliser les autres pour arriver à ses fins" fit Malek, maussade. "Regardez ça ! Je saigne encore !"
Dani lui sourit, un sourire plein de fierté de grand-mère attendrie, et elle parut belle, un instant, ainsi illuminée.
"Tu as fait quelque chose de bien, gamin. C?est rare de rencontrer des gens capables de se mettre en danger pour une autre personne qu?eux mêmes. Celui-là" Elle désigna Rekk «? n?en a jamais été capable. C?est sa plus grande force, mais c?est aussi sa plus grande faiblesse" Rekk ne répondit rien. "Viens par ici, petit, je vais m?occuper de tes bandages. C'est impressionnant, mais rien de plus. Dans une semaine, il n?y paraîtra plus."
"Une semaine ?" glapit Malek.
"Dans une semaine, je compte bien être loin d?ici" fit Rekk d?un air sombre. "Je ne pensais pas que revenir ici serait si difficile, ni que tant de monde serait après moi. Je suis venu accomplir une vengeance, et les obstacles ne cessent de s?accumuler" Il soupira. "J?espère vraiment que tu vas pouvoir m?aider, Dani. J?ai vraiment besoin de tes informations. Je dois savoir tout au sujet de ce meurtre. Dani?"
La grosse femme le regarda un instant, pensive.
"Ma parole, c?est que c?est bien la première fois que je le vois aussi suppliant, le Rekk ! Toujours si sûr de lui et si arrogant ! Aaah, l?humilité, ça ne te fera pas de mal." Elle hocha la tête. "A toi, je ne dois rien. Déjà il y a quinze ans, ce n?était que du souci de te connaître, et aujourd?hui, ma vie est de nouveau en danger à cause de toi . Mais je vais essayer de t?aider, pour la petite. Parce qu?aucune fille ne mérite de mourir aussi jeune, et que tous les violeurs du monde devraient brûler en enfer."
Rekk s?assit sur la seule chaise en bon état et soupira.
"Je suis désolé des troubles que je cause. Je te paierai, bien sûr, lorsque tout ça sera terminé. Mais j?ai vraiment besoin de savoir. Il faut que je sache comment ma fille est morte"
"Je ne suis pas sûre qu?on devrait parler de ça ici. M?est avis qu?on ferait mieux de quitter cette maison au plus vite, avant que l?autre fou ne revienne avec un nouveau géant sous ses ordres." Elle rougit devant le regard insistant de Rekk. "Oh, bon, d?accord. Je vais voir ce que je peux faire, Banni, dès ce soir. J?ai des oreilles qui traînent un peu partout. Je suis la petite maîtresse des rumeurs, tu te rappelles ? Bien sûr que tu te souviens, puisque tu es venu ici. Mais je te dis, même comme ça, ça ne sera pas facile. Les filles qui disparaissent, c?est plutôt fréquent, depuis un an. A la nuit tombée, il ne fait pas bon se promener dans le Centre Ville, je te le dis"
"Il n?a jamais fait bon se promener dans le Centre Ville"
"Pour ceux du dehors, oui. Mais quand on habitait le quartier, on n?avait pas trop de problèmes. Alors que là?" Elle haussa les épaules machinalement, et resserra son châle comme si elle avait froid. "Il ne fait plus bon être une femme, par ici. Même si, personnellement, je n?ai jamais eu de problèmes"
"Je peux repasser demain, alors, Dani ?"
"Oui, oui, repassez demain, j?aurai du nouveau. Mais ne venez pas ici. Il faudra que j?abandonne cette maison, bien sûr. Avec l?autre fou qui sait où j?habite, je ferais des cauchemars, et je n?aime pas ça. Faire des cauchemars. Je vais devoir changer d?endroit. Ca faisait vingt ans, que je vivais ici. Vingt ans ! Tout passe, tout passe" Elle se frotta les yeux, se refusant à pleurer.
Shareen la regarda avec un respect nouveau. Cette femme était formidable ! Elle avait un caractère en acier trempé, mais elle ne cachait pas non plus ses émotions comme Rekk le faisait. Elle était humaine, et puissante à la fois. Elle était tout ce qu?avait été Deria, d?une certaine manière. Elle comprenait que Rekk lui faisait confiance. Elle baissa la tête. Elle-même n'avait même pas été capable de se protéger. Elle n'avait été qu'un poids pour Malek durant toute l'échauffourée. Il était temps que ça change.
"Je suis désolé pour tout" fit Rekk, plus proche de la gêne qu?il ne l?avait jamais été.
"Ne le sois pas, ne le sois pas. A tout le moins, tu arrives à mettre de l?animation dans ma vie. C?est déjà ça" Elle eut un sourire nostalgique. "Tu te souviens, lorsque nous avions démantelé le réseau de contrebande concurrent et que? mais, je radote, je radote. Bon, il est temps que tu y ailles. Vous avez fait beaucoup de bruit avec toutes ces histoires. Même dans le Centre-Ville, il est possible que quelqu'un ait prévenu?" Sa voix s'affaiblit alors qu'elle entendait brusquement le bruit d'innombrables bottes qui couraient dans la rue "...la garde."