un petit up de circonstance
Maurice G. Dantec, auteur de polars, s'affiche avec l'extrême droite
LE MONDE | 22.01.04 | 13h44
Maurice G. Dantec écrit des policiers à succès chez Gallimard, comme Les Racines du mal ou Babylon Babies ; un "journal métaphysique et polémique", intitulé Le Théâtre des opérations. Et plus récemment, des lettres ouvertes au Bloc identitaire, descendant du mouvement d'extrême droite Unité radicale, dissout après l'attentat manqué contre le président de la République, Jacques Chirac, le 14 juillet 2002.
Dans deux courriers adressés aux "identitaires", l'écrivain exprime, outre ses meilleurs v?ux pour 2004, ses convergences avec le mouvement. Certes, il ne partage pas sa "conception de la civilisation américaine", ni "l'importance stratégique du royaume d'Israël dans notre lutte contre l'Antéchrist coranique". Mais M. Dantec a apprécié une initiative récente du Bloc identitaire, qui a interpellé Jean-Claude Dassier, patron de LCI, à la suite d'une interview parue le 4 décembre dans Libération. M. Dassier y affirmait que, dans le recrutement du personnel,"à compétence égale", il choisissait le candidat "black ou beur". Un propos ensuite démenti par le patron de LCI dans une réponse adressée au Bloc identitaire. Mais, pour Maurice G. Dantec, "l'ignominie raciste-antiblanc des autocrates de LCI" lui est insupportable, et il l'écrit au Bloc. "Votre combat, sans doute bien difficile, pour empêcher la dissociation de la France, l'islamisation de l'Europe, la dissolution de l'Occident (le vrai), me touche profondément", explique-t-il.
Le romancier-essayiste explique aux "identitaires" qu'il s'est exilé au Canada, il y a six ans, "par volonté de protéger -sa- famille des exactions de nos amis les Chances-pour-la-France" (allusion à L'Immigration, une chance pour la France, un ouvrage de Bernard Stasi en 1984). Il a vécu en banlieue Sud, précise-t-il. C'est dangereux, la banlieue Sud, selon lui, alors pour sa fille de deux ans Maurice G. Dantec a préféré "les ours du Nord-Québec" aux "bêtes sauvages".
"CULTURE OFFICIELLE"
L'auteur a aussi félicité le Bloc identitaire pour sa mobilisation contre l'occupation, à Paris, de l'église intégriste Saint-Nicholas-du-Chardonnet par 200 sans-papiers le 8 décembre. Une occupation assimilée par M. Dantec à des "tentatives de "nettoyage ethnique" antichrétiennes". M. Dantec a récidivé, le 21 janvier. Il s'attendait, dit-il, à une réaction "plus ou moins violente, plus ou moins ouverte, des propagandistes de la culture officielle".
"La maison Gallimard est, paraît-il, depuis ce matin débordée d'appels et de mails demandant CONFIRMATION que ce salaud d'écrivain nazi-sioniste-chrétien s'est bien compromis avec de méchants fascistes nationalistes français, entre autres choses parce qu'il en a marre de voir les "sans-papiers" venus du Kurdistan, d'Irak ou de la Moldo-Slovaquie orientale "occuper" systématiquement les églises catholiques de ce pays, mais pas une seule mosquée."
Il assure que "Le Nouvel Obs et sa hantise du complot "judéo-nazi" a fait des émules : ils écoutent du rock alternatif, votent Vert et lisent en boucle Jean-Paul Sartre depuis leur enfance". Il annonce aussi un troisième courrier, portant cette fois sur ses profonds désaccords avec les "identitaires". Le mouvement d'extrême droite se réjouit, évidemment, de cette publicité inespérée. Le Bloc identitaire s'était pris par avance, dans un communiqué, aux "journalistes pravdistes reconvertis imams", qui "décident ce qui est hallal et ce qui ne l'est pas". "Nous sommes entrés en contact avec Dantec grâce à un vrai travail en réseau, explique Fabrice Robert, un des leaders du Bloc. Il est proaméricain et prosioniste, ce qui n'est pas notre cas, mais on est d'accord sur un point : il faut faire barrage à l'islam."
Chez Gallimard, les propos de l'écrivain ont évidemment suscité la consternation. "A titre personnel, je suis catastrophé, étant contre toutes les opinions qu'il exprime", soupire Patrick Raynal, directeur de la Série noire. Maurice G. Dantec a confirmé à son éditeur, mardi 20 janvier au téléphone, qu'il était bien l'auteur des deux courriers. Joint jeudi 22 janvier par Libération, l'écrivain a déclaré qu'en France "tout acte de défense de l'identité culturelle est désormais considéré comme une avancée du nazisme international. Ca veut dire quoi, groupe d'extrême droite ?"
Piotr Smolar